« Z’en ai marre de toujours manger des pâtes ! Pâtes crème, pâtes tomates, pâtes thon… Pâtes, pâtes et encore pâtes ! Criait la jeune fille en fracassant son assiette au sol.
- Alyssa, calme-toi s’il te p… tenta d’intervenir la mère de l’enfant.
- Z’ai pas envie ! Z’aime plus !- Alyssa ce n’est pas un ton pour me parler ! Tu vas me ramasser tout ce bazar et rapidement !- Non.- Comment ça non ?- C’est toi la mère !- Tu n’es qu’une gamine ingrate ! La dispute avait atteint un point de non-retour. Alyssa se tenait devant la porte, les yeux embués de larmes, la mâchoire serrée. Elle ne pouvait plus supporter les paroles acerbes échangées avec sa mère. Les mots qu'elles avaient échangés résonnaient dans sa tête, faisant monter en elle une colère brûlante.
« Tu ne comprends rien ! Rien du tout ! s'était-elle écriée, dépitée, lançant un regard furieux à sa fille.
Nous faisons tout ce que nous pouvons avec ton père mais ce n’est jamais suffisant ! - Bah faut essayer plus alors ! »Sa mère, le visage marqué par la tristesse, avait tenté de répondre, mais Alyssa avait déjà franchi le seuil de la porte. Comment un petit bout de chou d’à peine 7 ans pouvait répondre de telles atrocités à sa propre mère… Quand bien même… Elle était déterminée à fuir cette maison qui, à ses yeux, était devenue une prison de ressentiments. Elle s'était engouffrée dans la nuit sans jeter un dernier regard en arrière.
La colère la propulsait en avant. Elle marchait sans but précis, guidée uniquement par son désir de s'éloigner de sa famille. Elle savait que ses parents s’attendraient à la retrouver nichée dans les combles de la grange. Mais non. Pas cette fois-ci.
« Si vous voulez pas vous z’occuper de moi, bah moi z’vais être grande ! Toute seule ! » Marmonnait-elle dans sa barbe, bouillonnant de rage.
Mais à mesure que les heures passaient, la colère s'effaçait, laissant place à un profond déchirement intérieur. Ses parents l'aimaient, elle le savait. Elle les aimait aussi, mais elle ne pouvait pas supporter l'étouffement de leur situation financière et le sentiment de ne pas avoir de contrôle sur sa propre vie.
Quand la lueur du jour avait commencé à décliner, Alyssa s'était rendu compte qu'elle était perdue. Les arbres s'étendaient à perte de vue, et elle ne reconnaissait rien. Bien loin du petit établissement familial, elle ne s’était pas rendue compte du temps qu’elle avait marché. La peur commençait à s'infiltrer en elle, remplaçant la fureur qui l'avait animée jusque-là. Les ombres de la forêt s'allongeaient, et le chant des Pokémon nocturnes était à la fois fascinant et terrifiant.
« Non, non, non, murmurait-elle, la voix tremblante.
Z’suis où… ?. »Elle s'était accroupie, essayant de contrôler sa respiration haletante. Les larmes avaient commencé à se frayer un chemin sur son frêle visage alors qu'elle réalisait l'ampleur de sa situation. Elle était loin de chez elle, dans une forêt inconnue, et la nuit tombait rapidement. Alyssa se sentait plus seule que jamais. Pas si simple d’être adulte finalement.
Elle s'était enroulée dans ses bras, cherchant un peu de réconfort dans sa propre chaleur corporelle. La colère envers sa mère s'était dissipée, remplacée par un besoin désespéré de la retrouver. Elle espérait que, d'une manière ou d'une autre, ils la trouveraient et la ramèneraient chez elle. Son papa était fort pour ça. A chaque fois qu’elle partait en boudant se cacher dans la grange, il l’a dénichée tout le temps en lui donnant ses cookies aux pépites de chocolats noir et blanc. Mais cette fois-ci… Papa n’est jamais apparu…
Alyssa était perdue dans l'obscurité de la forêt, confrontée à ses peurs les plus profondes, regrettant amèrement sa décision impulsive de fuir.
