Assis dans l'herbe dans un coin reculé du campus, Twili ne pouvait que jeter des regards anxieux en direction de sa dresseuse. Cette dernière avait subitement décidée de sortir après presque deux jours sans croiser personne ou presque...pour venir se perdre dans ce recoin perdu, un livre entre les mains. Loin des chemins classiques menant aux salles de cours, cet endroit avait l’avantage d'être si isolé que personne ne risquait de venir la déranger...Ce qui gênait profondément le type COmbat.
LA madame aux cheveux rouges qui lui faisait tant de bien, lui avait précisé qu'elle ne devait pas rester seule. mais même si ses cauchemars avaient diminués, la moindre tentative d'interaction volontaire, plongeait la jeune rouquine dans un tel état de stress, qu'elle préférait s'enfuir à tombeau ouvert.
Il la voyait de plus en plus renfermée, marmonnant et se flagellant à chaque tentative.

''Et si je craque devant lui ?''
''Ou elle.''
''Pourquoi j'suis en colère, il m'a rien fait ?''
''Et là, j'vais pas le lui casser sur la tête...mais en vrai...''

Toutes ces pensées l'obsédaient tellement, qu'elle préférait même fuir la compagnie de ses meilleurs amis. Ces derniers, compatissants, avaient au moins réussi à la convaincre qu'ils l'aimaient, sans que cela suffise à apaiser le sentiment incompréhensible qui troublait autant sa dresseuse.
Ce mélange d'apathie et d'indécision lui brisait le coeur et affectait de manière diverse le reste de la troupe des Pokémons de la Mentali : Fidèle à ses principes, Prime vouait une confiance totale à Lyria...Et donc, ne serait pas d'un grand secours face à un problème qui la touchait d'aussi près.
Aurora était tout bonnement déprimée un peu plus chaque jour, en voyant sa lige dépérir sans qu'elle ne puisse rien y faire.
Goliath était le seul contact chaleureux qui parvenait à la faire sourire mais même l'Onix s'était vu relégué au rang de support et paravent, afin de la dissimuler au regard d'autrui.
Robin était en vadrouille...comme si de rien n'était.
Et enfin Tia parcourait toute l'île à la vitesse de l'éclair, dans l'espoir de trouver une solution miracle.

''Hmpf.''

Posant son livre, se dresseuse venait de prendre la direction de la petite fontaine jouxtant le banc. Une diversion que Twili mit à profit pour lui emboiter le pas, espérant pouvoir trouver un axe d'attaque pour la distraire. Même ses cours avec l'humaine rigolote aux lourdes boucles ne fonctionnaient plus...puisqu'elle refusait tout bonnement de s'y rendre, prétextant être fatiguée. Ce qui ne l'empêchait pas d'hésiter à y aller pendant presque une heure tous les soirs, devant la porte de leur chambre, avant de fondre en larmes ou de balancer quelque chose au travers de la pièce.
le livre serrée contre elle, la jeune fille se pencha vers le robinet...avant de se figer.

*Aïe*

Le regard de l'Hexadron fut immédiatement attiré par la grimace de fureur et de haine qui venait d'apparaitre sur le visage de la rouquine : contemplant son propre reflet dans l'eau, elle se mit subitement à rugir, avant de balancer le livre qu'elle tenait en plein milieu de l'onde, juste avant que bras ne prenne le relais. Frénétiquement, sans cesser de crier, Lyria continuait encore et encore d'essayer de faire disparaitre la vision qui l'enrageait tant...sans succès.

''Non, non, non, non, NON ! Je suis pas...Je veux pas...JE VEUX PAS !''

Aux premiers cris de la jeune fille, la petite troupe s'était relevée, comme parcourue d'un electrochoc, avant de venir à sa rescousse. Mais face à ses tourments et compte tenu de sa réaction aux contacts physiques, ils ne pouvaient pas tenter grand chose, tandis qu'elle frappait de plus en plus fort, au risque de basculer dans le bassin.
Tandis que Prime prenait la direction des opérations, Twili recula de quelques pas...avant de redresser sa corne.
Il n'était qu'un petit Hexadron.
A peine un sixième d'une troupe mal composée. Et pas le plus courageux en plus. Il n'avait ni la force de caractère de Prime, ni les talents de combattants de Robin. Même Tia parvenait à le battre lors de leur session d'entrainement.
Mais même s'il n'en avait pas conscience, Twili avait une qualité profonde : il était loyal.
Ô Arceus, qu'il était loyal à cette rouquine qui avait déclaré voir quelque chose en lui.
Aujourd'hui,  pour la première fois, il allait agir...ET TOUT SEUL !

