Sur le Tapis Rouge
Bruit sourd et répété inlassablement chaque seconde, l’affreux réveil du voisin d’un côté n’en finissait pas d’agacer Mao au plus haut point. Insupportable et affligeant, besoin de cette objet du diable Giratina inutile pour forcer un lever déjà manqué à onze heure du matin. Ces jeunes fainéants irritaient le travailleur qu’était le garçon aux cheveux turquoise. Lui avait ouvert les yeux à six heures, c’était levé dans la seconde, aller prendre tranquillement son café avant de passer par la case : salle de bain. Résultat, vingt minutes plus tard il était fin prêt à affronter la journée. Répétant ce cycle matinal tous les jours depuis déjà pas mal d’années. Le couturier affirmé n’était pas du genre à bailler aux corneilles, ce temps passé à dormir plus qu’il ne le fallait n’était que perte de temps. Ainsi, trente secondes furent nécessaire pour réveiller le buffle de l’autre côté du mur, qu’il tente son bras pour finalement couper le sifflet de son horrible machine. Le silence revint à la suite de la chute sismique de la masse voisine de son lit, le garçon bien habillé depuis chez lui esquissa un sourire, se réjouissant de la douleur de son prochain. Mais trêve de délectation malsaine, tout restait à faire.
Mao approcha son aiguille de la chemise qu’il broda avec minutie. Une retouche par-ci, une autre par-là, elle se devait d’être parfaite pour ce soir. Tout comme son costume sur mesure assemblé de ses mains, ce fameux bal de promotion était une occasion inestimable pour éblouir de son talent et potentiellement se faire de nouvelles connaissances. Certes, il avait eu le temps d’en faire depuis son arrivé par bateau sur les plages de Cobaba, mais une différence subsistait entre groupies, admirateurs et amis véritables. Mao ne possédait peu que de cette dernière catégorie, il devait y remédier. Un geste fin, puis un éternuement, la piqure fut inévitable. Sans éprouver la moindre douleur, il vit la perle écarlate naitre au bout de son pouce gauche. Cette couleur si pure, comme une fleur en pleine éclosion, avait trouvé moyen de fasciner son esprit tordu de styliste de mode. Mais hors de question de la laisser trainer là trop longtemps, un peu de son sang sur sa chemise blanche donnerait certes une signature à sa création, mais au dépit d’une propreté dont on trouverait moyen de critiquer. L’adolescent passa son doigt égratigné sous un mouchoir et le fit panser avant de reprendre le travail. Et quelle industrie ! S’il ne s’occupait de son costume que maintenant, c’est qu’il ne put résister aux demandes de charmantes demoiselles voulant une robe d’exception pour le bal. Cette manifestation de bon gout et de désir de bien paraitre avait émut Mao qui leur promit à chacune une tenue à la fois simple, originale et resplendissante à la fois. Une simplicité que l’on retrouvera aussi chez lui, bien qu’il ait préféré innover. Mais nombreux étaient les facteurs allant à l’encontre de son idée première. D’une il manquait de temps avec la date fatidique. De deux il devait tout de même honorer toutes ses commandes. Et enfin, de trois, briller au firmament alors qu’il n’avait même pas effectué l’année qui était célébrer, quel empoté il aurait fait ! Mais cela importait, Mao savait sa décision la bonne, et ce n’était ni une piqure, ni un zombie en guise de voisinage qui allait gâcher ses ambitions.
Surgit de l’ombre de son propre dos, une petite boule de poil vint à bondir sur sa droite, posant ses pattes félines ou presque sur la table. La chose aux grands yeux pleins d’étoiles et à la truffe adorablement mignonne examina le travail de l’humain avec une joie non dissimulé. Ce Pokemon de l’espèce des Fouinette comme l’aurait énoncé un PokeDex se prénommait Patsie, et elle était la complice officielle du couturier qui, après une semaine d’adaptation, vint à l’adopter définitivement. Remarquant la présence affective près de lui, le garçon afficha un sourire et demanda sans détourner les yeux de son travail.
- Revenue de ta balade, Patsie ? Tu t’es bien dégourdie les jambes ?
