24.07.2003 « Nous interromptons notre documentaire sur la ligue pokémon pour un flash d'infos spécial. PARCE QUE SUPER-GROUDON ATTAQUE TOUT SUR SON PASSAGE. Le car scolaire essaie de riposter mais il est impuiiiiiiiiiissant, yeaah ! MEUUUUUUUUURS BUS POURRI. » Bon, c'était pas vraiment super-Groudon, c'était un dinosaure en plastique. Et c'était pas vraiment un bus scolaire mais un de ses petits camions, en fausse ferraille.
« Non non non crient les petits enfants, épargne-nous super-Groudon ! Mais il s'en tape total et continue à tout casser, yeah ! » On s'amuse comme on peux à Lavanville et même s'il y a d'autres jeunes enfants dans les environs, Nox préfère jouer seul. Ou plutôt, il ne préfère pas mais y est forcé quand sa chère jumelle, son double-mental, part en compagnie de ses amis. Les autres enfants ont un peu peur de lui et de super-Groudon qui détruit tout sur son passage. Même les garçons... Tous les enfants de la cité ou il a vu le jour sont des chochottes en dehors du double-mental. Des tarés, même. C'est bien fait pour eux si super-Groudon les dévore, leur arrache les tripes et leur broie la cage thoracique. Yeah, yeah, yeah ! Cela fera plus de gens dans le cimetière et cela donnera du travail à papa, yeah ! Peut être qu'il pourra aider à creuser leurs tombes, yeah ! C'est la seule chose marrante à Lavanville, les tombes de pokémons. C'est dans la tour qu'il a appris à faire du roller, slalomant entre les stèles funéraires à la mémoire de Bichon le Fantominus – comment un fantôme peut remourir ? Y'a des gens, ils sont toc-toc, franchement débiles ! - et de Thunder le Raïchu. Y'a des gens, ils ont vraiment pas d'idées pour les surnoms donnés à leurs pokémons. Heureusement que parfois, les gens, ils meurent. On les enterre au même endroit que leurs compagnons de vie s'ils l'ont désirés dans le tes-ta-ment ou alors dans un autre cimetière, plus au nord de la ville, s'ils étaient tous seuls dans leur vie. Ils sont cons les gens qu'on enterre plus au nord aussi, pourquoi ils sont restés seuls dans leur vie ? Il est peut être seul, lui, Nox, vu que les autres enfants sont trop débiles pour venir jouer avec lui mais plus tard on l'enterrera au moins avec super-Groudon, yeah !
La, il joue dans le jardin qui borde la maison du vieux Fuji, encore un toc-toc même s'il est gentil ! Il paraît qu'il y a des années, il est monté dans la tour pokémon en compagnie d'une association malfaisante, la team rocket et que Red, le Grand Red, a du aller le sauver. Sauf que Red, le Grand Red, quand il est arrivé en haut de la tour, il a appris de Monsieur Fuji qu'il avait suivi la team rocket de son plein gré. C'est louche ! Pourquoi il les a suivi si tout le monde dit qu'il est gentil et qu'il se passionne pour les pokémons – il recueille d'ailleurs les orphelins ? Une fois, Nox a voulu mener l'enquête, yeah ! Mais à part une paire de claque de sa mère, cela n'a rien donné. N'empêche qu'il se méfie du faux-gentil qui suis la team rocket comme cela.. Si cela se trouve, avant d'être à Lavanville, il était l'un des leurs ! Mais bon, le vieux Fuji est l'un des seul en ville avec un jardin ou on trouve des pokémons VI-VANTS. Donc Nox est bien obligé d'aller chez lui, le faux-gentil, plutôt que chez un autre habitant. Et cela, cela craint un max. Il se laisse tomber avec violence en arrière sur le bac à sable, super-Groudon et le bus scolaire factices chutant de haut de ses main sur les milliers de petits grains dorés à quelques centimètres des côtes du garçon. Sa nuque est positionnée exactement sur l'arrête de la zone de jeu et il laisse échappe une plainte morbide sous le choc, comme s'il se meurt dans la douleur et dans la souffrance, victime du coup du Lockpin. Un Pikachu et un Minidraco qui jouaient dans le jardin à proximité du jeune garçon s'approchent, intrigués, pour entendre ce qui sera peut être les dernières paroles de l'enfant. Agonisant mentalement, il leur jette un regard fatigué et ouvre la bouche pour leur lancer quelques phrases d'une voix étranglée.
