Orren se redressa sur sa chaise de bureau, essuyant négligemment l'encre qu'il avait sur la joue. A force d'écrire et d'utiliser son stylo, il oubliait parfois que la plume se tenait dans sa main et il se barbouillait le visage de ce liquide bleu qui avait du mal à s'enlever et qu'il venait d'étaler sur sa joue. S'étirant, il bougea sa tête sur le coté, provoquant un craquement sonore dans sa nuque qui le soulagea de cette tension qu'il avait dans les cervicales. En relevant les yeux de la feuille sur laquelle il était en train de griffonner les derniers changements de caractère de Loki, les mettant en lien avec le comportement de Spike, des études du comportement de ces deux espèces et autres documents. Il cherchait à trouver un lien, quelque chose qui lui donnerait un indice sur la question : Pourquoi devenait-il sombre et violent ? Mais il ne trouvait pas de réponses. Il eut du mal à de nouveau voir clairement dans les étendues en trois dimensions de sa chambre trop habitué à la vue plate et plane d'une feuille de papier sur laquelle s'étalait son écriture, allant en tout sens comme les élucubrations d'un savant fou. Il tourna son regard vers son équipe. Freya dormait calmement avec Kali et Killer sur l'oreiller. Skoll dormait au pied du lit et au sol s'étalait son Diamat. Seule Mjöl était éveillée et tournait son regard profond, le plongeant dans celui de son dresseur. Il ne comprit pas l'air inquiet de sa dragonne et celle-ci soupira avant de tourner son regard vers les fenêtres aux rideaux tirés. La lumière du jour ne parvenait même pas à s'infiltrer au travers du l'épais tissu couleur d'un ciel nocturne.
Mais faisait-il au moins jour ? Orren ne le savait pas. Quel jour il était ou encore l'heure, il n'en savait rien. IL ne savait même plus quand était la dernière fois où il avait mis les pieds dehors pour autre chose que d'aller rapidement chercher de quoi regarnir le petit frigo pour lui et ses dragons. Il dévissa le bouchon de sa bouteille de soda et but plusieurs longues gorgées, sa gorge qui commençait vraiment à s'assécher appréciant le contact du liquide. Il ne savait même plus depuis combien de temps il restait enfermé dans sa chambre à étudier le comportement de ses deux dragons. Heartnett était venu le voir bien s^pur, s'étonnant de son absentéisme en cour. Mais Orren lui montra ses notes, questionnant son professeur avec ardeur pour avoir son avis. une telle ardeur qui réussi à mettre le référent mal à l'aise. L'adulte le laissa donc plancher son sujet, se disant qu'ua moins il étudiait ardemment et l'avait laissé tranquille. Depuis la porte de sa chambre était restée verrouillée pour tout un chacun. Son Ipok aussi était éteint et posé sur sa table de nuit. Il ne savait même pas quand était la dernière fois qu'il avait touché à l'objet électronique. Sûrement très longtemps au vue de la petite couche de poussière dessus. Il n'avait plus de rythme de vie, pour lui nuits et jours se fondaient en une seule entité. Et au fond il s'en fichait bien. Il s'exilait dans ses pensées, dans ses suppositions. A quoi bon le contact avec d'autres personnes si c'était pour en souffrir. Oui, en souffrir. Cette souffrance qui vous donne l'impression d'avoir fait quelque chose de mal, de vous comporter de la mauvaise manière. Il avait cru que Celest l'aimait, autant qu'il avait put l'aimer. Mais encore une fois on avait arraché cet espoir pour le piétiner. Il en avait marre des humains, ces créatures sadiques qui faisaient souffrir leurs semblables pour quelques obscures raisons. Son père, Celest, la Team Rouage, tout ces gens bouffis de leur propre arrogance et qui se mettaient en travers de sa route, comme si leur seul but était de lui nuire. Eh bien il n'aurait plus aucune pitié pour ces êtres. Il se montrerait plus froid que le souffle de Kyurem, plus impitoyable que la rage de Rayquazza et plus destructeur que Giratina. Qu'une seule personne se mette en travers de sa route et il l'écraserait. Il était un spécialiste Dragons, un dracologue en herbe et il devait se comporter en tant que tel. Il ne montrerait aucune pitié, plus destructeur qu'un Draco-Meteor.
