Il se réveilla aux aurores, comme à son habitude. Dans la maisonnée de Bob, le soleil perçait à travers les rideaux comme la magnifique tour d’Illumis. Les teintes étaient d’or et de carmin ; un ciel bien différent de celui de Cimetronelle ou de Cobaba. Intrigué, Alban se leva doucement et alla ouvrir sa fenêtre. Au dehors, le village était calme. Quelques commerçants déambulaient dans les rues, poussant leurs charriots de pommes, tandis que les moines de la Tour Chétiflor sonnaient la cloche devant chaque porte, demandant l’aumône qu’on voudrait bien leur accepter. Accoudé sur le rebord de la fenêtre, Alban observait cet endroit qu’il ne connaissait pas encore ; il avait toujours adoré voyager, en général sur dos de Pokémon Vol, et s’imprégnait de la culture de chaque village. Il mettait un point d’honneur à rentabiliser son temps et à en découvrir le plus possible, quitte pour cela à ne pas dormir ou si peu. Il avait cependant des réserves, cette fois-ci ; il était dans une maison inconnue, chez des hôtes qui avaient déjà eu la gentillesse de bien vouloir l’héberger sans contrepartie, si ce n’était régler le problème d’Albert, le champion de la ville. Il n’avait pas envie de les réveiller si tôt. Cependant, en entendant un fracas de casseroles dans la salle à manger, il décida de s’habiller et d’aller sortir le bout de son nez. Zéphyr le suivit en sautillant, et Alban se pencha pour le laisser grimper jusqu’à son épaule. Puis, après avoir rangé sa valise sous son lit, le Voltali alla saluer ses hôtes.
Ils étaient plutôt matinaux, les habitants de Mauville. Rien de bien étonnant cependant ; ils étaient pareils à Cimetronelle. Pour une ville au milieu des oiseaux, il n’y avait pas le choix, à dire vrai. Tous les matins, c’était tellement un concert de chants et de piaillements, qu’il était difficile de faire la grasse matinée. Alban s’attabla donc et discuta avec Bob et sa femme, Martha, en dégustant un succulent gâteau à la crème et aux baies, qu’il n’avait jamais mangé avant. Une spécialité d’ici, apparemment, faite de Noigrumes, un fruit qu’on ne trouvait que dans la région et qui servait entre autre à la confection de Pokéballs spéciales. Alban s’instruisait, en même temps qu’il faisait le plein de forces. Un verre de lait d’Ecremeuh de la Ferme Meuhmeuh, et le voilà parti en exploration dans le village. Il avait envie de découvrir un peu plus de Mauville avant de commencer ses investigations, et il se dirigea donc vers l’office du tourisme pour recueillir des informations. Il passa donc la matinée à gambader dans les divers recoins du village, à flâner dans les hautes herbes et à goûter des spécialités locales. Zéphyr, lui, semblait intimidé par cet endroit qu’il ne connaissait pas, et Alban le comprenait. Depuis qu’il l’avait eu, il n’avait séjourné vraiment qu’à Cobaba et sur l’île Frista ; et autant dire que ses souvenirs sur la dernière île n’étaient pas des plus amusants. Pourtant, le Voltali tentait de faire découvrir le plus de choses à son bébé Pokémon. Il l’avait amené prendre le ferry, puis le train, les transports en commun, et même s’arrêter à Oliville pour visiter ce village portuaire. Cependant, ce n’était jamais de très longs trajets, et maintenant que Zéphyr avait le temps de se poser un peu plus, autant dire qu’il était un peu fébrile. L’air de Mauville était très différent de l’air marin d’une île ou d’une ville portuaire. Ici, c’étaient les odeurs de bois et de branches qui dominaient, ainsi que celles de l’artisanat des hommes.
