L’île Enigma était loin derrière elle. Doucement, mais sûrement, Eryn avait réussi à se faire à l’idée que tout ce qu’elle avait vu n’était pas réel, à commencer par son brusque retour dans son ancienne école, qui n’était rien d’autre qu’une hallucination extrêmement traumatisante dont Cael l’avait tirée avec beaucoup de prévenance et de douceur. Comme elle, les élèves qui avait participé à cette sortie capture un peu spéciale n’en parlaient pas. Elle en avait vu quelques-uns sortir du bureau du psychologue. Peut-être qu’elle devrait y aller, elle aussi… Mais cet adulte lui faisait peur. Puis elle n’avait pas eu besoin de psy après son accident, ce n’était pas maintenant, face à quelques hallucinations, qu’elle en aurait besoin, non ? Enfin, c’est ce dont elle essayait de se persuader. Tout comme elle essayait de se persuader que sa colocataire et amie, Dahlia, n’était pas présentement en train de l’éviter, depuis qu’elles étaient rentrées de cette île effrayante. Certes, elles ne se croisaient pas beaucoup le matin. Dahlia partait très tôt pour aller à l’entraînement des Pyroli, et elles ne se voyaient que fugacement, quand Eryn allait à la douche et que Dahlia retournait dans la chambre. Mais en général, le soir, elles se voyaient. Avant. Maintenant, Eryn s’endormait seule, et n’entendait même pas Dahlia rentrer dans la pièce. Elle la fuyait. Si, au début, ça soulageait un peu la petite Mentali, qui avait encore en mémoire les mots très durs prononcés par la Dahlia de son hallucination, cette situation lui pesait maintenant. Ca faisait presque un mois qu’elles n’avaient plus parlé ! Avait-elle fait quelque chose de mal ?
« Abélia, tu veux bien ranger tout ça, s’il te plaît ? »
La petite Ceribou lâcha un couinement tout mignon, et sautilla sur le bureau pour commencer à ranger les affaires de sa dresseuse. Sa valise était presque prête. Parce qu’après un mois à être fuie et ignorée, Eryn avait fini par comprendre le message. Si Dahlia en avait assez de sa présence, elle n’allait pas s’imposer. Certes, elle était la première arrivée dans la chambre, mais l’idée de mettre sa colocataire à la porte ne l’effleurait même pas. Elle préférait partir. Et demander une chambre simple à sa référente de dortoir. Au moins, seule dans une chambre, elle pourrait la personnaliser à son goût et ne plus être occultée comme ça par une colocataire imposée. Sympa, certes, mais imposée. Dahlia avait dû en arriver à la même conclusion, sans doute. Eryn était gentille, mais on ne lui avait pas laissé le choix de la colocation, et après quelques mois en sa compagnie, elle avait dû s’en lasser, ou s’en agacer. Elle aurait juste pu lui dire, non ? Pliant ses dernières affaires, Eryn les rangea dans sa valise, et attrapa les boîtes que lui tendait sa Vipélierre. Maquillage, petites affaires, nécessaire à couture, parfums, tout ça trouva sa place dans sa valise harmonieusement rangée. Chaque chose était à sa place, et refermer sa valise ne serait pas compliqué. D’ailleurs, la valise fut refermée et zippée, mais laissée sur le lit tandis qu’Eryn se tournait vers sa plante. Elle demanderait à Khensit de la porter avec précaution. Avec beaucoup de précaution. Il ne lui manquait plus rien. Elle pouvait partir. Ce fut le moment que choisit le Posipi pour se percher sur le bureau et piailler en écartant ses petites pattes avant. Il avait perdu quelque chose de long. Et de pointu.
« Oh, non, tu as encore perdu ton aiguille ? Bon, on va la retrouver avant de partir, pour qu’Isis ne marche pas dessus, comme la dernière fois… »
Alors qu’elle s’accroupissait au sol pour aider le Posipi à chercher l’aiguille, la porte de la chambre s’ouvrit, et Dahlia y entra. Eryn ne se retourna pas. Pourquoi faire ? Après tout, la Pokéathlète l’évitait depuis un mois, ce n’était que justice qu’elle lui rende la politesse maintenant qu’elle était délogée aussi injustement de sa propre chambre. De sa team, il n’y eut que Deku, le Brocélôme, dernier arrivé dans l’équipe, qui dit bonjour à Dahlia en lâchant un petit couinement ressemblant à une mélodie. Abélia, elle, alla se percher sur la valise pour regarder la Pokéathlète avec curiosité, se demandant sans doute comment on pouvait autant apprécier le sport. Son ancien dresseur, qui avait quitté l’école, était un Coach, et la petite plante ne s’était jamais plu au milieu de tous ces Pokémon sportifs. Bleuenn, elle, se détourna de la Mentali qui rendait sa dresseuse si triste, vite imitée par Khensit, et par Yakuru qui plongea la tête vers le sol pour aider à chercher l’aiguille, soulevant ses sabots dans une attitude comique pour voir si elle n’était pas dessous, par hasard. Cependant, même en tâtonnant prudemment, impossible de remettre la main sur l’aiguille. Commençant à avoir mal au dos, la Coordinatrice se releva et s’assit sur le lit, tendant la main vers le Posipi tout triste pour qu’il grimpe dessus.
« Tu sais quoi ? Ce n’est pas grave. Je t’en rachèterai une autre, et je te laisserai la choisir. »
Le Posipi hocha tristement la tête. Il ne voulait pas d’une autre aiguille, il voulait la sienne. La toute première qu’il avait chipée à Eryn, alors qu’il était encore le Pokémon d’Orren, le préfet des Voltali. Cette aiguille que sa nouvelle dresseuse lui avait donnée, à sa plus grande joie. Il avait perdu son aiguille. Doucement, il soupira, tandis qu’Eryn se redressait en posant une main sur sa valise. Lâchement, elle aurait préféré que Dahlia ne soit pas là, pour qu’elle rentre et se retrouve devant le fait accompli. Et surtout, pour ne pas voir sa joie quand elle se rendrait compte qu’elle n’avait plus sa colocataire dans les pattes. Mais bon, puisqu’elle était là, la politesse élémentaire nécessitait qu’elle lui dise au moins bonjour, surtout si elle l’avait aussi impoliment ignorée quand elle était entrée dans la chambre. Même si elle l’avait bien cherché.
« Pas la peine de te chercher une excuse pour repartir aussi sec, va. J’aurai bientôt quitté la chambre de toute manière. Dans quelques minutes, tu n’auras plus à jouer au ninja pour me fuir. Mais bon, tu aurais pu me le dire tout de suite, que tu en avais marre de ma présence, ça aurait pu nous éviter tout ça. »
Eryn se redressa sans regarder sa colocataire, et tira sur sa valise pour la poser au sol, aidée par son Cabriolaine tout triste de quitter cette pièce. Dans son dos, très discrètement, Achille et Deku échangèrent un regard en coin, et la main spectrale du Brocélôme se referma un peu plus autour de l’aiguille tant recherchée, enroulée dans son cocon de soie. Ils avaient réussi à faire perdre quelques minutes à Eryn. Peut-être qu’ils pourraient l’empêcher de faire une grosse bêtise, grâce à ça.
Dernière édition par Eryn McNellis le Lun 7 Sep - 19:01, édité 1 fois