''Droooooooooon !''

Ses jambes n'étaient pas longues, mais cela ne l'empêcherait pas de remonter à toute vitesse l'allée principale du campus, boucliers en avant. Sur son chemin, les élèves s'écartaient davantage en rigolant, que réellement surpris. Mais Twili n'en avait cure.
Il ignorait où se trouvait ceux qui pourraient rendre son sourire à sa dresseuse...Le gentil chanteur, la lige d'Apsu, le rival ultime de Lyria ou bien la général de leur petite troupe aux cheveux roses...Il devait trouver l'un d'eux. Et justement , la demeure du chanteur était la plus proche de leur position isolé.
Alors, il accélère, encore et encore, jusqu'à atteindre la porte boisé de l'immense bâtisse pour s'y engouffrer.
Car Lyria a besoin d'aide, plus que jamais.

‘’Non, non, non, non, non.’’

Les coups continuent de pleuvoir. Un par un, de moins en moins fort mais toujours aussi nombreux. À une ou deux reprises, je crois que j’ai touché le rebord en pierre de la fontaine,n plutôt que la surface glacée de l’onde. Mais rapidement, les élancements se sont mués en une envie encore plus effrénée de faire disparaître l’image qui orne cette dernière: chaque fois que je pense avoir réussi à la brouiller, le liquide reprend sa place, imperturbable et c’est toujours la même tête…les mêmes yeux…et les mêmes mèches rouges qui semblent se moquer de moi.

Il n’y a plus rien qui compte à part la faire disparaitre. Rien. je sais pas pourquoi, je comprends pas, mais il faut qu’elle s’en aille.

‘’Dégage !’’

Confusément, je sens qu’Aurora s’est rapproché, mais à peine le museau de la Dofin entre-t-il en contact avec mon bras, que ce dernier l’envoie bouler avec un couinement. En un instant, la lourde tête de Goliath s’est également approché pour me surplomber, tandis qu’un grondement plaintif émane de l’Onix.

‘’J’vous ai dit de dégager !’’

*Bunk*

Cette fois, ça m’a fait mal aux phalanges mais j’ai à peine frapper le type Roche, que ce dernier vacille…me fixe du regard…avant de fondre en larmes à son tour et de se rouler au sol, caché dans ses anneaux. Sans prêter la moindre attention aux réactions outragées du reste de mon équipe, ou à l’Onix trop sensible, j’essaye de reprendre ma tentative de destruction du reflet.

J’en ai assez.
Assez de me voir.
Assez de voir ma tête.
Assez de savoir ce que ça veut dire.
ET ASSEZ DE PAS COMPRENDRE POURQUOI J’AI AUTANT ENVIE DE LE FAIRE.

‘’....!’’

On vient de m’attraper. Et malgré mon cri de protestation, deux mains se saisissent rapidement de mes bras, forçant mon fauteuil à s’écarter de l’eau. j’en viens même à tendre la tête dans l’espoir de vérifier que le reflet échevelé a disparu…mais non, tu perds rien pour attendre !


‘’Tu t’es fait mal ? Attend, je vais regarder.’’

Inspirant de tout mon être, je me retrouve face à…Ian ? C’est quoi ce piège ? Le Voltali a l’air vaguement ennuyé, tout en vérifiant l’état de mes mains. C’est probablement sa rapidité d’exécution qui m’empêche de lui exploser dessus. Au prix d’un effort surhumain, je renvois le volcan qui bouillonne au fond de mon torse en sommeil, pour prendre un ton maîtrisé…Autant que faire se peut.

‘’Ça va, j’ai cru voir un truc dans l’eau. Et puis j’ai mal dormi, ça arrive et…’’

Ça ne marche pas. Le volcan gronde déjà et je dois mobiliser tout ce que je peux pour l’empêcher de se réveiller. Alors que Ian poursuit son examen, je sens une irrésistible envie de lui retourner une gifle…Comme ça, juste parce que je le peux.
Mais si je fais ça, il va avoir mal…
Et il le le mériterait !
C’est pas sa faute.
C’est leur faute à tous.
Pourquoi j’en suis aussi sûre ?
Parce que sinon, ça veut dire que c’est la mienne.