Réceptive aux bonnes paroles de son dresseur, l’animal s’exprima par un couinement adorable et bondit sur place, annonçant que de bonnes choses. Cela réconforta Mao qui écorcha quelques secondes de son travail pour féliciter la fourrure sur patte d’une caresse sur la tête. Il avait même décidé qu’elle viendrait avec lui hors de sa cage sphérique à la fête, en guise d’écharpe, avec le champ libre une fois à l’intérieur. A cette annonce la veille, Patsie ne pouvait plus tenir en place, il fut même difficile de réussir à la coucher ou même lui cacher la surprise. En effet, quel indigne dresseur styliste serait-il s’il n’avait pas préparé quelques accessoires pour embellir sa belle déjà bien mignonne. Portant le fil à ses dents, il rompit l’effort et conclut la dernière touche à sa chemise d’un blanc parfait que l’on pouvait la voir dans la pénombre. La Fouinette se frotta aux bras du garçon, approuvant la réussite de son travail. Lui aussi en était fier, il ne restait plus qu’à attendre une longue après-midi, pour enfin se rendre au réfectoire…
Jamais en retard, ni en avance d’ailleurs, le nouvel étudiant et sa complice sur patte virent précisément à l’heure prévue, sept heure, devant le modeste tapis rouge guidant jusqu’à l’entrée. L’endroit ne payait pas de mine, et faisait pâle figure devant les grandes réceptions de Safrania, mais ce bal était en l’honneur des jeunes, et les efforts du personnels étaient plus que louables. Un toast devrait être porté en leur honneur, le jeune homme ni manquera pas, comme il ne ratera pas l’occasion d’aller valser avec un maximum de cavalières. Loin d’avoir une rose à la bouche, si une charmante demoiselle lui taperait à l’œil, le premier pas sera pour lui. Mais avant toute chose, il fallait soigner son entrée et faire bonne impression sur le tapis écarlate. Venu dans un costume noir élégant, ouvert dévoilant une chemise d’un blanc pur chevauchée par un gilet gris assurant de manière subtil la transition des couleurs : noir, gris et blanc. Un ruban de soie sombre boutonné croisé au niveau du cou faisant alors office de nœud ajoutait de l’originalité à sa tenue. Portant ses plus belles lunettes et coiffé comme d’habitude, sans omettre la présence de Patsie enroulée autour de son cou, parfaitement intimidé par la foule. Mao afficha un sourire et se décida à avancer, prêt à enseigner la bien séance des gentlemen au plus barbares des élèves…
Sérieusement ? Un bal de promo pour fêter la fin d'une année à laquelle je n'avais même pas participer ? Je ne comprenais même pas pourquoi j'y allais, à ce bal, après tout, je ne connaissais personne. Mais bon, puisque j'avais deux mois de vacances sur cette île (qui manquait d'ailleurs cruellement de Ponycornes), je pouvais participer aux événements, sinon, il n'y avait plus aucun intérêt à rester ici.
Environ une heure avant le commencement de la fête, je commençai à légèrement paniquer. Je ne trouvais plus aucun de mes vêtements, sauf mes chaussures qui trônaient fièrement aux pieds de mon lit. J'avais fouillé trois fois mon armoire, ma commode, et même l'intérieur de mon lit, mais bien sûr, je n'avais rien trouvé. Ce n'est qu'une dizaine de minutes plus tard que Wish ressortit du dessous de mon lit avec une boîte en carton où était écrit mon prénom. C'était les vêtements que ma mère m'avait envoyé de Mérouville lorsque je lui avais appris par téléphone qu'un bal était orgnisé.
« Merci Wish, tu me sauves la vie ! » en prenant la boîte aussi vite que possible.
« Saal ! »
J'ouvris la boîte, sortit ma chemise, accompagné d'une cravate et d'un jean noir. Ce n'était pas les vêtements les plus classes que je possédais, mais ils feraient l'affaire pour un bal de promo d'étudiants. En plus, je trouvais que tout ceci m'allait plutôt bien, sans vouloir me vanter. Je portais désormais une chemise blanche, une cravate noire non nouée autour du col de ma chemise parce que cela me serrait beaucoup trop au niveau du cou, un jean noir et des chaussures de villes noires. Je ne portais que deux couleurs mais cela ne choquait pas énormément.
Vers sept heures moins vingt, je sortis de ma petite maisonnette et prit le chemin de la Salle de Récéption. Je ne marchais pas vite, je n'étais après tout pas très pressé d'arriver à la salle. Il y avait énormément de gens autour de moi, certains étaient avec leurs Pokémons, je me sentais donc moins seul à avoir Wish avec moi, perché sur mon épaule droite, en train de jouer avec le col de ma chemise. A dix minutes de l'ouverture, j'arrivai devant la salle, m'appuyant sur mur assez loin de la foule. De nature assez timide, je ne voulais pas énormément me mélanger à des gens que je ne connaissais pas.
