Matinée de printemps, tout ce qu’il y a de plus classique. J’enroule mon écharpe autour de mon cou frigorifié. Il serait bête de se prendre un rhume par ce temps. Aussi, vais-je me rassoir derrière la cabine du capitaine pour ne plus subir ce vent marin que je déteste tant. Diva est aussi de sortie, nous nous rendons ensemble avec l’académie sur une île encore inconnue afin d’y étudier les Pokémons dans leur habitat naturel. Voire même d’en extraire certains à celui-ci pour les ramener sur Lansat avec nous. Les pauvres, ils subissent tellement de la part des humains. Les Pokémons ne leur demandent rien, ils vivent en communauté dans leur propre écosystème sur une île paisible, et il faut que l’on balance une armée de gamins sauvages et stupides à leur poursuite. Great idea ! Bien sûr, si j’avais vraiment souhaité boycotter cette façon de faire, je serais restée à Lansat, bien au chaud dans mon lit. Ah… Ma tendre couette… Tu me manques tellement ! Sauf que j’avais accepté de venir en expédition avec les autres. J’avais dans l’idée de promener Steady et Cut sur l’île et peut-être leur faire faire de nouvelles connaissances. Ces deux petits n’avaient vu que Lansat et son académie, ils méritaient un petit voyage en pleine nature pour se détendre et profiter. Si seulement il ne faisait pas aussi froid… Je sais, je suis un peu douillette, une brise me frigorifie, mais que voulez-vous, mon corps refuse d’y résister.

Le bateau arrive enfin à quai, si on ne puit dire. Nous sommes largués sur la côte. Evidemment, aucun véritable port n’a été pensé pour cet endroit, vu qu’aucun humain n’y vit. Mais ils auraient pu faire un effort, traverser des galets jusqu’à la grotte la plus proche n’est pas du tout agréable. Je fulmine intérieurement, mais je ne semble pas être la seule. Tandis qu’une Laporeille classique se serait donnée à cœur joie de sautiller d’un galet à un autre en réalisant des pirouettes complètement folles, Diva se contentait de rouspéter en marchant maladroitement sur ceux-ci. Son style si particulier n’avait aucun effet sur ce territoire, elle était désarçonnée face à tant de complexité sur son parcours. Un dilemme qui lui faisait monter la moutarde au nez. J’aurais bien proposé de l’aider en la portant, mais je savais pertinemment qu’elle m’enverrait balader si je lui en faisais la remarque. Quoique… Un Giga Punch Dans Ta Face avait peut-être le pouvoir de me conduire directement à la grotte, volant par-dessus tous les autres obstacles ? Ce serait à tenter, mais je me sens mal de devoir encore me faire frapper pour si peu. Tant pis, mes jambes souffriront encore.

Alors que nous rallions enfin les galeries, je vérifiais avoir bien tout emporté dans mon sac. Comme la dernière fois, pas de chichi, j’avais le kit de survie ultime en zone hostile : bombe insecticide, tapette à Apitrini, chalumeau, bombe lacrymogène,… Et quelques rations de survie en cas de petit creux. C’est donc sereine, que j’appréhendais cette journée. Dégainant deux de mes Pokéballs, je libérais Cut et Steady. Le Venalgue avait trouvé sa place dans l’équipe avec le temps. Il n’était clairement pas beau et manquait de grâce, mais je l’acceptais volontiers dans mon sac. Un câlin rapide de temps en temps dans les bras, ça allait. Marcher des heures avec lui… C’était beaucoup moins faisable. Au moins, avec le sac en bandoulière, je pouvais le promener et lui rabattre le haut du sac dessus pour ne voir que sa trompe. Très heureux de partir à l’aventure, Cut n’attendit pas le reste du groupe et commença à courir stupidement tout droit dans la grotte. Bien que nous tentions alors de le suivre, il disparut rapidement de notre champ de vision.

-J’ai un mauvais pressentiment…

-Lapooo…





Dernière édition par Yukino Shinoa le Lun 25 Avr - 18:36, édité 1 fois

Ce sera :

-Cut, où es-tu ?!

-Laporeille !

-Ve-venalgue !

Au fur et à mesure que nous nous enfoncions dans les galeries souterraines de cette immense grotte, il faisait de plus en plus noir. En plus de cette faible clarté, il devenait difficile de retrouver son chemin et de faire demi-tour. Les galeries formaient un véritable labyrinthe, où quand bien même j’aurais souhaité n’aller que tout droit, j’aurais dû faire un choix parfois de direction. Le dédale montait, descendait, tournait, virevoltait,… Il était difficile d’établir une approche logique dans un tel endroit. Cut était porté manquant depuis notre arrivée. Le petit s’était engouffré joyeusement dans la grotte, pensant que nous arriverions à le suivre, mais toute trace de lui avait disparu. Qui plus est, je n’étais clairement pas une ranger, ça ne risquait pas d’être moi qui arriverait à tracer ses pas.

