Les Grahyénas du bac à sable Andrew Stansfield / Logan Atkinson Nous nous sommes levés aux aurores, sans un bruit. Tout comme moi, Drew est un lève-tôt, "perdre son matin en flâneries, ça va bien cinq minutes" dit-il en me souriant. De quidam nous nous préparons; il s'habille sobrement, mais avec élégance. Chemise blanche, cravate d'un bleu sombre. Puis il se chausse, et coiffe avec soin sa chevelure, laissant retomber sur son front une jolie mèche courbée. Après avoir inspecté son reflet dans un miroir de poche, la mine satisfaite, Drew me regarde attentivement. Il semble perdu dans ses pensées: se remémore-t-il l’accueil matinal de charmants Mimigals de la hutte B? Il s'était réveillé couvert de petites pattes, d'une myriades de crochets venimeux qui luisaient faiblement dans la pénombre du jour. La réaction habituelle aurait été un cri. Mais mon dresseur est une espèce spéciale d'humain, à en croire le calme qui l'habitait, quand, reposant doucement sur le sol les petites araignées, il s'était curieusement mis à sortir un carnet et un stylo de son sac de voyage, couvrant soigneusement les pages de petites annotations... - Des Mimigals... toi qui vient du désert iris, tu as dû en voir souvent j'imagine? Ces petites créatures vivent souvent en groupe, même si cela est peu souvent mentionné. Tu as remarqué les dessins étranges qu'elles portent sur le corps, la couleur voyante qu'elles arborent? C'est ce qu'on fait de mieux en matière de signal dans la nature : elles disent clairement aux éventuels prédateurs qu'elles sont toxiques comme la peste! L'arroseur arrosé ! Qui a dit qu'Arceus manquait d'humour ? Le jeune homme avait ce don de rire de tout. Et parfois des autres. Je l'avais constaté à maintes reprises, lors de rencontres. Il restait courtois quand il s'agissait d'échanges simples, cependant, quand il sentait que son interlocuteur franchissait une certaine barrière au delà de la simple cordialité, le garçon se rengorgeait dans ses positions, et, pareil à un Medhyéna pris au piège, se mettait à mordre hargneusement. Pas mordre au sens propre ! Ce que je voulais dire, c'est qu'il devenait subitement agressif. En réalité, Drew ne l'avouerait jamais, il avait peur des autres. Peur de ne pas en ressortir indemne. La question que l'on est en droit de se poser, c'est "mais pourquoi raconte-t-elle tout ça?": et bien... cela vous aidera sans doute à comprendre d'ici quelques lignes le pourquoi du comment. C'est confus, mais croyez moi, c'est important. Comme dit précédemment donc, le garçon rêvassait à mes côtés. Mu par je ne sais quel appel, il se réveille brutalement et s'accroupit devant moi, m'ouvrant généreusement les bras. - Saute Iris, je t'emmène au cœur du village! Il est primordial de prendre ses marques et de voir quel lieu se révélera intéressant pour nous au cours de l'été. Il n'y a pas trop de monde à cette heure-ci... ça rendra la visite un peu moins insupportable. Dès qu'il évoquait la foule son visage prenait un air de dégoût. Un brin misanthrope mon Drew. Je m'appuyais fermement contre lui avant d'être soulevé dans les airs; un instant j'oubliais que j'étais rivé à la terre, juste un bout de temps j'avais l'impression d'être aussi légère qu'un Goélise flottant dans le zéphyr impétueux, que des ailes allaient s'épanouir de mon armure pour me permettre de frôler le ciel... D'une voix douce, il me disait: - Je te le promets Iris. Un jour, tu voleras. Je le croyais. Car j'avais appris à l'apprivoiser. Je savais qui il était au fond. Et que son cœur était d'or. Nous sortons ensemble de la hutte B. Profitant de la fraîcheur matinale, nos pas tracent mollement dans le sable des figures fantasmagoriques; le ciel de Touga rougit encore, les nuages passent insensiblement, laissant éclater leurs boucles d'or et d'argent, et, ça et là, le rose colore de petites touches la peinture céleste, comme une œuvre de Monet. Drew me pose délicatement