Alors qu'Alyssa se blottissait contre un arbre pour tenter de se réchauffer, elle aperçut un petit bout de fourrure beige parmi les broussailles. Il était timidement caché derrière un buisson. Elle leva les yeux et reconnut immédiatement le Pokémon à l'allure adorable. Bien qu'elle ait déjà vu des Évoli auparavant, celui-ci semblait différent. Il était craintif, les yeux emplis de méfiance.
La fillette ne bougea pas, ne voulant pas effrayer davantage le petit Pokémon. En effet, sa mère n’avait de cesse de lui rabâcher qu’il était important de gagner la confiance des pokémons. De savoir devenir leurs amis, et non pas de tenter de les contrôler. Alyssa savait : la patience était la clé pour gagner leur confiance. Elle se contenta alors de sourire doucement en direction du Pokémon.
Hésitant au début, l’évoli commença finalement à s'approcher lentement de l’enfant, reniflant l'air pour s'assurer qu'elle ne représentait pas une menace. Lorsqu'il fut à sa portée, il émit un léger jappement et frotta doucement sa tête contre la main d'Alyssa.
« Zalut, toi, murmura-t-elle doucement.
Tu veux être mon n’ami ? »L'Évoli sembla comprendre, car il se blottit contre elle, cherchant un peu de chaleur. Alyssa pouvait sentir la douce fourrure de l'Évoli sous ses doigts et ne put réprimer son sourire malgré la situation précaire dans laquelle elle se trouvait.
Désormais, la nuit était complètement tombée et Alyssa commençait à grelotter. Elle se rendit compte que sa survie dans la forêt serait difficile sans abri ni nourriture.
C'est alors que l'Évoli, qui semblait avoir pris conscience de la situation d'Alyssa, prit une décision audacieuse. Il s'éloigna d'elle et disparut dans les buissons. Alyssa fut prise de désespoir. Allait-il l’abandonner comme elle avait abandonné ses parents ? Et s’il ne revenait pas ? L’enfant sombra peu à peu dans l’inconscience tant elle avait froid.
Heureusement pour la jeune fille, après quelques minutes à peine, l'Évoli revint en compagnie d'un autre Pokémon, un majestueux Pyroli à la fourrure incandescente. Le Pyroli, plus grand et puissant, se tenait à côté de l'Évoli, scrutant Alyssa avec attention.
« Bonzour » Murmura faiblement Alyssa, les yeux à demi-clos, intriguée par la lumière ambiante.
Le Pyroli, comprenant la détresse de l’enfant, laissa échapper une vague de chaleur autour d'elle, créant un cocon de chaleur réconfortante. Alyssa sombra dans le sommeil, épuisée par toutes les émotions qu’elle venait de vivre.
Alors qu’elle dormait paisiblement, plusieurs congénères des pokemons commencèrent à se rassembler. Il y avait comme une conversation silencieuse entre les pokemons… Au bout d’un long moment, un noctali finit par attraper délicatement la fillette par ses vêtements pour la poser sur son dos. Dans un même mouvement, deux autres noctali se joignirent au premier en attrapant dans leur gueule une chaussure chacun, pour éviter que les jambes de l’enfant ne soient trainées au sol. C’est ainsi que les Evolitions en vadrouille ramenèrent Alyssa à leur camp qui se trouvait à plusieurs heures de marche de là.
Au petit matin, Alyssa était sacrément désorientée. Elle s’était endormie dans un lieu, réveillée dans un autre… La fillette ne put s’empêcher de pleurer, appelant sa maman. Heureusement pour elle, Alyssa était entourée d'une lueur bienveillante, les Pokémon Évoli prenant soin d'elle comme si elle était l'une des leurs. Elle se sentit submergée par la gratitude envers ces créatures merveilleuses qui l'avaient sauvée de la froideur impitoyable de la nuit. Sa panique s’effaça lentement, laissant place à l’émerveillement de ce nouvel endroit.
