"Ne sont pas chevaliers accomplis tous ceux qui en prennent le titre ; il y en a en or fin, d'autres en alliage ; c'est la pierre de touche qui distingue ceux qui le sont de ceux qui n'en ont que l'apparence."
Ô Victoire, douce victoire !
Un silence presque religieux s'était emparé de l'arène. L'épais nuage de poussières, soulevé par le dernier puissant impact, dissimulait les deux combattants aux yeux de leurs dresseurs, mais aussi, de toute l'assemblée de spectateurs. Baissant le bras avec lequel j'avais protégé mes yeux de la projection de poussières, je pouvais distinguer qu'une seule silhouette sur deux était toujours debout. Presque précocement, un sourire victorieux s'était dessiné sur mes lèvres. D'un majestueux battement d'ailes, le dragon devenu impatient chassa cette fumée couleur sable dans un grondement sourd. En signe de triomphe, le Carchacrok avait posé violemment l'une de ses pattes arrière sur le corps assommé de son adversaire. Mon cœur battait à tout rompre, encore sous l'emprise de l'adrénaline. Mon souffle s'était coupé alors que le dragon libérait un puissant rugissement pour annoncer à tous son triomphe. Alors, seulement, les acclamations et les applaudissements de la foule résonnèrent autour de moi dans un brouhaha aussi enthousiaste et soudain qu'il en était rassurant.
Un sourire à présent désolé sur mes lèvres, j'avais accordé un regard à mon adversaire qui, semblait particulièrement terrassé par sa défaite. J'avais repris mes esprits en remarquant la présence du Carchacrok à mes côtés. Ses yeux fauves semblaient encore prêts à en découdre. Décidément ! Celui-là aimait tellement se battre, que son paradis devait davantage ressembler à un champ de bataille qu'à un havre de paix...
- « Merci de cet honneur, Exceddius. » Dis-je en rappelant mon Pokémon dans sa ball.
Si seulement j'avais su ce qui se passerait ensuite. Si seulement... Alors, peut-être, aurais-je laissé le dragon exprimer sa victoire plus longtemps. Ah oui, suis-je bête ! C'est une bien longue histoire et, il serait plus sage de commencer par le début ! Je m'appelle Shizuo Yake. A cette époque, j'avais un peu plus de la majorité et, vous l'auriez très certainement deviné, j'étais un dresseur de Pokémon. Certes avec peu de modestie, je peux également vous affirmer que je n'étais pas n'importe quel dresseur de Pokémon. Si on en croyait les médias, j'étais un jeune prodige, l'une des flèches montantes les marquantes des trois dernières années en matière de duel. Mais si vous voulez ma propre opinion... Hum non, oubliez ! Je suis parfois un peu cruel avec moi-même.
- « Shizuo ! Excusez-moi ! Une petite question pour la chaîne P6 ! » Hurla une journaliste derrière-moi alors que je quittais le corps de l'arène. Un cameraman la suivait, son matériel en mains. - « Vous portez souvent des armures, ce qui vous a valu le surnom de « Chevalier blanc ». Est-ce une sorte de Role play ?! » Demanda t-elle en forçant un large sourire.
Habituellement, quand j'étais confronté à ce genre d'interview, je trouvais toujours une excuse quelconque pour m'enfuir avec en guise de pardon, un joli sourire. Mais, cette fois-ci... Disons que la victoire m'était un peu trop montée à la tête. Je m'étais laissé prendre au jeu de l'interview.
- « Ah, on peut dire ça ! Disons que les traditions et les coutumes sont très importantes aux yeux de ma famille ! » Répondis-je en attrapant la Pokéball contenant mon Pokémon volant. - « Et puis, ce monde manque cruellement de chevalier ! » M'amusais-je avant de libérer mon Pokémon.
