"Il faut peu de chose pour être heureux dans la vie : des amis et un sandwich suffisent amplement"
Alors, on va tout de suite mettre les choses au clair : Je ne suis pas une fille ! Et le premier qui me sort une remarque sur la couleur de mes cheveux…Après tout, ce n’est pas comme si j’avais choisi d’être le fils d’un membre de la famille Joy. En y repensant, c’est vrai qu’il me serait difficile de le cacher.
Entre mes cheveux roses, qui semblent prendre un malin plaisir à rejeter toute forme de teintures, ma taille, qu’on pourrait qualifier de ''relativement petite’’ (Je fais quand même 1m57…1/2, je vous signale ! Même à 14 ans, ça reste correct !), et ma carrure, aucune chance pour que je me fasse passer pour un Poke-Athlète de haut-niveau, dopé au jus de Baies !
Ajoutez à ça, 50 malheureux kilos qui se battent entre eux, et vous comprendrez pourquoi on m’a appelé ‘’Mademoiselle’’ pendant des années. Et malheureusement, il semble que ça ne soit pas près de s’arrêter.
Le seul trait physique que j’apprécie vraiment chez moi, ce sont mes yeux dont la couleur évoque celle de l’ambre, tout en tirant très légèrement sur le brun. Ma mère disait qu’elle avait l’impression de sentir la chaleur de ce regard au chaud ton orangé, lorsque je posais les yeux sur elle….Puis elle ajoutait que ma coiffure faisait ressortir admirablement cette couleur. Maudits cheveux, je vous hais !
Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir essayé d’y remédier. En espérant paraître plus grand et plus viril, j’ai mis un point d’honneur pendant des années, à m’habiller avec des tenues ‘’sportives’’ pour essayer de combattre cette image. Et on peut dire que…ça n’a absolument pas marché. Pourtant, si vous me croisez, il y a de grandes chances que je porte encore ce style d’ensemble : pantalon de survêtement, veste associée blanche et bleu, et en dessous un maillot le plus souvent jaune, voilà ce qui constitue ma tenue, la plupart du temps. Je pourrais dire que c’est parce que je les trouve confortable. Mais la vérité, c’est que lorsque Lucki me réveille à 6h du matin pour me forcer à faire trente fois le tour du dortoir en courant, je n’ai pas le courage (et le temps) de changer de vêtements, avant le début des cours.
Je préférerais que les gens me remarquent pour autre chose que la couleur de mes cheveux…Par exemple le sourire qui ne quitte que très rarement (voir jamais) mon visage. Je suis sûr qu’un simple sourire peut éclairer la journée de n’importe qui. Traitez moi d’idéaliste, si vous voulez, mais j’ai trop vu de gens exposer leur tristesse, et attendant que j’exprime la mienne. Aucune chance, je croque la vie à pleine dents, et j’en suis fier ! Si je veux un jour devenir un vrai Pokémon Ranger, ce sera dans cet état d’esprit !
Et plus que tout, je veux la partager avec des gens que j’aime. La solitude est l’une des rares choses que je ne supporte pas (ça, et les Pokémons Spectres…Brrr, rien que d’y penser, j’en ai la chair de poule), donc ne vous étonnez pas si je chercher à attirer votre attention, par tous les moyens, surtout les plus improbables.
Et ne vous inquiétez pas, ma tendance à faire des farces à tous ceux que je rencontre s’est un peu atténuée avec l’âge…Mais à qui je vais faire croire ça ? Quoi qu’on me propose, si c’est risqué, je n’hésite pas une seconde. Si vous cherchez quelqu’un pour aller chatouiller un Trioxhydre, vous êtes au bon endroit !
Bref, je suis un véritable gosse, un peu immature, farceur, et légèrement feignant (Lucki me le fait remarquer assez souvent…et assez violemment aussi), mais où est le problème ? L’important dans la vie, c’est de s’amuser !
