J’avais eu du mal à m’endormir, et pendant de longues heures j’avais tourné en rond dans mon lit, regardant le plafond sans trop savoir quoi faire. Je n’arrêtais pas de réfléchir à toutes sortes de choses, et je n’arrivais pas non plus à me concentrer sur le roman qui traînait sur ma table de nuit. Finalement alors qu’il était déjà très tard j’avais fini par me glisser sous les couvertures aux côtés de Talia, fermant les yeux même si je n’avais pas envie de dormir. Progressivement, le sommeil gagna du terrain avec la lenteur du pendule d’un Hypnomade. Exténuée, je m’endormis profondément, blottie contre l’oursonne, plongeant dans des rêves absurdes et agités. Il faisait nuit noire et tout le monde dormait déjà. Robyn ronflait paisiblement au pied du lit, non loin d’Azraël, tandis qu’Ivy et Syl étaient emmitouflés dans leurs ailes, debout sur le perchoir qu’ils partageaient. Tout était terriblement calme, et pourtant… Pourtant dans l’ombre des silhouettes s’apprêtaient à passer à l’action.
La première chose qui m’alerta, ce fut le grincement strident poussé par mon Sonistrelle, qui volait au-dessus de ma tête d’un air affolé. Se cognant contre mon épaule à plusieurs reprises, il ne se donna pour satisfait que lorsque j’ouvris enfin les yeux, me redressant très péniblement. Je venais à peine de m’endormir, et voilà qu’il m’agressait gratuitement. Intriguée mais agacée, je regardai l’heure sur mon réveil. Les numéros lumineux indiquaient 3h27. Pourquoi bordel m’avait-il appelée ? ce n’était même pas encore l’heure de prendre ma douche matinale ! Je m’étais recouchée aussi sec, m’entourant dans ma couette comme un Couverdure dans ses feuilles, bien décidée à récupérer un peu. Seulement un cri féminin me fit soudainement sursauter, m’indiquant que mon pokémon avait sûrement une bonne raison d’insister autant. Inquiète pour la camarade de dortoir qui devait avoir un problème, je sautai à terre et me frottai rapidement les yeux.
Les Pyroli n’étaient pas réputées pour pousser des cris de lavettes au beau milieu de la nuit, ou en tout cas pas sans une bonne raison. Inquiète que quelqu’un ait pu être blessé, j’ouvris la porte de ma chambre pour jeter un coup d’œil dans le couloir. Plusieurs visages familiers étaient comme moi, en train d'épier le couloir avant de sortir en pyjama. Peu rassurée, je demandai si quelqu’un savait ce qui se passait. Toutes mes camarades répondirent confusément que non, et nous allions retourner à nos lits encore chauds, lorsqu’un grand bruit de verre brisé surgit d’un peu partout. Choquées, les sportives de l’académie échangèrent un regard paniqué avant d’aller voir d’où venait le bruit. Je pris donc les devants pour organiser les troupes de mon étage. Les lumières s’éteignirent alors, brisant ce qui restait de sang-froid à la plupart des présentes. Gee sortit alors de sa pokéball, l’air grave, pour nous illuminer d’une attaque Flash.
« Lise, Emma, partez chercher le général et déclarez l’état d’urgence ! Dépêchez-vous et prenez vos pokémons au cas où ! »« Mais on n’y voit rien dehors ! »« Attendez. » Je fouillai dans mon sac d’expédition et leur tendis deux lampes torches… soit celle que j’utilisais et celle de rechange.
« Voilà, prenez ça et soyez prudentes. » Au moins elles pourraient y voir quelque chose, mais moi… Moi je n’avais plus grand-chose si ce n’est éventuellement mon Ipok. Demandant à Gee de rester dans le couloir pour aider les autres, j’avais un mauvais pressentiment. Nerveuse, je marchai résolument vers l’intérieur pour m’armer de mes pokéballs. Néanmoins, j’eus tout juste le temps de me retourner avant que le carreau de ma fenêtre n’éclate à son tour, laissant passer un pokémon inconnu. Je criai de surprise et le vis sauter sur mon bureau et fouiller partout sans le moindre scrupule, glissant à moitié sur tous les bouquins qui s’y trouvaient. Vif comme un éclair, l’étrange voleur s’empara des pokéballs qui étaient posées là, ne me donnant pas le temps de réagir. L’instinct fut donc ce qui me poussa à sauter par-dessus le lit, dans l’irrépressible réflexe de protéger Talia qui s’y trouvait encore, à moitié endormie. J’ignorais ce qu’il voulait et ce qu’il faisait là, mais je ne pouvais pas le laisser faire du mal à mes pokémons ! Terrorisée, j’enlaçai le bébé dans mes bras en tremblant presque autant qu’elle. Les bruits et les cris qui retentissaient partout me paralysaient de peur, pour la première fois de ma vie. Habituellement je plongeais dans l’action sans trop réfléchir, quitte à parfois me fourrer dans de sacrés ennuis. Mais là… Là les choses étaient différentes. Je criai pour demander de l’aide, mais il n’y avait toujours personne.