.•°•.•°•.•°•.•°•.•°•.•°•.•°•.•°•.
Alyssa avait perdu la notion du temps. Les cinq dernières années s'étaient écoulées dans un tourbillon de découvertes et d'aventures aux côtés de la tribu d'Évoli. Sa vie était devenue rythmée par les saisons, les cueillettes de baies et les rires joyeux qu'elle partageait avec ses amis Pokémon.
Ce jour-là, alors qu'elle se dirigeait vers la partie la plus reculée de la forêt pour récolter des baies, elle était accompagnée de son ami de longue date : un phyllali. (Vous souvenez vous de ce merveilleux Evoli qui était venu la sauver ? Et oui, c’était bien lui ! Il avait évolué l’été dernier.) Les deux amis jouaient et couraient, insouciants, à travers les sentiers familiers.
Soudain, un cri déchirant interrompit leur joie. Alyssa tourna la tête juste à temps pour voir son dé porte bonheur dégringoler dans un précipice. Heureusement pour elle, le Phyllali eu un réflexe impressionnant en étirant des lianes pour rattraper l’objet si précieux aux yeux de la fillette. Soulagée, Alyssa allait le remercier lorsqu’elle le vit trébucher et glisser du haut de la falaise abrupte. Elle hurla de terreur et se précipita vers le bord, le cœur battant la chamade.
« Hoooooon ! cria-t-elle, les larmes embrouillant sa vision.
Se penchant lentement au bord de la falaise, elle regarda en contrebas et y découvrit un spectacle des plus glaçants : le Phyllali gisait, inerte, au pieds des rochers. Il n’y avait pas une minute à perdre. Alyssa se hâta de faire le tour pour gagner le sentier en aval. Les yeux embués par les larmes, elle colla son oreille sur le poitrail du petit pokemon. Il respirait encore ! Les heures semblaient s'étirer en une éternité alors qu'elle tentait désespérément de trouver un moyen de sauver son ami.
Par miracle, alors qu'elle était plongée dans la détresse, elle entendit des voix humaines au loin. Alyssa fut déchirée entre son instinct de Pokémon qui lui criait de fuir l'inconnu et son humanité qui lui disait de faire confiance à ceux qui venaient à son secours.
Incapable de supporter l'idée de perdre son ami, Alyssa prit une décision. D'une voix étranglée par les émotions, et complètement déréglée par ces cinq dernières années de gazouillements, elle tenta de crier à l'attention des voix humaines : "À l'aide ! S'il vous plaît, aidez-nous !". En réalité, cela ressemblait plus à… :
« haaaaa haiiii ouh !! Hai ouuuuh !!! »Les voix se rapprochèrent rapidement, et bientôt, une famille de campeurs apparut, le regard inquiet devant la scène tragique qui se déroulait devant eux. Un pokemon à l’article de la mort après une dégringolade flagrante de la falaise, une jeune fille d’une douzaine d’année, avec un short déchiré et torse nu, recouverte de boue qui plus est. Ils le savaient, la situation n’était pas normale. Trouver un enfant, seul, au milieu des bois…
« Où sont tes parents jeune fille ? »Rien.
« Comment tu t’appelles ? »Alyssa en avait marre de l’entendre piailler ce monsieur. Pourquoi n’allait-il pas aider son ami ?
« haaaaa haiiii ouh !! Hai ouuuuh !!! »Perplexe, le monsieur regarda l’enfant se rapprocher davantage du Phyllali. Sans rien ajouter, il alla prêter main forte au pokemon.
La famille se révéla être compatissante et déterminée à aider Alyssa ainsi que le Phyllali. Avec leur aide, ils parvinrent à le stabiliser autant que possible. Alyssa était profondément reconnaissante pour leur intervention, même si elle se méfiait toujours un peu de ces étrangers.