« Raaaaaah............ A l'aide, appelez les secours et la morgue, prévenez ma famille....... Je m'ennuie................... » Pour la mort, c'est pas tout à fait cela. Pour les Oscars du Pokéwood par contre, il est prêt.
Il y a un truc formidable à Lavanville par contre. Un truc brun, auquel il manque un zizi certes, mais un truc formidable quand même. Ce truc s'appelle Kaeko Riviera et on peux on faire ce qu'on veut pour peu qu'on la croise dans les ruelles de la ville. Le bourg n'est pas bien grand mais le truc sort rarement de chez ses parents – surtout quand le truc pressent la présence de Nox. Nox fait peur au truc, du moins il le pense – mais en écoutant ses pensées, il finirait par se persuader que toute la cité le craint. Le truc est fragile, malade selon les gens du village. Il sort rarement, le truc, mais quand il sort alors là, c'est comme si c'était Halloween à l'avance ! On ne fête presque pas Noël ou Pâques à Lavanville, ce sont des choses réservées aux grandes villes, la ou il a des magasins pour acheter des cadeaux, de la viande de Tortank, des Coquiperl et du chocolat – ce qui, dans un village ou on ne compte qu'un centre pokémon et qu'une boutique ou viennent se dépanner les dresseurs qui se sont égarés, n'est pas vraiment possible. Halloween et la Toussaint en revanche sont souvent célébrées dans le visage. Pendant Halloween et la Toussaint, le truc sort aussi. C'est bien. Nox adore suivre le truc discrètement, comme un espion. Parce que le truc, Kaeko, a peur de tout et de rien. Même d'aller dans le cimetière avec son frère. Le truc est une chochotte qui a un an ou deux de moins que Nox. Nox a connu le truc quand il était encore bébé, qu'il tétait sa mère et qu'il ne savait pas marcher ni tenir sa tête tout seul – depuis, le truc marche, trottine même parfois, souvent derrière son frère aîné. Nox se fout du frère aîné du truc, mais c'est un bon camarade quand même quand il s'agit de se moquer du truc. Nox et le frère aîné emmenaient parfois le truc au cimetière de la ville, avant de se moquer d'elle parce qu'elle a peur des types spectres. A force, le truc s'est habitué, s'est montré plus courageux quand il s'agissait de circuler, de jouer et de danser entre les tombes en chantant des incantations funèbres. Le cimetière, c'est un lieu génial pour s'amuser quand les exorcistes présentes ne vous chassent pas à coup de claques ou de combats pokémons. Nox déteste les exorcistes – sauf sa mère. Sa mère est la seule exorciste gentille dans toute la tour pokémon. Dommage qu'elle trouve le truc trop mignon. Kaeko n'a rien de mignon. C'est une ancienne trouillarde, à laquelle Nox fait encore facilement peur en lui racontant des histoires avec du sang, de la mort et de la souffrance, même si elle arrive à s'aventurer dans le cimetière. Chochotte de deux ou trois ans, va. Nox a beau n'avoir que quatre ans actuellement, il se considère comme davantage courageux et brave – mais c'est normal, c'est un garçon. Le truc est une fille si on parle sexuellement, mais c'est surtout une chochotte. Une trouillard. Le truc est nul, sauf quand on s'ennuie. Nox relève le nez. Le truc est la-bas, dans son champ de vision, sans son frère aîné pour une fois. A Lavanville, les enfants même en bas âge peuvent traîner tous seuls toute la journée. A Lavanville, y'a pas de pédophiles – Nox ne sait pas ce que c'est mais c'est mal apparemment. Cela doit être un truc des grandes villes, comme Céladopole ou Azuria, une chose dont on ne parle pas dans les bourgades. Le garçon se relève, jette un coup d'oeil en biais derrière lui. Le vieux Fuji est la, regardant par la fenêtre. Si cela n'avait pas été le cas, peut être que Nox aurait fait un salut à la maison avant de sauter la barrière. Mais c'est le cas et il préfère s'en aller comme un sauvage, passant d'un bond par dessus la clôture peinte en blanc du jardin avec facilité malgré sa petite taille, avant de courir en direction du truc. L'ennui le rend indocile, malpoli, vulgaire comme disent les adultes. Mais il s'en fout. Tant que le truc sera la, il ne s’ennuiera pas.