Ah oui, une dernière chose…Je pense qu’il serait plus honnête de vous prévenir que la nourriture et moi sommes des amis proches et sincères, et ce depuis des années. Ne songez donc même pas à nous séparer. Même si je parviens à rester mince (La seule raison pour laquelle je supporte encore les entrainements intensifs de Lucki), je suis capable d’engloutir tout ce qui me passe sous la main. Vous pouvez accuser mes parents adoptifs et leur restaurant, mon propre plaisir à passer derrière les fourneaux, ou encore ma période de croissance…Peu importe, l’essentiel est que si je trouve une table bien garnie, elle risque de ne pas le rester très longtemps.
« Mais tu vas me laisser tranquille !»
-Mamaaaaaaan !
-Cléo, rappelle Balor dans sa Pokéball ! TOUT DE SUITE !
Le plus vieux souvenir que j’ai de ma mère, doit remonter à l’époque où j’avais environ quatre ans…Je me souviens surtout de sa robe, aussi bleue qu’une mer azurée, et qui mettait merveilleusement en valeur son doux visage et ses cheveux.
Peut-être parce que justement ce jour-là, j’avais littéralement plongée dedans, poursuivi par le Fantominus de ma sœur.
Je ne me rappelle plus la raison qui avait poussé Cléo à lancer Balor à mes trousses, mais elle l’a tant fait au cours des premières années de ma vie, que ma phobie des Pokémon Spectre était déjà bien ancrée dans mon esprit. D'aussi loin que je me souvienne, elle s’est toujours montré froide, et un peu distante avec l’enfant que j’étais…Comme si ma simple présence lui évoquait des souvenirs désagréables.
Pourtant mise à part la relation, presque à sens unique, que j’entretenais avec elle, je pense que ma vie était heureuse, et parfaitement banale. Rien de plus que le quotidien d’un enfant de Cimetronelle, choyé et protégé par sa mère.
Même si elle a toujours refusé d’évoquer son passé, et les raisons qui l’avaient poussée à quitter notre père, je n’ai pas ressenti le manque que l’on pourrait imaginer. Au contraire, ma situation me procurait pas mal d’avantages, et j’avoue en avoir usé sans vergogne. Qui oserait gronder un pauvre petit garçon innocent, qui souffre tant de l’absence de son père ? Avec la petite larme à l'oeil, la lèvre qui tremble, et les grands yeux, ça marchait à chaque fois.
Il n’y avait que ma mère qui ne se laissait pas prendre au jeu, et savait comment me figer sur place, pratiquement sans élever la voix. Lorsqu’elle souriait de cette façon si particulière, je savais que j’étais allé trop loin, et que je n’avais plus qu’à renoncer à tout projet de blague, pour un certain temps.
Bref, je n’aurais probablement pas eu d’autre envie que de demeurer à Cimetronelle toute ma vie, si je n’avais pas été constamment en présence, de ceux qui sont devenus mes idoles : La ville forestière était une étape prisée pour les Pokémon Ranger en mission à Hoenn, de par son cadre naturelle. Et tout petit déjà, je pouvais passer des heures au Centre Pokémon à écouter leurs anecdotes de missions, et les récits de leurs exploits.
'‘Et c’est en ce jour sombre, que nous rendons hommage à Elys Adrianne Joy, arrachée à l’affection de ses proches et amis, finalement terrassée par ce qu’elle a combattu durant si longtemps. Cruelle ironie du destin que de voir une infirmière, capable de se tuer à la tâche pour soigner autrui, céder sous les assauts de la maladie.
Tous les habitants de Cimetronnelle se rappelleront sa douceur, son énergie, et surtout la chaleur de son sourire. C’est ce dernier, je crois, qui guérissait les humains et les Pokémons, bien plus que tous les soins qu’elle pouvait leur apporter…’’
Malgré le temps qui passe, je parviens encore à me souvenir de chaque seconde de cette journée…Le discours du maire…La procession jusqu’au petit cimetière de Cimetronelle…Les habitants, amis ou non, venus exprimer leurs condoléances…Jamie, les mâchoires serrées, qui contemple le cercueil, comme si elle reprochait à Maman de l’avoir laissée avec moi…Et enfin, un enfant de huit ans aux cheveux roses, qui peine à comprendre que sa mère est partie, et dont les larmes coulent en un flot intarissable.
