« Se brûler les ailes »20 Décembre
Je m’écarte sur le côté, et me place en dehors du passage. La tête baissée, je me prépare à raccrocher.
« -Oui… J’ai juste un saut à faire. Je reviens ce soir. En…. Encore désolée pour… O-oui. D’accord. J’arrête…. Oui. A tout à l’heure, Mélissa… »J’abaisse mon téléphone, et mets fin à l’appel. Je prends ensuite le temps de le ranger dans mon sac, et au moment de lever les yeux, me retrouve nez à nez avec la façade du bâtiment.
L’hôpital d’Adala est vraiment grand. Cette structure là n’en représente qu’une aile… Je me demande, parmi ces murs, combien de gens sont actuellement en train de lutter pour leur vie. Combien ont été terrassés par leur état de santé, combien ont perdu tout espoir d’un jour retrouver, ou simplement trouver, une existence paisible…. ?
Combien, parmi ces gens, ont été la cible des manigances de Charlie ?
Nerveusement, l’emprise de mes doigts se resserre sur la lanière de mon sac. La lourdeur de mes paupières m’incite à les fermer pour ne plus les rouvrir, et m’abandonner à un long et léthargique sommeil : mais je dois lutter, et rester forte. Contrairement à d’autres… Je suis encore en parfaite santé.
J’ai cette chance. Je n’ai pas le droit de la gâcher.
Donc, je prends une profonde inspiration, et redresse le menton.
Puis pénètre à l’intérieur de l’hôpital.
Depuis quelques années maintenant, j’ai pris l’habitude des lieux. Je me souviens encore, de la première fois où j’ai mis les pieds dans une clinique… Tout me paraissait si grand, démesuré. La multitude de personnes, humaines, Pokémon, soignants, malades… Tout ça me donnait le vertige. Et si je me perdais dans ces couleurs, et que je n’arrivais plus jamais à repartir ? Ce serait terriblement angoissant, à n’en point douter.
Mais voila. Entre temps, Ginji est tombé dans le coma, et… J’ai pris le pli des visites. Naïvement, j’ai cru que son réveil sonnerait pour moi la fin de tels tragédies, mais…
Non. Ça n’a été que le début.
Enfin. Au moins maintenant, je ne suis plus angoissée. Du moins… Plus pour les mêmes raisons.
Après m’être adressée à l’accueil, je prends la direction des chambres. Mais avant même d’avoir quitté le hall, une voix mentale résonne dans mon esprit.
« -Lissaaaaaaaa ! Bonjour ma belle, tu vas bien ? »Une Gardevoir rose vient à mon encontre. Je m’immobilise, et lui souris. Après coup, je me dis qu’une telle expression doit encore plus creuser mes cernes, mais c’est trop tard.
« -Oui. Je suis si contente que Yuna se soit réveillée !... »La panique de Samedi me hante encore. La journée d’hier a à peine suffi pour que je m’en remette… Heureusement, ce délai a suffi à la TopDresseuse pour se rétablir, au moins partiellement, de ses blessures. En tout cas, elle n’est plus inconsciente, et cela constitue déjà un grand soulagement.
Je suis la Gardevoir, qui me guide jusqu’à l’emplacement de sa dresseuse. Sur le trajet, nous croisons des infirmières et infirmiers occupés, quelques personnes avec des perfusions ou des fauteuils roulants, ou d’autres comme moi, sans uniforme ou vêtement chirurgical, en simple visite.
Si le trajet en lui-même est silencieux, il ne durera pas bien longtemps. Stella finit par s’arrêter devant une porte, qu’elle ouvre, et dans laquelle elle m’invite à rentrer. Bien qu’un peu hésitante, mes pieds décident de passer outre mon anxiété et avancent immédiatement.
« -Bon… Bonjour, Yuna ? » C’est ainsi que je la découvre… Pas, puisque ma vue est obstruée par un armadas de Pokémon. D’ailleurs, il fait une certaine chaleur, dans cette pièce, en totale contradiction avec la température hivernale à l’extérieur… Bien qu’un peu intimidée, j’adresse un signe de tête à chacun d’entre eux, et m’avance au travers de la pièce.
« -Bonjour Lucifer. Bonjour Hestia. Bonjour Ama. Bonj... » Ok, pourquoi je me suis lancée dans cet exercice ? Je ne connais même pas leur nom, à tous ! Heureusement que j’entraperçois bien vite le lit de Yuna, et cette dernière, ce qui me permet de bifurquer de but en blanc.
« -Yuna ! » Je me précipite à son chevet en quelques secondes à peine. Si je suis d’abord tentée de lui saisir la main, je m’abstiens au tout dernier moment. Elle est peut-être encore fatiguée ou mal en point… Indécise quant à la suite de cette rencontre précipitée, et absolument pas préparée, je fourre mes mains dans mon sac.
« -J’ai… J’ai préparé des gâteaux ! » Ce n’est… Peut-être pas la meilleure chose à déclarer, quand tu revois quelqu’un pour la toute première fois après une rémission. Mais je suis terriblement gênée, et inquiète, alors je brode malgré moi.
Je sors un paquet, et le dépose sur la table à proximité.
« -Il y a un peu de tout, j’ai aussi pensé à ton équipe. B-bon, je ne suis pas tout à fait sûre au niveau des quantités, mais… Normalement, vous devriez au moins en avoir un chacun, et… J’ai mis des colorants, donc c’est normal s’il y en a des verts, ou des rouges ! J’ai pensé que ça ferait un peu plus… Festif… » Noël approche, après tout. Et les fêtes de fin d’année aussi… Dans quel état d’esprit va-t-on les passer ? Yuna sera-t-elle sortie de l’hôpital, à ce moment là ? Cette dernière question m’amène à me rappeler que, elle est juste là, et que je n’ai fait que parler de pâtisserie, pour l’instant. Sursautant presque, je me détourne des gâteaux pour m’intéresser à elle.
« -Di… Dis moi, t-tu… ! Tu vas bien ? » Oui, j’aurai peut-être dû commencer par là…