Palapalam ! Tala ! Pouf. Je saute à pieds joints sur les dalles de la terrasse. Je suis très appliqué. Il ne faudrait pas que je marche malencontreusement sur l’une de ces lignes. Qui sait ce qu’il pourrait advenir. Ma petite Natu n’a rien pigé, elle fonce droit devant, en profitant pour passer par mes pieds me laissant choir lourdement sur le sol. C’est dans un grand “Plaf” que je m’écrase dans l’eau dans la piscine. Elle me le payera ! Tu parles ! Elle a déjà filé bien loin, Vivlady à sa poursuite. J’en ai marre ! Je n’ai jamais une minute à moi avec ces deux là. Je regarde amoureusement mon Abra, bien calme, endormi, sur un transat. Au moins, lui, il ne me ferra jamais de mal. Je souris bêtement.

Me voilà trempé de la tête aux pieds, accoudé au bord de la piscine, souriant bêtement à mon starter. Aaron ! Tu es tombé tout habillé dans l’eau ! C’est le moment ou tu dois te lever pour aller te sécher puis te changer. Rien à foutre. Je reste là. L’eau est apaisante. Je m’endormirai presque. Une meilleure idée me traverse l’esprit. Je bondis hors de la piscine pour aller enfiler mon maillot de bain. A cloche pied, cette fois-ci, je traverse la terrasse boisée. Je récupère doucement Invy qui ronfle sur son matelas de plage. Je commence sérieusement à me demander s’il n’a pas un problème. C’est normal, pour un Pokémon, de dormir autant ? Je ne sais pas, peut-être devrai-je le faire consulter par un médecin.

Là n’est pas mon but de la journée. J’entre dans la partie commune. Certains Phyllali se sont déjà mis à dévorer les nouveaux livres, d’autres, bien silencieux, disputent avec acharnement une partie d’échec. J’ai jamais rien compris à ce jeu. Quant aux bouquins… ils m'intéressent bien moins que ce qui m’attends là-haut. La serviette autour de mes jambes, je mets plus de temps à grimper les escaliers. Arrivé en haut, je souris, les douches sont désertes. Il règne une agréable chaleur embuée. Je passe les paravents du centre de la pièce pour découvrir le jacuzzi. Un frisson me parcours tout entier. Je défais la serviette et m’insère dans l’eau. Elle est bouillante et… bulleuse. Je ne peux m’empêcher de sourire encore plus et même de lâcher un petit rire.

Même Invy se réveil. Il n’ose pourtant pas ne serait-ce que mettre un orteil dans l’eau. Il a bien tord. Ca fait un bien fou. Le bassin est immense. Il est composé six sièges massant et de deux banquettes aux jets relaxant. Etant seul, j’en profite pour tous les essayer. Je finis par m’arrêter sur l’un des sièges qui propose un massage de la nuque et des épaules. Je ferme les yeux. Je me détends. Rien ne pourrais venir troubler cette tranquillité. Je laisse la chaleur m’envahir. Je pousse un léger soupir. Ca fait du bien. Je laisses mes pensées vagabonder.

Je suis soudainement tiré des cet état de transe par un violent “BAM” qui résonne dans tout l’étage. J’ouvre les yeux, un peu perdu. Je m’extirpe aussitôt de l’eau pour me diriger vers le bruit. C’est l’une des salle de douche. Je n’hésite pas un instant. La personne à l’intérieure doit avoir besoin de mon aide. J’ouvre la porte à la volée. Cela ne dure qu’un instant. Je la referme aussitôt. Oups. Il y a un jeune homme à l’intérieur. Étendu. Le zizi à l’air. Je rougis violemment. Merde ! Merde ! Merde ! Je n’aurais pas dû être aussi précipité. Je cris derrière la porte.

“_ Je… Je suis désolé ! Je… ne voulais pas vous… vous déranger !”

