[Des photos ont été collées sur les pages, et on a écrit sur les bords et à côté.] Je me nomme Alyx Levi-Harabo. Digne héritier de la Pokéball Factory, son actuel directeur est mon grand-père. Depuis mon plus jeune âge, je me suis toujours senti… Différent. Pas comme les autres, qui voulaient simplement s’amuser, devenir dresseur Pokémon et partir sur les routes… Pour être honnête, les Pokémons en eux-mêmes ne m’ont jamais vraiment intéressé, sauf quelques uns en particulier. Ce qui m’intéressait à propos d’eux, c’était leur fonctionnement et leur histoire. D’où venaient-ils ? Où habitaient-ils avant les configurations que nous connaissons aujourd’hui ? Tant de questions auxquelles je voulais répondre. Dès que j’ai su lire, j’ai commencé à chercher dans les livres. J’étais curieux, peut-être un peu trop. Mais même en sachant cela, je me sentais toujours en partie vide. Quelque chose manquait. Quelque chose que je ne parvenais pourtant pas à définir…
Vers mes huit ou dix ans, j’ai commencé à comprendre. Je ne m’aimais pas. Je détestais ce corps, ces courts cheveux noirs comme la nuit, ces vêtements de garçon. Je rêvais aux belles tenues délicates que pouvaient porter les filles, à leurs beaux cheveux longs et ondulants au vent, à leurs longues et fines jambes découvertes les jours d’été… J’avais envie d’en faire partie. Et de toute façon, ma mère avait toujours voulu une fille, et s’ils étaient heureux en ayant un héritier, je voyais parfois son regard un peu triste, et mon deuxième prénom portait ce poids de ce que je n’avais pas été. Je pense… Que je voulais aussi plaire. Pas aux filles. Elles ne m’intéressaient pas… J’avais envie de plaire aux autres garçons. Mon cœur fut brisé de nombreuses fois par ces jeunes hommes embrassant de belles demoiselles sous mon nez. Je suppose que c’était un peu par jalousie que j’ai changé… Aussi radicalement. Je n’ai pas hésité une seule seconde. Mes cheveux ont été laissés libres, et ont été teints en blond, de même que mes sourcils. Je piochais régulièrement dans les rayons pour femmes. Tout d’abord discrètement, puis de plus en plus, jusqu’à m’affirmer complètement il y a environ deux ans. C’est à cette date que j’ai commencé à avoir le droit de voyager sans mes parents. Je voulais découvrir le monde, voir des tas de choses. Je partais sur les traces de Pokémon légendaires. Pas comme mon petit-frère. Moi, c’était réel !
[Une autre phrase a été barrée grossièrement, le trait bien épais. Il ne voulait vraiment pas qu'on la lise...] En parlant de famille… Outre mes parents, j’ai deux petits-frères. Je suis l’aîné de la famille… Malheureusement, cela est aussi réjouissant que déprimant. Bien que j'ai été choyé par mes parents comme un jeune prince, on attendait de moi que j’éduque en partie mes cadets. Cependant, dès que nous avons tous un peu grandi… Nous nous sommes vite rendus à l’évidence : de toutes les façons, sur tous les sujets, à tous les moments, il nous était impossible et inconcevable de tomber d’accord ou de nous entendre. En tout cas, moi, je ne pouvais pas supporter leur vision des choses. Trop idéaliste. Trop rêveur. Pas assez réaliste. Et eux, ils devaient sans doute penser que j’étais le genre de garçon un peu péteux que tout le monde admirait ou détestait. Au final, ils me connaissent mal malgré notre lien de sang. De toute manière, dès lors que je suis parti sur les routes en quête de réponses dans des ruines abandonnées ou auprès de chercheurs reconnus, je n’ai plus vraiment eu de contact avec mes frangins. On était trop différents. C’était impossible que le lien se fasse et se renforce, même au fil du temps.
Je n’ai recroisé le plus grand de mes frères que lorsque je suis rentré chez moi puis à l’académie. Après de nombreux mois de vadrouille, j’avais bien changé, et tout le monde a eu du mal à me reconnaître. Pourtant, c’était bien moi ! Pendant ce voyage, je m’étais rendu compte que mes lacunes risquaient de causer ma perte sur les routes dangereuses de notre monde. Je ne connaissais presque rien à la pratique lorsqu’il s’agissait de Pokémon. Je ne savais que la théorie ! J’ai donc demandé à mes parents de m’inscrire à la Pokémon Community. Je voulais pouvoir me perfectionner en tout et arriver au plus haut de ma discipline future, de mes ambitions peut-être un peu démesurées pour mon jeune âge.
Et j’y ai donc recroisé mon petit Auryan. Bon, il ne devait pas être spécialement ravi de me voir, et en fait, moi non plus je ne l’étais pas. Mais avec un peu de chance, j’allais pouvoir l’éviter assez régulièrement pour ne pas avoir à me coltiner sa tête de naïf. Même si j’aime bien l’embêter. Comme je sors souvent avec un appareil photo, au cas où une découverte se ferait, il m’arrive de l’immortaliser au passage, par surprise. Et je dessine des moustaches sur sa tronche de cake ! ♥
Lorsque je suis arrivé, on m’a confié un petit Pokémon qui venait sans doute tout juste de naître, car il était beaucoup plus petit que la moyenne de ses pairs. Je ne sais pas pourquoi j’ai eu droit à celui-là. Je ne suis pas un fan du type Spectre, encore moins du type Feu, et j’ai pourtant eu droit à un Funécire… Depuis, je le trimballe un peu partout avec moi. Il a beaucoup de mal à se faire accepter. Lui aussi, il est différent. Il ne ressemble pas aux autres Funécires. Il est même un peu bizarre, en fait… Comme moi. Les gens me trouvent bizarre aussi. Peut-être que c’est pour ça que le collectionneur me l’a confié ? Hm… Je ne pense pas qu’il y ait tant réfléchi, vu le genre de gars que c'est, mais honnêtement, j’aimerais bien que ce soit pour ça. En tout cas, on est toujours sur la même longueur d’onde, Cierge et moi. Oui, il s’appelle Cierge. Vous voulez essayer de deviner pourquoi ? A votre place, je ne chercherai pas.
En tout cas… Je compte bien me faire respecter ici. Les pseudo-maîtres du monde, les petites demoiselles en jupe courte, les grands timides comme les fonceurs… Peu importe leurs ambitions, leur passé, leurs envies du moment… Ou même leur dortoir. Les plus insignifiants seront écrasés, et seuls ceux qui méritent mon attention auront une chance de faire partie de mon entourage. Tous autant qu'ils sont, parce que je veux être le meilleur, je dois l'être, pour moi, pour les autres...
... Ils n’ont qu’à bien se tenir.