sur le sol; j'enfouis mon corps dans la terre, m'amusant à ne laisser dépasser que ma tête, à la façon des mascaïmans. Il marche sur mes talons d'un pas tranquille, amusé lui aussi de mon manège. L'air est doux, les palmiers rasent l'horizon, le chant des ningales aérien, nous enveloppe... Nous.. nous sommes en plein centre-ville. - Huh? Était-ce à cause de l'atmosphère onirique du Touga solitaire, à cause de notre humeur vaporeuse? Comment avions-nous fait pour ne pas nous apercevoir du brutal changement de paysage? Pantois, nous examinions avec incrédulité les alentours. La place centrale. Voila ou nous étions. Une large fontaine taillée à même la pierre en dominait le cœur; des arbres ceinturaient les bâtiments de leurs épaisses crinières d'émeraude, éclairés par les lampadaires qui allaient bientôt s'éteindre. Déjà de bonne heure, le monde affluait et martelait le pavé. Je levais les yeux au ciel, cherchant sans conviction un nouveau repère. Un... Sabelette, avait grimpé sur un cocotier de plus de quatre mètres de hauteur. Il est fou, il va tomber! Je me précipitais vers le tronc en l’appelant. *Bong* Plus rien. Plus d'images. Tout s'emmêle dans ma tête... ça ne fait pas mal, mais je suis sonnée. J'entends une voix, toute petite, qui bourdonne. Les secondes passent, j'arrive à distinguer la voix de Drew, qui se fait crescendo - iris... iriiiiiiiis.... IRIIIIIS! Iris ça va?! Que s'est-il-passé? Tu as mal? Laisse moi voir ta tête! Un sabelette? C'est ton sabelette qui vient de balancer une noix de coco sur mon pokémon?! Son dresseur se tournait furieux vers le propriétaire du fameux sabelette, le regard noir, fulminant de colère. Qu'allait-il bien pouvoir dire? |
Les Grahyénas du bac à sable Andrew Stansfield / Logan Atkinson Il va craquer. Il va craquer! Il va craqueeeeeeeeer! - T'as jamais vu de Pokémon chromatique de ta vie?! C'est juste une petite variation génétique, il va très bien mon Pokémon! C'est pas possible ça! Il a craqué. En quelques secondes sa bouche venait de déverser un flot de paroles plus haineuses les unes que les autres, lâchant des mots abjects dont j'ignorais moi-même l'existence. Mon dresseur a un vocabulaire très riche. Le dresseur en face, un garçon qui a l'ai foncièrement gentil, essaie de lui expliquer le plus calmement possible la situation, mais il ne l'écoute même plus. Drew a les joues rouges comme une pivoine, sa colère éructe sans qu'il se soucie de la foule qui nous englobe. Si je ne le connaissais pas, je crois que j'aurais déjà pris mes jambes à mon cou... On ne suspecterait pas à ses manières de dandy qu'il soit capable d'une telle hargne! - On ne TOUCHE PAS à une écaille d'Iris! Et on n'essaie SURTOUT PAS DE ME FAIRE LA MORALE! Non Drew je t'en prie, calme toi! Regarde, je n'ai rien, pas même une petite bosse! Et puis tu sais je ne suis pas en sucre! Mes mandibules pourraient briser des poutres de fer, ma carapace est aussi dure que du diamant! Je suis forte, je te le promets! Je pourrais démolir des montagnes, rien que pour toi! Regarde moi! DREW! - Kraaaaa! Deux grands yeux bruns, magnifiques, me regardaient avec incrédulité. Je l'avais pris au dépourvu. Avait-il saisi mes paroles? Le propriétaire de ces deux jolis yeux reprit le flegme anglais qui le caractérise si bien: tout indiquait dans sa posture qu'il avait recouvré son calme, si ce n'est une bouche encore crispée et un sourcil droit qui, indomptable, se mouvait en va-et-vient incessants. Il prenait soin de couver le peu de colère qui lui restait pour revenir à des échanges plus cordiaux. Et croyez-moi, pour la fierté d'Andrew Stansfield ce n'était pas une mince affaire! Les secondes passaient. Plus un mot. Sa voix s'était tarie comme une source désséchée. Caressant mon dos du bougt des doigts, Drew ne pipait mot. Son regard adouci s'était vidé de toute sa fureur, mais il n'en restait plus rien. Une prunelle brune, terriblement vide. Oppressée, je