Il la regarde, les yeux brillants, le corps tendu au maximum pour paraître plus grand. Le truc lui fait face, un pouce dans la bouche, une expression enfantine et innocente sur le visage.
« Kaeko ? Tu veux savoir ce qui est arrivé à l'enfant qui se mettait trop souvent le pouce dans la bouche ? »31.10.2009 « Et voilà pourquoi la viande qui sort des abattoirs est en réalité.. DE LA CHAIR HUMAINE. » Nox étire ses bras vers le plafond à moitié défoncé de la vieille demeure dans laquelle ils se sont tous réunis en cette soirée d'Halloween. Décidément, de tous les conteurs qui sont actuellement présents dans la pièce, son double-mental et le truc compris, Ephram est bien le plus pitoyable. Ses piètres histoires frôlent le degré zéro de l'effroi et se rapprochant davantage de l'ennui que de la peur. Le jeune garçon aux cheveux blanchis se laisse glisser en avant sur le sol poussiéreux, se retenant de justesse de bailler. Elle était pourrie, l'histoire de son camarade. Encore une histoire de Kaeko et se sera son tour. A la grande surprise du garçon, le truc décide de raconter une des histoires d'horreurs qu'il lui a conté, il y a des années de cela.
« Alors, moi je vais vous raconter ce qui est arrivé au garçon qui suçait trop son pouce et pourquoi on tape sur les doigts des enfants de Lavanville quand ils le font. » Allongé sur le ventre, Nox replie ses bras et plaque ses mains de chaque côté de son visage comme s'il s'apprête à profiter des moments à venir. La lampe de poche – seule source de lumière actuelle dans la nuit et dans la baraque abandonnée – que chacun des gamins allume sur son visage pour se donner l'air davantage effrayant passe dans les mains du truc tandis que ce dernier prends un ton étranglé, douloureux. Elle raconte ainsi la légende d'un enfant qui, pouce dans la bouche toute la journée, fut maudit par une série de pokémons spectres parce qu'il n'arrivait pas à leur adresser la parole correctement, zozotant à cause de son pouce calé entre ses dents. Furieux devant cette impolitesse, ils condamnèrent l'enfant à s'arracher la peau et à se broyer les os du pouce avec les dents, le doigt repoussant à chaque fois que le supplice était terminé. Hanaë, sa sœur jumelle n'a pas la montre émotion face à cette version enfantine du martyre de Prométhée. Nox se penche vers elle pour lui passer la main dans les cheveux, faisant preuve d'une douceur presque exagérée lorsque ses doigts frôlent les mèches rousses. Elle est la seule qui vaille la peine qu'il montre les seules bribes positives qu'il possède, même s'il s'est assuré auparavant que les autres enfants étaient concentrés sur Kaeko et qu'il ne regardaient pas dans leur direction. Il n'aime pas faire preuve de douceur aux yeux du monde – c'est l'arme des lâches, des faibles. A sa droite, le truc termine son récit sur une note funeste, indiquant que l'enfant vit toujours et est capable de transmettre son supplice à quiconque suce trop longtemps son pouce, mais Nox ne l'écoute plus, occupé à jouer avec les cheveux de son Hanaë. Elle est le feu et lui la glace, à tel point que leur élément se reflète aussi bien dans leur esprit que dans la couleur de leurs mèches. Elle est une puissance destructive, ravageant tout sur son passage et ne laissant que des débris derrière, tandis qu'il est un élément instable, charmeur et entouré de mystère mais traître malgré tout. N'est ce pas un iceberg qui, des décennies auparavant, a surpris un bateau et fait perdre la vie à des centaines de personnes ? Nox est ainsi. Il surgit sans qu'on s'y attende et cause des dégâts impressionnants, titanesques.