Cette fois il se leva pour s'approcher des rideaux de sa chambre et les tira. Dehors, la nuit était sombre. Le ciel était couvert de nuages sombres qui cachaient les étoiles. Seul la lune arrivait misérablement à transpercer le voile, éclairant l'île de Lansat de son éclat blafard. Un vent faisait bouger les branches des arbres, les faisant s'agiter comme autant de mains aux doigts crochus, envoyant d'effrayantes ombres sur le sol. Un véritable spectacle digne d'un film d'horreur. Ne manquait plus que la pluie. Et comme pour répondre aux pensées du préfet les gouttes d'eau se mirent à tambouriner le sol, prenant chaque fois plus d'ardeur. Bientôt les traits d'eau battirent les vitres de son antre, émettant un cliquetis affolé. Inspirant profondément et lâchant un soupir, Orren apprécia cette scène. La météo était dans un accord parfait avec son humeur, faisant écho aux pensées qui fourmillaient dans son esprit. Il appréciait ce spectacle, l'invitant à pénétrer le plus profond de son être, l'acceptant tout entier.
*Quelle belle nuit...*
Il avait longtemps cherché à éloigner cette part d'ombre, ce coté sombre qui avait profité de la faille des événements sur Cobaba pour s’immiscer hors de cette fosse. Petit à petit elle avait commencé à prendre possession du jeune homme, le tenant entièrement sous son contrôle le jour de l'attaque sur la base des Rouages. Ce jour-là toute la haine et la violence qu'il avait caché en lui ressortait. Mais il ne l'avait pas encore remarqué, il n'en était pas conscient. Et celle-ci n'était ressortie qu'à de très rares occasions, ne pouvant profiter que des émotions les plus sombres et bestiales du garçon pour le tenir sous leur joug. Mais quand Orren avait commencé à étudier le comportement de Loki qui s'enfonçait dans l'antipathie, il avait compris son dragon et s'était donc compris lui-même. IL haïssait les humains, il haïssait tout ces malheurs qu'ils avaient fait autour d'eux. Il voulait détruire cette part gangrenée de l'humanité. Et pour ça il userait des mêmes armes, la violence. Il deviendrait le plus puissant dracologue, le plus implacable des combattants et annihilerait tout ces déchets. A cause d'eux, il souffrait. Il souffrait de voir ce qu'ils avaient fait subir à ses proches et ce qu'ils lui avaient fait subir. Si il devait relâcher le monde Distorsion pour les anéantir, il le ferait. Qu'importe les moyens seul la fin importait. Il sera l'épée destructrice, le bourreau. L'Abaddon de l'abîme pour ceux qui engendraient les souffrances qu'il subissait.
Il avait accepté désormais cette part de lui, l'avait embrassé et s'était mêlée à elle. Il ne faisait plus qu'un avec cette noirceur, s'en imprégnant et en emplissait son être. La souffrance était une part de lui, il n'y pouvait rien. Mais faire souffrir ces personnes mauvaises, ressentir l'écho de ses propres blessures l'emplirait d'une extase la plus totale. Plus jamais il ne sera prostré dans la peur et la douleur, il s'en renforcera et s'en servira pour donner la monnaie de sa pièce à celui qui osera lui barrer la route. Un jour il trouvera les rouages et les détruira. Il les écrasera impitoyablement, prenant plaisir à les voir supplier la mort. Mais il ne leur fera pas ce plaisir, car "la mort donne du prestige".
Lentement, se coupant à sa contemplation du paysage désolé et austère, il prit une de ses Pokéballs sur son bureau. Il la tint dans sa main, plongeant son regard dedans, comme si il avait put la percer et voir la créature qui résidait en son sein. IL se tourna légèrement, observant ses camarades, ceux qui l'accompagnaient. Toute trace de douceur n'était pas morte en lui. Il avait encore de l'affection pour ces Pokémons qui le suivaient chaque jour. Ils étaient une part de lui, ce petit rocher à laquelle sa raison et son bonheur se raccrochait pour ne pas être emporté dans la tempête de noirceur. Il y avait aussi ses amis, sa soeur, ces personnes pour qui il pouvait tout sacrifier. Il y avait encore du bon au lui. Mais profondément caché, si profondément qu'on pouvait douter de son existence. Et bien heureusement, car sans eux il sombrerait dans une folie pure. Ils seraient ce bouclier protégeant sa raison. Relevant de nouveau les yeux de sa Pokéball, il croisa le regard de Mjölnir, Loki et Skoll. Les trois le fixaient ardemment, se demandant ce qui pouvait bien se tramer dans l'esprit de leur dresseur en cet instant. Ils savaient très bien ce qu'il comptait faire, mais il ne saisissaient pas ses raisons. Une poussée suicidaire ? Un révélation démoniaque venue des idées chaotiques de Giratina ? Peu leur importaient, ils le suivraient et le protégeraient quoi que soient ses plans. Il se levèrent ensemble et suivirent leur dresseur quand celui-ci déverrouilla la porte de sa chambre pour aller dans le couloir sombre du dortoir. Il comprenait leur envie de le suivre, ils voulaient le protéger.