Des milliers de scénarios défilent dans ma tête. Que pouvait-il bien faire seul dans cette salle de bain ? Comment a-t-il terminé par terre ? Je n’ose absolument plus rentrer mais… je ne peux pas laisser ce collègue Phyllali en détresse. Je tourne sur moi même, ne sachant quel comportement aborder.

Mon Dieu. Qu’est-ce que j’ai fais ? Qu’est-ce que je viens de voir ? J’ai refermé de manière précipitée la porte. Cette fraction de seconde a pourtant été suffisante pour comprendre la situation à l’intérieur. Ou, au moins, émettre des hypothèses. J’en suis arrivé facilement à la conclusion que l’homme à l’intérieur est juste fou. Fou, mais en détresse. Je ne peux pas me résoudre à l'abandonner. Mais que faire ? Je ne peux pas m’introduire dans son intimité. Ca me gène trop. Et… j’imagine que lui aussi. Je rougis encore au souvenir de ma vision à travers l'entrebâillement. Je suis gêné de ce que j’ai vu et de ce que j’ai fait. Bordel, j’ai le chic pour me fourrer dans des situations pas possibles moi !

Je panique. Je tourne en rond. Je fais un pas sur la gauche de la porte, prêt à partir. Puis je me ravise, revenant devant la séparation. Je joins mes mains, elles sont moites. Je sens la sueur dévaler mon front, mon dos aussi, pour qu’elle aille s’écraser par terre ou sur mon short de bain. Je suis à moitié plié en deux, comme si la gêne avait décidé de se concentrer dans mon estomac. Sinon, je pourrais facilement retourner à ma petite vie. Récupérer Abra, descendre comme si de rien n’était. Personne ne me verrait, personne ne pourrait m’accuser du meurtre du mec dans la douche, là. Meurtre ? Va-t-il mourir si je ne fais rien ? Je n’ai pas le droit de penser ça. La panique me gagne à nouveau. Il faudrait que j’apprenne à la contrôler, ça m’éviterai bien des emmerdes. Là n’est pas la question aujourd’hui, il faut que je trouve un moyen de sortir ce mec vivant de cette maudite salle de bain.

Je m’assois contre le mur. Je n’entends évidemment pas ce qu’il tente de me dire à ce moment là, probablement bien trop concentré pour trouver une solution. Mais bien sûr ! Pourquoi n’y ai-je pas pensé plus tôt. Invy ! Je me lève d’un bond, manquant de glisser sur le carrelage mouillé, retrouvant le Pokémon, toujours endormi, aux abords du bain bouillant. Je le soulève, le rapportant vers la mystérieuse porte. Je lui mets les mains sur les épaules. Je le regarde droit dans les yeux, même si les siens sont fermés.

“_ Invy, j’ai besoin de toi ! Tu vas te téléporter là dedans et ramener le garçon qui est au sol, d’accord ?”

Il lève une oreille, j’ose penser que c’est une réponse affirmative. Au moins, lui, ça ne le gênera pas de voir le Phyllali à poil ou tout habillé. Soudain, Invy disparaît. Je me sens soulagé. Dans quelques secondes, tout sera terminé. Les secondes se transforment en minutes. Abra ne semble pas vouloir revenir. Je tends l’oreille. Rien, aucune nouvelle de mon Pokémon. Mes intestins se contractent encore plus violemment que tout à l’heure. Cette fois-ci, il n’en va plus seulement de la vie d’un élève, mais aussi de celle de mon Starter. Qu’est-ce que j’ai fait ? A vouloir jouer les héros me voilà dans une merde noire.

Alors que je m'agace devant la porte, une faible voix me parvient. Il demande de l’aide ! Son Pokémon l’a paralysé ? Nouvelle goutte de sueur. Invy. Bordel ! Il a dû paralyser Invy aussi ! Je secoue la tête. D’abord le jeune homme, ensuite Invy. Désolé vieux…

J’inspire. Je ferme les yeux. Je suis prêt. Aaron, on va juste sauver le mec, on ne fait pas attention à sa nudité. Le rouge m’atteint quand même les joues. J’ouvre la porte à la volée. J’analyse rapidement la situation. Le Pokémon électrique se balade tranquillement dans la pièce, lorsqu’il me voit, il fait de moi sa nouvelle cible. Merde. J’avais oublié ce problème. Okay. On va tenter de la jouer plus fine que lui.