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Plusieurs heures plus tard, Alban avait déjà fait le tour de bon nombre de choses. Assis sur un banc en bois, dans un parc d’enfants, il dégustait avec Zéphyr des beignets aux
Noigrumes blancs. Les agrumes éclataient entre ses dents en une multitude de gouttelettes acidulées, et le sucre de la pâtisserie venait parachever cet encas. Son Goélise avait l’air d’apprécier fortement le met, et il était à moitié enfoui dans le sac en papier de la pâtisserie de Mauville où Alban était parti acheter son goûter.
- Attention, tu vas t’en mettre partout, le prévint-il, en l’attrapant par la taille et en le posant sur ses genoux.
Le Goélise piailla tristement, du sucre collé au bec, et regarda son dresseur d’un air piteux. Alban fut surpris d’entendre un rire traverser ses lèvres, et il se releva. A présent, il fallait qu’il avance sur l’affaire de la volière et du comportement étrange des Pokémon. Positionnant Zéph’ sur son épaule, il se dirigea d’un pas claudicant vers la Poste de Mauville. Il ne savait pas pourquoi, mais ce monument lui faisait mauvaise impression ; fait rare pour une poste qui appartenait à sa famille. Quoi qu’il en soit, il décida de se faire passer pour un touriste lambda venu envoyer une carte postale à sa famille. Il poussa les portes du bâtiment, et entra sous une cacophonie de Pokémon Vol assez conséquente.
Un coup d’œil autour de lui permis de déceler qu’il y avait quelque chose de louche. Les Pokémon avaient des airs apeurés sur le visage, et ils battirent presque tous des ailes lorsqu’Alban s’approcha. Pour des Pokémon aussi bien dressés, c’était inhabituel. Zéphyr, sur son épaule, sembla apeuré de cet accueil peu chaleureux, et il alla se réfugier dans le sac d’Alban, ses pattes dépassant et s’agitant dans l’air de façon comique. Le châtain s’approcha du comptoir, ou le fameux couple de gérant était en train de trier des papiers. Quand ils le virent, un sourire commercial s’étala sur leurs visages, et ils commencèrent à lui faire la conversation, en lui demandant ce qu’il souhaitait.
- Juste envoyer une carte postale à ma famille, à Cimetronelle. Est-ce que c’est possible ? répondit-il en gardant un visage imperturbable, et en tendant la carte qu’il avait griffonnée à la hâte pour Arya et ses parents.
- Bien sûr, pas de soucis. Les tarifs sont affiché ici, je vous laisse choisir le montant et le type d’envoi.- D’accord. Je prendrai le type 3.La femme siffla mais rien ne se passa. Après un moment de gêne, elle se dirigea vers un Roucoups qui était sur une étagère et qui agita frénétiquement les ailes à son approche. Elle le houspilla violemment, l’attrapa par une patte, et le força à venir se poser devant Alban. Le garçon était choqué. Il n’avait jamais vu pareil traitement sur un Pokémon Vol d’une Poste Amargein. Et cet oiseau ? S’il avait été bien dressé un moment dans sa vie, à présent, il semblait ne plus avoir envie du tout d’apporter du courrier. La carte arriverait-elle à bon port ? Alban se pencha vers l’oiseau et essaya de le calmer, d’une main rassurante sur l’aile. Cependant, le Roucoups lui mordilla la main et il se dégagea précipitamment. Le couple se confondit en excuse, claquant une sorte de torchon sur la table pour apeurer le Roucoups et l’empêcher de recommencer. Au prix de nombreux efforts, l’homme parvint à attacher la lettre à la patte de son Pokémon, et celui-ci s’envola, de mauvaise foi, mais plutôt content de pouvoir quitter cet endroit. Alban suivit de ses yeux gris d’orage la course du Pokémon jusqu’au dehors, puis se retourna vers le couple. Des sourires commerciaux, toujours.
- Qu’est ce qui se passe avec ce Roucoups ? Il n’avait pas l’air de très bon poil… remarqua-t-il, guettant la réponse avec attention.
- Oh ce n’est pas grand-chose. Il est un peu difficile, c’est une mauvaise période, c’est tout.Et ce fut tout ce qu’il put obtenir de la part des deux gérants. Haussant les épaules, il sortit et retourna voir Bob chez lui.
