▬ Ahhhhhhhhhhh ...

C'est ainsi que démarre la journée de Lucas. Dehors, il fait froid. Un vent léger mais mordant souffle, hurlant silencieusement contre les fenêtres. Quelques élèves sont parvenus à braver ce temps hivernale, emmitouflés dans leurs manteaux en laine et leurs gants rembourrés. On peut croire à l'approche de Noël à la vue des quelques décorations lumineuses décorant déjà les lampadaires, mais il n'en est rien. Le mois de Novembre n'a pas encore touché à sa fin, et l'Automne séjourne encore sur cette terre. Les feuilles d'arbres jaunis par la saison flottent encore joyeusement dans les airs avec le vent et viennent attaquer les promeneurs qui passent malheureusement par là. A l'intérieur, c'est tout autrement. Le dortoir est un nid douillet dans lequel presque tous ses occupants réguliers sont venus se réfugier. Dans l'âtre de la salle commun brûle un puissant feu réchauffant grandement la pièce, couplé aux divers radiateurs qui tournent à plein régime dans la plupart des chambres du dortoir, transformant ces lieux en véritable paradis pour frileux. Lucas s'est levé tôt ce matin pour son entraînement quotidien personnel suivi de l'entraînement matinal avec son dortoir. Il est ensuite allé se coucher pour se lever vers dix heures environ, à peu près en forme. Il se trouve actuellement dans sa chambre, encore sous sa couverture. C'est votre tour, dites-moi ce que fait Lucas.

Enfin. Mon tour venait. Cette longue description avait fini par me faire perdre patience. Il fallait dire que c'était la première fois que je jouais à ce genre de jeu. Un jeu de rôle. J'en avais longuement attendu parlé de mes camarades de classe, mais je n'y étais jamais vraiment intéressé. Finalement, l'envie m'avait pris de découvrir ce monde qui m'avait été jusqu'alors caché par mon manque de curiosité. Je n'avais été aussi joyeux qu'au moment d'arriver devant le plateau qui allait constituer la partie que nous allions jouer. L'un de mes amis était venu avec moi pour m'aider à me faire à ce mode de jeu tout nouveau pour moi. Il s'y connaissait plutôt bien, même très bien, à tel point qu'il en était devenu le MG, ou « Master Game », le maître du jeu qui contrôlait le déroulement de la partie selon ses envies, les idées qu'il avait et surtout les décisions prises par les joueurs.

En dehors de mon ami, nous étions deux à jouer. Mon ami m'avait appris que le jeu auquel j'allais jouer n'était pas seulement fait pour moi et mon camarade du jour, mais avec des dizaines d'autres personnes qui constituait une énorme communauté. Chacun avait son personnage qu'il faisait avancer au fil des divers parties, qu'il soit seul avec le maître du jeu ou à plusieurs. Pour ma part, j'avais pu récupéré un personnage déjà bien amélioré, généreusement légué par l'un de mes camarades qui avait eu envie de recommencer un nouveau style de jeu sans avoir à se séparer d'un si bon personnage. C'était à peu près tout ce qu'il y avait à savoir au niveau des bases pour que je puisse commencer le jeu. Son nom ? « Pokemon Community », un jeu où l'on contrôle un élève d'une académie vivant une vie plus ou moins spéciale aux côtés de Pokémons ; on peut aussi incarner un adulte vivant sa vie sur l'île où le décor du jeu est planté, mais cela était rare de trouver des joueurs contrôlant de tels personnages. Pour ma part, j'étais un élève. Il s'appelait Lucas Emerillon, appartenait au dortoir nommé Noctali et possédait pas mal de Pokémon à ses côtés. En ce jour, la partie prenait place un samedi 28 novembre, dans ce décor que mon ami avait généreusement décrit. Encore peu habitué à ce genre de jeu, il était évident que la lenteur de ceux-ci m'avait très vite agacé, mais l'idée de contrôler quelqu'un ou quelque chose pour vivre des aventures m'enchantait plus que tout. J'étais donc motivé à m'habituer à cette vitesse de jeu, pour peu que le jeu soit réellement comme je l'espérais. Et puisque c'était mon tour, j'allais pouvoir avoir un premier aperçu de la chose. Lucas était encore dans son lit, il était donc logique de le faire sortir de là. Quand ce serait fait, la première chose à faire serait de se changer. Lucas s'est rendormi habillé une fois revenu de l'entraînement quotidien de son dortoir. Ah ? Bon bah je n'avais plus qu'à prendre deux-trois compagnons avant de le faire sortir de sa chambre pour se diriger vers la fameuse salle commune.