Mon contrôle cède doucement au point ou j’en viens à serrer les poings sur mes accoudoirs. Il faut, il faut…

‘’Faut que tu partes, Ian.’’


‘’Sacrément en colère. Pas sûr que ça soit le meilleur moyen de t’en servir mais bon.’’


‘’RAAAAAAAAAAH !’’

Je sais pas ce qui se passe. je crois…je crois que c’est le mot ‘’colère’’ qui l’a déclenché. mais en un instant, le feu liquide se répand dans chaque parcelle de mon corps, sa brûlure encore plus insoutenable. Le monde semble presque devenir flou autour de moi, juste avant qu’une seule chose n’emplisse mon champ de vision : le Voltali, bras croisés et qui me dévisage, sans rien dire.
Et les mots viennent tout seuls. Des mots que j’ai l’impression de pouvoir réciter par coeur.

‘’DEGAGE, RETOURNE DANS TA CHAMBRE ET RESTES-Y ! DE TOUTE FAÇON, TOUT LE MONDE S’EN MOQUE DE TOI ! PERSONNE NE VEUT T’ENTENDRE, C'EST COMPRIS ?! ’’


Un coup. Puis un autre. Le martèlement s’accélère tandis que je cogne à poings redoublés contre le poitrail du Voltali, en espérant ne sentir que le vide sous mes poings. parce que ça voudra dire qu’il est parti…Et qu’il arrête de me regarder comme ça…Comme elle.
Soudain, ma main se fait stopper au vol…On dirait qu’il vient de me saisir par le poignet à nouveau. Pourtant, la rage qui m’habite est loin de diminuer et c’est un regard aussi farouche qu’assassin que je lui jette.

‘’Prime, empale-le, tout de suite !’’

*Sbunk*

Nous ne saurons jamais si l’Hexadron aurait exécuté un tel ordre…Car il en est bien incapable, en cet instant. Malgré ses cris de rage, impossible pour lui de faire le moindre mouvement, depuis que Twili l’a tout bonnement plaqué au sol et le maintient en place. Et autant que la moue de ian, c’est l’air du type Combat trouillard qui me pousse à stopper mes coups : même Robin reculerait face à un tel regard.

‘’Je…je…’’


Mon regard s’attarde à nouveau sur Ian…Sur le type Combat…Sur mes mains…sur la fontaine…Avant que tout ne devienne trouble.

‘’WAAAAAAAAAAAAAAAAH !’’

J’ai refermé les poings. mais cette fois, c’est juste pour me laisser tomber en avant et inonder la chemise du Voltali de larmes. Ma voix a du mal à sortir et pourtant, les mots s’enchainent de plus en plus vite, sans que je puisse rien contrôler.

‘’Je voulais pas, je sais pas, je peux pas, je…je….’’

J’ai du mal…à respirer. Au travers du brouillard, je sens juste Ian qui doit dire quelque chose mais difficile d’en percevoir le sens. Plutôt que de lutter contre la sensation, je la laisse m’envahir petit à petit, jusqu’à ce que l’air revienne dans mes poumons. Pourtant, sans cesser de pleurer, je sens le volcan attendre son heure, tapi en moi.

‘’Elle avait raison…’’

Chaque mot fait plus mal que le précédent, mais je crois que je dois les dire.

‘’Quand ma maman disait qu’on est tous exactement comme nos parents…Que c’est pour ça que si on nait de quelqu’un de mauvais, on est forcément détestable. Elle m’a toujours dit que c’était la faute de Papa si je pourrais jamais être normale. Et là, elle a encore raison, j’suis comme lui, j’t’ai fais mal alors que t’as rien demandé et que tu voulais m’aider.
Comme je lui ai fait du mal à elle, en lui obéissant pas.
J'suis pas une fille normale. J'suis juste un monstre comme elle l'a dit. C'pour ça que je suis tout le temps en colère quand je pense à elle. Parce que je lui ai fait du mal. Ca peut être que ça. J'arrive même plus me regarder dans un miroir sans avoir envie de le casser ! Pourquoi est-ce que je peux pas être comme tout le monde, juste ?!’’

Ça doit être ça. Il FAUT que ça soit ça.
Parce que l’autre option est bien trop terrifiante pour que je ne fasse qu’y penser.