“_ Phy ! A toi de jouer ! Amène cette ordure autre part !”

La petite touffe verte s’échappe de sa balle, dans un éclair de plume elle attire l’attention du Pokémon adverse qui se met aussitôt à sa poursuite. C’est parfait ma petite Natu, tu fais un appât formidable. Je me concentre à nouveau sur ma mission. Je tourne la tête. L’homme est toujours allongé au sol. Dans l’exacte position de tout à l’heure. Je me lance vers lui. Invy est allongé un peu à côté de lui. D’habitude je me serais réconforté en me disant qu’il dort. Mais pas là. Je sens les larmes me piquer les yeux. Coupant court à ce moment d’émotion je décide de rappeler mon Pokémon psy dans sa Pokéball, il y seras mieux.

Je peux revenir à ma tâche première. Le mec. Il semble bien sonné. Il est la tête à l’envers, la bite à l’air et un filet de bave s’échappe de sa bouche. Ses yeux sont à moitié clos, il à vraiment l’air mal. Son épaisse chevelure rousse baigne dans une petite mare d’eau. J’avoue qu’il me fait pas mal de peine comme ça. D’ailleurs, ça doit se lire dans mes yeux. Je l'attrape par l’épaule, une légère décharge m’électrise. Mes cheveux s'irisent sur mon crâne. Wouah. J’ai l’impression de pouvoir soulever une montagne.

“_ Ca va ? Je vais te sortir de là !”

Je le prends par les aisselles, le moyen le plus facile de le transporter. Enfin, surtout, de transporter un mec qui doit faire le double de mon poids et de ma taille. Ma première tentative pour le soulever est un échec. C’est simple, il ne bouge pas d’une millimètre. Je sens la honte me monter aux joues. C’est pas le moment de baisser les bras Aaron ! Je prends mon inspiration. Je décide de le tirer plus que de le soulever. Miracle, son corps glisse dans l’eau du sol. Après plusieurs minutes d'efforts, j’arrive à le transporter hors de la pièce. Je le place contre le mur, à l’endroit cette fois. J’ai l’impression qu’il va clamser entre mes doigts. Que doit-on faire quand quelqu’un se prend le jus ? Mes leçons de secourisme de base me reviennent en mémoire. Ne pas céder à ses demandes, pour boire ou manger. Attendre les secours. Bon, me voilà bien. J’espère qu’il va se remettre vite, je ne sais pas qui appeler sinon… Je m’accroupis à côté de lui. Aucune trace de Natu et de son poursuivant… J’espère qu’ils n’ont pas tué tout le monde en bas…

“_ Ca va aller ?”

Je suis réellement inquiet pour lui. Mais surtout, j’essaie de faire abstraction de sa nudité qui me met terriblement mal à l’aise.

Ses yeux ne semblent décidément pas en face des trous. Il a l’air complètement ailleurs le mec. J’ai l’impression qu’il va tourner de l’oeil d’un moment à l’autre. Bordel. Si je m’écarte pour appeler de l’aide et qu’il décide de s’évanouir à ce moment… je fais quoi ? Je n’ose pas prendre le risque. Au lieu de ça, je lui fout une baffe sur la joue. Bon, elle devait avoir la force d’une pichenette. Mais déjà qu’il n’a pas l’air bien… j’ai pas envie de le casser en deux. Le pauvre. Bon, d’accord. C’est surtout la situation qui me fait perdre toute force dans mes membres. Bordel, je suis un vrai Tadmorv, une chose liquéfiée. Je prends un pas de recul. Tombant sur le cul. Je dois faire qu… ?