tentais de comprendre ce qu'il se tramait dans sa tête. C'était simple pourtant, Il avait décidé de se murer dans le silence. Le garçon ne savait plus comment maîtriser la situation. D'habitude, quand tout lui échappait, une dispute permettait de mettre fin à la discussion, et par conséquent de résoudre le problème. Le malheur, c'est que Drew était calme maintenant: Drew était perdu. Et Drew avait décidé de s'enfuir. Son corps, matériel, était bien en face de moi, mais son esprit s'était envolé ailleurs. Terry le Sabelette, tel était son nom, était depuis longtemps descendu de son cocotier. Délicatement, il s'était approché de moi, le visage soucieux. Je ne t'en veux pas tu sais, c'est juste un petit accident de rien du tout. Mais dis moi, que faisiez vous? Je discutais avec Terry; c'était un Pokémon très intéressant du reste, qui vouait une passion étrange (obsessionnelle) pour les objets sphériques. Curieux de tout et souvent de rien, il me racontait comment il avait rencontré Logan, l'amitié qui s'était liée entre eux... Pourquoi ne pas faire un duel, me disait-il, cela dissiperait la gêne entre nos deux dresseurs! Il a pas l'air d'aller bien le tien... Tu sais quoi, bonne idée Terry! Drew reviendra peut-être de son apathie... Les deux comparses firent usage de l'intégralité de leur registre vocal pour leur faire comprendre que... L'heure du combat venait de sonner! |
Les Grahyénas du bac à sable Andrew Stansfield / Logan Atkinson Ode à un lion rouge en perdition Je suis le grain de poussière Balayé par les vents chauds Je suis une goutte d'eau Dans la fontaine de pierre Je suis un rayon solaire Couvrant d'un épais manteau Tous les secrets du désert Je suis partout, je suis nulle part Et surtout ailleurs Je suis figé comme une statue de marbre. Que dois-je faire? J'ai l'impression de ne plus pouvoir contrôler mon corps. Si j'avais laissé éclater ma mauvaise humeur ça l'aurait probablement fait fuir. Et je ne serais pas là, à me poser mille questions. J'essaie de soulever mes jambes du sol: impossible. On dirait qu'elles ont pris racine dans le sable. Mon regard fixé sur Iris, je sais que tant que durera ce silence, je ne bougerais pas d'un pouce. Je perçois la voix confuse du jeune homme; son Sabelette fait de grands gestes... Cela réussit, je crois, à me réveiller. Les sons se font plus nets dans mon oreilles, assez pour que j'attrape une phrase au passage: -Terry veut affronter Iris si tu le souhaite. "Un combat?" Je venais de le murmurer si bas que l'autre dresseur ne semblait pas l'avoir entendu. Un combat... *Kronk* - Aïe ! ça fait un mal de chien! Marre, marre, marre! Marre de la parlote! D'un coup de mandibule bien placé, je lui avais brutalement mordu les doigts. Trop cérébral mon Drew! Arceus soit loué, ma charmante attention venait de le tirer de sa torpeur. Ce n'est pas lui qui me disait d'un ton paternaliste: "Iris, il faut vivre ses rêves et non rêver sa vie"? Voilà, il voit que je suis bien ses conseils. Allez maintenant on se remue, on se relève la tête fière, et on se prépare à combattre! Allez, allez! - ça va j'ai compris, tu veux te battre. Je te préviens, c'est la première fois que je participe à un combat, ne t'attends pas à ce que ce soit grandiose... Enfin... ça peut être amusant. Il me gratifia du plus beau des sourires. Voilà ce que je veux voir sur ce beau visage. Garde ton sourire Andrew, je lutterais comme un lion pour que tu sois fier de moi. Assez tergiversé maintenant. Je fais un clin d’œil complice à Terry pour le remercier de son intervention, qui me répond d'un petit salut de la patte. Vraiment sympa, Terry. Tandis qu'une foule de curieux s'amasse autour de l'arène improvisée, Drew et moi décidons de mettre en place brièvement un semblant de stratégie. Non sans surprise, je constate qu'il s'est déjà renseigné sur le sujet: - Il ne faudra malheureusement pas compter sur ta vitesse... tu seras bien trop lente