''C’est des conneries tout ça Lyria. ''

J'arrive même pas à lui résister. lorsque ses doigts se referment sur mon visage, je sens que tout mon corps se crispe...Après ce que je viens de lui faire, c'est ûr qu'il va m'en décocher une et il en aurait parfaitement le droit.
Pourtant, le Voltali semble avoir une idée bien pire en tête...puisqu'il se contente de me fixer droit dans les yeux, m'empêchant dans le même temps de détourner la tête. On ne dirait pas mais c'est quelque chose qui ressort chez Ian et encore plus maintenant qu'il n'a plus ses béquilles...Son regard.
On peut essayer de fuir ses paroles mais impossible d'échapper au glacier qui vous submerge lorsqu'il s'énerve. Et en cet instant, c'est toute une avalanche qui déferle sur moi.

''Mais non, c'est pas...''

Il ne me laisse même pas le temps d'argumenter. À la simple mention de maman, je sens mes poings qui se serrent à nouveau sans vraiment comprendre pourquoi. Pourtant, sans s'arrêter, Ian continue son discours du même ton. Il semble presque calme mais en même temps, il y a une espèce de vibration dans sa voix...C'est comme s'il crachait certains mots.
Presque subjuguée, j'arrive à peine à secouer la tête jusqu'à ce que fuse son premier ordre...Répondre aux questions...Ça, je peux faire...je crois ?

''Si un type tue des gens, c’est une mauvaise personne, pas vrai ? ''

''O...oui ?''

Ma réponse est incertaine. Pourtant, celle-là, elle est simple. J'veux dire, il me donne 0 contexte, même pas un petit exemple. Mais je sais que ça se fait pas, ça.

''Si cette personne est née de, je sais, l’homme le plus gentil du monde et de la femme la plus généreuse, ça reste une mauvaise personne ? Ou est-ce que son héritage en fait de lui quelqu’un de bien ?''

''C'est facile, il...''

Ça bloque dans ma gorge. Je...Quoi ? Non mais, il pose des questions super compliquées, en fait. Parce que...Ça voudrait dire que...Mais ça marche pas ! J'veux dire, s'il était vraiment né de gens aussi adorables, il ne peut PAS avoir tué quelqu'un, non ? C'est pas cohérent et c'est totalement illogique ! Sauf que j'ai dit que c'était une mauvaise personne, donc ça veut dire que c'est moi qui me trompe ?! Mais non, ça marche pas, sinon ça veut dire que tuer des gens, ce serait une bonne chose....

''Est-ce que ça fait de moi quelqu’un de mauvais ? Est-ce que le fait de pas savoir qui est mon père fait de moi quelqu’un de mauvais ? ''

Je...je savais pas pour sa maman. Il..Il a pas l'air de beaucoup l'aimer. Pourtant, c'est sa mère, c'est pas impossible, ça ? Et lorsque vient la question fatidique, ma gorge se serre avant même que je ne puisse laisser sortir la réponse.

Non, tu peux pas être mauvais, Ian.

Le sang bats au niveau de mes tempes, suffisamment fort pour que je lâche un léger gémissement de douleur. J'ai l'impression d'avoir le souffle court, de plus en plus chaud alors que le volcan se remet à rugi...Mais cette fois, aucune envie de frapper n'accompagne la sensation. Juste cette pression écrasante qui me pousse à fixer Ian, sans pouvoir rien faire d'autre.
Et le pire, c'est qu'il enchaine ! Comme un boxer qui ne retiendrait plus ses coups, chacune de ses attaques me fait trembler...Et avec chaque frappe, je sens une envie germer lentement en moi. Une envie de plus en plus irrépressible.

Ta mère est une mauvaise personne.

Et pourtant, regarde à quel point, elle t'aime.

À ces mots, j'ai envie de reculer, de me sortir de là, de lui crier qu'il en sait rien.

''Non elle...elle veut juste que j'aille...bien. T'as pas le droit...d'avoir des arguments.''

Comme toujours, Maman veut que j'aille bien.

C'est pas vrai. Elle...l'a pas fait.

Elle cherche à te contrôler.

Elle chercher à te protéger.

Elle l'a pas fait, quand ils m'ont...quand ils m'ont prises. Elle leur a même dit que j'étais là. Je veux comprendre, je peux pas comprendre pourquoi elle m'a pas aidé. Pourquoi elle a fait ça?  Hein, POURQUOI ?