La maladie avait frappé, sans signe avant-coureur. En quelques semaines, Cléoet moi avions vu notre mère adorée s’affaiblir de plus en plus, jusqu’à devenir incapable de remplir la fonction qui lui apportait tant de joie et de fierté. Elle avait pourtant continué à afficher ce visage aimant, qu’elle avait toujours montré à ses enfants. Pas un instant, son sourire ne s’était estompé, et ce jusqu’à la fin...
Je crois que c’est ce jour-là que j’ai pleuré pour la dernière fois, aussi loin que je me souvienne…Melody disait que parfois, laisser jaillir ce qui nous fait mal est une bonne chose. Mais je pense que j’ai laissé échapper toute ma tristesse, le jour où ma mère est morte.
J’ai l’impression d’avoir vécu dans un état second, durant l’année qui suivit sa disparition. Du jour au lendemain, Cléo s’est ainsi retrouvée en charge d’un enfant de huit ans, alors qu’elle n’en avait que quinze. Aussi forte qu’elle l’avait toujours été à mes yeux, elle entreprit de subvenir à nos besoins, jouant des connaissances qu’elle avait acquises auprès de Maman, en travaillant au Centre Pokémon.
Pourtant malgré le soutien des habitants de Cimetronelle, il devint rapidement évident que cette situation ne pourrait pas durer éternellement. Au bout d’un an, Cléo m’annonça qu’elle avait trouvé une famille de Nénucrique, prête à m’accueillir. Dans le même temps, elle débuterait ses années d’internat à Safrania, dans la région de Kanto.
Je me souviens encore du trajet jusqu’à Nénucrique. Dans le camion qui m’emmenait vers ma nouvelle vie, elle est restée là, à côté de moi, sans dire un seul mot de tout le voyage. Et alors que la ville apparaissait au détour d’une colline, elle s’est raidie, avant de me prendre dans ses bras, m’étreignant brutalement.
Lorsque je suis descendu du véhicule, elle avait repris son attitude habituelle. Mais je me plais à croire que le reflet brillant que j’ai vu descendre le long de sa joue, n’était pas uniquement dû à la lumière du soleil.
Ma première rencontre avec mes parents adoptifs fut…mouvementée. J’avais pris la résolution de ne plus jamais être triste, quoi qu’il arrive. Mais quand j’ai vu le festin, qu’ils avaient préparé pour fêter mon arrivée...J’ai littéralement fondu en larmes. Et il s'écoula un bon moment, avant qu’ils ne comprennent qu’il s’agissait de larmes de joie.
Noé et Melody…J’ai eu la chance d’être adopté par des gens merveilleux, qui m’ont aidé à retrouver une existence paisible. Noé m’a même permis de découvrir l’une de mes plus grandes passions : la cuisine. Propriétaire d’un petit restaurant, tandis que sa femme l’aidait de son mieux, tout en jouant les enseignantes à domicile, ils ont tous deux contribué à mon éducation, majoritairement en ce qui concerne la partie culinaire.
Dans le même temps, je profitais de chaque instant de répit qu’ils me laissaient pour me rendre au Parc Safari de Nénucrique. Cet endroit était devenu mon second chez moi, et j’y ai passé des heures à revivre les aventures d’un Pokémon Ranger, perdu en milieu hostile, et ne pouvant compter que sur son courage, et ses Pokémons pour survivre et accomplir sa mission !
