On approchait de la fin des vacances. Le dix janvier, les élèves quitteraient leurs formidables chalets avec chambre individuelle pour retourner dans la tristesse de la colocation avec les autres membres de leurs dortoirs. C'était surtout l'idée de quitter ses camarades, qui venaient souvent d'autres dortoirs, qui était dur à endurer pour les élèves. La plupart des couples de l'académie allait avoir du mal à retourner dormir seuls le soir dans leurs lits avec pour seul compagnie un camarade qui ne soit pas du sexe opposé. Rien que d'y penser, il était évident que la plupart d'entre eux avaient cherché à profiter de leur moitié autant qu'ils pouvaient. En ce jour donc, les rues étaient bondés d'élèves se promenant ici et là pour ressentir les joies de l'air vivifiant du large qui parvenait jusque dans le petit village artificiel. C'est qu'il y en avait à faire, en promenade, parmi les quais et les petites rues de Lansat. De quoi y passer toute la journée. Et évidemment, vouloir ne perde aucune minute de ces derniers jours voulait dire également perdre son temps à visiter tous les recoins de la ville. Attendre une certaine heure pour se promener à son tour, sans être gênés relevait donc de l'impossible. Toi, tu le savais bien. Et cela te rendait triste. Toi qui aimait à parcourir la ville de long en large en solitaire sans être dérangé par quelqu'un sauf si tu l'y invitais, tu n'allais pas pouvoir faire grand-chose en ce jour. Mais heureusement, tu avais eu la chance de recevoir de la part du vieux de la fameuse boutique de Noël, près de la place du village éphémère. C'est qu'il avait bien marché, ce magasin. Pendant plusieurs jours, les gens s'étaient bousculés les uns les autres pour obtenir un de ces cadeaux. Certains étaient repartis déçus, n'ayant pas réussi à tirer de gros lots, mais d'autres en étaient ressortis avec un sourire béat leurs cadeaux entre les mains. Au final, même si certains étaient tristes de ne pas avoir eu de chance, les avis sur ce magasin étaient presque tous positifs. De ton côté, tu avais trouvé l'idée sympa, et la chance et la gentillesse avait été de ton côté : tu étais reparti avec pas mal de cadeaux et chacun contenait des choses appréciables pour toi. Et il y avait eu ce bon. Ce fameux bon.

C'était bien la première fois que tu voyais quelque chose comme ça. Un voyage en Léviator. L'idée était intéressante. Malheureusement, tu n'avais pas vraiment su quoi en faire : la chose ne t'attirait pas vraiment. Tu avais bien d'autres choses à faire à l'heure actuelle. Aujourd'hui, tu étais heureux de ne pas regretter de l'avoir donné ou jeter. Cela allait bien occuper ta journée, c'était pile ce qu'il te fallait pour occuper ta journée. Armé de ce petit papier donc, tu t'étais dirigé vers le port est pour rencontrer le fameux Léviator qui allait te servir de monture. Arrivé là-bas, tu fus étonné de te trouver seul à faire la queue pour grimper sur la bête : à croire qu'ils avaient tous pris peur en sachant qu'ils allaient se trouver sur le dos d'un Léviator. Pourtant, le type eau avait un air très câlin, limite enfantin, et n'attendait qu'une chose : qu'on s'amuse avec lui. Son maître, un flibustier à l'air souriant, t'accueillis avec joie et demanda à obtenir le fameux bon qui n'attendait que d'être utilisé, et le perfora avant de te le rendre pour t'indiquer ensuite son compagnon. Sans attendre que tu te soies exécuté, il partit ensuite rejoindre son petit bateau juste à côté, « Pour assurer ta sécurité en cas d'chute d'mon p'tit Nirvana. » indiqua l'homme. Il est vrai que tu te sentais plus rassuré de savoir qu'il y avait quelqu'un d'extérieur pour assurer la promenade, mais tu n'étais pas du genre apeuré : te savoir en sécurité ou non t'importait peu, tu souhaitais juste passer ton temps à faire quelque chose. Et c'est dans cette presque impassibilité que tu t'installas soigneusement sur le Pokémon afin de ne pas t'accrocher à ses écailles ou pour éviter de le gêner dans ses mouvements, et voilà que vous partîtes au large à vitesse de croisière pour profiter de la vue que t'offrait le petit voyage. Tu sortis ton oreillette Ipok et mit un peu de musique calme et sereine et te laissait bercer par l'atmosphère marin entraînant.