Il s'avança alors dans le sombre couloir, allant vers la salle commune pour sortir du dortoir. Il savait très bien qu'il enfreignait les règles et que ce n'était pas la chose à faire en tant que préfet en chef, mais il le devait. Il serrait dans sa main gauche la balle de capture de ce dragon qu'il avait voulu abandonner. Il avait eu envie de retourner au Désert Délassant, de libérer cette créature, ce condensé de rage. Mais jamais il n'avait put s'y résoudre. Spike était le premier dragon qu'il avait capturé, il était un maillon important de ce qu'il était devenu. Même si il avait galérer avec ce requin des sables, que celui-ci s'était retourné contre lui pour le blesser gravement, il ne pouvait s'en séparer. Et aujourd'hui il le comprenait. Il savait quelle rage emplissait le Carmache et à quel point il était dur de la maîtriser. C'était comme de lutter contre un ouragan, chercher à se cramponner à un bout de bois flottant en plein milieu d'une mer déchaînée. Il voulait l'aider, que chacun d'eux se soutiennent pour contenir tout ce qui bouillaient en eux. Regardant à nouveau la sphère bicolore, le garçon adressa une pensée à ce qui sommeillait dedans, attendant d'en être libéré.
*Je te comprends, mon ami.*
Du pouce, il caressa la surface lisse, avec une sorte de tendresse. Jamais il n'avait pensé comprendre son dragon un jour, et surtout pas aussi profondément. Et pourtant, le voilà dehors, sous la pluie battante, cherchant l'endroit parfait pour sceller un pacte avec le dragon. Ses cheveux lui collèrent bientôt au crâne et de l'eau ruisselait sur son visage. Ses vêtements se retrouvèrent trempés et le vent froid et mordant plongeait sa lame glacée jusque dans ses os. Il passa entre son dortoir et celui de sa soeur, espérant que personne ne le verrait dans la nuit... Quoique... Il s'en fichait bien. Il s'était fixé un objectif, et ferait tout pour le mener à bien. Après plus d'une année de batailles depuis la capture de ce qui était un Griknot, plusieurs mois après cette blessure qui l'avait meurtri dans son corps et son âme, laissant une cicatrice voyante sur son corps et dans sa psyché. Enfin il était en paix et prêt à comprendre Spike. A l'aider. Ils étaient devenus le reflet l'un de l'autre. Il était un dracologue, il devait connaître et accepter la fureur de son dragon. Il arriva enfin un peu plus loin que l'académie, entre les arbres de la forêt qui la bordait. Prenant une dernière et profonde inspiration, il appuya sur le bouton pour relâcher la dragon.
La Carmache sorti dans un éclat de lumière rouge. Il cligna des paupières, s'habituant à la faible luminosité avant d'observer les alentours. Orren voyait bien qu'il cherchait à comprendre pourquoi son dresseur l'avait laissé sortir de sa ball et pourquoi il se tenait devant lui, dans la pluie battante en pleine nuit avec une escorte. Il commença à grogner en montrant ses crocs aux autres Pokémons, mais son regard croisa celui du garçon aux cheveux sombres. Ce garçon qui malgré son âge, n'avait plus rien de l'innocence qu'il devrait faire preuve. Les yeux bleus d'océan captèrent ceux du Carmache et ils restèrent ainsi plusieurs longues secondes. Chacun sondait l'âme de l'autre, ils se jaugeaient, semblaient se redécouvrir après tout ce temps où ils n'avaient plus eu aucun contact à part quand le garçon le nourrissait. Ils ressentaient chacun ce que vivait l'autre, ils remarquèrent qu'enfin ils s'étaient trouvés. Depuis tant de temps, il avait fallu des malheurs pour qu'enfin ils s'accordent. Doucement le garçon avança vers le Carmache, un pas après l'autre alors que le regard du dragon le fixait toujours intensément. Orren leva sa main, Spike eut un mouvement de recul, mais le jeune était bien décidé à aller au bout de son entreprise. Doucement il posa sa main sur la peau aux écailles rugueuse de son dragon. Il caressa doucement la joue de celui-ci, son regard dur où brillait un brin de tendresse. Leurs âmes ressentaient la même chose, ils se comprenaient, ils partageaient un contact que jamais encore ils n'avaient eu. Finalement le dragon des sables ferma les yeux, acceptant cet acte et l'appréciant. Alors la voix grave et profonde du jeune dracologue s'éleva, vibrante de ce tumulte d'obscurité luttant contre une affection renaissante.
-Je suis là Spike. Je te comprends, nous sommes pareils.
Orren Losvrôk
If you resist, You'll feel the darkness penetrate on you. Don't resist. To the appeal of twilight...Let the darkness absorb your light...