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Autour d’une table pour le dîner, Bob, Martha et Alban réfléchissaient à voix haute. Zéphyr, comme la veille, était encore en plein dans son bol de baies, tandis que son dresseur mangeait d’excellentes saucisses grillées avec des légumes épicés. Un réel délice. Bob, quant à lui, était hors de lui.
- Je le savais qu’ils me cachaient quelque chose ! De la maltraitance de Pokémon ! Si j’avais pu le croire…- Attendons avant de sauter sur des conclusions hâtives. Il y a peut-être quelque chose d’autre. Je crois qu’il faut que je creuse plus profondément… Hm… Avez-vous encore les clés de leur volière, Bob ? J’aimerais bien m’infiltrer là-dedans cette nuit, pour enquêter plus profondément…- Hm oui bien sûr, je fais souvent des réparations là-bas, alors je dois avoir ça quelque part. Par contre si tu te fais pincer, ne me balance pas, ce serait très mauvais pour mon commerce.Alban récupéra la clé qu’on lui tendait, puis, après avoir promis, il se prépara pour son expédition nocturne. Il avait revêtu des vêtements sombres pour l’occasion, et avait emprisonné Zéphyr dans sa Pokéball. Pas la peine de se rendre plus visible avec un Goélise chromatique qui brille d’éclats dorés dans le noir… Quelques autres objets dans sa besace, il attendit que la nuit tombe avant de se diriger à pas feutrés vers la Poste. Caché derrière un buisson, il guetta le départ du couple, et attendit une quinzaine de minutes pour être sûr qu’ils ne reviennent pas. Puis, en rampant, il atteignit la porte et fit tourner la clé dans la serrure.
Avec un cliquetis rouillé, la porte pivota sur ses gonds, et Alban s’engouffra à l’intérieur. Bien. Infiltration, réussie. Voilà que sa petite expérience dans la base des Rouages l’avait entraîné à ce genre de choses. Si un jour il avait su qu’il entrerait par effraction chez quelqu’un, il ne l’aurait pas cru… Avec un sourire, il rampa jusqu’à la pièce principale. Les Pokémon avaient été évacués pour la nuit ; ils étaient certainement dans la volière derrière la poste, comme il était de coutume dans tous ces établissements. A quatre pattes, Alban se faufila jusqu’à la seconde porte, et entra. A son arrivée à l’intérieur, il dû attendre un moment pour s’accoutumer à l’obscurité. Une fenêtre en hauteur diffusait les rayons de la lune, mais il y voyait plutôt mal. Les oiseaux cependant étaient endormis, la tête sur l’aile, et Alban essaya de se faire le plus discret possible pour ne pas déclencher une cacophonie de cris et de battements d’ailes. Et maintenant ? Qu’allait-il faire ? Il avait prévu de fouiller les papiers, mais il avait préféré voir les Pokémon avant. Avec stupidité, il se rendit compte du fait qu’il n’avait pas de plan concret. Il était venu là en espérant que la solution se dessine devant lui, comme par magie, et qu’il surprenne le couple en train de maltraiter ces pauvres Pokémon. Pourtant, personne ne vint le déranger. Alors il resta là à observer.
Les gamelles étaient vides. Les buvettes également. Visiblement, les gérants mettaient le moins de moyens possible pour tenir l’endroit viable. Des fientes partout. Une puanteur insoutenable. Les oiseaux n’étaient pas traités de la meilleure façon, ici, c’était clair. Mais ce qui surprit surtout Alban, c’était ces poutres de bois qui étaient endommagées. Comme ces arbres sur Cobaba qui ont plié et craqué sous les vents violents. Qu’est-ce qui avait pu provoquer cela ? Il attendit encore une bonne demi-heure en inspectant chaque parcelle, jusqu’à ce que la réponse se présente d’elle-même. Sous le croissant de lune, une silhouette se découpa. Sombre et féline, elle atterrit avec légèreté sur la fenêtre en verre, puis d’un coup de patte, fit basculer cette dernière. Pas la sécurité la plus optimale, pensa Alban, mais il ne fit aucun commentaire et préféra se tapir à l’ombre d’un tonneau, la Pokéball de Zéphyr en main. Le Pokémon sauta avec souplesse dans la volière, se réceptionnant d’abord sur une poutre haute, avant de descendre progressivement de plus en plus bas. Enfin, il atterrit avec élégance au milieu de la paille et des fientes, et Alban retint sa respiration.