Tu avais les yeux fermés, tu ne ressentais plus que les remous silencieux de la mer. Un vent doux et lent venait te frapper sans bruit sur ton visage, provoquant par instant des frissons sur tout ton corps, les mouvements de ta monture te donnait l'impression de te trouver sur une moto, parcourant les landes muettes dans le bonheur le plus total. Dans ce noir visuel, tu voyais petit à petit s'afficher les sensation du paysage, et mêlés à la musique qui pénétrait tes oreilles, tu vis bientôt paraître un espèce de paradis rose et bleu, un paradis impalpable mais pourtant si proche, un monde transparent et pourtant visible. Le bonheur dans sa vision la plus utopique. Le temps s'y était arrêté, tu commençais à te sentir transporté par les flots, par ce lieu imaginaire qui te tendait les bras. Tu n'avais plus l'impression de te trouver à Lansat, sur le dos d'un Léviator, mais sur cette moto, à parcourir ce monde sans limites … Si mourir pouvait te permettre de rejoindre ce monde, alors tu étais prêt à le faire bras ouverts.

Un rêve. Tu étais en train de rêver, c'était certain. Et comme tout rêve, celui-ci avait une fin, et cela se traduisit par une secousse soudaine du Léviator qui s'était aperçu de ta situation. Tu ouvrir alors subitement les yeux et tu te rendis compte que tu ne te trouvais plus au port de Lansat mais tout près d'une cascade, sans doute dans une partie bien éloigné de la ville. Tu attrapas rapidement ton Ipok dans ta poche et fixa l'heure. Cela faisait une bonne demi-heure que vous étiez parti. Une bonne demi-heure que tu nageais en plein rêve. Et pendant ce temps, Léviator t'avait amené vers son objectif : une cascade. La bateau de son maître vint vers vous et l'homme sortit de sa minuscule cabine de pilotage.

▬ Eh, ç'va, gamin ? T'avais l'air ailleurs pendant tout l'voyage ... dit-il.
▬ Ne vous inquiétez pas, je profitais du voyage à ma manière. répondis-tu.
▬ Si tu le dis … Bref ! Nous voilà à la moitié de notre parcours. Maintenant, on va monter cette cascade et on te posera en haut où un de mes camarades pourra te ramener en ville assez vite ... expliqua-t-il. Mais t'peux toujours décider d'revenir avec mon Nirvana s'tu l'souhaites, c'toi qui voit. ajouta-t-il.
▬ Très bien. répliquas-tu.

Et sans attendre plus d'indications, ta monture se remit en marche et s'avança tranquillement vers la cascade. La trombe d'eau se fracassant sur la mer faisait un vacarme pas possible. On ne s'entendait plus du tout. Et au vu de la violence de la chose, c'était à se demander si c'était une bonne idée de tenter de grimper cette cascade. En tout cas, le marin avait prévu de quoi faire : il avait au préalable accrocher au type eau une espèce de selle avec ceinture pour s'y maintenir et éviter la chute. C'était presque comme si sa présence avait été inutile, mais visiblement, il se sentait trop responsable de toi pour ce voyage pour te laisser aller seul avec son Pokémon. En tout cas, ce n'était pas bête, et cela te permit de profiter de la montée en verticale confortablement installé sur le siège, en plus équipé d'un dossier. Un dossier quoi. Autant dire que la scène était royal. Le seul inconvénient que tu retirais de cette ascension fut l'eau qui te trempa un peu les vêtements mais sans trop être embêtant, et cela relevait du superflu pour toi : c'était même étonnant d'avoir été aussi peu mouillé. La montée était dur et violente. Le Léviator transperçait même les flots. L'eau explosait continuellement en fines gouttelettes qui se dispersaient en tout sens ainsi qu'en écume qui partait de droite à gauche de la bête en continuant d'envoyer de l'eau de tous les côtés. Les seconde passaient lentement, et une mémé serait sûrement aller plus vite que ça en marchant normalement, mais la progression de faisait sans problème. Le plus dur était en fait de supporter la puissance et par extension la violence avec laquelle le type eau escaladait cette cascade. Tu avais l'impression de devoir supporter un gros bac de cailloux de la taille d'un ballon de foot sur tout ton corps, et si le dossier n'avait été pas été là, nul doute que peu importe tes efforts, tu aurais fini la montée la tête vers le bas, recevant brutalement l'eau dans tes narines. Tu te sentais d'ailleurs tellement lourd que par moments, tu ne pouvais t'empêcher de retenir ta respiration un instant pour te soutenir ce poids sur toi. Tu n'avais pas vraiment la force de penser, mais tu fus content d'avoir pensé auparavant à remettre tes affaires personnels au marin qui lui rejoignait le haut de la cascade par un chemin terrestre moins dur. Vous fûtes même arrivés après lui tellement la montée fut lente et difficile. Cependant, après un bon quart d'heure de persévérance, vous parvîntes enfin au bout du parcours et vous pûtes être content d'être arrivé au bout. Tu quittas ton siège pour aller te poser au sol et récupéra tes affaires tout en soufflant pour te remettre de tes émotions. Tes cheveux étaient carrément partis en arrière tellement la montée avait été violente. Tu les remis rapidement en place et acheva en même temps de remettre tes objets à leur emplacement habituel. Le marin récupéra son compagnon et repartit après que tu lui aies confirmé que tu rentrerais seul. Il te fit une dernière salutation avant de disparaître sur son bateau pour aller chercher son prochain client.