Midi approchait, et après avoir parcouru un bon paquet de route, je proposais aux autres de faire une halte miam time. Je m’adossais contre le mur de la paroi, avant de bondir en tremblotant et en criant. Très surprise, je me retournais, le dos trempé, pour remarquer la paroi humide et froide contre laquelle j’avais tenté de me poser. Les mots qui me vinrent à l’esprit n’étaient pas de trop pour exprimer toute ma colère à l’encontre de cette fichue paroi rocheuse de mes deux. Si déjà il fallait aller dans des galeries inconnues à la recherche de Pokémons, apparemment invisibles jusqu’à présent, et en plus, on ne pouvait pas s’asseoir deux secondes sans se retrouver mouillée par de l’eau ayant ruisselé le long du mur… J’en avais ras-le-cul de ces conneries !

Pestant, râlant, injuriant,… J’attendais que ma rage passe pour essayer de trouver un autre endroit où se mettre tranquille. Mais Diva vint m’interrompre en me tirant mon jean. Toujours furieuse, je me retournais vers elle en gueulant comme une débile, avant de comprendre ce qu’elle essayait de me dire… C’était quoi cette eau ? Nos pieds baignaient maintenant dans trois centimètres d’eau, et il semblait que le niveau ne comptait pas s’arrêter là. Rapidement, j’attrapais mon sac que j’avais déposé par terre et pressait le pas plus loin dans la galerie. Malheureusement l’eau continuait de monter et aucune zone ne semblait épargnée. Cut se trouvant encore dans la grotte, je ne pouvais laisser mon bébé ici et faire demi-tour vers la sortie. Il fallait absolument le retrouver… Et vite !

Mes jambes étaient freinées par l’eau, qui atteignait désormais mes genoux. Pour une fois, Diva avait acceptée de venir dans mes bras, afin de ne pas se retrouver submergée. Demi-mètre par demi-mètre, mon avancée était considérablement ralentie et il n’y avait toujours pas de Scalpion à l’horizon. Steady scrutait depuis le fond des eaux s’il le repérait au loin, mais rien y faisait, il était disparu. A ce moment-là, j’eu un coup de panique pour lui. Mon cœur se mit à bondir, tandis que je l’imaginais avoir des difficultés pour se mettre à l’abri avec son type acier. Même si les eaux étaient maintenant au niveau de mon ventre, je persévérais à poursuivre mon objectif. Tout cela était de ma faute. Si j’avais préféré rester dans mon lit plutôt que de venir me promener ici, rien de tout cela ne serait arrivé. Cut ne serait pas en danger et nous serions tous entrain de manger une classe de Mama Odie au réfectoire.

Bientôt, mes forces me quittèrent. Diva avait dû grimper sur mes épaules pour ne pas être trempée et je ne pouvais quasiment plus avancer. Mes yeux étaient à demi-fermés, je me sentais vraiment fatiguée. J’arrivais à contrôler correctement mon corps, même dans l’effort, mais je m’épuisais bien plus vite qu’un autre. La différence était d’ailleurs très difficile à appréhender lorsque dans mon corps masculin, j’arrivais à faire le double ou le triple de ce que j’étais capable de faire aujourd’hui. Les facteurs cumulés m’empêchaient de tenir longtemps et je devais me résigner à trouver un endroit où le plafond serait suffisamment haut pour tenir jusqu’au secours.

Mes bras m’aidaient à me tenir au plafond. Ma tête tenait encore avec difficulté hors de l’eau. Diva n’avait plus le choix que de se mouiller et Steady tentait de trouver une quelconque échappatoire. Je n’avais plus la notion du temps, chaque seconde me semblait si longue et intense. Je ne fonctionnais plus à l’énergie, mais à la survie. Mon corps lâcherait bientôt prise et je me retrouverais à couler, voir me noyer. Ma première main commençait à lâcher prise, à glisser.