Bondissant sur son dos, j'avais rejoint les cieux. Le vent et sa fraîcheur m'avait aidé à quitter ma transe guerrière, me remettant un peu les idées en place. J'en avais bien besoin... Vous pouvez me juger mais, soyons honnêtes, qui n'a jamais été fier de ses victoires ? De réussir dans ce qui lui tient le plus à cœur ? J'étais fort. J'étais fier. Mais malheureusement, j'avais toujours cette sensation d'insatisfaction. Comme si, devenue trop fréquente, aussi bonne soit la victoire, elle me laissait toujours un arrière-goût amère. Si seulement j'avais eu la maturité nécessaire... Peut-être aurais-je ignoré ce ressenti jusqu'à ce qu'il disparaît de lui-même ? Car, c'est en partie cette sensation idiote qui me poussa à ma perte.
Noble et merveilleuse famille... Hum.
Il va être difficile d'évoquer ma famille sans m'éloigner de la norme... Voyez-vous, dans des temps anciens, mes ancêtres étaient de valeureux combattants. De simples paysans qui, de part leur prouesse au combat et leur union avec leurs Pokémon sur le champ-de-bataille, se sont élevés au titre de Chevalier. Pour faire court, ils sont rapidement devenus l'élite, la garde rapprochée d'un grand monarque du passé. Aujourd'hui, même si les Rois et les Chevaliers ne sont plus d'actualité, la noblesse elle, n'a pas quitté les descendants de la lignée des Yake. Vous allez me dire : Que peut bien valoir la noblesse de nos jours ? Et bien... Pour faire simple, ma famille est riche. Très riche. Vraiment riche. Je suis donc un enfant né avec une cuillère en argent dans le bec. Je le reconnais, cela m'a beaucoup facilité les choses au début. Même mon premier Pokémon, Exceddius n'est autre qu'un dragon issu d'une longue lignée de grands combattants, que mes parents n'ont eu aucun mal à obtenir contre une jolie somme... Pas très peu glorieux, n'est-ce pas ? Je vais tenter de me rattraper avec la suite !
L'amour de mes parents a donné naissance à trois enfants. Trois héritiers à l'honneur de la famille. Plutôt que de partager le domaine et la fortune en vue d'un éventuel héritage, mes parents ont eu la bonne idée de respecter une vieille coutume et de jouer le tout lors d'une compétition Pokémon dont les participants, ne seraient autre que leur propre sang. Si ma sœur aînée a rapidement tournée le dos à tout ça, préférant de loin mener sa vie comme elle l'entendait, mon frère Sadako Yake s'est très rapidement mis en tête de s'imposer comme le seul et unique héritier. Cela m'aurait peut-être convenu si mon frère avait été une autre personne... Car, ses seules et uniques motivations ne sont autres que la richesse et le pouvoir. Sadako a même annoncé qu'il ferait du château famille un vulgaire lieu touristique à la première occasion, de sorte à quitter « ce trou paumé » et rejoindre une grande ville ! Si je m'attendais à ce que mes parents crient au sacrilège, il n'en fut rien. A leurs yeux, s'il vient à gagner la fameuse compétition, c'est que le sort en a décidé ainsi et, qu'il est le digne héritier !
Depuis tout petit, j'ai toujours eu une admiration débordante pour les chevaliers, notamment pour les valeurs qu'ils défendaient corps et âme. L'idée que l'héritage de la famille disparaisse m'horrifiais au point où je n'arrivais plus à en fermer l’œil... Alors, afin de conserver l'honneur et l'histoire des Yake, je suis devenu un obstacle pour mon frère. C'est dans le but de le terrasser un jour que, dès mes 15 ans, j'ai pris la route pour devenir dresseur de Pokémon. C'est en réalité suite à cette rivalité qu'est né le délire du « Chevalier blanc » que j'incarne et de mon frère, qu'on surnomme le « Mage noir » au sein de la famille. Ma mère a, en effet, trouvée amusant de se jouer de notre situation pour évoquer les légendes d'Unys, celle traitant d'un dragon blanc et d'un dragon noir aux idéaux opposés. Le dragon de la réalité, et ben, rien que ça...
