Encore aujourd'hui, je n'ai pas réussi à terminer ce jeu, et c'est bien heureusement. J'ai atteint depuis un bon moment la case quinze, et je m'avance vers la seizième en bonne voie. Toujours, j'aime observer l'horizon pour me remémorer tout ce temps déjà passé à vivre, joyeusement comme tristement, traversant un à un les différents obstacles de la vie. Je grandis au fur et à mesure que je lance le dé à une face, et je découvre de nouvelles choses. Tout est différent selon la case, la monotonie est pour moi un mot qui n'apparaît pas dans le dictionnaire. Pourtant, lorsque l'envie me prend de revenir en arrière et d'y repenser, je ne peux m'empêcher de sauter quelques étapes, comme si elles n'avaient pas d'importance, qu'elles avaient peut-être déjà eu lieu. C'est donc ainsi que je vais démarrer sur mon aventure, ou plutôt mon histoire, celle du jeu du Doduo.

J'ai toujours adoré lorsque les servantes les plus anciennes de mes parents me racontaient ma naissance. Tout d'abord, il avait fallu fixer les règles, et là, il y avait eu de la difficulté à choisir. Quand allait-il le faire ? De quel façon ? Bref, comment allais-je naître ? Entre leur rencontre et leur décision, il y avait un bon écart de dix ans. Dix ans de réflexions, sans une quelconque activité autre que professionnel. Je manquai souvent d'en rire. Quoi qu'il en soit, une fois les règles fixés, ils s'étaient mis à l'œuvre, mettant les pièces en place, préparant le jeu. Neuf mois et une journée d'installation, c'était exactement le temps qu'il leur avait fallu pour commencer la chose. Il fallait bien différencier les joueurs entre eux, alors avant de démarrer, mes parents avaient déterminé mon nom, ou mon pseudo dans ce cas-là. Ainsi fus-je nommé Peter. Peter Scott. Et le long jeu pouvait commencer, avec pour seul participant ma propre personne. Je lançais le dé et avançait à la première case, celle de la découverte.

Et je m'étais engagé sur la première case, tombant nez-à-nez avec la vie, et mes parents. Les premiers repas, premières sorties, premiers apprentissages, premiers jouets. Évidemment, j'avais une famille assez riche, et très présent pour moi pour m'assurer une éducation parfaite. Il ne m'avait pas fallu longtemps pour commencer à marcher à quatre pattes, et pouvoir voir parfaitement ce qui m'entourait. Cette case n'avait au final pas été des plus intéressantes, mais elle avait permis de poser les bases qui allaient tisser l'aventure des sept suivantes. Une longue ligne de joie et de jouets sans fin, agrémenté d'une sauce apprentissage, avec l'arrivée de mes premiers mots, de mes premières images, mes premiers livres, mes premiers textes, mes premiers écrits, mes premières réflexions … Tout ceci conduit bien vite à cette fameuse case, la huitième, qui marqua la ligne entre l'introduction et le récit qui constitue ma vie.

Ce fut le début d'un long parcours pour moi et ce, dès le jour de mon anniversaire. Alors que nous achevions de manger le gâteau, mon père m'avait demandé de le suivre à l'écart des invités pour me dire quelque chose. Si j'avais su avant ce qu'il allait me dire, aurai-je refusé de le suivre ? En y pensant, j'aurais fini par l'apprendre au bout d'un moment. Mes parents avaient jugés suffisants mes connaissances sur la vie et mon intelligence pour me laisser vivre seul comme un grand. Cela m'avait un choc. De toute mon enfance, c'est l'unique fois où j'ai lâché ma colère sur eux, criant de tout mon souffle que je les haïs de tout mon être avant de m'enfermer plusieurs heures dans ma grande chambre pour pleurer. Encore maintenant, j'ai en tête leur visage apeuré par ma réaction. Aujourd'hui, j'ai compris qu'ils avaient agi dans mon plus grand bien.

Mais quoi qu'il en fut, encore maintenant, je n'ai jamais oublié cette anniversaire qui fut le dernier fêté. Il m'a permis de développer ce caractère opiniâtre en moi en même temps que ma spontanéité. J'avais bien malheureusement passé avec difficulté cette case. Les nouveaux obstacles qui me barraient le chemin étaient devenus beaucoup plus durs à passer, et j'avais dû y donner tout mon être pour m'en sortir. Puis, petit à petit, j'ai compris que je n'étais jamais resté vraiment seuls. Mon entourage était toujours à mes côtés en cas de problème, et même mes parents n'avaient pas cessés à leur façon de m'aider quand j'en avais besoin. Avec les années suivantes, j'ai fini par apprendre de nouvelles choses comme l'entraide, la distinction personnel et l'intelligence. J'étais devenu beaucoup plus mûr, j'avais acquis une véritable indépendance, et j'en étais fier, bien que je ne l'ai jamais montré.

Ce fut une année plutôt importante pour moi. Le jeu s'était intensifié et avait gagné de plus en plus en difficulté, mais je gardais toujours le sourire. Avec mes amis à mes côtés et les servantes comme mon entourage, je ne pouvais qu'être heureux. Quand j'étais seul dans la grande résidence familiale, j'avais toujours les pokémons gros comme petits pour passer du temps avec moi. Ma passion pour leurs petites bouilles s'était rapidement manifesté, et dès que je les apercevais, j'en étais extasié. Je vivais une vie normale pour une personne de mon rang, j'étais tranquille, mes petites habitudes et mes journées toujours plus différentes les unes que les autres en place, il n'y avait rien qui prévoyait ce soudain changement de direction. Comme quoi, les événements étranges n'étaient pas si rares qu'on le prétendait.