-Ramoloooooss…

Le Pokémon fit irruption à quelques mètres de nous. Son air débile de toujours sur le visage, il n’en démordit pas pour venir nous aider. Sous cette expression d’idiot du village se cachait un fin penseur, qui accepte que je m’accroche à lui. Ramoloss format bouée de sauvetage, nous conduit plus loin dans les galeries, dans un lieu, où ne risquions plus de finir engloutit. Ramoloss et Steady restèrent dans l’eau à discuter un peu, le temps que je récupère et reprenne mon souffle allongée sur le sol. Lorsque tout redevint à la normale, je me redressais pour remercier le Ramoloss. La créature ne changeait jamais d’expression, ce qui était assez perturbant. Mais en évitant de le regarder dans les yeux, je pouvais éviter un malaise et ces horribles pensées qui me venaient sur ce petit être. Steady se mit alors à me présenter de la tête mon sac. Ne sachant ce qu’il voulait, je l’ouvrais en l’approchant de lui, pour qu’il me montre ce qu’il avait en tête. Aspirant l’objet avec sa trompe, il me le recracha dans les mains, juste après.

-Une pokéball ? Tu veux que je le capture ?

-Venaaalgue.

Hésitante, je ne voyais pas en quoi l’air abruti de Ramoloss pourrait m’être utile pour la suite des événements à l’académie. En même temps, il serait assez bizarre de refuser la requête de Steady qui avait l’air de vraiment apprécier le Ramoloss. Resserrant mon poing sur la pokéball, je serrais les dents et la jetais sur la tête du type eau, qui fit une tête encore plus stupide que d’habitude et entra dans la sphère. Raaah… Pourquoi j’ai fait ça, moi ?

La sphère gigota plusieurs fois sur l’eau avant de biper rouge pour signaler la réussite de la capture. En même temps, qu’est-ce qu’aurait bien pu faire cet imbécile de Ramoloss pour sortir de là ? Je vous le demande. Bref, nous n’allons pas rester là, bras croisés toute l’éternité à attendre je ne sais quel présage divin. Maintenant que nous nous en sommes tous sortis, il faudrait penser à poursuivre les recherches sur Cut. Le pauvre doit être apeuré, tout seul dans les galeries, dans le noir et peut-être même bloqué par cette montée des eaux soudaine. Il nous faut nous remettre en route ! Je chope la pokéball de Ramoloss et Steady, les fout dans le sac et me relève lentement pour ne pas réveiller les courbatures. Mon corps souffre encore beaucoup de tout à l’heure. J’ai du mal à tenir debout et je dois m’appuyer contre le mur. Diva s’inquiète de mon état et me recommande de retourner à l’entrée de la grotte, mais je ne l’écoute pas. Je persiste à continuer, je ne veux pas abandonner Cut sur cette île. S’il doit rester ici, alors je resterais avec lui. Nous trouverons bien un moyen de rentrer à l’académie par après. Surtout que je suis persuadée que les profs ne laisseraient pas des élèves seuls sur cette île. Manquerait plus qu’il arrive un accident à cet étudiant et les parents seraient sur le dos des enseignants responsables. Donc je n’ai rien à craindre à poursuivre ma quête.

-Kuf… Kuff…

Je m’appuis au mur, alors qu’une quinte de toux me prend et m’oblige à m’arrêter. Diva me répète que je ne devrais pas forcer, que je ne suis vraiment pas en état et que je n’ai rien à prouver à personne. Elle est la seule dans cette académie à être au courant de mon secret, je sais qu’elle veut prendre soin de moi, bien que ce soit rare qu’elle me ménage. Seulement, si je l’écoute, j’abandonnerais un enfant à son sort dans une grotte remplie d’infâmes Pokémons qui voudront sa peau. Je ne peux pas ! Faiblement, lentement, je reprends ma marche. Je suis affaissée, j’ai la tête qui tourne. Mes mains… Je ne ressens plus le bout de mes doigts. Je tremble comme une feuille. Est-ce donc là mes ultimes limites ? Je… J-Je… Je dois… Continuer… SBAAAM.

-LAPOREIIIIIIIILLLLLLLLLLLEEEEEEEEEE !!!!!

…

…

A mon réveil, je ne suis plus dans la grotte. Je vois le ciel au-dessus de moi et je sens la douceur de la chaleur du Soleil sur ma joue. Quelqu’un se penche, mais je ne distingue pas son visage à contrejour. Mes yeux ont aussi besoin d’adaptation après avoir passé plusieurs heures dans l’obscurité. La personne me répète des phrases, mais les sons sont diffus et vagues. A force de les entendre, je commence à en comprendre le sens et j’essaie de balbutier une réponse. La personne disparait alors pour ne laisser place qu’au ciel et aux nuages qui le composent. Une minute plus tard, il est remplacé par la silhouette de plusieurs Pokémons. Je reconnais les longues oreilles abaissées de Diva et en face d’elle... Ne serait-ce pas… Cut ? Oui.

-Cut ?! C’est toi ?

-Scal. Scalpion.

Ils l’ont retrouvé. Ils ont réussi à le sauver. Je suis si heureuse.