Nul homme ne peut vaincre une légende
Vous connaissez maintenant les deux raisons qui m'ont conduites à ce que nous allons appeler, la disgrâce. J'étais en quête de sensations fortes et de puissance. Je voulais me sentir vivant au travers de victoires suprêmes. Je voulais devenir encore plus fort afin de vaincre mon frère. Durant plusieurs mois, j'ai quitté mon pays natal, Unys, afin de parcourir les contrées sauvages de Hoenn. J'ai pu y affronter des dresseurs bien différents, combattre des Pokémon que je n'avais jamais vu auparavant, me confronter à des terres dont je ne connaissais rien. Mais, ce qui m'avait motivé à venir à Hoenn était encore plus grand.
Une vieille légende propre à cette région raconte qu'un « Roi dragon » descendrait des cieux lors de rares évènements afin de rejoindre le sommet d'une tour édifiée en son honneur. Cela m'avait demandé des mois, beaucoup d'argent et de rencontres pour trouver cette tour qu'on nomme le « Pilier céleste ». Si j'avais trouvé le perchoir du Roi dragon, je n'avais pourtant aucune assurance que celui-ci s'y trouverait. Non seulement, car la légende mentionne elle-même qu'il ne descend des cieux qu'à de rares occasions, mais aussi, car il y avait aussi de grandes chances pour que tout cela ne soit qu'une vieille invention destinée à faire endormir les enfants. Mais, ayant été bercé toute mon enfance par les légendes des dragons d'Unys, j'avais accordé plus de crédibilité à cette légende qu'à la raison... Vous pensez peut-être que mon objectif était alors de capturer cette créature de légende afin d'en faire mon ultime allié ? Vous vous trompez. La seule chose qui m'intéressait, c'était de triompher du Roi dragon avec mon équipe. Je voulais connaître une victoire capable de me satisfaire. J'avais alors visé haut, trop haut.
Le ciel était sombre et l'atmosphère terriblement lourde cette nuit-là. D'épais nuages gris dissimulaient les étoiles, offrant davantage un sentiment de mauvaise augure au lieu. Sous une pluie battante, je me dirigeais vers l'entrée de la tour. Bien évidemment, j'avais eu la très astucieuse idée de porter une armure en vue de l'éventuel affrontement. J'ai pour habitude de faire les choses en grand, voyez-vous... Malgré la pénombre et les caprices du temps, j'avais aperçu au loin une silhouette capuchonnée se dirigeait dans ma direction. Sans y accorder plus d'importance, j'avais accéléré le pas vers le pilier. Alors que je comptais simplement passé prêt de la personne capuchonnée, celle-ci me surprise en attrapant le bout de ma cape. Mon regard, mélangeant colère et étonnement, s'était posé sur le visage d'une jeune fille aux yeux écarlates.
- « N'y va pas. » Murmura la fille.
D'un geste brusque, j'avais obligé sa main à me lâcher, continuant ma route sans me soucier de ces paroles. Sur le moment ,j'avais alors pensé des choses comme « Qui est-elle pour me mettre ainsi en garde ?! Elle ne me connaît probablement pas ! Elle ne sait rien de ma force et de ma détermination ! Mon équipe et moi sommes prêts ! ». C'est toujours si violent de regarder derrière-soit avec du recul...
Sans rencontrer une quelconque résistance, j'avais grimpé chaque étage de cette tour jusqu'à atteindre son sommet. En chemin, j'avais ignoré tout ce qui pouvait me détourner de mon objectif. Je n'avais prêté aucune attention aux Pokémon sauvages qui fuyaient leur abri, sentant venir la tempête. Je n'avais même pas eu la curiosité d'arrêter mon regard sur toutes les peintures, sculptures et gravures retraçant les légendes. Tout ce que je désirais, c'était le combat le plus intense de toute une vie. Mes yeux ne voyaient rien d'autres. J'étais aveugle.
Alors que je retrouvais le mauvais temps et le ciel nocturne en m'avançant sur le sommet du pilier, un sentiment de déception immense m'avait serré la gorge. J'avais levé les yeux vers les cieux, espérant y trouver l'objet de mes caprices mais, il n'était pas là non plus... Tout ce chemin pour ça... Serrant les poings dans mes gantelets, j'avais libéré avec rage mon plus puissant Pokémon.
- « Fais-moi cet honneur, Exceddius ! » Crias-je alors que le Carchacrok quittait sa ball en libérant un long cri de guerre.
