« L'innocence d'une frêle main peut chambouler toute une âme »
En cette paisible, non, plutôt agréable après-midi printanière, je me sentais renaître. D'une matinée démarrée mollement, sans aucune motivation, ni même sans le moindre espoir d'embellie et de profit d'une quelconque source de joie, j'étais passé à un après-midi ensoleillé. Ce qualificatif pouvait aussi bien s'appliquer au temps dont faisait montre, avec arrogance et à juste titre, cette journée, mais également à mon cœur, même si toute fois, ce terme n'était pas encore totalement vrai. En effet, " ensoleillé mais couvert ", était une formulation des plus appropriée pour la circonstance, mais pour moi, c'était toujours beaucoup mieux que mon état d'esprit dans lequel j'étais quelques temps auparavant en posant les pieds en ce lieu de festivités. Aurais-je vraiment cru que je ferais une rencontre fortement appréciable si quelqu'un me l'avait dit ? Le spleen qui me tenait tyranniquement entre ses griffes s'était envolé à la seconde où ce vieil homme m'avait appelé pour venir en aide à une inconnue qui désirait une peluche à un jeu de tir. Avait-il fait ça par pur altruisme ou avait-il tenté d'utiliser ce prétexte pour attirer le premier pigeon venu , se sentant une âme de jeune prince galant, pour le détrousser jusqu'à la moelle ? Si tel avait été le cas, il devait bien être déçu de sa tentative sur moi et cela me fit bien rire intérieurement.
Un flot diffus de sentiments diverses et variés se bousculaient en moi. Bonheur, tristesse, excitation, réserve, angoisse, manque, enthousiasme, euphorie, je ne pouvais pas mettre le doigt sur l'un où l'autre. Chaque tentative se soldait par un échec laissant place à un autre sentiment et son lot de pensées toutes aussi brouillon et diffuses. Toutefois, je ne voulais pas me laisser aller et très vite, je décidais de me contenter de vivre l'instant présent sans me poser de question. Ma mère m'avait toujours dit qu'être naturel, c'était la meilleure manière de se faire des amis, même s'il était plus aisé de l'être avec certaines personnes que d'autres. De toutes les façons, je n'avais pas besoin de me forcer, mon coeur me le dirait et le tout s'imposerait de lui-même...
Lorsque Chiho s'était adressée à Hikari, cette dernière l'avait fixée un bref instant, la jaugeant, avant de lui adresser un pouce levé. Elle s'tait ensuite remise à vaquer à ses occupations sur mes épaules, s'extasiant de diverses choses qu'elle pointait du doigt, tout en communiquant avec Asobu. Lorsque la jeune femme me dit son âge, je ne sus et ne saurai dire pourquoi, mais je fus comme emporté. Je me sentais heureux et ce fut aussi le cas pour son appartenance à la Pokemon Community. Peut être était-ce que je me disais qu'une amitié pouvait vraiment naître, en tout cas, c'est ce que je me plais à croire jusqu'à présent. A sa question, je ne m'étais contenté que de répondre d'un simple signe de tête timide. Effectivement, j'étais nouveau. Elle devait être du premier semestre, moi du second. Devais-je l'appeler senpai ? Comment devais-je me comporter vis-à-vis d'elle ? NATUREL ! Ce mot tonna dans mon esprit et je m'y focalisais, l'adoptant comme loi divine.
Ivy et Robyn ? Deux prénoms qui leur allaient à ravir. Je leur adressais un sourire des plus sincère. J'aimais les Pokemon et n'avait aucun problème avec eux. Je ne pu m'empêcher de la détailler un peu. Pyrolli hein ? Elle n'avait pas l'air de ressembler de l'idée que je me faisais des Pyrollis. Elle avait plus l'air d'une intellectuelle que d'une sportive. L'image de celle qui se faisait appeler "Général Jackie" me fit un frisson dans le dos. Chiho qui subissait ses ordres et se pliait à chacun d'eux ? Non, décidément, je ne pouvais m'y résigner. Elle semblait bien trop douce et trop pure pour cela, trop... femme. Cependant, je ne dis rien du tout, ne voulant pas la vexer ou passer pour un rustre, même si ma curiosité pressait tout un tas de question au portes de ma bouche.
J'avais alors remarqué que le Caninos semblait contrarié par la peluche à son effigie que je transportait. Je rigolais alors qu'elle le recadrait.