Par réflexe, je me fige lorsque je sens ses deux mains me saisir, avant que son regard glacier ne m'absorbe complètement. Bien plus proche que tout ce que j'aurais laissé passer en temps normal, le Voltali détache lentement ses mots.
Comme une lame de fond, un froid glacial est en train de m'envahir...Une réalisation plus mordante que le blizzard, qui s'insinue dans chaque partie de mon être, jusqu'à atteindre l'endroit où se tapit le volcan, près à exploser. méfiante, la bête se prépare à lutter contre cet intrus, qui vient sans aucun doute pour l'apaiser et la détruire.

''Elle la source de tout ton malheur ? Je sais que c’est dur. Je sais que tu l’aimes. Tu peux l’aimer Lyria, personne ne pensera du mal de toi mais merde Lyria, tu as le droit de la détester aussi. Tu as le droit d’être en colère et de la détester. ''

C'est...C'est vrai ? Non, je peux pas, c'est ma...
Pris de court, le volcan semble incertain que la conduite à tenir : face à lui, ce vent glacial, bien loin de l'affronter, a tout bonnement fini de créer un passage vers l'extérieur, avant de s'écarter du chemin nouvellement apparu. Prudemment, le volcan se rapproche alors de l'ouverture, prêt à parer au moindre piège.

''Laisse toi ressentir les choses comme tu les ressens vraiment. Merde, elle mérite pas que tu la protège. Et certainement pas de ta propre colère. ''

''...''

Mon souffle s'accélère.
De plus en plus.
Le volcan a fait son premier pas. Il profite de cet accès qu'on lui offre si généreusement. Une porte de sortie, condensée et canalisée. Inutile pour lui de se répandre de façon chaotique, il n'a qu'un seul chemin à suivre.
Mes yeux sont brouillés de larmes, pourtant, en tournant légèrement la tête, j’entraperçois à nouveau mon reflet dans la fontaine : mes traits se brouillent lentement, pour révéler un visage plein de morgue, ses longs cheveux rouges vifs descendant en cascade sur ses épaules; les deux bras tendues, elle sait que je n'ai qu'une envie...La rejoindre, face à tout ce qui m'effraie tant.
Pourtant, alors que ma main se tend, mon poing se serre...

''Ian...Tu peux...Tu peux me lâcher ? Dans l'accoudoir...''

Avec douceur, le Voltali me libère la tête, juste avant que je n'entrouvre mon accoudoir gauche : avec une légère crispation, le visage toujours figé, je saisis la liasse de feuilles qui en émerge, révélant une série de portraits au crayon.
Depuis...Depuis l'incident, j'arrive pas à m'en empêcher. Je les ai tous dessiné. Encore et encore. Sans comprendre pourquoi. Et en étant encore plus en colère à chaque fois, au point que les derniers ont un luxe de détails de plus en plus poussé...Comme si les rendre le plus réaliste possible, avait pu m'aider à faire passer cette sensation. AU total, il doit bien y en avoir une vingtaine.
Tous ces portraits de Maman qui semblent me regarder de haut.
Avisant l'air de Ian, je lui décoche un sourire...Non, pas un sourire. Un simple mouvement des lèvres un peu triste, avant d'inspirer profondément. Et s'il se trompe ? Et si ça n'est pas pour ça que je suis aussi en colère ? Et si je me sens encore plus mal après ? Et si...

''T'as...jamais voulu...Que je me débrouille.''

*Riiiiip*

La première feuille n'a pas fini de tomber en deux morceaux séparés dans la fontaine, que mes mains se referment sur la seconde.

''Tu sais...Même pas...Ce que j'aime.''

*Riiiiiiiiiiip*

''Faut toujours que ça soit ce que TOI, tu veux que j'aime !''

*Riiiiiip*

''Tu m'as abandonnée...Dans le noir.''

*Riiiiiip*

''TU M'AS...ABANDONNEE !''

*Riiiiiiiip*

''POURQUOI T'AS FAIT ÇA, HEIN ?''

*Riiiiiiiiip*

''Je te déteste.''

*Riiiiiiiiip*

''Je te déteste.''

*RIIIIIIIIIP*

''JE..TE...DÉTESTE !''

Les dernières feuilles n'auront même pas droit à un traitement individuel : roulées en boule au point ou je sens ma main me faire mal à force de serrer, elle finisse balancer au milieu de la fontaine façon baseball, juste avant que je n'avise la dernière.
Lentement, ma main se dresse...pour ensuite la remettre dans l'accoudoir.

''...Alors pourquoi, j't'aimais...je t'aime...maman...''