La créature était un magnifique Noctali. Ses yeux rouges luisaient dans le noir, et les anneaux dorés qui décoraient ses membres diffusaient une lueur fantomatique. Un beau spécimen, à n’en point douter. Mais que faisait-il dans la volière ? Alban resta là à admirer le Pokémon. Le Noctali renâcla l’air un moment, puis fit le tour de la volière, comme s’il semblait connaître les lieux. Puis, après avoir prospecté un moment l’endroit, il tendit la patte et fit rouler un œuf vers lui. Un œuf Pokémon !
Alban suivit des yeux le Pokémon faire rouler l’œuf, puis arriver au niveau d’un mur. Là, il dégagea un amoncellement de paille qui cachait un petit trou menant vers l’extérieur, puis fit rouler l’œuf de l’autre côté. Il volait des œufs ! Alban le regarda faire pour un second, puis se décida d’intervenir. Si ce Noctali voulait se faire un petit déjeuner des œufs de ces pauvres Pokémon, il allait devoir lui passer sur le corps. Toujours avec discrétion, il contourna le Pokémon et boucha la sortie en se positionnant devant. Le Noctali flaira sa présence et se retourna d’un bond, tous crocs dehors, comme une bête agressée. Son corps se tendit et il s’aplatit sur le sol, prêt à bondir.
- Eh non mon gars, je ne vais pas te laisser faire ça plus longtemps. Zéph’ !La Pokéball de Zéphyr roula dans l’air, et le Goélise apparut dans un rayon de lumière rouge. Sans comprendre, il se matérialisa sur l’épaule de son dresseur, et observa la scène en clignant des yeux d’un air stupide. Le Noctali choisit ce moment pour bondir, mais Alban l’esquiva en faisant quelques pas sur le côté. Les crocs du Pokémon se refermèrent sur du vide, et il recula précipitamment pour mettre une distance de sécurité entre lui et ses agresseurs.
- Zéph’, Ultrasons ! Puis enchaîne avec Vibraqua !Le Goélise ouvrit le bec et lâcha une onde sonore puissante. Perturbé par le son, le Noctali rabaissa ses oreilles et ferma les yeux en secouant la tête. Désorienté, il ne put éviter la Vibraqua de Zéph’ qui alla s’écraser impitoyablement sur lui, le faisait reculer de plusieurs mètres. Alertés par le bruit, les Pokémon Vol se réveillèrent et battirent des ailes d’un air paniqué. Mince ! Il ne restait plus beaucoup de temps avant que des gens rappliquent. Alban devait faire vite. D’un geste de la main, il attrapa un tonneau en bois au moment où le Noctali voulait de nouveau le mordre, puis fit un barrage. Il entendit le Pokémon s’écraser contre le bois, puis secouer la tête et repartir à la charge, avec moins d’entrain qu’au départ néanmoins. Un Pistolet à O de Zéphyr le toucha de nouveau de plein fouet, et le Noctali roula vers l’arrière, affaibli. Ne souhaitant pas le blesser plus, Alban dégaina une première Pokéball vide de sa poche, et la lança vers le Pokémon sauvage. La sphère rouge et blanche se referma dans les airs et tomba dans la paille, en gigotant. Épuisé, Alban s’affala contre le mur, en espérant que cette capture d’urgence allait aboutir… Et surtout, qu’il puisse s’enfuir de la volière avant que les gérants ne reviennent…
Modération : Lancer d'une Pokéball