« NON !! »Mon cœur battait la chamade, mais surtout j’étais obnubilée par l’idée de récupérer les membres de mon équipe. Je savais que je ne pouvais pas y aller moi-même, et pourtant c’était plus fort que moi. Confiant Talia à Robyn, je m’élançai d’un bond vers la créature, qui esquiva d’un leste pas sur le côté. Je me viandai alors lamentablement à terre, me cognant contre un meuble au passage. Je jurai et appelai à l’aide, ce qui ne sembla pas du tout plaire à l’intrus. Ce dernier laissa toutefois tomber plusieurs pokéballs dans la précipitation, avant de bousculer violemment Syl, qui avait essayé de lui barrer la route. L’envoyant valdinguer de ce qui semblait être un gros coup d’épaule, le cambrioleur rit avant de nous toiser, debout sur l’appui de fenêtre. Gee venait de se téléporter à l’intérieur de la pièce, mais il était manifestement trop tard. Alors dans un acte désespéré je fonçai sur l’ennemi, dans l’espoir insensé de reprendre ce qu’il avait volé. La dernière chose que je vis, ce fut son rictus amusé. Ce dernier leva le poing avec indifférence… Et puis le noir m’engloutit.
Je me réveillai quelques minutes plus tard, entourée de mes pokémons et d’une bande de Pyroli déroutées par ce qui venait de se passer. Plusieurs d’entre elles ravalaient leurs larmes comme elles pouvaient, tentant de faire bonne figure devant Jackie. Néanmoins cette dernière semblait aussi assez choquée, et surtout outrée que des malfaiteurs aient osé s’en prendre à son précieux régiment. Comme quoi elle peut de temps en temps avoir un peu de bonté… même si ce n’était au fond que pour mieux décharger sa fureur sadique sur les jeunes recrues. Dans tous les cas j’avais été soignée par Ivy qui m’avait donné les premiers soins, ce qui me permettait de m’en tirer avec seulement une énorme bosse sur le front et l’arcade. Apparemment j’avais pris une bonne beigne qui m’avait remis les idées en place. Ou pas.
Gee m’expliqua alors qu’il avait réussi à récupérer la pokéball de Merlyn in extremis grâce à la télékinésie, ce qui portait le nombre de pertes à seulement un pokémon. C’était moins grave que prévu, mais c’était toujours trop pour moi. Le Tutafeh que je n’avais pas encore eu le temps de baptiser n’était plus là, et je ne me faisais pas trop d’illusions à son sujet. J’avais à peine le temps de faire connaissance avec lui et pourtant je ne le reverrais jamais… et cette seule idée me rendait malade. Malade de tristesse et très en colère. Mais que pouvais-je bien faire ? J’avais échoué en tant que dresseuse, j’avais échoué à protéger mon équipe et ceux qui étaient devenus mes amis. Et maintenant, que me restait-il ? Comment pouvaient-ils continuer de me faire confiance après ça ?
Mais je n’étais pas la seule dans cet état. Beaucoup de Pyroli semblaient avoir subi le même sort, et certaines d’entre elles n’avait littéralement plus que leurs yeux pour pleurer. Il est vrai que ne perdre qu’un seul pokémon c’était un gros coup de chance, avec une armée aussi grande que la mienne. Et pourtant, ça ne me consolait pas du tout. En fait je n’arrivais tout simplement pas à passer outre, ni à penser à quoi que ce soit d’autre. Un peu perdue je cherchai refuge dans les autres chambres, passant dans la plupart d’entre elles, un peu dépitée, pour vérifier qu’au moins personne n’était blessé. J’appris ainsi que Djelly avait perdu un Etouraptor, ce qui semblait beaucoup la toucher. Peu surprenant pour quelqu’un d’aussi fusionnel avec ses pokémons. Je la consolai de mon mieux, avant de reprendre ma ronde après l’avoir câlinée. Je ne savais pas quoi faire, alors à défaut de mieux je quittai le dortoir en douce, seulement à moitié rassurée par la barrière psychique qui était censée entourer l’école.
