Un poisson à contre-courant
Et voilà, second cours en extérieur, sur le terrain. Et il a fallut que ce soit Roseverte qui se charge de la filière Scientifique. Certes, il est tout indiqué pour la gérer, mais il me sort par tout les trous des orifices lui aussi ! Pfff ! Il était déjà insupportable pendant notre mission avec Max et Rod mais il a rejoint ma black list avec les évènements d’Halloween. Je lis à nouveau le papier envoyé par Mlle Snow sur les précautions à prendre avant de nous rendre à notre cours, demain. La lettre n’explique pas le contenu du cours mais nous enjoint d’ajouter à nos affaires de quoi dormir sur place et des affaires de rechange.
Il y a quelques mois, l’idée de partir à la conquête du monde pour plusieurs jours m’aurait enchantée. Mais aujourd’hui, non. Des cernes immenses roulent sous mes yeux, j’ai l’impression d’avoir pris vingt ans. J’ai le désagréable sentiment de ne plus savoir comment être heureux, comment retrouver l’entrain qui me possédait jusqu’à l’arrivée de la Terreur. L’impression d’avoir grandit trop vite. D’avoir perdu une candeur que j’aurais voulu garder toute ma vie. C’est ça, grandir ? Si c’est ça, je n’en ai pas la moindre envie. Laissez moi regarder le ciel et y découvrir tout mes plus grands espoirs. Laissez-moi courir les champs avec insouciance. Laissez-moi tout ça. Reprenez tout ce que vous voulez mais, par pitié, rendez moi ma joie de vivre.
Comme d’habitude, je suis allongé sur le tapis qui jonche le sol de mon chalet. Les habituelles larmes dévalent mes joues, je n’ai plus la force de les en empêcher. Le pire, c’est peut-être d’observer toute mon équipe se laisser gagner par mon désespoir. J’ai l’impression qu’ils s’éloignent de moi, comme si j’étais mauvais pour eux. Alors, je me contente de les garder au maximum dans leur Pokeballs. Je ne veux pas qu’ils me fuient à nouveau. Non, je ne supporterai pas la déserstion pure et simple de mes Pokémons. Ils n’ont pas le droit, ils sont à moi ! Je sers contre moi les balles, comme un gamin qui s’accroche à la main de sa mère.
Je finis tout de même par rouler sur le côté. Par rassembler ma force pour me redresser sur mes deux jambes. Je tangue quelques instants, portant ma main à mon front pour retrouver mon équilibre. Je rassemble rapidement mes affaires comme demandé par Elisabeth Snow. Puis, j’ajoute tout ce qui me semble important pour une mission scientifique. Lampe torche, briquet, serviette, duvet,... Je boucle mon sac avant de m'asseoir en tailleur sur le parquet. La chaleur du chalet est agréable, malgré la froideur de l’extérieur. Je me suis finalement fait à l’idée d’être seul dans mon chalet. De nouveaux élèves sont arrivés chez les Phyllalis, mais aucun d’eux n’a souhaité m’a compagnie. Alors je me suis un peu étalé. Je prends mes aises, cela me convient comme ça. Même si c’est toujours un peu triste de n’avoir personne pour compagnie. Quelle morosité. Je ferrais mieux de tenter de dormir si je ne veux pas être trop explosé pour demain.
Bizarrement, la Terreur choisie de ne pas venir me déranger cette nuit, mes rêves sont même apaisés, sans noirceur. C’est agréable. Pour une fois et depuis longtemps, je me réveil avec un semblant de forme. Je revêts une tenue agréable, un pantalon souple, des chaussures de marche et un vieux sweat. On pourrait croire que je vais faire le ménage, mais non, je pars en mission et je sais que ça va être salissant !