Ma voix est venue un peu mourir sur la fin, pourtant, lorsque je redresse la tête en direction de Ian...À ma grande surprise, le volcan a disparu. Oh bien sûr, j'ai toujours envie de lui faire sa fête mais c'est plus...normal ? C'est son petit air supérieur quand il sait qu'il a raison qui me fait toujours ça, c'est pas inhabituel.
Un peu incertaine quand à la conduite à tenir, je secoue la tête avant de reprendre la parole.

''Je...je sais pas pourquoi mais...Ça m'a fait du bien.
Je comprends pas tout et je suis plutôt bête mais...Un jour, tu m'expliqueras comment t'as pu dire toutes ces choses ?
Parce que je crois que j'en avais besoin.''

Et surtout, que maintenant, j'ai un sacré paquet d'excuses à faire à un sacré paquets de gens. Sans préavis, une véritable masse de pierre vient nous encercler tout les deux, juste avant que Goliath ne me noie le front sous ses tentatives de caresses...un peu trop dures à mon goût.
Ian ne sera pas en reste même si un regard faussement grondeur au type Roche, lui évitera d'avoir à nouveau la hanche brisée.

''T''es sûre que je suis pas....bizarre ? En plus, je t'ai tapé, tu veux pas passer à l'infirmerie ?''

Me tordant un peu les mains, je redresse la tête, l'air toujours épuisée...Pourtant, en cette instant, je ne me suis jamais senti aussi légère. Un regard à mon Ipok. Je sais que je devrais le faire. Il faudrait mais...
Je me retourne vers Ian et pour la première fois depuis des semaines, je suis sûre d'avoir pris la bonne décision.

''Je vais pas l'appeler. Pas maintenant. Je suis pas prête....Et puis, si elle voulait autant me revoir, ça lui laissera plein de temps pour voir que je ne suis pas là.
Et ce que t'as dit...Sur ta maman. J'en parlerais à personne, promis. Mais si jamais ça va pas à un moment ou que faut taper sur des trucs pour que ça aille mieux, j'espère que tu penseras à moi en première.
Pas pour me frapper, hein ! Je sais que je l'ai fait, mais ça compte pas ! Et puis en plus, je suis sûr que j'ai lu quelque part qu'on ne frappe pas une fille, même avec une rose...Ce qui doit faire vachement mal avec les épines, mais BREF, ce que je veux dire, Ian, c'est que...''

Raaaah, poruquoi c'est si dur.

''...Merci ?''



''

''Eeeeeh !''

Non mais d'abord, il me traite de faiblarde et maintenant, il me tapote le nez en plus ! Je sais que je me suis excusé pour l'avoir frappé sans raison, mais là, c'est une agression injustifiée, on est d'accord ?! Après avoir martelé gentiment le bras du Voltali, tout en faisant attention à sa hanche, je grommelle vaguement face à son air hilare, tout en me massant le nez.
J'lui tirerais bien la langue en plus, mais ça ne ferait qu'accroître son hilarité, j'en suis sûr.

''C'pas parce que tu m'as aidé que faut te croire tout permis, non mais oh !''

Pourtant, je me sens bien.
Genre, vraiment bien.
Mieux que je ne l'ai jamais été durant ces dernières semaines.
Même sa mention de mam...de ma mère n'aura pas d'autre effet que de me faire laisser échapper un léger soupir. J'aurais pu croire que ça allait me crisper mais non. C'est un sentiment étrange à décrire qui m'envahit, une sorte de...plénitude ? Je crois que c'est ça le mot ?
En cet instant, je n'éprouve rien d'autre que l'envie de penser à autre chose. Détournant la tête, je découvre un nouveau reflet : des cheveux rouges et mi-longs, une bouille ronde et un peu buté, la tête penchée comme pour être sûr de percevoir un maximum de détails...Ouais, c'est moi.

Et là tout de suite, j'voudrais être personne d'autre.

Sans trop comprendre pourquoi, je sens un léger frémissement me parcourir durant le discours suivant de Ian.

J'aime ta bizarrerie.

C'est marrant...Personne me l'a jamais dit, même dans le club des 5. Ça doit être la première fois qu'on me sort un truc pareil et ça me fait vraiment plaisir. Ma mine se mue rapidement en un sourire, tandis que Ian enchaine. Dans le même temps, derrière nous, la petite troupe de mes équipiers finit de se rapprocher, même si Prime semble rester volontairement à l'écart.
Et lorsque le Voltali prononce le mot magique, ce sont deux yeux remplis d'étoiles qui le fixe subitement !