Bref, toujours est-il que le jour de mon anniversaire approchait à grands pas. C'était un week-end comme on pouvait les apprécier, avec un magnifique ciel bleu, une température printanière des plus douces, une campagne calme et bougeant au rythme du petit vent qui y soufflait. L'activité urbaine n'était pas très active, justifié en partie par les promenade que s'étaient offerts beaucoup d'entre eux pour aller se promener aux alentours de la ville et dans les contrés les plus proches. Il n'en restait pas moins que ce jour-là avait lieu dans cette bonne Rivamar un petit tournoi pokémon que j'avais attendu avec impatience. Le stade de combat était plein à craquer, ce qui avait vidé plus encore les rues de la ville. Les combats étaient d'une grande intensité. Les dresseurs qui s'affrontaient n'étaient pas de simples amateurs, et chaque attaque qu'ils lançaient me faisait frissonner de bonheur. Mais parmi tous, je n'avais retenu qu'un seul d'autre eux. Bien évidemment, c'était le plus grand, le meilleur, le plus fort. Son pokémon, un puissant Jungko, laminait tous ses adversaires en un rien de temps. Mais cette démonstration de puissance n'était rien pour moi. Bizarrement, mon regard avait été rivé exclusivement sur son dresseur. Son nom ? Elfman. Il était bien musclé, possédait ce magnifique visage charismatique et légèrement teinté d'un marron clair fort attirant, une légère barbichette pour compléter le tout. Dans ses moindres mouvements, je sentais tout une explosion en moi. J'avais d'abord cru qu'il s'agissait d'une fascination de sa façon de combattre, mais bien vite, j'avais compris qu'il n'en était rien. Et c'est surtout lorsque je croisai mon père quelques heures plus tard que je m'en rendis compte. En l'observant avec intérêt, j'avais senti comme un malaise en moi, et en allant me regarder dans le miroir de la salle de bain commune, je m'étais aperçu que je rougissais. Mais comment était-ce possible ? Pourquoi rougissais-je en fait ? J'avais simplement porté mon regard sur son petit bout de poil noirâtre et …

Et là j'avais compris de quoi il en retournait. Je n'avais encore jamais connu cela, ce sentiment étrange que l'on nomme « amour ». J'en entendais parler parfois de-ci, de-là par mes camarades de classes, mais je n'avais eu à en jouir pour ma part. En tout cas, pas jusqu'à ce jour. J'avais d'abord manqué d'en pleurer de tristesse sans en connaître réellement la raison, puis une sorte de joie m'envahit. Je sentais que je venais de franchir un grand pas dans ma vie, que je me rapprochais encore plus du statut de l'homme mature. J'avais donc décidé d'accepter ce sentiment que je portais aux hommes, à leur corps, leurs sensations, leur voix … Petit à petit, c'était devenu aussi naturel que de respirer. J'étais même allé jusqu'à développer une passion énorme pour les hommes portant la barbichette, ce qui n'excluait en rien les autres. Il fallait dire que j'avais fini par adorer toute personne du sexe masculin à force de les observer, mais ce n'est pas un détail très intéressant. De par cette nouvelle avancée, je démarrai la quinzième case avec de la joie plein l'esprit.

L'été s'était révélé plutôt ennuyeux. La plupart de mes amis et camarades étaient partis se prélasser je ne savais où près de la mer, me laissant seul avec pour unique compagnie les pokémons des servantes que je gardais quotidiennement pour passer le temps. Après sept ans de presque-solitude acharné, j'avais maintenant avec moi un bagage de connaissances ne serait-ce que de base importante. Mais il me manquait encore quelque chose pour que je puisse vraiment profiter de ces dernières : la pratique. En dehors des quelques cours dont je pouvais jouir et l'occupation des pokémons de la résidence, je n'avais pas vraiment d'occasions de montrer mes talents. Il m'en fallait plus encore. Il m'était impensable de rester cloîtré comme j'étais chez moi pour m'ennuyer. Et comme si Arceus avait décidé de me venir en aide, je tombai un après-midi où je promenais tranquillement dans la ville sur une affiche fort intrigante. Il s'agissait d'une pub concernant une certaine académie posté sur une île nommé Lansat. Sur le coup, je n'avais pas tilté. Mais bien vite, je me rappelai ce que l'une des laveuses de carreaux de la résidence, grandes commères du groupe, m'avait dit un jour au détour de l'immense fenêtre du salon : mon cousin, du côté de ma mère, la famille Wills, y était actuellement scolarisé, et d'après les dernières informations, il y serait devenu un grand dresseur.

Et c'est ce qui m'avait fait réagir. Ainsi donc, dans cette académie, il était possible de devenir quelqu'un de très fort ? Il n'y avait pas de doutes qu'il y aurait nombres d'occasions pour moi là-bas de m'affirmer grâce à mes connaissances. Je ne me retins pas pour revenir à la résidence annoncer à mes parents avec qui je m'étais récemment réconcilié que je souhaitais m'inscrire dans cette académie. Ils avaient manqué de me sauter au cou sur l'instant, ce qui n'était pas plus mal, et s'étaient contentés de me sourire avant de me dire qu'ils étaient entièrement d'accord pour financer mon inscription. J'étais alors devenu euphorique, et ce fut moi qui vint les enlacer de joie pour les remercier. Nous n'étions alors qu'en mi-juillet, ce qui me laissa le temps de faire les préparatifs de mon départ là-bas. Et bientôt, le jour du départ arriva. J'allais pour la toute première fois quitter la résidence pour une durée indéterminé, simplement sur cette envie qui m'avait pris de pouvoir devenir plus fort. Était-ce la bonne solution ? J'allais très prochainement le savoir.