pour inaugurer le premier coup. En revanche, ton attaque ne laisse pas à désirer. La faute à ces mandibules! Tu m'as bien fait mal tout de même... oui je t'en tiens rigueur! Il va falloir essayer de mêler astucieusement tes huit attaques: feinte, jet de sable, morsure, piétisol, coud'boue, éboulement, patience et... tunnel, je me trompe? Hum, j'ai déjà des idées... Bon, assez perdu de temps, en garde! Drew était si consciencieux qu'il avait acquis en peu de temps tout le savoir amoncelé depuis des générations sur les Kraknoix: mode de vie, physiologie, capacités, tout était passé sous ses mains avides, à perte ou à profit. Il m'étonnait de jour en jour. -Moi c'est Logan et lui c'est heu.. Hé ! Tu t'appelles comment ? Dans notre empressement, nous n'avions pas vraiment suivi ce qui se passait autour de nous. On avait juste vu ce vieillard à la barbe solaire s'approcher pour entamer la causette avec Logan. Il avait des des yeux doux, bleus comme du verre poli, des rides sillonnaient ses joues: une chemise d'un jaune fané, un peu trop grande pour lui, le rendait plus chétif qu'il ne l'était. C'était un bon petit vieux, comme on en voit assis sur un banc au bord de mer, à contempler le ressac. Sa voix chevrotait: -On va renouer avec la jeunesse alors ! Juste vos noms s’il-vous-plaît. Gênés. Euh... Comment dire... qu'est-ce-qui s'est passé? Ah, c'est vous l'arbitre, autant pour nous! - Andrew! avait-il dit brutalement, en époussetant soigneusement son pantalon. Il se lève gracieusement; les mains dans les poches, l'amusement lisible sur les lèvres et une lueur incendiaire dans les prunelles, il vient de retrouver tout son aplomb. Je le sens fort, assuré, sauvage, prêt à verser le sang. Nos regards complices se croisent: nous sommes prêts. Fin prêts. - Que le combat commence alors! Je te laisse l'honneur de la première attaque! C'est suspect, Drew est trop bon prince. Tu mijotes quelque chose, pas vrai? |
Les Grahyénas du bac à sable Andrew Stansfield / Logan Atkinson Dans le feu de l'action, Drew et Iris ont généreusement laissé le soin de raconter la suite au narrateur, c'est-à-dire moi. Trop aimables, vraiment, après m'avoir ôté le pain de la bouche. Ahem... reprenons donc. Notre "lion rouge" et sa compagne sont sur le point de livrer un combat palpitant face à Logan et son Sabelette, des adversaires redoutables... ou plutôt deux beaux énergumènes. -Terry attaque euh... Tu connais quoi comme attaques ? Drew se demandait sincèrement si c'était une plaisanterie de mauvais goût, ou si ce type se révélait bel et bien finalement être une andouille de première. Deuxième réponse, mon cher. Un dresseur qui ne connaissait pas les attaques de base de son propre starter... était-ce seulement possible? Et dire que le charmant Illumisien pensait frayer avec la crème de la crème en intégrant l'académie de Lansat... Brillant, vraiment. Au moins, se disait-il, il bénéficiait désormais d'un avantage non négociable sur l'ennemi. Ennemi, oui. Le jeune homme ne distinguait plus Logan d'un pion à éliminer sur l'échiquier. Un château de cartes à abattre d'un revers de la main. La sienne. Non, Drew ne plaisantait plus. Un sourire mauvais défigurait son visage. Il avait senti le goût du sang lui monter à la bouche, comme une fièvre s'emparant de son corps, et sa soif s'assouvirait seulement quand il tremperait ses lèvres dans le calice de la victoire. Vaincre, écraser, dominer! Le lion rouge, excité à la vue de la proie, sentait ressurgir l'instinct sanglant de prédation. Il gagnerait, ou ne serait pas. Heureusement, Iris se préparait déjà à livrer bataille. Que ce serait-il produit si elle avait lu sur le beau visage la sauvagerie de son dresseur, cachée non sans peine sous le masque du gosse de riche désabusé? Ancrée solidement sur ses courtes pattes, la tête relevée, offrant aux rayons du soleil une mandibule plus tranchante que le fer, le bleu de sa carapace exquis comme