''Toujours partante pour un muffin ! Par contre, c'est moi qui paye. Comme ça, tu seras forcé de m'en offrir un, la prochaine fois, eheheh.''

Mon plan est impeccable : Ça implique fatalement qu'il y aura une prochaine fois, c'est tout gagnant pour moi. Tandis que le jeune garçon se redresse et commence doucement à avancer sur le chemin, j'avise Prime et Twili, avant de leur faire signe de se rapproche aussi : si mon starter garde la tête basse, son petit second semble un peu hésitant sur la conduite à tenir et n'arrive même pas à croiser mon regard.
Une petite moue ne tarde pas à faire son apaprition sur mon visage et après un geste au Voltali pour qu'ils nous attendent, je fais signe au duo de type Combat pour qu'ils se rapprochent. Une fois à portée de Prime et Twili, mes mains s'élèvent...pour venir assener une pichenette au premier et tapoter le casque du second.

''Ça va...mieux. Je crois. Mais pour que ça ne se reproduise pas, faut qu'on mette au point un ou deux trucs. Alors vous allez m'écouter : Prime, j'sais ce qu'on s'est dit. Et t'as tout suivi à la lettre. Mais la prochaine fois, si je suis comme ça...Faut pas m'écouter. Je sais que ça t'a fait mal aussi et j'veux pas que ça fasse la même chose.
Et Twili, t'as rien à te reprocher. RIEN, tu me crois ? J'suis...giga fière de toi.''

Relevant de grands yeux pleins de larmes, Twili semble sur un petit nuage, juste avant que Prime ne le bonk gentiment par  derrière, en lui faisant signe de prendre la tête de la colonne. Incrédule, le type Combat me consulte du regard face à cette situation improbable, juste avant que mon acquiescement ne le pousse à réagir...et à s'étaler après deux mètres, tant il tremble d'excitation.
En lachant un éclat de rire, je pivote alors mes roues...pour découvrir que Ian a continué sa route et semble un petit point au loin sur le chemin !

''Eeeeeeh ! J'te préviens, t'as pas intérêt à payer avant qu'on arrive !''


Aaaaaah...Je sais pas si c'est possible de rouler sur des roues, mais là, c'est clairement l'état dans lequel je me trouve. Ila fallur que Ian lui-même mette un hola...Mais comment je pouvais savoir que Melty débarquerait pour faire goûter ses dernières créations de muffins aux Mentalis ? J'crois que c'est le mélange carotte/noix de coco qui m'a achevé, j'veux juste m'effondrer sur mon lit pour au moins deux semaines, le temps de digérer.
Pourtant, en arrivant à la porte, j'ai une ''petite'' appréhension : après ce que j'ai fait subir à Gwenaëlle et Magnolia, il faudrait peut-être que je trouve un truc pour m'excuser...Gwenny avait parlé de métal, si je me renseigne sur des trucs de forgerons, peut-être que ça suffira ?

''Dron ?''

''Qu'est-ce que c'est que ça ?''

Il semblerait que mon plan d'excuse va devoir attendre un peu : posé devant le battant, une sorte de boite enrubanné d'argent fait un peu tache dans le couloir parsemé de velours rose. Le papier noir de jais détonne suffisament poru que je l'examine brièvement...avant de constater que y'a mon nom sur l'étiquette ?!
Ou alors, c'est vraiment mal écrit, attends, Prime, tu lis quoi, toi ?

''Prudence soldat, c'est peut-être un piège.''

Saisissant l'objet du bout de la corne, mon starter me le fait passer prudemment, avant que je ne le secoue brièvement. Pas de tic-tic ou de bruit suspect, rien qu'un son étouffé. Le temps de dénouer le ruban, je me retrouve à entrouvrir la boite, tandis que les deux Hexadrons et Aurora se penchent par-dessus mon fauteuil pour en découvrir le contenu.

''Mais...Mais quoi ?!''

Un oeuf parsemé de petites taches jaune vif repose au fond de la boite sur un couffin de paille, le tout accompagné d'une simple carte de papier. Sur cette dernière, comme tracés à la va-vite, quelques mots se détachent. On dirait que celui qui les a écrit avait même la flemme de finir, vu qu'il a terminé son message par un ''A +''.