Je m'étais préparé à jouer davantage de provocations envers la divinité imaginaire mais, j'en eus nul besoin. A peine le cri d'Exceddius s'était terminé, se perdant dans la nuit, qu'un autre, bien plus puissant et lointain résonna tel l'orage manquant à ce tableau tempétueux. Mon cœur s'était mis à battre à tout rompre alors que je cherchais le Roi dragon dans le ciel obscur. La première chose que j'aperçus de la légende, fut le corps cylindrique et allongée d'un gigantesque serpent s'enfonçant d'un bout à l'autre dans la brume sombre de nuages.
Je ne l'avais pas vu venir. Comment aurais-je pu ? Le dragon légendaire était tombé du ciel tel la foudre, frappant d'une manière aussi imprévisible et dangereuse qu'elle. Exceddius, qui n'avait jamais quitté son adversaire des yeux, fut preuve d'une grande agilité en esquivant l'attaque du Roi dragon. Mais ce que je vis alors, me fit presque oublié la présence de mon Pokémon. Mes yeux verts étaient rivés sur la créature des temps anciens qui venait de quitter son royaume céleste pour me faire face. Ses écailles vertes brillaient sous la faible clarté de la lune telles des émeraudes. Ses yeux d'un jaune puissant semblaient étinceler dans la pénombre. Son corps flottait dans les airs, comme s'il reposait sur un trône invisible. Jamais, je n'avais vu tel Pokémon... Mais, en était-ce réellement un ? Peut-on réellement qualifier quelque chose de telle comme étant un Pokémon... ? Non, c'était il bien plus que ça.
Alors que le Roi dragon libérait un nouveau rugissement, une puissante secousse bouleversa tout ce qui se trouvait autour du moi ou plutôt... J'avais compris que quelques instants après que c'était en réalité, tout mon corps qui tremblait. Je n'étais qu'une frêle feuille au milieu d'une tempête. Je ne pouvais plus bouger. Mon corps s'y refusait. C'est alors que j'ai compris. Tout était alors clair dans ma tête. Toutes mes années d'expérience en tant que dresseur prenaient enfin formes. Le niveau de puissance de cette créature... était largement au-dessus du mien et de celui de mon équipe ! Mon sang s'était alors glacé d'horreur. Ce n'est pas un vulgaire duel. Cette chose pourrait prendre nos vies dans ce combat ! Elle en avait la possibilité, voir le droit !
Le Carchacrok lui, n'avait pas faiblit. Qu'importe ce qui se trouvait face à lui, la défaite n'était pas envisageable. Il préférait mourir plutôt que de s'avouer vaincu sans avoir combattu. Le légendaire s'était jeté dans la direction de mon Pokémon, dévoilant ses griffes dans une attaque ravageuse. Bien qu'impressionné par la violence de l'attaque, Exceddius était parvenu à l'esquiver. Son regard fauve s'était alors tourné vers moi, son partenaire de toujours, son dresseur, son maître. Son expression, d'habitude indéchiffrable, s'était alors figée dans la stupeur en me découvrant à genoux, faible et inutile. Celui qui parlait toujours de courage, de fierté et d'honneur de chevalier... était incapable, ne serait-ce, que de tenir sur mes deux jambes. Le grondement de rage de mon propre Pokémon envers l'épave que j'étais acheva de me briser. Il me reniait pour ma faiblesse !
Le combat reprit au cœur de la bourrasque. Réduit à l'état de spectateur, je n'avais pas quitté le Roi dragon de mon regard tremblant. Plus le temps s'écoulait, plus le dragon légendaire devenait rapide et puissant. Une Danse-Draco... La créature des temps anciens rassemblait ses forces ! Combien même Exceddius a toujours été un Pokémon puissant, c'est moi, son dresseur qui ait toujours su lui indiquer ce qu'il ne pouvait voir de lui-même... Mais même en sachant cela... Il était impossible pour le Carchacrok de l'emporter. Tout était fini. Nous avions perdu à la seconde même où le Roi dragon des légendes est descendu des cieux ! Alors que je serrais les poings, la tête basse, venant à me détester pour mon impuissance, j'entendis l'effroyable cri de douleur de mon Pokémon. A peine avais-je relever la tête que mon Pokémon, assommé, s'était effondré sur le sol de pierres. Il ne bougeait plus... Exceddius ne bougeait plus ! Je devais faire quelque chose... Si je restais là, à trembler dans mon coin, Exceddius risquait d'être anéanti par ce... Ce monstre !