Il a décidé de se réveiller ! Il chuchote des mots ! Je comprends pas, mais on s’en fout ! Il se réveille ! Il me demande si je l’ai sauvé. Je rougis en repensant à tout ce que j’ai fais de bizarre pour réussir à le sortir de la merde.

“_ Je… euh. Oui… je t’ai sauvé. Je crois…”

Il se relève d’un bond pour retourner dans la salle de bain. Son mouvement si rapide me fait tomber à la renverse. Je m’explose le coccyx par terre. Bordel, ça valait la peine de le sauver celui-là…

Il revient enroulé dans une serviette s’excusant et me demandant d’oublier ce que j’ai vu. Je me relève douloureusement. Bon, je lui arrive à peine aux épaules, mais c’est déjà bien. Je hoche la tête. Je voudrais bien oublier. Mais je crois que ça ne va pas être si simple. Il me remercie quand même. Je balbutie un “de rien” à peine audible.

Je tente d’écarter les pensées de cet homme nu qui m’assaillent. Je secoue la tête. Concentre toi sur ce qu’il te dit, bordel ! Il me parle d’un Pokémon “jaunâtre au faciès inexistant” je fais non de la tête. Jusqu’à m’arrêter en plein mouvement. La fin de sa phrase. Ne me dites pas que… il ne parle pas d’Invy comme ça ? Je vois rouge. Je relève la tête vers sont visage, furax. J’hésite à le frapper ou lui coller une rouste. Pourtant… si un combat physique doit s’engager, je suis sûre de perdre. Autant tenter de la jouer un peu plus fine, pour une fois.

“_ Au moins, mon Pokémon au “faciès jaunâtre et inexistant” se fout pas de décharge électrique à son Dresseur !”

Nan mais oh ! Il se prend pour qui celui-là ! Justement, il décide de rappeler son Starter en lui envoyant sa Pokéball. Phy revient alors vers moi. Elle est essoufflée et… il lui manque un sacré paquet de plumes. Certaines sont roussies, d’autres juste inexistantes. Je lève un sourcil, prenant ma petite Natu dans mes bras d’un geste protecteur. Je suis courroucé contre le nouveau qui se tient devant moi. Pourtant, mon énervement ne parvient pas à franchir mes lèvres. Je suis faible, bordel.

“_ Tu aurais pu tous nous tuer avec ton Pokémon ! Fais attention ...”

Moi qui voulais que ma phrase sonne comme un reproche, voilà qu’elle ressemble plus à un conseil qu’autre chose. Je suis vraiment pas doué pour donner des leçons. Je sens le rouge me monter à nouveau au joue. Cette journée est un échec de par en part. Je me tourne, je n’ai pas envie qu’il voit ça. J’ai presque envie de pleurer pour faire évacuer ma rage. Je souffle un coup. Okay. Tu n’es pas capable d’engueuler qui que se soit. Joue donc une autre carte.

“_ Ahem. Oui, euh… c’est pas grave, en fait... Je crois que…. que ça nous est tous arrivé…. Moi le premier.”

Je tente de lui offrir un sourire franc. C’est plus une grimasse qu’autre chose. Mais bon, c’est tout ce que j’ai à lui offrir actuellement. Il faudra qu’il s’en contente. C’est sa faute en même temps, je veux bien lui donner une seconde chance mais il a intérêt de n’électrocuter aucun autre Phyllali avec son Pokémon. Sinon quoi ? Hein, sinon tu ferras quoi Aaron ? Tu iras tout rapporter à ton Préfet ? Ou la la. Rah ! J’en ai vraiment marre d’être si faible. Mais si j’explose, ça va être sur ce pauvre mec qui n’a rien demandé. Enfin… si quand même ! Il aurait bien pu me buter ! Et il a insulter Invy quand même !