Hanaë interrompt ses réflexions sur les éléments en lui envoyant un coup de coude dans les côtes. Il ne gémit ni ne grimace de douleur, saisissant simplement que c'est à son tour de faire le narrateur. La lampe passe dans ses mains et, tandis que la lumière se reflète sur son visage d'une manière sinistre, il commence son récit de la voix la plus rauque possible.
« L'histoire que je vais vous raconter n'est pas vieille, elle n'a donc rien d'un mythe ou d'une légende. Elle ne remonte qu'a quelques années en arrière, ici même à Lavanville. C'était un soir d'Halloween comme celui que nous sommes en train de passer, ou l'orage et la pluie avaient pris le pouvoir sur notre bourg. Ce soir là, les parents de deux enfants devaient partir à la ville, vous savez, Céladopole. Parce qu'ils allaient probablement se soûler, faire l'amour et jouer au casino, » – Il prononce ces mots d'une voix neutre, sur la même lignée que celle qu'il emploierait pour parler d'un sujet banal comme la météo –
« ils n'emmenèrent pas leurs enfants, mais leur promirent d'appeler à dix-heures trente du soir et leur laissèrent le persian en guise de compagnie. En cette saison, comme on avait déjà reculé d'une heure, la nuit tombait rapidement sur nos contrées ; mais, comme vous le savez, nous ne sommes pas encore pervertis par les maux des grandes villes et on ne craint chez nous ni la pédophilie ni les kidnappings, c'est la raison pour laquelle les enfants peuvent encore rester tard sans surveillance dehors ou chez eux – on compte d'ailleurs dans le pire des cas sur la bienveillance de nos voisins. Les parents partis, la fille alla aussitôt chez une de ses amies pour s'arranger et passer la nuit chez elle, tandis que le garçon restait seul – mais cela lui convenait assez bien. Par conséquent, tandis que sa sœur se maquillait comme une voiture volée et chantait avec sa copine comme un trousselin, le garçon traînait dans les ruelles du village. Il mis quelques heures à s'occuper ainsi, avant de finalement rentrer chez lui vers les coup de neuf-heures quarante. Il eut à peine mis un pied dans la maison que le téléphone se mettait à sonner. » A ce stade de l'histoire Nox fait une pause, soit pour maintenir le suspense, soit pour récupérer sa respiration après avoir tant parlé. La lumière plongée dans les yeux, il ne voit pas les expressions de ses camarades et préfère les imaginer, inquiètes, stressées, angoissées d'avance peut être. Il sourit, avant de reprendre sur sa lancée.
