Quelques temps après la tentative de Seth, le stratège m’avait donné des idées. En effet, malgré l’échec cuisante de cette révolte par la faute d’un Machopichu, certaines leçons étaient à apprendre de cette aventure. Et celles-ci ressortaient notamment, quand l’agacement devenait de plus en plus présent. De toute évidence, depuis le règne d’Heath, la société noctalienne s’était effondrée et les Noctalis la peuplant se métamorphosaient en larves au fil des semaines. Fort de ce constat, j’avais pris en aparté mon camarade de chambre, le dénommé Sirius. Le garçon était un bon ami, nous avions partagé quasiment toute notre première année de scolarité ensemble. Si nous ne suivions absolument pas le même parcours, ni les même cours, cela ne nous empêchait pas de bien nous entendre. Souvent, j’ai entendu que les Noctalis n’étaient pas tolérants et prétentieux lorsque je suis arrivé dans cette école, mais je pense que partager ma chambre avec Sirius m’a permis de garder mon intégrité et de ne pas tomber dans cette arrogance que nombre des nôtres ont tendance à prendre.

Néanmoins, cela ne nous empêchait pas de nous rendre à l’évidence. Le dortoir se dégradait de manière perpétuelle. Les Noctalis devenaient des loques et rien ne semblait vouloir changer cela… Pas même leur esprit compétitif dont ils se vantaient autrefois. Les entrainements presque militaires d’Heath avaient-ils détruit l’âme noctalienne ? Personnellement, je la pensais plus forte que cela. Et je le pense toujours ! Ce n’est pas cette simple descente aux enfers qui aura raison de nous !

Sous cette impulsion de rage mélangée à de la détermination, je m’étais vu proposer à mon ami un plan qui semblait tout aussi fou que ce bon vieux Seth lui-même. Arceus m’en garde, nous n’avions pas prévu de foncer tête baissée sans aucun plan. Les Noctalis étaient à la déroute ? Soit ! Alors rassemblons-les et aidons-les à retrouver le droit chemin. Ainsi, les dernières nuits étaient devenues très courtes pour ma part. Je les passais stylo à la main et papier sur la table, à rédiger des cartons d’invitation pour les différentes chambres du dortoir. La difficulté étant de créer quelque chose qui les attirerait tous. Nous avions vu que les Noctalis n’appréciaient pas d’être trop gouvernés, qu’ils voulaient une certaine souplesse. D’autres comme Sirius, avaient choisi une voie différente de celle de la compétition par les matchs Pokémon, il fallait donc aussi leur apporter notre soutien plutôt que de les blâmer. C’était simple…

Il fallait créer un Nouvel Ordre !

Une nuit, après avoir glissé les cartons sous toutes les portes des chambres, nous avions commencé à planifier plus concrètement la suite des opérations. Aucun carton n’était signé, nous voulions que notre identité reste secrète jusqu’au dernier jour. A tel point, que nous avions même gardé un carton pour notre chambre. Lorsque le jour J arriva, les Noctalis s’installèrent dans le hall d’entrée du dortoir. Les banquettes furent rapidement prises d’assaut et les gens se mirent à discuter autour des matchs qui étaient diffusés sur les deux immenses écrans plats disposés de part et d’autre de la salle. Doucement, le trac s’installa lorsque je vis le monde rassemblé. Evidemment, quand on les croisait dans les couloirs, ils ne semblaient pas aussi nombreux… Mais là, l’impression était toute autre. Peut-être aussi à cause du fait de ce que l’on s’apprêtait à faire. Tentant de me rassurer, je soufflais un bon coup avant d’éteindre les téléviseurs. Je glissais ensuite un regard à Sirius avec un sourire en coin. Nous y étions maintenant, nous ne pouvions pas faire marche arrière. Nous n’avions plus qu’à faire le grand saut tous les deux. Prenant la tête, je descendis les dernières marches de l’escalier pour arriver directement devant la salle où se tenaient les autres Noctalis. Afin de nous permettre de dominer le hall durant notre discours, j’avais déplacé une banquette sur laquelle nous pourrions grimper en chaussettes. Cela manquerait peut-être de charme, mais je pensais aussi aux femmes de ménage qui pourraient à avoir à nettoyer ces banquettes après notre passage. Des traces noires sur du gris anthracite… Ce n’est pas ce qu’il y a de plus simple à retirer. Bref, en pénétrant dans la salle et en montant sur ce présentoir improvisé, j’avais gonflé ma poitrine et oublié toute gêne potentielle de déranger autant de monde. Il en allait de l’avenir de notre dortoir quand même !

Sirius ne tarda pas à me rejoindre et je mis les dernières choses en place. Avec la disparition des matchs sur les téléviseurs, les Noctalis s’étaient déjà quelques peu agités. Par-dessus cette agitation, je lançais deux pokéballs vers les doubles portes, qui libérèrent respectivement devant chacune d’elles : Tyson M.D., mon Chartor et Grelaçon. Le premier, sa casquette à l’envers et la tête bougeant toujours aussi frénétiquement au rythme d’une musique inconnue, se retourna sur sa carapace afin de faire la toupie… Porte 1, bloquée. Le second gela la jointure des deux portes déjà massives et s’allongea devant tranquillement. Porte 2, bloquée. Cela ne passa évidemment pas inaperçu aux yeux de la foule, qui se tourna vers notre piédestal instinctivement en se demandant ce qui se passait. Pourtant, il était simple de le comprendre. Devant nous, une haie de nos Pokémons barra le passage, ayant pour mission d’éviter toute interruption potentielle pendant notre discours. Ma Chacripan me grimpa sur les épaules et ayant désormais l’attention de tous, je cru qu’il était bon de commencé ce pourquoi nous étions tous là.


Je terminais mon discours, brandissant mon poing vers l’assemblée et le regard lointain. Puis je me remettais bien droit, préparé à accueillir les potentiels contestataires.