J’avale mon petit déjeuner en compagnie de mes autres compères Phyllalis et Scientifiques. Personne n’est très loquasse, encore embrumé par les rêves de la nuit. Puis, chacun vaque à ses occupations de dernière minute. Moi, je suis prêt. Enfin, je crois. Alors je prends la direction du port, lieu du rendez-vous. Je marche à pas lents à travers une forêt dénuée de feuille. J’arrive à l’entrée de l’Université et son grand portail de fer forgé. Tellement cliché. Je vagabonde dans les rues de Lansat pour rejoindre le port. Je finis par convier Invy sur mes épaules. Puis, désirant plus de compagnie, Vivaldy et Phy se joignent au groupe. Le dynamisme de la petite Natu me redonne le sourire. J’invite alors Genesy, Frey, Maky et Inlay à se joindre au groupe. Voici l’équipe au complet. Cela me fait un bien fou de les avoir à mes côtés.
J’observe Maky monter difficilement sur le dos de Genesy, celui-ci heureux de jouer le rôle du papa. Frey fait son petit commandant sur le dos de la Haydaim qui bondit à la poursuite de Phy, la joueuse et rapide Natu. Seuls Invy reste sur mes épaules pour finir sa nuit et Inlay qui me surveille toujours du coin de l’oeil. Je lui pose une main sur l’épaule avec un sourire gratifiant, l’air de dire “merci de veiller sur moi”. Je sais qu’elle a aussi enduré les souffrances de la Terreur, je sais qu’elle me comprends plus que quiconque. Alors je lui fais confiance, aveuglément. Malheureusement et malgré sa présence, elle n’a pas pu empêcher mes crises et nous n’avons encore trouvé aucune solution. Je sers les poings, il ne faut pas perdre espoir. Je trouverai un moyen de vaincre la Terreur, j’en suis sûre. Peut-être même dans les jours à venir, qui sait ? S’éloigner de la PC c’est toujours une opportunité de voir les choses autrement, sous un nouvel angle.
J’arrive justement au port pile à l’heure, j’ai un peu trop traîné dans les rues moi. Sur mes talons, toute ma joyeuse équipe qui se calme sous le regard sévère de notre Référent. Je salue joyeusement Max, aussi présente pour le cours. Je décide de ne plus faire attention aux propos blessants de Roseverte, je me concentre sur notre mission. Nous partons donc pour une île au printemps éternel, Yapap pour y étudier des Rituels Pokémon. En groupe. Parfait ! Ca me plait ! Enfin une perspective qui me motive ! Je me dirige droit vers la feuille. Je vais donc partager mes deux prochains jours avec…
Une avalanche de sentiments contradictoires s’entrechoque dans mon esprit. Mon coeur bondit. Ma gorge se serre. Mes oreilles bourdonnent. Mes mains deviennent moites. Ma bouche s’assèche. Mes jambes tremblent. Mes yeux veulent pleurer. Et l’immense tête blonde apparaît devant moi.
Comme par magie. Je n’avais jamais formulé la possibilité de passer du temps à des centaines de kilomètres de chez nous avec mon Préfet, Léonidas. Et cela a le don de me mettre dans un état tout à fait étrange. Notre dernière rencontre a changé la donne. Il sait. Il soupçonne la Terreur. Je ne lui ai pas avoué, mais il se doute de quelque chose. Il m’a vu. Il est le seul à savoir. Cela me mets déjà dans une situation des plus embarrassantes. Mais il y a quelque chose d’autre avec lui. Je le sais, je le sens. Parce que son aura m’apaise aussitôt, quelques soient les problèmes qui m’encombrent l’esprit. Alors je souris. Du sourire rayonnant du vrai Aaron. La petite voix de l’espoir me crie de profiter de ces moments avec lui. Et j’ai envie de lui répondre que oui, c’est ce que je vais faire. J’ai envie de bondir dans ses bras, mais ça serait étrange, vu qu’on s’est déjà croisé ce matin. J’opte pour une tactique plus… modérée.
“_ Cooool ! Deux journée enfermé avec mon Préfet préféré sur une île déserte !”
Oups… je crois que mes paroles ont un peu trop reflété mes pensées. Je sens le rouge poindre au bout de mes joues. Heureusement, nous devons embarquer. Je profite de cette excuse pour partir à toutes jambes vers le ferry. J’évite soigneusement mon binôme pendant toute la durée du trajet. Je dois me faire à l’idée. Garder mon sang froid. Ca va aller Aaron, tu as déjà fait pire. Comme passer presque une semaine entière à cacher tes sentiments dans une télé-réalité. Je ne sais pas si “cacher” a été une véritable réussite. Bref…
Je décide tout de même de me mettre en quête de Léo peu de temps avant l’arrivée. Il ne faudrait pas qu’il croit que je le fuie. Même si c’est le cas. Maaaais… pour des raisons différentes à celles qu’il pourrait imaginer. Je reviens vers lui, inventant une excuse sur le tas.