Depuis gamin, je rêve d'être Chevalier. Le courage, la force, l'honneur... Sont les principales valeurs d'un chevalier. Mais un chevalier c'est aussi, quelqu'un capable de mettre sa vie en jeu pour protéger ce qui lui est le plus précieux. Depuis toujours, les seuls ayant cru que j'étais capable d'être ce genre de héros sont mes Pokémon... Exceddius, combien même je n'avais jamais mérité un tel partenaire, a toujours été à mes côtés. Je n'ai jamais été fort, ni courage et encore moins capable de préserver l'honneur de ma famille. Mais, j'aurais vraiment été un minable si je n'avais pas été en mesure de protéger mon partenaire ! Animé d'une volonté nouvelle, je m'étais redressé sur mes deux jambes. Je ne tremblais plus.
- « Approche !! C'est moi qui suis venu te défier ! » Hurlais-je avec rage, dégainant mon épée avant de la pointer vers le monstre.
Sans l'ombre d'un intérêt pour moi, le Roi refusait de détourner son attention du guerrier inconscient pour répondre à mon ultime affront. J'avais serré les dents de rage. Le métal de mon soleret avait violemment claqué contre le sol de pierre alors que je libérais toute ma colère, toute ma rage envers moi-même et le monde entier dans un dernier cri de guerre. Le silence s'était presque imposé alors que ma voix s'éteignait d'épuisement. Comme si je venais subitement d'apparaître, le dragon des cieux avait délaissé Exceddius pour me faire finalement face.
Ma seule échappatoire, était de rappeler mon Pokémon dans sa ball et de courir jusqu'à l'issue pour m'abriter dans la tour. Alors, peut-être, que le Roi dragon ne prendrait pas la peine de me prendre en chasse... C'était risqué mais, c'était tout ce que j'avais ! Mais, je n'eus pas même le temps de faire un seul pas vers mon échappatoire. La queue du dragon légendaire m'avait heurté de plein fouet, me faisant lâcher mon épée et m'envoyant valser sur plusieurs mètres. Malgré mon armure, le choque fut si violent que j'en eus le souffle coupé. Mon dos heurta brutalement le sol, à quelques mètres du vide. Ma tête tournait. Ma vision s'était brouillée. Dans l'obscurité du ciel, j'avais pu assister ou plutôt, réalisé, que la danse du dragon s'était terminée. Une vive lueur s'était emparée des griffes du Pokémon légendaire d'un autre temps.
J'avais entendu au loin la foudre frapper.
Une douleur atroce. Une sensation de chute. L'obscurité.
Et... La réalité m'apparut.
Combien de temps s'était écoulé alors que j'essayais, en vain, de parvenir à rouvrir les yeux ? Mes paupières étaient si lourdes. J'étais si épuisé. Et pourtant, je dormais depuis tellement longtemps... Alors que mes yeux, si fragiles, s'habituaient lentement à la clarté de la pièce, je me souvenais de qui j'étais, me demandant où j'étais... La pièce était entièrement blanche. Une personne semblait sourire face à mon réveil mais, je ne pensais pas la connaître. Sa tenue...Une infirmière ? En effet. J'avais réalisé bien plus tard que j'étais dans un lit d'hôpital. A mon réveil, l'infirmière s'était empressée d'appeler un docteur. Les souvenirs de ma dernière nuit m'étaient alors revenus tels des spectres vengeurs. Tout était de ma faute... J'étais en vie ? Mais... Mes Pokémon ?! Exceddius !? Malgré une douleur fulgurante, j'avais tenté de me relever et ce, malgré la désapprobation de l'infirmière. Le docteur était arrivé, lui prêtant main forte pour me maintenir allongé. J'avais voulus leur poser la question, leur demander ce qui était advenu de mes Pokémon. J'avais voulu crier mon inquiétude mais... Pas un seul mot était parvenu à quitter mes lèvres. Face à ma détresse, le médecin m'avait finalement compris.