▬ Je devrais peut-être aller voir ce qui se passe dans les couloirs, ça pourrait m'occuper.

C'est ce que j'avais fait dire à Lucas alors qu'il parvenait à la salle commune, Aussi grouillant de discussion sur les combats Pokémon qu'habituellement. J'avais donc dirigé cette fois Lucas vers l'extérieur du dortoir, couvert de sa bonne veste chaude, cachant ses vêtements féminins les moins marquants. Car oui, il fallait le dire, Lucas était habillé en fille. Presque trois mois auparavant, on avait subtilisé tous ses vêtements par une garde robe pour fille tout aussi grande. Ses vêtements étaient depuis portés disparus. Son précédent contrôleur aurait pu se mettre à leur recherche, mais il avait préféré se dire que de toute façon, ils finiraient par revenir un jour. Et mon ami l'avait confirmé : l'aventure allait me permettre de lui rendre ces nombreuses tenues pour peu que le destin s'en mêle. Et s'il disait cela, ce n'était pas pour rien, Puisqu'alors que Lucas se promenait tranquillement, sifflotant un air joyeux en regardant à droite à gauche si rien d'intéressant ne se passe, il finit par apercevoir un étrange chemin qu'il n'a pas l'impression d'avoir vu depuis qu'il est arrivé ici. Pour savoir s'il va s'y diriger, je vais te demander de lancer un dé d'observation, s'il te plaît.

Mon premier lancer de dé. J'avais le dé en main, mes statistiques en tête. 45 en observation, avec un bonus de 5 grâce à la curiosité de Lucas. 50 donc. Cela me laissait une chance sur deux de me diriger vers ce chemin. Je lançais. 42. Parfait. Il s'y dirige joyeusement. Passant par ce chemin qu'il trouve progressivement sinistre, il finit par parvenir dans le couloir où se trouve la boutique de l'école. Cela pourrait se finir aussi rapidement que ce fut commencé, mais une sensation soudaine a traversé Lucas quand il fut parvenu à l'autre bout de ce chemin étrange : une chose semble vouloir l'attirer. Il tourne le regard vers la gauche, et voit plus loin un homme, étrange, le fixant avec un sourire. Il doit avoir son âge. Il ne voit ses traits aux premiers abords, mais se rend très vite compte qu'il connaît cette personne. Ni une, ni deux, il commence à diriger vers cette personne qui lui sourit diaboliquement. Maintenant, je vais te demander de lancer un dé de physique s'il te plaît. Un dé de physique ? Pourquoi donc ? Allais-je devoir faire courir Lucas ? En tout cas, il semblait que mon camarade de jeu devait faire de moi, alors nous lançâmes en même temps. Je fis 13, il fit 27. On étaient largement bons. Mon ami nous sourit et reprit joyeusement sa petite narration. Lucas s'avance donc toujours plus vers ce garçon qu'il connaît, mais petit à petit, il s'éloigne, continuant de le fixer diaboliquement. Lucas se met à courir vers lui, tentant de l'attraper, vainement. Cependant, ce n'est pas sans conséquence, et percute  soudainement un garçon qui passait par là. Il tombe avec lui. Les deux garçon restent quelques instants dans le flou avant de se relever et d'aider son camarade à se remettre debout à son tour.

▬ Excuses-moi, j'étais ailleurs. Tu vas bien ?

J'avais fait parler Lucas de tel manière qu'il exprimait désormais de la honte envers ce qu'il avait fait. Cependant, ce n'était pas ce qui me préoccupait. Plusieurs questions me taraudait désormais. Qui était cette personne ? Pourquoi souriait-elle ainsi à Lucas ? Pourquoi avait-elle disparu au moment où Lucas chuta ? Pourquoi était-elle là, tout simplement ? Cette partie promettait d'être excitante ! Et celui que Lucas avait bousculé était désormais là pour s'amuser avec lui. Il s'agissait de mon camarade de jeu du jour. Son personnage se nommait Sirius B. Powell, un membre du même dortoir arrivé en début d'année. Lucas le connaissait déjà, l'ayant croisé au cours de plusieurs entraînements avec les autres Noctalis. Néanmoins, il ne connaissait pas énormément de choses sur lui, si ce n'est qu'il comptait devenir Coordinateur Mode. Peut-être que Lucas allait pouvoir découvrir plus de choses sur lui aujourd'hui. J'en étais plus qu'excité. Décidément, j'avais bien fait de me mettre aux jeux de rôles ! Et je n'avais encore rien vu, mon ami étant tout à fait jouissif à l'idée de me faire vivre une véritable aventure dans une journée qui paraissait tout à fait banale … Qu'allez-vous faire à présent ? C'était au tour de mon partenaire de jeu.