Ce qui devait arriver arriva : Phyllali fut transporté en urgence vers le village le plus proche où un centre de soins Pokémon pourrait prendre en charge ses blessures. Alyssa décida de les suivre, guidée par l'espoir que son ami se remette, mais également terrorisée à l’idée de l’abandonner seul, dans un monde qu’il ne connaissait pas.
.•°•.•°•.•°•.•°•.•°•.•°•.•°•.•°•.
« Bonjour, je suis bien chez monsieur et madame Ricci ? - Oui, je suis madame Ricci . C’est pour quoi ?- Bonjour madame, je suis agent de police : Madame Mirvao. Nous ne voulons en aucun cas vous faire de faux espoir, mais nous pensons avoir retrouvé votre fille.- …- Madame ? Vous êtes toujours au bout du fil ?- Oui, affirma la voix tremblante de madame Ricci .
Où... où est-elle ?- D’après les affiches et la description que nous avons de l’enfant, nous pensons que c’est elle. Cependant, il nous faudrait une confirmation. Nous sommes en chemin. Êtes-vous chez vous ?- Ou..Oui !- A tout de suite Madame. »La nouvelle de la disparition d'Alyssa avait été un coup de tonnerre pour ses parents. Ils n'avaient jamais perdu espoir de la retrouver un jour. Leur maison était devenue un sanctuaire dédié à leur fille disparue, chaque recoin de la salle à manger était orné d'affiches de recherche, de bougies allumées, et de photos d'Alyssa à différents âges.
Cinq ans s'étaient écoulés depuis qu'Alyssa avait fui son domicile. Cinq ans que la famille Ricci avait cessé de vivre.
Alors que la voiture de la police s’arrêtait devant la maison, une vague de nervosité et d'émotion submergea la fillette. Elle n'était plus la même personne qui avait quitté cette maison en colère cinq ans plus tôt. Elle était devenue une partie intégrante de la tribu et une amie loyale pour Phyllali et les autres Evolitions. Elle qui avait piqué une colère parce qu’elle en avait marre de manger des pâtes, s’était retrouvée à manger des baies durant ces cinq dernières années. Le motif de la dispute lui semblait si dérisoire désormais…
Le moment des retrouvailles fut à la fois joyeux et déchirant. Les parents d'Alyssa, les yeux embués de larmes, la prirent dans leurs bras. Alyssa, incapable de retenir ses propres larmes, se blottit contre eux, sentant à quel point ils l'avaient chérie et attendue.
La salle à manger, qui avait été son refuge dans son enfance, était maintenant le lieu de réunion de sa famille. Alyssa se sentit submergée par les souvenirs et la réalisation de ce qu'elle avait laissé derrière elle.
Sa mère, cherchant un moyen de rattraper le temps perdu, n’arrêter pas de lui poser des questions. Questions que la jeune fille comprenait, mais ses cordes vocales n’étaient plus aptes à former des mots. Il lui faudrait plusieurs années avant de pouvoir réussir à communiquer à nouveau normalement…
Avec le temps, Alyssa commençait à parvenir à former des mots, puis des phrases, pour enfin pouvoir raconter son aventure à ses parents. La jeune fille avait retrouvé la faculté de s’exprimer avec des mots clairs, complets et surtout, compréhensibles. Il était temps pour elle de reprendre le chemin de l’école. Il était bien trop difficile pour Alyssa de rester vivre à Akala, sachant pertinemment que sa deuxième famille était là, quelque part, dans les bois. Elle avait besoin de prendre de la distance. Être près d’eux, sans pouvoir les voir, c’était bien plus difficile psychologiquement que d’être séparé par la barrière de la distance.
C’est ainsi qu’Alyssa se retrouva là, debout devant cet énorme portail menant à la Pokemon Community, une valise comprenant le stricte nécessaire à la main…