- « Vos Pokémon vont bien ! Restez allonger ! » Avait-il ordonné.
Alors, seulement, j'avais laissé mon corps retomber contre le matelas.
Dans la version officielle, j'étais en expédition dans le Pilier céleste quant le malheur voulu que le sol se dérobe sous-moi. Non seulement la chute m'avait été mauvaise, mais en plus, des décombres m'étaient tombées dessus. C'est Exceddius, hors de sa Pokéball à ce moment-là, qui m'a porté secours en me transportant, alors que j'étais inconscient, jusqu'à l'habitation humaine la plus proche. En effet, ce n'est qu'en partie vraie... Mais je n'ai jamais souhaité raconter la vérité à ce sujet. Et puis, entre nous, qui aurait été assez fou pour me croire ? Suite à l'accident, je n'ai plus jamais été capable de parler. Non pas que mes cordes vocales soient endommagées mais, j'en suis tout simplement devenu incapable. Parfois je me demande si mon mutisme ne cache pas en réalité autre chose... Hum, passons.
Mon erreur et mon handicape m'ont valu un retour direct au château familial, le déshonneur en guise de bagage. Si ma mère s'est toujours montrée douce avec moi, ce ne fut pas le cas de mon paternel qui, ne me considérait même plus comme son fils. Un échec. C'était tout ce que je représentais pour lui. Malgré toute la tendresse de ma mère, j'ai sombré dans la mélancolie. Incapable de m'occuper de moi-même, j'avais totalement délaissé mes Pokémon. Si ma famille n'avait pas été là, ils seraient peut-être même morts de faim... Sans entraînement et délaissés par leur dresseur, ils ont rapidement perdu leur force et leur forme d'autrefois. Certains, rancuniers à juste titre de ce qu'ils subissaient, m'ont tournés le dos. Vous ne pouvez pas même imaginer combien le remord me court encore après aujourd'hui...
Face au bon-à-rien que j'observais chaque matin au travers du miroir, la décision la plus sage que j'eus envers mes compagnons de toujours fut de leur rendre leur liberté. Muet et faible, je n'étais plus en mesure de leur offrir des combats ardents et la gloire passée, perdue à jamais. Ils méritaient de regagner la nature ou de chercher un dresseur plus digne que moi. Du moins... C'est ce que je me dis encore aujourd'hui pour me convaincre que c'était la meilleure chose à faire. J'avais proposé à Exceddius de retrouver sa liberté dans le désert d'Unys mais, plutôt que de partir sans regret comme l'avait fait la plupart mes autres Pokémon, il était resté au prêt de moi, observant le lointain à mes côtés. C'était un peu comme si, l'idée de la séparation n'était pas même envisageable pour lui. Nous n'avions alors pas eu besoin de mot pour nous comprendre. Qu'importe ce que j'étais devenu, pour lui j'étais et je resterais toujours son partenaire. Bon je ne vais rien vous cacher, j'ai fondu en larmes à ce moment-là... Mais je vous en prie, essayez de garder ça pour vous ! Ok ?!
Je pense que je serais resté au château à me lamenter jusqu'à la fin de mes jours si, lors d'un repas de famille, mon frère ne m'avait pas provoqué. Alors que nous étions en train de déguster l'entrée, dans un silence de plomb devenu habituel, Sadako pris la parole d'une voix méprisable.
- « Je pense qu'on peut annuler la compétition. Elle a lieu dans moins d'un an ! Shizuo n'est plus en état de combattre et son dernier Pokémon est devenu aussi faible que lui ! J'aimerais éviter de l'achever. Je ne suis pas le genre d'homme à pousser un vieillard du haut d'un escalier ! » Lança-t-il, son regard amusé vers père.
J'avais serré les couverts que je tenais à m'en faire blanchir les jointures, dardant sur mon frère un regard mauvais. S'il pensait que j'allais le laisser m'humilier tout en ruinant l'héritage !