Bon. Reprenons. En cette bonne journée, tu avais quitté ton dortoir pour perdre un peu de ce temps ennuyeux qui défilait devant toi comme un TGV devant un Ecremeuh. Te promenant tranquillement dans les couloirs, tu avais terminé ta course dans l'allée où se trouvait la boutique de ???, et c'est là que tu avais vu paraître devant toi une forme que tu ne connaissais que trop bien. Tu avais vécu avec, tu l'avais supporté, tu l'avais vu disparaître. Le voir là était une chose qui te paraissait bien étrange. Tu avais voulu le suivre, mais sans succès. Il avait fini par disparaître sous tes yeux à l'instant même où, par malheur, tu t'effondras sur un camarade qui malheureusement pour lui passait par là à cet instant. Ce camarade, c'était Sirius B. Powell, un autre membre des Noctalis arrivé cette année. Il était visiblement énervé. Il était évident que l'avoir fait subitement tombé allait susciter de la colère en lui, mais tu sentais que quelque chose d'autre l'énervait déjà auparavant. Quant à savoir quoi, tu ne le saurais sans doute jamais. En tout cas, voilà qu'il te fixait avec des airs interrogateurs. Pourquoi ? Tu n'avais pas trente-six mille solutions : tu portais aujourd'hui des habits de vêtements féminins – jean slim et robe légère jusqu'aux hanches, auquel s'ajoutait ton habituel manteau rouge - , ce qui n'était pas normal pour quelqu'un qui te connaissait ou t'avait vu auparavant. Et c'était le cas de Sirius, que tu avais rencontré à la rentrée et recroisé plusieurs fois durant les entraînements quotidiens du dortoir. Bon. Il fallait faire avec.

▬ Oui, ça va. Euuh ? Je … Tu portes bien des vêtements féminins ? Euh, tu veux que je te prête quelque chose de plus portable ? Je veux dire si tu veux porter ce genre de vêtements y'a pas de soucis, je juge pas. Tout les goûts sont dans la nature après tout. Enfin, je crois que la seule autre fois où je t'ai vu, tu sais lors du tout premier entraînement des Nocta, ben tu portais pas des vêtements féminins. Je crois. Euh, Sirius B. Powell sinon. Enchanté ! lança finalement ton interlocuteur pour répondre à tes questions.
▬ Non, cela ira. On m'a volé il y a plusieurs semaines mes vrais vêtements, et je les attend encore. Je ne veux pas en acheter de nouveau, sinon je n'aurais plus de place dans mon armoire, alors je garde les vêtements féminins qu'on m'a refilé pour le moment. expliquas-tu. Et pas besoin de te présenter à nouveau, je me rappelle de toi. répliquas-tu à sa présentation.

Tu lui souris un instant avant de remarquer plus loin une forme étrange qui te rappelait vaguement quelque chose. Pris de curiosité, tu courus vers cette chose et fut surpris mais bien heureux de retrouver l'un de tes anciens caleçons si cher à ton cœur. Tu aurais juré l'avoir reniflé de bonheur si Sirius n'avait pas été là. Tu revins ensuite rapidement vers l'intéressé en rangeant ta trouvaille, et afficha un grand sourire.

▬ Tu tombes bien, au fait ! Tu as dû voir que je viens de ramasser quelque chose il y a quelques secondes : il s'agissait d'un de mes caleçons ! oui, tu étais presque euphorique pour un simple caleçon, ET ALORS ? Le reste de mes vêtements doit se trouver quelque part dans le coin. Cela te dirait de me suivre pour partir à la chasse aux vêtements avec moi ? En plus, juste avant de te percuter, j'étais en train de suivre une forme étrange que j'avais l'impression de connaître. Un petit mystère à résoudre, ça doit bien te botter, nan ? Et puis j'aimerais me faire pardonner pour t'avoir bousculé aussi. proposas-tu en exposant tous tes petits arguments.

Tu attendis ensuite sa réponse tant en offrant quelques regards furtifs dans son dos pour voir si l'ombre n'allait pas apparaître de nouveau. Malheureusement, rien ne laissait présager son retour dans l'allée. Était-ce vraiment lui ? Que faisait-il donc ici si c'était le cas ? Trop de questions te turlupinaient. Tu avais vraiment hâte de découvrir le fin de l'histoire, et ce serait encore mieux avec un camarade pour s'amuser. Finalement, tu allais avoir de quoi t'occuper pour cette journée. Super. Tu n'avais désormais plus qu'une hâte, une seule : que Sirius te réponde. Faites qu'il dise oui, faites qu'il dise oui, faites qu'il dise ...