Je portais mon sac à dos avec mes vingt pokéballs, incapable de les laisser derrière moi après ce qui venait de se passer. Je devenais paranoïaque chaque fois qu’une ombre bizarre traversait mon chemin. En réalité j’étais morte de trouille, mais je n’osais pas pour autant appeler ma mère à l’improviste, à cause de l’heure. Le parc avait été ma destination naturelle. Ce n’était pas trop loin du dortoir et c’était censé être sûr… Sans parler du fait que tout était à nouveau calme après le départ de l’engin volant dans lequel étaient partis nos agresseurs. Le jour se levait alors je restai là, assise sur un banc à regarder les étoiles s’éteindre, le museau de Robyn calé sur les genoux.
-*-*-*-*-*-*-*-J’avais envoyé plusieurs messages histoire de prendre des nouvelles de personnes membres des autres dortoirs. Allen semblait plutôt débordé à tenir un semblant d’ordre chez les Noctali, tandis qu’Ikiala me semblait très révoltée. Néanmoins Noctis n’avait pas du tout répondu, ce qui avec le temps de réflexion, avait de plus en plus tendance à m’inquiéter. Et s’il lui était arrivé quelque chose ? L’appréhension allait montante, et je n’arrivais plus à la contenir. J’étais bien partie pour me la jouer ninja encore une fois, et m’infiltrer dans le dortoir Phyllali ni vu ni connu. Et cette fois pas question de me faire griller par les espions du Zarbdo, Gee allait jouer les taxis. Téléport.
Et me revoilà dans sa chambre… sauf qu’à part ses pokémons, il n’y avait personne. Regardant à droite et à gauche, je me mis à faire l’inventaire mental de son équipe. Apparemment personne ne manquait à l’appel. Je soupirai de soulagement. C’était déjà ça. M’approchant de la petite Aliéna, je me baissai et lui gratouillai la tête. Elle avait l’air plus distant que d’habitude, mais sans doute était-ce à cause de ce qui s’était passé plus tôt. Je la laissai tranquille et n’insistai plus, jusqu’à finalement m’asseoir sur le lit du préfet. Peut-être qu’il était sorti voir sa sœur ? Le bruit de la douche qui se met en route me mit sur la piste, alors que plusieurs impacts sourds me firent sursauter. Attends, il faisait quoi, là ? Sans réfléchir je me précipitai dans la salle de bains et me mis à frapper doucement mais avec persistance à la vitre coulissante.
« Noctis… Noctis ! »J’ignore s’il avait de l’eau dans les oreilles, ou s’il était seulement absorbé par ses pensées, mais il mit trop de temps à réagir à mon goût. Paniquée par les bruits de coup de poing qui ne s’arrêtaient pas, j’ouvris précipitamment la porte, durant une fraction de seconde seulement, avant de me raviser et de la refermer aussitôt. Nerveuse et gênée, j’étais rouge Ecrapince. Je ne savais pas où me mettre ou quoi dire, et en plus je savais déjà que ça allait probablement l’amuser, du moins s’il n’était pas trop fâché par ma bêtise. Je commençai par reculer précipitamment jusqu’à l’autre bout de la pièce, jusqu’à m’adosser contre la porte (désespérément) fermée. Mince, j’étais coincée.
« Ha haha… ha. Je… C’est pas c’que tu crois, hein ! Si j’te jure, ce n’était pas mon intention de te surprendre, pour te voir à p… à … Plush. » J’agitai frénétiquement la tête, me cachant les yeux avec mes mains. Je finis par lui tourner le dos, pour le laisser s’habiller et puis me remettre du choc.
« Ah, non non ! Je ne suis pas de ces filles-là, moi ! Pardon. Oh, euh… Et sinon bah… Bonjour. » Sur ce, j’ouvris la porte à la volée et m’apprêtai à prendre la fuite. Peut-être que le plumage cotonneux de l’Altaria pourrait cacher ma honte.