« Parce qu'il pensait que ses parents avaient voulu prendre de ses nouvelles plus tôt que possible, il décrocha sans vraiment réfléchir à ce qu'ils lui avaient dit. A travers le combiné, il n'entendit pourtant ni la voix de son père ni celle de sa mère. A la place, un souffle rauque et lent le fit frémir sur place pendant une trentaine de secondes, avant que le son respiratoire ne fasse place à un son égal à celui de gouttes d'eau tombant sur le sol ; plic, ploc, plic, ploc... Nerveux, le garçon raccrocha immédiatement et alluma la télévision pour se changer les idées. Une chaîne diffusait une série de gags d'Halloween, à coup de personnes se déguisant en personnages de films d'horreurs, de trompe-l'œil et de pokémon comme des pitrouilles, des mimigals et autres spectrums. Il resta planté sur la chaîne pendant une quinzaine de minutes, avant que le téléphone ne sonne à nouveau. Dix heures approchaient alors sur l'horloge et, parce qu'il était jeune et naïf, il songea que c'était cette fois ses parents qui prenaient de ses nouvelles. A nouveau, la respiration se fit entendre, suivie des même sons que la fois précédente ; plic, ploc, plic, ploc.. Cette fois cependant, ce fut l'appelant qui raccrocha avant le jeune garçon. Mal à l'aise et sentant l'atmosphère devenir pesante et désagréable, l'enfant ne traîna pas davantage pour aller se coucher. Il ne parvint pas à s'endormir avant de longues heures malgré tout, tournant sans cesse dans son lit et suant de trouille autant qu'il est possible de le faire. Il se réveilla le lendemain matin avec une forte migraine, de laquelle il espéra se débarrasser en allant se laver. Sauf que quand il tira le rideau de douche, il eut une vision épouvantable. Le Persian de la famille se trouvait la, pendu par les pattes, le ventre ouvert et les tripes à l'air. Et, dans un fond d'eau qui avait coulé dans le paquet, le sang qui coulait du ventre et de la gueule du pokémon tombait goutte par goutte en faisant plic, ploc, plic, ploc... » Il ne voit pas plus les expressions des gamins qu'avant, mais il entend quelques sons dégoûtés parmi son public enfantin. Alors il lâche sa dernière carte, d'une voix plus nerveuse et rauque qu'auparavant.
« Et vous savez pourquoi je connais cette histoire ? » Quelques non parcourent l'assemblée et, d'un geste de la main, en posant la lampe torche au sol, il fait signe aux enfants de s'approcher. Lorsque ceux si sont assez proches de lui, il murmure doucement d'une voix étranglée.
« Parce que l'enfant qui a découvert Persian, c'était moi... ET MAINTENANT JE VAIS ME VENGER SUR VOUS ! » Il se relève brusquement et les gosses, bien que faisant partie de Lavanville, font de même avant de décamper en courant. Il fait mine de les poursuivre jusqu'à l'étage précédent puis renonce en les voyant avoir la frousse pour la soirée.
« Les mômes.. On leur fera gober n'importe quoi. » Il retourne dans la pièce supérieure, le ventre douloureux à force de rire et y retrouve trois ou quatre autres enfants, parmis les plus courageux et les plus vieux de la soirée. Il ne s'occupe pas de savoir si le truc est présent parmi eux et va directement vers Hanaë, lui posant une main sur l'épaule droite de la jeune fille.
« A ton tour de raconter, très chère. »27.08.2014 « Je ne pleure pas. C'est la pluie qui coule dans mes cheveux et sur mon visage. » Une autre personne que son Hanaë l'aurait probablement cru. Il secoue la tête avec violence, s'ébrouant comme un ponchien sortant de l'eau pour chasser les quelques larmes qui ont roulé sur son visage. Un orage a éclaté sur la ville et dans les bois qui se dressent non loin. C'est ici que Nox a trouvé refuge pour se protéger de la pluie, lui qui ne voulait pas rentrer à la maison de crainte que ses parents ne changent d'avis et ne déchirent les papiers d'inscriptions. Il avait voulu partir, de toutes ses forces, de toute son âme et pourtant il hésite au moment présent. Il laisse derrière lui certes ses obligations de fossoyeur, son enfance passé à creuser des trous pour aider son père et à faire peur aux villageois pour tuer l'ennui, mais également son double-mental. Elle qui lui ressemble tant et pourtant pas assez. Il se mord les lèvres, s'embrouille dans des explications qu'il pense devoir à sa sœur.
« J'pouvais pas rester… J'en ai marre de creuser des tombes, d'enterrer les cadavres de pokémons et d'humains, de me faire chier à tourner en rond ici, en faisant toujours les mêmes actions. » Il ne lui demande pas si elle le comprend. Il a pris sa décision et elle ne peut pas intervenir dedans, même s'il aimerait qu'elle ne lui en veuille pas – peut être qu'elle ne lui en veut pas d'ailleurs, que le malaise est dans sa tête et uniquement dans la sienne. Il ne sait pas. Il ne cherche pas à savoir, il veut juste lui expliquer pourquoi il part.