Mo et Poséidon choisirent de sortir à ce moment de leurs Pokéballs. Devant eux se présentait un lac de bonne taille et visiblement bien profond, qui ne demandait qu'à être exploré. Tu les regardais pendant un instant et tu te dis que ce n'était pas très intelligent de leur empêcher de s'occuper un peu eux aussi, et tu leur permis d'aller partir en quête d'objets. Les deux se dirigèrent vers le petit lac, mais seul l'Aquali balafré pénétra dans l'étendue aquatique. Le Mustéflott, de son côté, venait d'entendre non loin de là la fameuse cascade grimpé un peu plus tôt et revint vers toi en te l'indiquant de ses pattes. Il voulait la gravir ? S'ennuyait-il à ce point ? Tu n'y réfléchis même pas. Le type eau n'avait pas vraiment eu le temps de profiter de son nouveau statut depuis qu'il avait évolué. En ce jour, c'était l'occasion de régler ce problème. Tu lui souris et lui indiqua donc qu'il pouvait faire ce qu'il voulait. Il sauta de joie et se dirigea alors vers la cascade. Pendant ce temps, Poséidon t'accorda un dernier regard, auquel tu répondis par un sourire, et il s'engouffra dans le petit lac pour commencer ses fouilles. Tu rejoignis ensuite Mo qui venait de sauter dans la mer et qui se trouvait désormais en contre-bas, prêt à grimper la chose. Allait-il y arriver ? Tu l'espérais franchement.

▬ Allez, Mo ! l'encourageas-tu, heureux de le voir déterminé à accomplir quelque chose d'aussi difficile.

Tu le vis pénétrer dans la cascade, et il disparut alors de ton regard. Attristé de ne plus le voir, tu fis sortir Zéro et grimpa dessus pour suivre ton compagnon depuis les airs. Tu vins te poser en face de la cascade, à bonne distance pour éviter de trop mouiller le type feu et assez proche pour voir parfaitement le Mustéflott, et observa tranquillement la situation avancer. Mo était visiblement devenu bien habile. Ses pattes semblaient par ailleurs mieux s'accrocher à la roche arrière. Il ne glissait pas un instant, mais la pression de l'eau l'empêchait de bouger rapidement. Tu avais l'impression de voir la scène se passer au ralenti. Il avançait, patte après patte, poussant encore et encore pour s'accrocher à la prise la plus proche. Il serrait les dents. L'eau allait jusqu'à lui fouetter le corps. Mais il avançait. Encore et encore. Il était déterminé. Il prenait son temps, car il savait que la vitesse n'était pas la solution. Tout ce qu'il cherchait à faire, c'était d'arriver à avancer sans tomber. Il l'avait déjà fait une fois quand il était encore un Mustébouée, il ne souhaitait pas revivre la chose. Il devait le faire. C'était son objectif. Il ne s'amusait plus vraiment, mais c'était ce qu'il voulait. Ce qu'il voulait vraiment. Alors, il avançait, encore et toujours plus, patte par patte, prise par prise, minute après minute, prenant des pauses par moments. Et si le Léviator, par son corps massif et sûrement son habitude à gravir les cascades, très certainement entraîné pour ça, Mo en mit le double et s'en sortit avec des bleus un peu partout sur le corps à cause de la violence de la cascade et dût prendre une bonne vingtaine de minutes pour reprendre complètement son souffle, mais il y parvint. Il y parvint finalement. Et une fois la terre ferme atteinte, il se mit debout et leva une patte en l'air en criant toute sa rage. Il avait fait un pas en avant dans sa vie : il devenait fort, il devenait homme. Et tu en étais fier. Très fier. Revenant vers lui, tu fus heureux de lui servir de reposoir le temps qu'il se remette. Tu sentais son souffle chaud et transpirant qu'il dégageait, et mouillé qu'il était, tu dû à nouveau te dévêtir de ton sac et de ta ceinture à Pokéballs, mais cela ne te gênait pas le moins du monde. Tu étais même heureux. Il ne restait plus qu'à savoir si Poséidon allait te remonter quelque chose. Et si c'était le cas, il était certain que tu avais fait ta journée. D'ennui mortel, tu étais passé à bonheur total. Finalement, ce bon avait été une vraie bénédiction. Plus que tu ne l'imaginais. Tu étais comblé.