du verre de Baccara, la Kraknoix se livrait superbe au regard des spectateurs. Le sable n'était pas une gêne pour cette créature habituée aux tempêtes de son Hoenn natal, mais un allié de première qualité. Pour Terry le Sabelette aussi, se disait-elle tout bas. Oh, Iris était à mille années lumière de se douter des sentiments violents qui traversaient de part en part son dresseur; c'était juste un jeu non? Sous le costume, chaque muscle tressaillait d'impatience. Des yeux de chat scrutaient le moindre mouvement en quête d'une faille dans laquelle s'engouffrer. Un geste du Sabelette suffirait à enclencher le mécanisme, et tout se précipiterait comme un rouage en entraine un autre. Le lion rouge voulait feuler: son attention exacerbée se trouvait gênée par des parasites. Une multitudes de petites voix s'égrenaient à travers l'arène, perturbait son ouïe, l'empêchant de se focaliser pleinement sur le cœur de l'action. Sérieux... Pauvre Sabelette... boulet... ils sont drôles! Ils commencent à lui mettre les nerfs à vif. - Vous me gênez... SILENCE! La foule s'est tue brutalement. Avec sa voix qui rugit et ses yeux empourprés, le garçon est devenu effrayant. Drew vient d'arrêter le pugilat, mais pas par bonté de coeur. Le silence est revenu poser son ombre sur l'arène. Le Sabelette se hérisse prêt au combat. Iris pointe sa mandibule acérée, dissuasive. Parfait. Patiemment, Drew attend de voir les lèvres de Logan remuer pour commander la première attaque. D'une voix ferme et pleine d'entrain, le dresseur lance la première salve: -Allez Terry on y repart. Attaque Boul'Armure et enchaîne avec Roulade ! Le Pokémon saisit l'ordre rapidement. Sa tête entame un mouvement vers le bas, s'enfouissant sous le couvert de ses deux membres antérieurs, puis il presse sa queue contre son torse. Ce n'est plus qu'une sphère irrégulière, dont la carapace couronnée d'écailles commence faiblement à luire, comme du métal qu'on polit. Boul'Armure, fait briller le petit Sabelette comme de l'or. Roulade s'enchaine dans la continuité. La sphère d'or dévore l'espace entre Logan et son adversaire et fait pleuvoir le sable en gouttelettes d'ocre sur son passage. Le spectacle était saisissant, mais cela n'émut guère le dresseur en face, qui passait outre les considérations esthétiques. Réfléchir vite, et agir vite. Le temps que Terry entame sa mue, Drew avait déjà planifié sur sa carte mentale la réplique de cette répartie fuselée. Fonce de tout ton soûl, se disait-il. - Kraaaa? Le vif d'or se rapprochait dangereusement. - Pas encore, Iris. Elle n'était plus qu'à quelques mètres. - Kraaaa! - Bientôt! Aie confiance en moi! L'impact était inévitable. Le sable propulsé par Terry éclaboussait déjà sa carapace. Elle recevrait son attaque de plein fouet. Si elle essayait de contrer maintenant, elle pourrait au moins minimiser les dégâts. Mais elle n'en ferait rien. Elle attendrait les ordres de Drew, fidèlement, car elle avait placé toute sa confiance en lui. C'est donc fidèle au poste, que la Kraknoix reçut les ordres tant attendus de son dresseur: - Iris, utilise Tunnel, maintenant! Sans broncher, le starter plongea la tête la première dans le trou béant qu'elle venait de créer à l'aide de ses mandibules. L'ennemi l'avait frôlé de peu. Tout avait été méticuleusement calculé par Drew. Il avait attendu, jusqu'à la dernière seconde, le moment parfait pour esquisser le geste parfait. pris au dépourvu comme prévu par le lion rouge, la boule d'écailles hébétée, avait freiné son élan, n'ayant plus de cible à viser. Logan, décontenancé lui aussi, se préparait à recevoir Tunnel de plein fouet. - Prépare toi Terry, il va venir par en dessous! Aux aguets, nerveux comme jamais, le sol était devenu de manière absurde la menace de ce type sol. Comme prévu, jubilait Drew. Le piège vient de saisir sa proie. Il s'agit maintenant de resserrer une bonne fois pour toutes l'étau. D'un geste de la main, Drew