Pourtant au fil du temps, mon rêve d'intégrer les Rangers finit par se heurter à la dure réalité. Noé et Melody n’auraient jamais pu débourser la somme nécessaire pour me permettre de rejoindre les régions de Fiore ou d’Almia, et d'intégrer une Académie Ranger. Mon père adoptif me l'annonça un soir, et malgré mes efforts pour prendre cette nouvelle avec le sourire, je ne pouvais pas m'empêcher de sentir mon cœur se serrer.
Les choses en seraient restées là, si un événement imprévu ne s'était pas produit, il y a de cela quelques mois. Quelques simples mots de la part d'un client régulier du restaurant de mes parents, et mon rêve m'apparut alors comme à portée de la main: sur l'île Lansat, une académie accueillait des élèves entre 12 et 15 ans, et l'une des sections concernait directement les Pokémon Ranger ! Autant vous dire qu'avant même de demander l’autorisation officielle à mes parents, ma valise était déjà bouclée, mon dossier rempli, et mon discours de supplications bien préparé et près à frapper.
Malgré quelques réticences de la part de Melody (Certaines rumeurs, au sujet de la Pokémon Community, présentaient l’équipe enseignante sous un jour disons…douteux), mes efforts et ceux de son mari ont fini par la convaincre. Durant le (long) trajet en bateau pour rejoindre l'île, je n’ai cessé d’imaginer à quoi ressemblerait ma nouvelle école…Et je dois avouer que j’étais très loin de la vérité. Avec un nouvel environnement, une nouvelle vie, et de nouveaux visages. Et le premier fut celui de mon plus proche ami…et plus féroce bourreau.
D’après les élèves, une certaine étape était obligatoire, avant d’intégrer l’école de manière officielle. Aussi, voilà qu'à peine arrivé, on m’oriente directement vers un type à l’air bizarre, le regard presque inquisiteur tandis qu’il me détaille…avant de me pousser vers un gros ordinateur en m’ordonnant de répondre aux questions affichées, le plus sincèrement possible.
Étrange coutume…Mais puisqu’il le faut.
-Si tu devais être un légume, lequel choisirais-tu ?
-Quand tu te lèves le matin, est-ce que tu mets d’abord tes chaussettes ou ton T-Shirt ?
- Si tu étais un garçon, comment t’appellerais-tu ? (…Même les machines s’y mettent maintenant!)
Tandis que j’inscris mes réponses sur l’écran (Concombre, mes chaussettes, et JE SUIS DEJA UN GARÇON !), je sens que cet homme étrange continue de m’observer. Lorsque je me retourne pour lui laisser l’accès à la machine, il se jette presque dessus, avant d’appuyer sur la touche ‘’Delete’’...J'en viens à me demander s'il a seulement lu mes réponses.
Puis le voilà qui se dirige vers l’une des étagères qui ornent la pièce, croulant presque sous le poids des Pokéballs. Même dans la réserve du Centre Pokémon de Maman, je n’en avais jamais vu autant, rassemblées au même endroit.
Obéissant à des règles connues de lui seul, il en sélectionne une avant de me la tendre…Pour moi qui n’ai jamais eu de Pokémon, c’est une grande première. Les mains un peu tremblantes, je récupère la petite sphère de métal, avant de la lancer au sol, curieux de découvrir ce qu’elle contient.
Moins d’une seconde après qu’un flash rouge ai illuminé la pièce, je me retrouve plaqué au sol par une petite masse de fourrure, qui me jauge de ses grands yeux orangés. Puis, alors que je fais mine de me relever, une patte étonnamment puissante se pose sur ma poitrine, tandis que le petit Riolu continue son examen.
Il s’écoule ainsi une bonne minute avant qu’il ne semble satisfait et consente à me rendre ma liberté. Quelque peu gêné par l’échange qui vient de se dérouler, je me tourne vers celui qui vient de m’en faire cadeau, un mélange de gratitude et d’incompréhension dans le regard.
‘’Ne t’inquiète pas, petit. Ce Riolu n’a pas eu de chance jusqu’ici, personne ne semblait s’accorder avec lui. Mais je pense qu’il vient enfin de toucher le bon numéro.’’