- « Il n'a pas encore abandonné. » Répondit ma mère.
Lui accordant un sourire complice et gratifiant, j'avais reprit le repas en tentant d'oublier mon idiot de frère aîné. Mais, c'était peine perdue...
- « Allons, allons ! » Continua mon frère, refusant de lâcher prise. - « C'est déjà assez difficile de considérer Shizuo comme mon frère ! Ce gars-là, a tellement honte d'avoir faillit mourir en trébuchant d'une tour qu'il n'arrive plus à parler ! »
Cette fois-ci, il allait trop loin ! Je m'étais relevé d'un bond, laissant ma chaise tombée dans un bruit sourd. Tel un sauvage, je m'étais jeté sur Sadako, l'attrapant par le col de sa chemise d'une main et, de l'autre main, lui administrant un coup de poing. Plus impressionné que blessé, mon frère avait immédiatement riposté en sortant son Pokémon le plus fort : Un Tranchodon à l'armure entièrement noire. Pour me protéger, j'avais libéré mon Carchacrok. Le combat ne dura que l'échange de deux attaques. Affaiblit par ma négligence, Exceddius fut vaincu d'une seule attaque. Si mon sinistre frère avait ordonné à son dragon de s'attaquer personnellement à moi, ce fut mon père qui, resté jusqu'à lors de marbre, libéra son Exagide. Le Pokémon de type spectre et acier s'était interposé entre moi et le Pokémon de Sadako. Aussi odieux et vantard soit mon frère, il n'était pas assez courageux ou fou - choisissez la version qui vous convient le mieux - pour se mesurer au chef de famille.
- « Cessez ! Il n'y aura pas de déclaration de forfait. Shizuo combattra. Et qu'importe s'il ne tient pas debout, il combattra ! » Cria père en posant son regard aussi froid que la glace sur l'aîné. Ce fut ensuite à mon tour de subir son courroux. - « Je t'interdis d'être un lâche ! Tu as déjà assez fait de mal à cette famille ! Ne te représente jamais plus devant moi si tu n'es pas capable d'ordonner à ton Pokémon d'attaquer ! »
Sur ses paroles, j'avais quitté ce qui devait être, à la base, un simple repas de famille. Un repas réunissant des êtres censés s'aimer et se soutenir mutuellement. Une bien belle illusion. Quelques jours plus tard, ma décision était prise. Je partais. Je ne supportais plus toute cette tension, toute cette compétition insensée faisant de cette famille idéaliste un véritable enfer. Ma mère avait pleuré mon départ mais, je lui avais promis de lui écrire régulièrement. C'est elle qui m'offrit le petit mémo digital qui me sert à communiquer avec mon entourage, quand les gestes ne suffisent pas.
l'Île Lansat
Les mois suivants, je les avais passés à vagabonder, voyageant sans réellement connaître de destination finale. Mes parents ne m'avaient pas coupé les vives mais, je désirais vivre de moi-même. Disons que, je recommençais à gagner un peu d'estime de moi-même... Un brin d'honneur. Allant jusqu'à oublier mes soucis familiaux, mes erreurs passées, mon handicape et mes armures, je menais une vie simple en compagnie d'Exceddius et de deux autres Pokémon que le destin avait poussé à me suivre. Quoi qu'il en soit, j'enchaînais les petits boulots par-ci et par là, acceptant toute mission capable d'entrer dans mes cordes. Le hasard voulu qu'un jour, en tant que coursier, j'eus besoin de livrer un colis sur une île perdue au milieu de nulle part, l'île Lansat. J'avais déjà entendu parler de cette île... Je savais qu'elle abritait une prestigieuse académie Pokémon mais, c'était tout ce que je savais. Et, je n'avais pas réellement pris la peine de me documenter plus que je ne le jugé nécessaire. J'avais rejoint l'île Lansat par bateau et, malgré quelques mésaventures en chemin, j'avais rapidement livré mon colis à son destinataire, une vieille femme qui, s'était mise en tête que j'étais sourd-muet et qui malgré tout, me parlait sans s'étonner que je puisse la comprendre... Les personnes âgées sont la véritable énigme de notre ère ! Si, Si.