allait finir d'achever le travail. - Je veux que tu sortes maintenant derrière lui! Elle comprenait maintenant. Andrew, tu es un petit futé. Jaillissant de la terre de manière fulgurante, Iris avait maintenant l'avantage de l'angle d'attaque. D'ou elle était, Terry n'aurait pas le temps d'émettre la moindre réplique. - Piétisol ! Gronda-t-il, furieusement excité par la tournure de la situation. D'un coup de pied, elle venait de déclencher un terrible tremblement de terre au cœur de la bataille: les roches s'émiettaient à mesure que les fissures rongeaient la croûte terrestre, clouant le Sabelette à terre et lui brûlant les os. Pas assez cependant, pour entraîner sa chute. Mais ce n'était pas le but de la manœuvre. Désormais, Terry se retrouvait les pieds liés au sol par des couches épaisses de terre. Et oui, Piétisol permet de porter un coup rude à la vitesse de l'adversaire. Iris venait non seulement d'amocher son ennemi, mais aussi de s'assurer un combat à armes égales. Elle avait plus que ses chances. |
Les Grahyénas du bac à sable Andrew Stansfield / Logan Atkinson Drew sentait que ça allait partir en vrille. Il avait plus que jamais envie de jouer... au chat et à la souris. Logan était bien loin d'être un benêt, ça il le reconnaissant sans peine; il admirait même ce très beau coup de poker. Mais.. se cantonner au rôle de la proie, très peu pour lui. Il devait retourner la situation à son avantage. Réfléchir vite, et agir en conséquence... Iris allait bientôt s'aplatir sous les quintaux de terre que Terry était devenu, car sa vitesse de Tortipouss ne jouait pas en sa faveur. Réfléchis Drew, réfléchis... les yeux du lion rouge analysait avec précision le terrain, remarquait chaque détail utile à sa future stratégie. Hum... évidemment. Comment n'y avait-il pas déjà pensé? -Maintenant fait un demi-tour et Kraknoix sera juste en face de toi. C'était ça la clé, bien sûr! Logan guidait son Sabelette à la voix! Le neutraliser, c'était couper tout lien entre le Pokémon et son environnement! Iris pourrait alors s'en donner à cœur joie... Attention, quand le narrateur emploie le terme de neutraliser, il ne s'agit certainement pas de quelques fourberies que ce soit, et encore moins d'un homicide! Le narrateur tient aussi à préciser que l'imagination des lecteurs a tendance à s'emballer trop vite, et.. le narrateur retourne à son travail, c'est bon, il a compris. Il s'agissait donc de supprimer tout contact visuel entre les deux coéquipiers. En voilà une, d'idée. Pour se faire entendre sous le grondement de la bille de terre, la voix de Drew se mit à gronder: - Iris, plonge l'arène dans un gigantesque Tourbi-Sable ! A ses mots, la Kraknoix impressionnée par la témérité de son dresseur, lança d'étranges imprécations, la tête levée vers le ciel. En un battement de cils, d'épaisses volutes de sable s'échappèrent du sol, transformant les ruelles pavées en mer déchainée. Sous la cendre d'ocre, Iris et Terry venait de disparaître, ne laissant aux dresseurs que le bruit de roulis que faisait la boule de roc géante. iris localisait aisément Terry à son tumulte, qui ne pourrait, lui, plus entendre quoi que ce soit sous son épaisse couche de terre. C'était terminé. La mâchoire du lion rouge allait se refermer sans laisser échapper un cri. - Éboulement maintenant... Que la pierre frappe la pierre... Il l'avait murmuré, avec douceur. Des linteaux de pierre se détachaient des falaises avoisinantes, sans un bruit, charmés par l'envoûtement de celle qui les avaient invoqués. Avec grâce, ils convergeaient tous vers l’œil du cyclone, à l'épicentre du nuage doré. Dressés comme des monolithes, ils attendaient maintenant que la magicienne commande l'assaut final. - Kraaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa ! La pluie de pierres s'abattit telle une nuée de météorites furieuses, dispersant l'or du sable, mettant à nu les brumes qui s'étaient formées, taraudant