" Il n'y a aucun problème, il a le droit de s'exprimer, mais tu sais Robyn, ce n'est qu'une peluche, elle ne t'attaquera pas plus que ce magnifique Suflura ou ce mignon petit Suicune... "
Nous étions donc finalement arrivés près de ces stands alimentaires et je l'avais invitée à manger quelque chose. Ma demande avait été timide et maladroite, mais j’espérais vraiment qu'elle accepte et c'est ce qu'elle fit, pour mon plus grand bonheur.
« Si tu en es certain, c'est d'accord. Mais je te préviens que Robyn a un sacré appétit ! »
Je ne pus m'empêcher de rigoler bêtement pour toute réponse, reprenant la marche en signe d'approbation. L'adolescente souriait, respirant la vitalité. Elle était vraiment différente de toutes ces personnes que j'avais pu croiser. Plus je la regardais et plus je ne m'empêcher de l'admirer. Elle était si naturelle, si simple. Je me disais qu'elle devais se faire des amis facilement.
« Ouaaah ! Viens voir ça !
-...»
Je n'avais pas eu le temps de répondre qu'elle avait saisi un bout de mon large gant pour me montrer un marchand ambulant qui semblait vendre des ballons, mais tout sembla se passer si vite que je n'arriverait même pas à vous décrire parfaitement la scène. Dans la foulée, elle m'avait attrapé par la main, me tirant à sa suite. Nos doigts s'étaient entremêlés et le rouge me monta violemment au visage. Si j'avais été une attaque de type feu, je crois que sur le moment même, ce serait l'Eruption d'un Camerupt. Mes joues, non, mon visage s'était embrasé. Mon cœur battait la chamade et mes yeux étaient rivés sur cette jonction de nos deux corps. Avait-elle conscience de ce qu'elle faisait ? Avait-elle fait ça volontairement ou pas ? Voulait-elle m’embarrasser ou était-elle vraiment tellement innocente qu'elle avait agit sans nulle autre pensée que le néant de la naïveté qui semblait la caractériser ? Je ne savais que faire ni que dire, mais j'aimais cette sensation, même si elle me dépassait de loin. C'était la première fois que je tenais une fille par la main et que ce soit volontaire ou maladroit, je ne pouvais m'empêcher de me sentir heureux. Nous nous arrêtions. Le monde alentours avait disparut et ma focalisation restait inchangée. Malheureusement ou heureusement, vint le temps de la fin et nos doigts se démêlèrent, nos mains se séparèrent. Je restais un instant interdit, puis mon cerveau se remit à fonctionner. Le monde semblait s'élargir, les bruits se firent de plus en plus précis à mes oreilles et tout sembla reprendre sa place à ceci près que j'étais toujours aussi rouge. Ce qui avait remis la machine en route, n'était autre qu'une tape d'Hikari sur mon crâne. Jalouse ? Elle ? Non pensez-vous...
Nous étions alors devant un stand de grillades. Le cuistot s'adonnait à un spectacle de cuisine en faisant rôtir viandes et poissions grâce à un brasier entretenu par un Flamoutant semblant maîtriser son sujet. Je ne pus m’empêcher de les admirer et de me demander si je pourrais un jour avoir une synergie parfaite avec mes amis et notamment ma chère Hikari. Après un instant d'hésitation, toujours gêné, je me résignais à dire mot.
"Euh... Tu... Enfin... Je veux dire... Si quelque chose te fait envie, ne te retiens pas, passe ta commande, je me servirai au même stand que toi, je ne suis pas difficile. Après, on pourra se poser en tête à tête, euh non ! Enfin... Je veux dire tous les deux... Euh, tous les six plutôt, sur une des table-banc là-bas, il y en a quelques-une de disponibles... Enfin... Si tu veux..."
Je baissais alors les yeux, les joues flamboyantes de timidité et honteux de ne pas pouvoir m'exprimer convenablement, honteux de ne pas pouvoir me contrôler. Je risquais toutefois un coup d'oeil dans sa direction alors qu'Hikari trônait déjà sur le comptoir, absorbée par je ne savais trop quoi et qu'Asobu essayait de trouver un moyen de la rejoindre.
" Commande ce que bon te plaira, tu es mon invitée. "
La spontanéité de mes dernières paroles me tira un sourire et me réconforta quelque peu. Je n'étais peut être pas un cas si désespéré après tout...