À dix-neuf heures, les portes s'ouvrirent, un flot d'étudiants se pressa à l'intérieur. Je ne me pressai pas, attendant que la circulation soit plus fluide, et entrai dans la salle pile au bon moment. Un gars était parti dans une danse avec un professeur, ils virevoltaient dans la salle au son de la musique. Si certains semblaient étonnés, d'autres n'étaient pas en reste pour se moquer. J'en vit même une prendre une photo avec son Ipok, cela me fit bien rire. Mais je partis faire un autre tour dans la salle. Pile au moment où je me retournais, un ballon fila devant mes yeux et explosa sur une fille dans une gerbe d'eau et de paillettes. La fille sembla hors d'elle tandis que tout le monde éclatait de rire. Je me retins moi-même de rire tellement la situation était hilarante. Et dans une autre partie de la salle, au buffet, un duel était livré. Il y avait énormément de monde autour. Un gars aux cheveux bruns se battait avec un Togepi avec un couteau à beurre. Il finit d'ailleurs par se prendre un Ultimapoing et fut évacué. Si on faisait un récapitulatif, il y avait déjà eu une danse homosexuelle, un ballon plein d'eau, une bataille au buffet et une évacuation à cause d'une attaque de Togepi. Si les journées à la Pokémon Community étaient aussi mouvementés que cette soirée, j'étais donc sûr de ne pas m'ennuyer à la rentrée de septembre, au moins, ce serait beaucoup mieux que de passer des heures dans une salle aux fenêtres fermées avec un professeur qui te raconte comment on fabrique une Poké-Ball.
Je décidai de m'éloigner un peu de cette agitation en me mettant dans mon coin, Wish à mes prieds. Elle regardait, intriguée, le reste de la salle, les gens qui dansaient, les groupes qui se formaient peu à peu, et je cherchai des visages que je connaissais, enfin, rectification, que j'avais déjà vu. Il n'y en avait aucune dans cette foule compacte qui grandissait de minutes en minutes avec l'arrivée des étudiants. Il devait y avoir beaucoup de monde à la Pokémon Community pour qu'il y ait autant d'ados dans la même salle.
Tourner sur soi-même, regarder l’Indésirable et son visage sérieux, debout juste en face. Fixer ses traits de fille désabusée, rien qui transpire l’innocence imbécile, rien qui laisse envisager un fou rire candide. Pendant plusieurs secondes, je me détestais. Ma dextre lissait distraitement une mèche de cheveux. J’aurais dû me trouver jolie dans ma grande robe écrue ajustée tant bien que mal sur mon corps d’androgyne, mais ce n’était même pas le cas. Je ne devais pas être parfaitement normale. J’étais un peu originale c’est tout, il le fallait bien d’ailleurs. Quand on pensait à tous ces gamins ingrats et ignorants qui consumaient leur vie à s’écorcher sur des relations futiles, j’avais la lucidité de ne pas me joindre à ce carnage de sentiments volages. Ma gorge se serra. En un an, mes certitudes sur le sujet avaient vacillé. C’était effrayant. Un picotement très mince sur mes lèvres quand je voulais rembarrer un étranger trop avenant à mon goût, une lueur d’envie un peu sombre dans mes yeux cendres quand j’entendais des gloussements féminins dans la chambre voisine. Le fait que je fasse l’examen de ma personne devant un miroir avant de me rendre au bal de Promo était la plus belle preuve de cette évolution diabolique.
Je soupirais et détournais le regard. Comme beaucoup d’habits modernes, ma robe avait était coupée dans l’optique d’être cintrée par une ceinture à Pokéballs. Je ne m’y connaissais pas vraiment en textile et en chiffon, mais j’aimais cet aspect pratique de l’habit. Je bouclais le lien de cuir sombre autour de ma taille et attrapais au passage l’une des sphères blanches et rouges qui étaient accrochées. L’objet me rappela Cleve, je me demandais si elle serait de la partie ce soir, si elle allait bien, si elle était contente que l’année se termine. Peut-être. Répondit une petite voix au creux de mon esprit qui semblait agacée par ce flot d’interrogations désinvoltes. Je faisais sortir Belzébuth de son foyer portatif et la créature partit aussitôt se tapir sous le lit en feulant avec animosité sur la trousse de maquillage qui vomissait son contenu sur le parquet de la chambre. Cette dernière m’avait échappé des mains à l’instant où je m’étais résignée à l’utiliser. Oups.
