« Qu'est-ce que tu fais là, flemmarde ? Allez, hop, debout ! On se fait un course. »
« Mais tu es en train de salir tes vêtements ! Lis au moins un magazine, t'auras une bonne raison, comme ça. »
« Oh, mais on dirait que tes habits ne seront plus réutilisables, quel dommage ! On dirait bien que tu va devoir m'accompagner pour ma tournée shopping, demain. »
« Que y a-t-il ? Allez, dis à tonton Kaykay. »
« Une clope ? »Des voix. Elle entendait des voix. Ils l'appelaient, la grondaient, lui parlaient.
Et ses parents ? Qu'auraient-ils dit, eux ? Pas ça en tout cas. Juste rien. Ils n'étaient jamais là. Pourquoi ? Elle ne l'a jamais su. Alors rien ne l'empêchait de rester comme ça plus longtemps. Un petit peu.
Mais s'ils étaient là ? Comment aurait-ce été ? Des réprimandes. Voilà ce qu'elle aurait voulu. Parce que ça lui aurait donné une valeur. Une raison pour laquelle elle aurait été créée.
Certains enfants n'aiment pas être grondés. Encore moins par leurs parents. Elle, elle aurait voulu. Juste une fois, pour qu'ils lui prouvent qu'elle compte à leurs yeux, qu'ils se préoccupent d'elle. Voilà sa définition à ce mot.
La jeune fille sursauta soudainement. Elle avait entendu des bruits de pas.
Elle ne voulait voir personne. Alors d'un mouvement chancelant, elle se releva, et prit un couloir pour s'éloigner de ce qui annonçait une once de vie, là, sous terre.
Était-ce un rêve ? La réalité ? Une hallucination ? Elle ne savait pas. Elle ne voulait pas le savoir.
Au fil des mètres, elle avait commencé à courir. Elle ne savait pas trop pourquoi. Ses jambes avaient agi seules. Ou serait-ce plutôt son cerveau ? Sûrement l'un des deux en tout cas.
Le son des pas fut remplacé par celui d'une respiration rapide. Hope était essoufflée.
Elle s'était arrêtée et regardait à présent autour d'elle. Le couloir était plus large que les autres, serait-elle retournée au couloir principal ?
Un bruit d'eau qui coule attira son attention. Il venait de l'autre côté du mur. Elle posa sa main sur la paroi qui les séparait, et avança prudemment, de peur de s'éloigner de la provenance du son. Elle ferma les yeux pour mieux l'entendre. Une dizaine de mètres et sa main lui indiqua qu'il y avait un passage. Elle les rouvrit pour l'observer. Il était étroit. Elle s'enfonça dedans.
Une odeur exécrable parvint à son nez. Elle resta immobile plusieurs minutes au bout du passage. Elle observait ce qui se dressait devant elle aucunement dérangée par la puanteur des lieux. Elle en avait plus ou moins l'habitude.
Les égouts. Le souterrain était relié aux égouts. Des murs et des sols bétonnés se trouvaient devant elle. Une eau grise par la saleté coulait dans la rivière artificielle. Des déchets jonchaient le sol et flottaient sur le liquide. Une légère lueur provenant du plafond annonçait qu'il y avait une bouche d'égout un peu plus haut.
Hope longea le canal. Il n'y avait pas de barrière, mais elle ne voulait pas se risquer de tremper ses jambes dans cette eau regroupant sûrement les résidus de toute l'île.
Au bout d'un certain temps, elle finit par trouver un morceau en béton qui pourrait faire office d'un semblant de pont et qui lui permettrait d'arriver à l'autre rive. Quelques algues le recouvraient.
Elle posa un pied pour essayer sa solidité et arriva à la conclusion que il l'était, mais que les végétaux qui le recouvraient le rendaient glissant.
Elle respira un bon coup malgré l'odeur qui régnait en ces lieux, et traversa comme le ferait un funambule. Les bras l'aidant à tenir en équilibre et les pied se posant l'un après l'autre, doucement.
À peine le premier mètre franchi, qu'elle manqua de tomber, mais elle se reprit rapidement. Elle n'était même pas à la moitié. Il fallait qu'elle se concentre. Il était trop tard pour reculer.
Elle ne connaissait pas la profondeur de l'eau. À cette pensée, elle jeta un regard en biais, la tête toujours droite. Mais aucun indice ne pu l'aider à savoir. Il ne lui restait plus qu'à se focaliser sur son équilibre du mieux qu'elle le pouvait. Un pied après l'autre. Solide.
Sur un fil
On marche sur un fil
Funambules imbéciles
On abîme nos vies fragiles
Sur un fil
On marche sur un fil
De vices en évangiles
Face au pile, ainsi soit-il
Circus – Sur un fil – 2012
Il restait un dernier mètre. Un seul. Elle se réjouissait d'atteindre l'autre rive. Alors elle prit la décision de sauter. Erreur fatale.
À peine avait-elle prit un peu d'élan que son pied glissa. Une insulte sortie de sa bouche. Elle tombait en avant et vers la gauche. Dans un dernier recourt, elle poussa son pied sur le pilier de béton. Elle ferma ses yeux.
La force fut assez forte pour qu'elle ne tombe pas à l'eau. Cependant, la chute ne fut pas des plus douces. Elle atterrit sur le ventre, son genou frappa l'angle que formait le béton. Ses pieds pendaient en l'air, au-dessus de la surface liquide.
Avec les muscles de ses bras, elle se hissa vers l'avant pour se mettre en sécurité. Quelques secondes après, elle s'assit, douloureusement. Mais ce n'était pas grave. Elle avait l'habitude.
Elle inspecta sa jambe. Rien qu'une petite égratignure. Un peu de substance rouge avait coulé, mais la plaie se refermera vite.
C'est à ce moment qu'elle remarqua le panneau indiquant la profondeur de l'eau. Deux mètres cinquante. Elle eut un frisson. Hope n'a jamais appris à nager.