de toutes parts l'ennemi. Un coup de Poker, Drew l'avait tenté. Il ne savait pas si Terry serait touché, car la fumée était encore trop épaisse pour y voir goutte. Sous les décombres fumants de la bataille, la terre avait un instant côtoyé le ciel. Une vision fantastique s'offrait devant le regard ravi du lion rouge. Terry poussait Iris dans ses derniers retranchements, elle avait donné tout ce qu'elle avait. De la fierté, voila ce qu'il ressentait. De la fierté, et un amour sans bornes pour cette boule de courage qui lui faisait entièrement confiance. Peu importe s'ils gagneraient ou pas... Drew était à ce moment heureux, terriblement heureux, de savoir que son chemin se ferait avec elle. Logan, lui, ne se souciait pas de son adversaire. Terry était sa seule et unique préoccupation. Sa voix se fit claire malgré le désordre. |
Les Grahyénas du bac à sable Andrew Stansfield / Logan Atkinson C'est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain, jusqu'à ce que tu retournes dans la terre, d'où tu as été pris; car tu es poussière, et tu retourneras dans la poussière. -Arceus Le Sabelette avait un peu grillé les étapes de la loi divine. Cloué au sol par un monticule de terre, seule la queue en balancier attestait de sa force de vivre. Tenace, il se débarrassa de son manteau improvisé, une feuille de palmier en équilibre sur sa tête, l'air plus volontaire que jamais. Drew comprit que désormais ils allaient jouer le tout pour le tout. Ne pas relâcher son attention, se concentrer sur l'adversaire. Iris était toute tendue vers Terry, prête à répliquer de toutes ses forces. Son dresseur la gratifia d'un clin d’œil. Faisons de notre mieux ! - Kraa! Elle hocha vigoureusement sa lourde tête, la mandibule brillant de tous ses feux au soleil. Le peu d'énergie qui lui restait servirait à mettre un point final au combat, qui durait déjà depuis bien trop longtemps. Enfin, Logan et son Sabelette passèrent à l'action. -Terry. -Saab ? -Utilise Ampleur. Mauvais. Très mauvais ça. Impossible de donner le change face à une attaque pareille, car elle toucherait toute l'arène sans faire de distinction entre l'ennemi et le décor. Décor qui d'ailleurs, semblait tout droit sorti de Ken le survivant, mais sans les punk sur leurs bécanes avec leur doublage exécrable. Ce n'était plus que roche brisée, volées de sable brûlant, terre sillonnée de rides par l'âpreté de la bataille. L'ampleur de la petite créature d'or allait parachever l’œuvre des deux dresseurs, comme une signature au bas d'un tableau de Chagall, marquant à vif le désert mutilé qui les séparait. Ça y est, il va lever sa patte, il va faire trembler la terre de tous ses membres. Le lion rouge ne peut rien faire pour sa protégée, qui va devoir subir le contrechoc. Tiens bon Iris, tiens bon, murmurait-il. Le choc. Un choc pour Andrew, Iris et Logan. Choqués et déçus. C'était tout bon à faire sauter quelques cailloux de leur place. Même pas de quoi faire décoller un Yanma de sa branche. Un sourire fugitif sur le visage d'Andrew, et une lueur d'espoir: Terry était à bout de forces. Une chiquenaude suffirait à le faire valser. C'en est presque comique. Malgré la présence de l'arbitre, Logan se risque quand même à rejoindre son Pokémon sur le terrain. Andrew ne peut pas le blâmer, il aurait fait pareil si Iris aurait été dans ce cas. Mais elle tient bon, la petite Kraknoix, elle ne relâchera pas son étreinte. On entend comme un murmure qui s'élève; Terry et son dresseur sont en train de dialoguer. Le visage du second se décompose... son Sabelette se battra jusqu'aux bout, peu importe les blessures qui lui entaillent la peau. Ses adversaires ne peuvent qu'admirer la ténacité dont il fait preuve. - Pas question de se laisser abattre. Quoi qu'il fasse Iris, rend lui la pareille! Des regards complices s'échangent, la même volonté coule dans leur sang. -Terry...lance Ampleur. La mine déconfite, Logan venait de