Tout ces sentiments sont bien trop contradictoires. Ca me donne mal à la tête. Je fais quoi moi maintenant ? Je suis en face d’un type tout à fait étrange et je n’ai qu’une envie : lui foutre ma droite dans sa gueule. Pourquoi ? Parce qu’il a foutu KO Invy, s’est foutu de sa gueule et ne contrôle pas son Pokémon. Alors que je suis la plus mauvaise personne pour critiquer, moi que les Pokémon préfèrent fuirent.
Je sers les poings. Il a gagné. Je ne ferrais pas de mal à une mouche.

“_ Euh… Tu ferrais mieux de te rhabiller, les victimes de choc électrique prennent facilement froid après.” Je réfléchis un instant. Il vaudrait mieux ne pas prendre le risque qu’il marche à nouveau dans l’eau. “Laisses moi faire, je vais récupérer tes vêtements.”

Je passe alors devant lui avec une démarche qui se veut des plus assurée. Il a l’air de s’être tout à fait remis de son coup de jus. Mais c’est peut-être justement un contre coup. Je ne peux pas prendre ce risque. Je rentre dans la salle de bain. Le sol est en effet encore humide. J’attrape ses vêtements. Je les lui donne en sortant.

“_ Tu peux te changer dans une autre pièce, elles doivent être sèches. Umh, je reste par là, si… si jamais il y a un souci.”

Je lui fais un petit sourire. Il a sûrement juste envie de me fuir. Mais je ne peux pas le laisser comme ça alors qu’il vient à peine de se remettre d’une décharge. Je préfère garder un oeil sur lui. Quitte à lui donner des ordres. Qu’il suivra, ou pas.

Est-ce que ce Pokémon m’appartient. Oui, forcément. Du con ! Néanmoins, je hoche la tête en signe d'acquiescement. Le salaud ne s’est même pas excusé. Ses facultés sociales ont l’air des plus limités… Et son Pokémon semble un peu dangereux, quand même. Il faudra peut-être que je prévienne les autres… histoire qu’on ne retrouve pas d’autres cadavres dans les douches. Remarquez, ça ferrait une bonne intrigue pour Halloween.

Il s’en va, pour se changer. J’imagine. Je pousse un soupir. Bordel, il faut que je retrouve mon calme. Je passe mes mains sur mes yeux, les frottant légèrement. Allez, on se reprend, je vais m’en sortir. Ok, ce mec est bizarre, mais il a du me prendre pour tout aussi bizarre. J’ai merdé. Il faut se le dire, j’ai bien tout loupé comme il faut. Mes sautes d’humeur ne me réussissent pas. La Terreur y est-elle pour quelque chose ? Je n’ai pas l’impression de l’avoir sentie pourtant. Cela devrait-il m’inquiéter ? Je reste comme un con planté là.

Je me décide finalement à sortir Invy de sa Pokéball. Il est sonné, mais il a l’air d’aller mieux. Je lui caresse doucement le crâne, il me rassure, sa présence me rassure. Bizarrement, il est parfaitement éveillé, les yeux grands ouverts. C’est assez rare pour être mentionné. Il est attentif, ses yeux suivent le retour du roux. D’ailleurs, ses cheveux sont plus rouges que roux. Il revient vers moi, enfin habillé. Je ne peux m’empêcher d’être soulagé, un problème de moins. Il est habillé de façon assez sobre, un ado de notre génération quoi. Passe partout, il n’a pas envie d’attirer l’attention sur lui. On peut dire que son Pokémon est à son exacte opposée. Peut-être a-t-il un besoin d’affection qu’il ne trouve pas chez son Dresseur ? Drevai-je à nouveau lui faire la morale ? Je fronce les sourcils. Non. Il est pas assez con pour ne pas s’en rendre compte.

Il m’intime de ne pas rester aussi inquiet. Oui monsieur. Finalement, j’ai peut-être sous estimé ses capacités sociales. Il a l’habitude ? Mais ça doit être horrible ! Je lui proposerai bien mon aide. Il me fait un peu de peine, au fond… Je dois lui proposer mon aider ? Moi ? Celui que les Pokémon fuient ? La bonne blague… Mais… c’est plus fort que moi.