Je claquais la langue pour rassurer mon starter.« C’est un truc de filles superficielles et siliconées, rien de dangereux tant qu’on ignore tous les tests qu’ils font sur des Rattatas en laboratoire avant de nous autoriser à nous en étaler sur le visage. Allez, amène-toi, une longue soirée nous attend. »
La tête fripée dans une moue menaçante du type feu dépassa du sommier, je roulais des yeux mais ne pouvait m’ôter un sourire amusé des lippes. Je passais le seuil de la hutte qui m’accueillait moi et d’autres demoiselles le temps des vacances. L’île Cobaba était un petit coin de paradis, l’eau bleu lagon dans laquelle le soleil se noyait en imprégnant l’horizon de ses reflets crépusculaires et sa flore très exotique qui m’avait déjà donné matière à réfléchir et à étudier en avait fait ma nouvelle destination favorite. Pas de doute que ce séjour offert par l’académie – cadeau qui me paraissait un peu louche d’ailleurs, mais bon – ne serait pas mon dernier. Je reviendrais armée d’autres appareils photos et de carnets de note plus volumineux encore. En parlant d’appareil, le mien, celui qui devait me servir à compléter le portrait des Pokémons que j’apercevais fugacement en liberté en m’épargnant le mètre et la balance, pendait justement à mon cou.
Je jetais un rapide coup d’œil à l’Ipok que j’avais réussis à caler dans une encoche de la ceinture. 19h43. La fête avait commencé depuis quarante-trois minutes et des cris, des bavardages et des voix familières percèrent la cloison pour m’apporter un échantillon de cette débâcle festive. Je ne plus y aller. Bel semblait être de mon avis car entièrement replier sur son arrière train le hérisson crachait vertement sa salive bouillante sur l’édifice. Un bras encercla alors mes épaules et m’entraîna vers l’avant. Le contact me paralysa et ce fut un miracle que mes pieds se posent l’un devant l’autre. L’inconnue me fit franchirent la porte et trop concentrée à ne pas hurler d’effroi je n’identifiais même pas la personne qui venait de plonger dans la « grosse marre ». Celle où ils pataugeaient tous. La salle était immense, il y en avait à plus savoir où donner de la tête. Je repérais Noctis entiché d’une bimbo que j’avais déjà vu. Chiho. Mais ce n’étais pas le seul à prendre du bon temps d’autres jeunes garçons s’étaient liés à une miss le temps d’une danse. Même Haernett et Ace jouaient les Don Juan pour le plaisir d’une grande tripotée d’adolescentes… et d’adolescents ? Observais-je en voyant Hearnett se séparait douloureusement d’un étrange garçon coiffé en bleu.
Je restais pantoise avant d’être bousculée par d’autres arrivants et de me décider à avancer. Le fait que je n’ai ni partenaire, ni ami – triste vérité – m’empêchait de profiter de la soirée. J’avais plutôt la gorge nouée et la crâne rempli de questions telles que « Qu’est-ce que je fais ici ? » ou « Serait-ce vraiment pitoyable de quitter discrètement la salle ? ». Au buffet, certains élèves se battaient littéralement pour avaler toujours plus de petits toasts. Gaston s’était perché sur le lustre et un sourire très très taquin naquit sur mon minois. Ô souvenirs. Le Protocole Lumière avait laissé des traces éternelles dans ma mémoire. J’avisais Bel qui s’était réfugié sous l’une des tables et menaçait quiconque l’y délogerait. Il n’avait pas l’air très préoccupé par mon sort. Mes lèvres se pincèrent et je pris la sage décision d’aller faire un tour aux toilettes. Je n’en revenais pas d’être réduite à feindre une envie urgente pour m’arracher quelques secondes à l’atmosphère oppressante.
