« Aucun obstacle n'est insurmontable
si tant est que nous ayons de véritables amis. »
Samedi 20 décembre 2014,
Fin de matinée
A proximité des chalets.
Super! Me revoilà de retour ! Voilà ce qu'aurait pu dire le moi d'autre fois. Voilà ce qu'il aurait même carrément pu dire. Mais ce Yuki était bel et bien loin, enterré quelque part, entravé et tenu captif par de sinistres ténèbres qui le privaient de quelques moyens que soit de pouvoir agir. Accompagné de ma fidèle Chimpenfeu, ainsi que de ma précieuse petite Tarsal, toutes deux shiney, c'était en loque que j'avais posé le pied sur l'île Pumkin sur laquelle on m'avait redirigé, apprenant qu'elle serait mon lieu de vie pour les vacances de fin d'année. Dès mon arrivée, on m'avait expliqué le déroulement des choses et indiqué le chemin à suivre. C'était donc en fantôme que j'arpentais le chemin qui devait me mener vers ma nouvelle demeure temporaire, chargé de quelques sacs.
C'était donc par une belle journée d'hiver, dans un paysage couvert d'un magnifique manteau de neige pure que je renouais avec le monde extérieur, avec Pokemon Community. Cette pensée me rendit encore plus morose. Ici, j'avais eu des rêves, m'étais battu en leur sens, m'étais fait des amis, à présent, je ne croyais plus en mes rêves, ou du moins en ma capacité à les réaliser, ayant même perdu jusqu'à l'envie, au courage de les réaliser. Quant à mes amis... J'étais convaincu de les avoir perdu à jamais et je ne pouvais pas m'en plaindre. J'avais disparu du jour au lendemain, sans rien dire. Ce point n'était pas de mon fait, mais celui de ma mère et de ses idées exubérantes qui avait soudain ressenti l'envie de venir me "kidnapper" en pleine nuit dans ma chambre d'internat, ainsi que Shin pour partir en "voyage familial top secret" comme elle le disait si fièrement, si niaise, de manière tellement enjouée... Des larmes me roulèrent le long de mes joues, mais je les séchais instantanément. Ces petites manies qu'elle avait et qui m'exaspéraient tant par le passé, à présent, je souhaitais en être la perpétuelle victime, même ne fut-ce qu'une seule fois. Que ne donnerais-je pas pour voir le visage de ma mère s'animer de nouveau et y entrevoir ses émotions. Mes poings se resserrèrent sur les anses de mes bagages. Wolfy, mon colocataire, Noctis le scientifique imprévisible que je respectais et avec lequel j'avais partagé un moment des plus funs, mais également une conversation que je gardais ancrée en moi, Al, mon ami d'enfance, Allen mon meilleur ami que je considérais comme mon rival, mon point de mire, ma cible à atteindre, l'homme à battre, à surpasser, mais surtout Chiho, mon binôme, le premier, seul et unique amour de cette courte vie qu'était la mienne. Je mordis nerveusement ma lèvre inférieure tant et si fort qu'elle se mit à saigner, mais j'en avais cure. En fait, je ne m'en étais même pas rendu compte.
Toutes mes aventures dans cette académie me revenaient en mémoire. Leurs visages, leurs émotions, leurs gestes, leurs sourires, leurs parfums, leurs actions, leurs habitudes, tout, je revoyais et revivais tout. Tout me revenait comme une épave referait surface, tirée des abysses, après des siècles d'apnée sous-marine. J'avais l'impression que tout ceci venait d'une autre époque, d'une autre vie. Je me sentais terriblement coupable de n'avoir contacté personne, même si mon téléphone était resté dans ma chambre d'internat. J'avais leurs numéros, j'aurais pu les appeler, mais j'avais mal, j'avais honte, je souffrais et je m'étais laissé allé à un repli hermétique sur moi-même, tel un Crustabri. J'avais même été jusqu'à demandé à Mémé Yutaka de bloquer toute information à notre sujet, à mon sujet. Parfois j'avais voulu répondre à leurs appels lorsque Mémé leur parlait, mais que leur aurais-je dis ? Ils avaient tous les droits de m'en vouloir, de me détester. Après tout, j'avais agi avec facilité, en lâche. De rage, plus envers ma propre bêtise que quoi que ce soit d'autre, j'avais décoché un magnifique coup de tête dans un objet plutôt solide et de la neige tomba soudainement sur le sol derrière moi.