“_ Désolé… je suis parfois un peu malade en bateau…”
Je lève un regard dépité vers lui. Je lutte contre l’image de sa main dans mes cheveux qui me saute à l’esprit. Aaron ! Reprends toi ! Je suis à nouveau sauvé par le commandant de bord qui annonce notre arrivée imminente sur l’île de Yapap. Je me détourne aussitôt du blond pour m’éviter de rougir à nouveau.
Le temps a changé du tout au tout, nous avons quitté l’hiver de Lansat pour se retrouver dans un printemps doux et agréable. J’ai beaucoup trop chaud avec ma tenue. Je décide aussitôt d’enlever mon pull pour retrouver mon fidèle marcel sans manche. Ah ! C’est beaucoup mieux. Je lance un petit clin d’oeil aguicheur à Inlay. Elle ne semble pas comprendre la blague alors je la laisse tomber à l’eau -la blague, hein !-.
Nous voilà arrivés sur le sable fin de l’île. L’air iodé du printemps de Yapap a quelque chose d’exaltant. Je dirige mon regard avec Haydaim, me posant une question soudaine. Ma pauvre Vivaldy a l’air complètement déboussolée. Elle est dans sa jolie fourrure d’hiver au milieu de cette île printanière. Je m’approche d’elle pour lui caresser le flanc et lui murmurer à l’oreille que tout va bien se passer. Mais lorsqu’elle rouvre les yeux, elle a ôté sa tenue d’hiver pour celle du printemps. Ses grands bois bourgeonnent et me donnent des frissons. Waouh ! Elle est magnifique comme ça ! Elle semble aller beaucoup mieux et s’en va fanfaronner vers ses camarades qui restent scotchés devant ce changement soudain. Je souris, un sacré numéro, cette Vivaldy.
Je rejoins Léo, il va falloir que nous nous mettions d’accord sur le sujet à étudier. Mais mon humeur est à des lieux d’un quelconque travail.
“_ C’est fou cette capacité d’adaptation des Pokémon, non ? Tu crois que Vivaldy serait un bon sujet d’étude pour les Rituels …? Geeeenre, la migration des Haydaim vers une fourrure adaptative … ?”
Je pouffe à mes propres propos. N’empêche, ça serait nettement plus facile à étudier que d’aller chercher un quelconque rituel étrange dans les bois de cette île. Cela me fait presque froid dans le dos de m’enfoncer dans cette forêt vierge. Je ne peux m’empêcher de repenser à notre à notre rencontre avec ce rituel tout à fait étrange avec Gwenn, dans ces ruines... J’espère que nous ne rencontrerons pas ce même genre de rituel. Ca serait se jeter droit dans la gueule de la Terreur. Un frisson froid me parcourt le dos. Pitié, non. Restons plutôt à la lumière du jour, c’est beaucoup plus pratique et surtout, rassurant.
Les groupes commencent à se disperser. Il va aussi falloir que nous passions à l’action. Une jolie rivière s’enfonce en pente douce vers des monts invisibles de notre emplacement. Haussant les épaules, je propose un point de départ à Léo, fuyant du mieux possible son regard aux lunettes sombres.
“_ Si nous poursuivions le long de la rivière ? On trouvera bien quelque chose à observer en chemin non ?”
Après avoir reçu son assentiment, nous nous dirigeons côtes à côtes vers cette rivière. Le chemin se faisant de plus en plus petit, je l’invite à passer devant moi. Mon Préfet ouvre alors la marche, me permettant de concentrer mon attention sur tout autre chose… ses jolies petites fesses qui roulent sous son pantalon dans un mouvement tout à fait gracieux. Aaron ! Je relève le regard vers un point fixe, devant moi. Je prie pour que le blond ne se retourne pas juste à ce moment pour admirer mes joues rouge vif.
Aaron S. Mightley