“_ Je… eumh. Tu … tu as besoin d’aide avec ton Pokémon ?”

Je le sens soudainement plus concentré. Il a l’air de réfléchir, de tenter d’aborder un sujet commun. Juste histoire de faire la conversation. Ca n’a pas l’air simple pour lui. Il m’annonce soudainement que sa couleur préférée est le rouge. Je lève un sourcil. Fort bien. Je lui adresse un sourire. C’est tellement mignon ! Je lâche un petit rire, tellement innocent !

“_ Moi, je préfère le vert ! La nature, l’espoir. C’est beau. Et puis... c'est la couleur des Phyllali !”

Cette fois-ci, je souris franchement. Pourquoi pas. C’est peu commun d’entamer une conversation par cette angle que s’en est plutôt rafraîchissant. Mais bon, notre société n’échappe pas aux banalités.

“_ Je m’appelle Aaron… et toi ?”

Nan mais c’est vrai, quoi ! Ca sera quand même beaucoup plus facile de parler avec lui en connaissant son nom. Déjà, on va pouvoir échapper à la question tellement banal du “A quel dortoir tu appartiens ?” à moi qu’il ne soit un Noctali infiltré. Les Noctali aiment les douches non ? Après, je pense que je peux lui éviter de lui demander ce que font ses parents. Ou s’il à des frères et soeurs. Mais alors, comment continuer cette conversation ? Je me creuse la tête, sans succès. Peut-être que ça viendra au fil de ses réponses. Ne te prends pas la tête pour ça, Aaron. Ca va aller, détends toi et profite donc de cette nouvelle rencontre !

Pourquoi t'as-t-on envoyé ici ? Une question que seule l'administration de cette école pourrait répondre. Une question que je ne me suis jamais posé. Je ne me suis jamais senti très proche de toutes ses têtes qui font la réputation des Phyllali mais ils m'ont très bien intégré et ils sont maintenant ma seconde famille. Ils sont véritablement importants à mes yeux. C'est aujourd'hui à moi que revient la tâche de rassurer notre nouveau frère. Il faut qu'il s'adapte et qu'il se sente à sa place. Cela ne doit pas être si sorcier de le rassurer. Surtout avec ton caractère, Aaron. Mais surtout grâce à sa phrase suivante. Voilà qu'il m'explique ses désirs, ses envies, ce qu'il est venu chercher ici. Matière à prendre appuie pour ma réflexion. Je réfléchis un instant. Nous avons, certes, de très nombreux Ranger au sein de notre dortoir, ou d'autres qui font très attention à toute cette nature, comme moi. Mais nombreux sont ceux qui sont avant tout des scientifiques, des technologiques dans l'âme. Ce n'est pas pour rien qu'un laboratoire secret a poussé dans notre sous-sol et, là-bas, les plantes poussent plutôt mal. Pourtant, il a vraiment l'air de se poser des questions. Il va même jusqu'à poser sa tête entre ses mains pour s'excuser quelques secondes après de son égarement. Je peux comprendre ses craintes, il arriver dans un lieu inconnu, rempli d'inconnu pour suivre une toute nouvelle formation. Malgré ses apparences sûres de lui, il a des faibleses, surtout actuellement. Je m'arme donc de prestance pour répondre à ce Phyllali fraîchement arrivé.