Revenant à la réalité, je constatais que je venais de frapper dans une porte et en y regardant de plus près, j'étais arrivé à destination. Mon cœur se mit à battre à tout rompre et mon sang ne fit qu'un tour. Crise d'angoisse. J'étais au milieu du domaine résidentiel dans lequel se trouvaient nombre d'élèves et certainement ceux auxquels je venais de penser. Chiho... Allen... Je me mis à trembler. Et si je les croisais, et s'ils me voyaient là tout de suite ? Que devais-je faire ? Que devais-je dire ? Comment devais-je réagir ? Tant de questions et aucune réponse... Je n'étais nullement préparé à cette éventualité. Je voulu me réfugier à l'intérieur de la bâtisse, mais ma main se figea sur la poignée. On m'avait dit que je partagerai ce chalet avec d'autres et cela, je ne le percutais que maintenant. Et s'ils étaient dedans ? Je n'eus toute fois pas le temps de tergiverser. La porte du chalet voisin s'ouvrit en un long et sinistre grincement et dans un sursaut, sans réfléchir, j'avais ouvert la porte, m'était engouffré dans l'embrasure de celle-ci, avait tiré mes deux Pokémon après avoir jeté mes sacs et avait refermé la porte avant de m'y adosser le cœur tambourinant nerveusement. Quelques secondes plus tard, après avoir constaté avec soulagement que la demeure était vide, même si visiblement habitée, je m'étais risqué à la fenêtre la plus proche pour y risquer un oeil. Ce que j'y vis me glaça le sang. Allen, Allen WILLS, MON HENTALLEN ! Pétrifié comme un enfant devant un monstre, je m'étais recroquevillé sous la fenêtre, espérant qu'il ne m'ait pas vu. Pourtant, j'étais sûr de l'inverse. Son regard si particulier s'était fixé sur cette porte devant laquelle je me tenais quelques instants auparavant, puis s'était centré sur cette fenêtre en même temps que je disparaissais. Avait-il eu le temps de se rendre compte que c'était moi ? J'aurais voulu croire qu'il n'y avait rien qui puisse me trahir, mais Hikari, une Chimpenfeu shiney noire et ma longue chevelure brune à en faire pâlir certaines femmes... S'il n'avait vu ne serait-ce que l'une ou l'autre... C'en était fini de moi.
Après une dizaine de minutes qui m'avaient parues une éternité, je m'étais risqué à jeter un bref coup d'œil à travers la fenêtre. Comme personne n'était venu frapper à la porte et qu'il n'était plus à la porte de son chalet, je m'étais dit que je m'étais inquiété pour rien même si j'étais désormais nerveux à l'idée de savoir que nous étions quasi voisins. Nos portes se faisaient quasiment face. Poussant un petit soupir de soulagement pour ce sursis temporaire, je m'étais redressé pour prendre possession de mes quartiers et m'y installer. Ce qui fut plutôt rapidement fait. Après quoi, j'avais longuement admiré le plafond, en proie à de profonds troubles.
Il devait être aux environs de 14h lorsque je m'étais décidé à extirper la larve que j'étais, du lit sur lequel elle était étendue. Me faisant violence, je me dis que je me devais de sortir un peu pour prendre l'air. De plus j'étouffais réellement en ce lieu et la nature elle seule pouvait me rendre cette sensation de liberté dont j'avais besoin. Sortant de cet espace confiné, j'eus rapidement la joie de pouvoir prendre une bouffée d'air frais, un air purement hivernal. Même s'il me rappelait des souvenirs enneigés de ma vie à Kalos, cette fois, je ne fus pas débordé par mes sentiments. Je les confrontais, mais pendant combien de temps durerait ce soubresaut ? La réponse fut prompte : 30 secondes, trente courtes secondes. Des pas dans la neige, des pas qui partaient de la porte du chalet de Wills, en direction de l'endroit par lequel j'étais arrivé quelques heures auparavant. Convaincu qu'il s'agissait de Hentallen, couard, je décidais de partir en sens opposé. Arrivée en bordure de ce qui me semblait être un bois, après m'être assuré à maintes reprises que personne ne m'avait vu ou suivi, je décidais de m'y engouffrer.
" Saaaal"Une voix douce et mélodieuse. C'était celle de ma Tarsal dont le visage tombait devant le mien, perché sur ma tête. Ses yeux aux prunelles singulièrement dépareillées : la gauche dorée, et la droite émeraude. Ses yeux m'attendrirent, me firent fondre. Il n'y avait pas de mal à comprendre pourquoi Chiisai et elles étaient les mascottes de la troupe.
" Tu veux te dégourdir un peu les jambes toi aussi ma jolie petite Kawaii ? "" Sal ! "Je l'avais alors prise dans mes bras, câlinée un peu puis posée au sol. C'était la première fois qu'elle pouvait ainsi batifoler dans la neige. J'avais alors saisi mon nouveau téléphone pour immortaliser cet instant en vidéo. Lorsque cette dernière s'était étalée de tout son long dans la poudreuse, j'avais rangé mon outil, pour me rendre à ses côtés. Là, à croupi, je l'avais redressée en rigolant avec elle, bientôt joints par Hikari qui tira sur ma manche.
" Chimpen... feu... " Alors que je levais la tête, mon regard se posa sur une silhouette bien connue. Elle avait quelque peu changé, mais je la reconnaissais parfaitement. Ces yeux... Je devins aussi livide qu'un être vivant ne puisse l'être. Si j'avais pu disparaître, c'eût été chose faite à la seconde, mais il n'en était rien. J'étais simplement là, statufié.
" ... "Aucun mot ne sortit. Foutu coup du sort, hurlais-je intérieurement, en tout et pour tout.