Une fois ma mission remplie, ma curiosité avait pris le pas sur mon départ. J'avais alors entrepris de visiter rapidement l'île avant d'attraper le dernier bateau, le soir venu. C'est en suivant des bruits d'étincelles et d'impacts que je m'étais retrouvé spectateur d'un affrontement entre deux jeunes dresseurs, probablement deux élèves de l'académie. Sur un terrain dégagé, un Noctali un Elecsprint se livraient bataille. Le combat était incroyablement serré et les deux dresseurs se démenaient en enchaînant ordre et encouragement envers leur Pokémon respectif. Je ne savais pas pourquoi mais, j'étais incapable de détacher mon regard de l'affrontement. Étrangement, j'avais pris le parti de l'Elecsprint et de son dresseur et j'en étais à les encourager dans mon esprit. Finalement, le Noctali fut immobilisé par une Cage-Eclair et le Pokémon Décharge le mis K.O d'une dernière attaque Tonnerre. Alors que les deux dresseurs se serraient la main, riant et échangeant à propos du combat, je n'avais pas pu m'empêcher d'être souriant... Le contre-coup à l'idée que moi, jamais plus je ne pourrais ainsi combattre, m'avait impitoyablement serré la gorge. Avant que l'un des jeunes ne me remarque, j'étais déjà loin.
Alors que le jour tirait sur sa fin, laissant des nuances de rose et d'orange décorées un ciel s'obstinant à rester bleu, je m'étais isolé sur le port, observant la mer. Le bruit des vagues et le cri des Goélise étaient des plus agréables. Dans mes mains, je tenais les trois balls contenant mes précieux compagnons. Je m'étais alors demandé si, au lieu de partir comme convenu, je ne passerais pas un peu plus de temps sur cette île... Lansat avait ranimée quelque chose en moi, quelque chose que je pensais avoir perdu à jamais. En regardant ce combat tout à l'heure, j'avais presque voulu y prendre part. Non, ce n'était pas vraiment ça... J'avais réellement voulu y prendre part. Quelle ironie... Ne suis-je pas celui qui a perdu l'usage de sa voix afin de ne plus jamais avoir à combattre ? Tel un enfant, je m'étais recroquevillé sur moi-même, les yeux humides, observant le lointain.
Il y a deux choses que je dois honorer à tout prix. Je dois permettre à Exceddius d'atteindre les sommets afin qu'il puisse prouver au monde entier quel prodigieux combattant il est. Je dois vaincre mon frère pour l'empêcher de mettre ses sales mains sur l'héritage familiale et ainsi, prouver à mon père qu'il avait tort de me juger de la sorte. Et... Ah oui, il y a une troisième chose. Inévitablement, pour parvenir à réaliser les deux premiers objectifs, un troisième m'est imposé. Je dois devenir plus fort. Je dois devenir ce « Chevalier blanc » que j'ai prétendu être autrefois. Il n'est plus question de coutume ou de Role Play, je dois devenir quelqu'un qui sera à la hauteur de ses Pokémon et des valeurs qu'il affectionne ! Je ne veux pas rester un lâche ! Je n'en peux plus de cette faiblesse ! Je vais devenir fort ! J'en fais le serment !
J'avais alors remarqué que mes mains tremblaient. Un large sourire s'était dessiné sur mes lèvres jusqu'alors trop sèches. Ces tremblements ?! Ce n'est rien ! C'est juste l'excitation ! Ce monde manque cruellement de chevalier ! N'est-ce pas ?! Ce fait ne changera peut-être jamais mais, je ferais en sorte que cette île n'en manque pas ! Me relevant, j'avais délaissé la mer pour me retourner vers l'île que le crépuscule jouait à rendre encore plus mystérieuse et étrange. L'île Lansat incarnait pour moi un adversaire d'un genre nouveau, inédit.
Mais avant de jouer davantage le héros, j'allais devoir trouver un boulot... Pas sûr qu'ils aient un post de libre en Chevalier. Erf.