« Ils ont un programme cool là-bas, je t'ai laissé une de leur pub dans un des tiroirs de ta chambre… Si jamais tu veux m'rejoindre, dans six mois, dans un an… Et on s'écrira de toutes façons. Tu te souviens du truc, Kaeko ? C'est là-bas qu'elle est partie, je sais pas si elle s'y plaît. » Il remonte la main le long de son visage, essuyant les traces de larmes et repoussant ses cheveux en arrière. Un rire nerveux s'échappe d'entre ses lèvres tandis que ses épaules s'agitent dans des sortes de tremblements incontrôlés.
« J'pars demain matin pour Carmin-sur-Mer. S'ils ont changé d'avis… J'prendrais un pokémon de la tour pour franchir la cave taupiqueur et il retrouvera son chemin ensuite. » C'est un monologue – ou peut être qu'elle lui répond mais qu'il est trop dans les vapes pour l'entendre. Il s'en va. Enfin. Fini l'ennui, les heures passées dans des ruelles qu'il connaît sur le bout des doigts, les lamentations des pokémons errants dans la tour spectre et celles des exorcistes du même lieu. Adieu Lavanville, bonjour Lansat. Il hésite entre la dépression et l'optimisme. Dépression de quitter Hanaë, optimisme de commencer une nouvelle vie. L'inconnu ne lui fait pas vraiment peur – d'ailleurs les inconnus ont toujours été ses cibles favorites quand il s'agissait d'agresser quelqu'un – c'est surtout le fait de la laisser derrière lui. Est ce qu'il pourra encore, à autant de kilomètres d'elle, avoir cette sensation dans le cœur – s'il en possède un – qui lui permet de savoir si elle va bien ou mal, si elle est heureuse ou triste ? Ses dents jouent avec sa lèvre inférieure, la pinçant et la mordant. Il se retourne vers Hanaë, lui passe un bras autour des épaules.
« Rentrons. L'orage ne semble pas décidé à céder son règne au vent, ce soir. » Ce n'est pas tant pour lui qu'il s'inquiète, il a l'habitude du froid et de la pluie. Mais au moins, il pourra dire qu'il a veillé sur elle jusqu'au dernier instant sans mentir.
Ils sont obligés de faire un détour et de passer par Safrania, parce que la cave taupiqueur empêcherait la voiture de passer s'il allaient directement à Carmin-sur-Mer. Cela va. Relax. Ils sont partis en avance, y'a pas le feu aux bois. Pour la énième fois, sa mère lui demande s'il n'a rien oublié, pour la énième fois elle lui demande s'il ne veux pas emporter de l'argent sur l'île.
« Si j'ai oublié un truc, je me pendrais plutôt que de retourner le chercher. Et non. Je t'ai dis une bonne dizaines de fois qu'ils ont un système de monnaie spéciale à l'académie et sur l'île en général même je crois. » Vivement qu'il soit sur le bateau, qu'elle lui fiche la paix – quoi qu'elle serait capable de l'appeler en pleine mer ou océan pour prendre de ses nouvelles et savoir s'il va bien et savoir s'il est arrivé. Elle s'apprête à parler d'ailleurs, mais il a perçu le fin mouvement de ses lèvres maternelles avant que les sons ne passent à travers et il l'a interrompue, juste à temps.
« Hm, j'ai quinze ans. Tout ira bien. » Il en a marre d'avance et tourne le visage du côté de la fenêtre pour ne plus avoir sa génitrice dans son champ de vision. Vivement qu'il soit le bateau et mieux, encore, qu'il soit à l'académie, qu'il ai son starter et son dortoir d'attribué. Il souffle doucement sur la vitre, la teintant de buée. Dommage quand même qu'Hanaë ne l'ai pas accompagnée. C'est l'unique regret qu'il laisse derrière lui, tandis que la voiture s'engage enfin dans la cité qu'est Safrania, offrant à Nox un premier pas vers sa liberté.