L’odeur de parfum ainsi que les nombreuses demoiselles qui s’appliquait avait application de la pâte sur les lèvres et du noir autour des yeux me fit frissonner. Rien que de les voir j’avais honte pour tous les Wailord sacrifiés. L’une d’entre elle retint cependant mon attention. Elle ne se barbouillait pas le visage, elle remplissait des pistolets d’eau avec un sourire malin. Blonde aux yeux bleus avec une silhouette fuselée, je ne la connaissais pas mais je l’avais déjà vu dans les couloirs. En la voyant préparé ce qui s’apparentait à mes yeux comme une bourde niaise et puéril je ne pouvais me retenir d’approcher. Dans le dos de la killeuse, je murmurais suffisamment fort pour être entendu.« Tu ne trouves pas ridicule d’asperger les convives ? Tu y gagnes quoi au juste ? »
Mes yeux se plissèrent, j’avais vraiment envie d’avoir une réponse mais en même temps rien n’empêcher ce bout de tueuse de me planter là pour aller commettre ces méfaits un peu plus loin. Histoire d’éliminer cette idée j’attrapais un des flingues de son bagage et le faisait tourner dans mes mains. C’était drôlement réaliste, j’avais le sentiment d’être brusquement devenue très dangereuse au simple contact du « jouet ». J’observais de nouveau le visage de mon interlocutrice, je ne voulais pas la privé de son arme-à-eau simplement capter son attention pour lui inculquer quelques petites leçon de vie. Bon OK, lui rabâcher de veilles morales moisies parce que ça me démanger.
Ses traits étaient légèrement arqués dans un effort pour mieux me dévisager. Peut-être essayait-elle de mettre un prénom sur ce bout de chair féminine qui arpentait les jardins de l’académie ? Mon ton neutre aurait pu l’irriter mais rien ne transparaissait sur sa bouille. Ses yeux électriques ne me laissant pas deviner ses pensées. Sa voix posée m’exposa sa réflexion fondée, j’écoutais les syllabes s’écoulait naturellement de ses lippes. L’ennuie, hein ? Je la reconsidérai rapidement avec sa robe couleur pomme et denim, son bagage fleuri et son flingue. Toute cette extravagance n’était donc pas déployée pour « jouer » à la cavalière de bal ou se distraire avec trois copines inséparables ? Il fallait mettre du « punch » pour oublier les pesantes aiguilles de l’horloge ? Je ne m’y attendais pas, aussi j’écoutais avec une attention redoublée son discours. Tout en tendant l’oreille, je m’amusais à manipuler le pistolet, alignant mon regard dans le viseur ou effleurant avec envie la gâchette de mes doigts fins.
La « jolie » blonde insista, parlant des émotions écorchées de l’enfance. J’aimais bien la façon qu’elle avait d’en parler car cela me rappelait les jours où l’écorce des pins égratignait mes paumes et où la pluie battante imbibait mes vêtements. Je fermais les yeux pour mieux gouter au parfum sauvage de mes souvenirs et les rouvrait. Je n’étais plus une enfant. Je reposais l’arme entre les dextres de la blonde qui tripotait l’anneau suspendu à son cou. C’était fini le jeu du Chaglam et du Rattata, cela ne menait à rien de vouloir prolonger leur existence. Je lançais à l’autre un regard lourd et prenais mon temps pour détaché les syllabes de ma réponse.« C’est terminé. Nous ne sommes plus des enfants. »
Et je poussais le battant des WC pour retourner dans la salle de fête. Je scrutais d’un œil nouveau la masse qui tournait, se gavait, riait, grimaçait. Dans le fond peut-être était-il tous comme la demoiselle armée, morts d’ennuis, cherchant en vain une issue aux heures qu’ils leur restaient. Et toi comment fuis-tu l’ennuie ? Un sourire naquit sur mon visage alors que je sortais mon Ipok avec souplesse de son carquois. J’ouvrais la fonction « notes » de l’appareil et cliquait sur le dossier « Environnement » avant de tapoter sur les lettres de mon stylet. J’arrivais à faire abstraction du bruit pour me concentrer sur les lignes à écrire. Je résumais rapidement la situation du bal, avant de détailler chaque événement, je jouais au peintre sauf qu’au lieu d’une palette j’avais un clavier et en guise de pinceau un stylet. L’étrange ballet dansaient par une poignée d’affamés autour du plateau de toast au foie gras, les sourires un peu trop larges de Chiho et Noctis avant que la délicate Ambre ne surgisse, même le maquillage dégoulinant d’eau pailletée des malheureuses qu’Hope avait piégées. Mon angoisse disparaissait petit à petit. J’étais bien, tassée contre un mur à admirer les lampes qui grillaient à mesure que Gaston les rallumait ou encore les déhanchés allumeurs d’Hearnett et Creed. Bel m’avait trouvée, lovée comme un serpent gras et velu entre mes jambes, il surveillait avec un brin de curiosité les festivités. Peut-être qu’une part du flot de mots déversés dans les notes de l’Ipok irait rejoindre la Gazette. J’avais toujours secrètement rêvé d’envoyer un ou deux potins à Ezra.