« _ De l'extérieur, on peut en effet croire que les Phyllali sont tous des plantes vertes, vivant au rythme de la nature et des saisons. Pourtant, ce n'est pas le cas de tous, d'éminents Stratèges appartiennent à notre dortoir ainsi que des Mécaniciens, prometteurs dans leur domaine. Notre Bibliothèque est la plus fournie de la Pokémon Community et si l'ambiance de la forêt ne te convient pas, je te conseil le laboratoire, au sous-sol. Un bel endroit pour tenter des expériences. Il est vrai que notre réputation nous précède mais… je suis sûr que tu trouveras une place parmi nous. »

Je lui adresse un sourire franc. Et joyeux. Rempli d'espoir. Je ne voudrais pas qu'il s'en aille dans un dortoir concurrent maintenant. Je m'approche même de lui pour lui poser une main rassurante sur l'épaule, toujours le sourire aux lèvres. J'aimerais beaucoup lui montrer une autre facette des Phylla. Mais je suis probablement le moins bien placé pour faire ça. Léonidas devrait s'en charger, lui, notre nouveau préfet. Peut-être devrais-je emmener ce nouvel élève vers lui ? N'est-ce pas lui qui est chargé d'accueillir les nouveaux ? Je suis interrompu dans ma réflexion par… Gagaki ? Il vient de me donner son nom ? Un nouveau sourire traverse mes lèvres. Je suis parvenu à briser un morceau de glace. Il en reste de nombreux autres, mais c'est un début. Mais ce qui suis me déroute pendant quelques secondes. Il enchaîne les informations sans même que je les lui ai demandé. Le jeune roux m'intrigue à nouveau. Je prends quelques secondes pour relier les informations aux questions. Son « je ne m'y suis jamais intéressé » m'interpelle. Quoi donc ? Ses parents ? Leur métier ? L'âge de son frère ? Même sa dernière phrase n'a pas de sens ! Tente t'il de m'embrouiller pour une raison obscure ? Umh.

Je dois peut-être faire de même ? Raconter un peu ma vie pour passer ce moment de présentation qui a l'air de l'emmerder au plus au point. Bizarrement, pour moi, cette présentation est un moment clé. J'apprends à connaître l'autre, à le reconnaître même. A partir de ça, je sais si je souhaiter engager tel ou tel type de relation. Là, avec son monologue, c'est déjà beaucoup plus dur à juger. Du coup, c'est encore plus intéressant et intriguant. J'ai envie d'en savoir plus à son sujet. Pour cela… je dois livrer une partie de moi-même.

« _ Ahah ! Quelle drôle façon de te présenter. Je vais donc suivre ton exemple et tenter de faire court. Je viens de Nénucrique en Hoenn, j'ai 14 ans. Je suis fils unique et mes parents sont éleveurs. Je suis devenu Chercheur Pokémon il y a peu et… je crois que mes parents seraient fiers de moi. Même s'ils ne le savent pas encore… mais peu importe. Cette université est l'une des meilleures choses qui me soient arrivées dans la vie. Après… après pas grand-chose en fait... »

Je m'interromps un instant. Que m'est-il arrivé de mieux au juste ? Je relève les yeux vers Gaki en un signe d'excuse. Je n'ai pas trouvé de réponse. Mais il semble ailleurs. Comme si je l'avais perdu au fil de mon monologue. Bien joué Aaron, tu viens de réussir à le faire fuir ! Il ne semble même pas remarquer que j'ai arrêté de parler. J'attends encore quelques secondes en le fixant. Toujours aucune réaction. J'agite une main devant ses yeux.

« _ Hého ? Gaki ? Tu es sûr que ça va ? »

Je suis un peu irrité, mais surtout inquiet pour mon camarade. Le coup de jus lui a-t-il fait totalement perdre la boule ? Je n'ose pas lui demander… quand même ! Je reste sur la défensive, à l'écoute du moindre signe. S'il flanche, je serais là.

Ah ! Le revoilà parmi nous. Ouf. Je n’aurais pas supporté de le voir disjoncter alors que nous sommes en pleine présentation, quand même. En tout cas, je suis plutôt fier d’avoir réussi à dire tout cela en un temps record. Je crois que c’est la première fois que je fournis autant d’informations sur moi en aussi peu de temps. Mais quelque chose cloche. Gaki semble troublé. Il reprend alors la parole pour tenter de résumer ce que je viens de dire. Ses paroles sont sans queue ni tête. Je suis en train de me demander s’il se fout pas un peu de ma gueule. Je fronce les sourcils au fur et à mesure qu’il me débite ses conneries. Bordel, qu’est-ce qui lui prend ? Moi ? Un hybride ? Des parents morts ? Mais… Wait what ?

S’il est sérieux, c’est qu’il y a vraiment un problème. Le pire, c’est que dans une dimension parallèle, son explication pourrait se tenir. Mais pas là ! Je suis bien un homme et la PC est bien ce qui m’est arrivé de meilleur ! Il a tout mélangé. Le pauvre. Sur la fin de son récit, je me mords les lèvres pour ne pas rire. Ses paroles sont quand même loufoques ! Je ne sais vraiment pas où il est parti pêcher tout ça. Mais peut-être le prendrait-il mal que je me foute gentiment de lui, j’ai encore quelques problèmes pour le cerner. Je ne veux pas prendre ce risque, surtout qu’il a l’air encore assez fragile après son accident.

Je m’approche de lui en posant un main sur son épaule. J’ai pas envie de le prendre pour un demeuré, mais là, il m’inquiète vraiment.

“_ Ok. Gaki ? On va essayer un truc, n’ai pas peur.”

Je ne veux pas l’affoler, je vais devoir être vif. J’emprisonne son regard dans le miens. Ne t’en fais pas, ça sera indolore. Quoi que. Parfois, il faut vaincre le mal par le mal. Voilà qui devrait te remettre les idées en place. Je fais un signe à Invy pour qu’il s’approche. Je souris de manière confiante à mon interlocuteur. Il n’a pas confiance en mon Pokémon, pas la peine de lui révéler ce que je compte faire. Et… après, il l’aura probablement oublié.

“_ Invy, utilise Choc Psy.”

Bon, d’accord. C’est un peu violent … mais ça lui remettra le cerveau en ordre, ça c’est sûr. Invy ouvre un oeil, il s’exécute. Il entre dans sa transe en se soulevant légèrement du sol pour se concentrer. Puis d’un coup d’un seul il relâche la pression qui percute de plein fouet Gaki. Je suis obligé de placer mon autre main sur son épaule pour le retenir. Je sens ses forces le quitter, il va bientôt s’effondrer au sol. Putain Aaron, qu’est-ce que tu as foutu ? Tu paraissais si sûr de toi et voilà que tu fous dans les vapes un nouvel élève. Voilà, je n’ai pas le temps de faire quoi que se soit et le roux s’effondre au sol. J’ai tout juste le temps de placer ma main sous sa tête pour éviter un nouveau trauma crânien.

Bizarrement, je suis serein. J’ai l’impression d’avoir pris la bonne solution. L’unique bonne solution. Je remercie mon Abra d’un signe de tête. Il reprend sa sieste à l’endroit où il l’avait arrêté, c’est à dire, en plein milieu, comme d’hab. La réalité finie tout de même par me rattraper. Mon coeur rate un battement. La panique gagne mon corps tout entier et je me mets à trembler comme une feuille. Bordel ! Qu’est-ce qu’il m’a pris ? Pourquoi je me suis senti si bien après avoir infligé ça à ce pauvre mec ? Olalala ! Je regarde sur les côtés. Toujours personne. Je me penche sur Gaki. Lui donne une claque avec ma main libre.

“_ Oh ! Gaki ! Réveilles toi ! S’il te plaît !”

Et si je l’ai tué ? Non, impossible, son coeur bat, pas aussi rapidement que le miens mais il est bien en vie. J’ai la gorge sèche. Je me mords la langue. Non, mon petit Aaron, tu n’es pas dans un rêve. Qu’est-ce qui t’as pris ? Je ne sais pas… j’en ai aucune idée ! J’ai envie de crier, je me suis oppressé. Gaki ! GAKI ! Réveilles toi putain !