lancer son ordre à contrecœur. Ampleur? Mais il n'y arrivera jamais! Ses membres tremblent, sa tête, chétive, se balance doucement sous le coup de la fatigue, mais... il y a un quelque chose... il y a une flamme couvée, une flamme qui cherche à dévorer l'arène toute entière. D'un pied furieux, Terry fait danser le sol... Morceaux de roches éparpillés dans le ciel, la terre se fendille sous nos pieds laissant apparaître le cœur révulsé de ses entrailles. En quelques secondes, le monde venait d'être secoué de tous ses pores. Andrew eut à peine le temps de s'abriter la tête en repliant ses mains sur son crâne, flanchant sous l'impulsion sismique. * Sbonk * - C'était quoi ça? Le corps rivé au sol, Drew contemplait les désastres de l'attaque... sur le crâne de Logan. Le palmier n'avait pas supporté la secousse et s'était délesté d'un de ses lourds fruits... Une noix de coco, venait de mettre fin au combat. - Oh non, c'est pas vrai ! Drew accourut, suivi de près par les deux combattants, épuisés mais bien conscients, vers l'unique victime de l'affrontement. Palpant la blessure, le garçon constata non sans soulagement qu'il avait simplement été assommé, et qu'il aurait tout au plus un bon gros bleu pendant quelques jours. - Fiou... C'était... c'était mouvementé. Un rire éclata. Il riait comme un gamin. - C'était le meilleur combat jamais livré au monde ! Tu peux être fier de Terry Logan, c'est un bon Pokémon, il ne te lâchera pas. Le visage de Drew s'était adouci, et en quelques secondes, il était devenu beaucoup plus sympathique. Doucement, il nettoyait le peu de sang qui coulait de sa blessure avec un bandage sorti de son sac. Le vieil arbitre, encore tout siphonné par le tremblement de terre, s'approcha en claudiquant de la petite bande: - Ouah ! C'était Dantesque ! Mais ne refaites plus jamais ça les jeunes, c'est trop mauvais pour mes maux de dos... Bon... Je suppose qu'il n'y aura pas de gagnant aujourd'hui... Mais devinez qui est gagnant pour une bonne partie de nettoyage? Logan commençait à articuler des mots, légèrement revenu de sa torpeur. |
Les Grahyénas du bac à sable Andrew Stansfield / Logan Atkinson Alors que les rayons pâles de la lune baignent le sol déchiqueté, Iris commence à comprendre que cette histoire touche à sa fin. Andrew est à ses côtés, elle se ent sereine : une bataille fulgurante vient de sceller leur pacte, une bataille qu’ils ont porté jusqu’à son acmé, à bouts de souffle. Son souffle, elle le sent, léger, tandis qu’il promène son regard sur les ruines encore fumantes. Le petit vieux est parti, clopin-clopant, riant sous cape à l’idée de l’épreuve qui les attendait. Logan s’échinait comme un beau diable à soulever les gravats, à remettre en ordre la place mutilée par leurs assauts, mais c’était peine perdue ! Il faudrait des jours pour remettre en ordre un tel capharnaüm… Le menton posé sur la manche de sa pelle, son dresseur semblait réfléchir… oui, il avait une idée derrière la tête. - Iris? Il avait ce regard particulier qui ne va qu'à lui, cette espèce de malice espiègle... qui veut toujours dire qu'il y a du roussi dans l'air. Il allait lui demander quelque chose, mais quoi? Parfois il lui prenait des envies farfelues et rien ne pouvait le détourner du chemin qu'il avait décidé de se tailler. Curieuse mais inquiète, elle saisit son murmure dans le creux de l’oreille, paroles folles et sacrées à ses yeux. - Kraaaa.... ? Logan et Terry, interloqués, cessèrent leurs manipulations : Iris venait, sur les ordres d’Andrew, de disparaître de la surface de la terre. Un bruissement, continu, se rapprochait, grondait, s’enflait sous leurs pieds hésitants. - Écartez vous ! Un grand éclat de rire répondit aux inquiétudes des deux compères : Drew tramait quelque chose, et c’était sur le point de se réaliser ! La croûte s’affaissa, le sol trembla, et en un jaillissement une nuée de feu éclatante déversa sa furie : des Kraknoix recouvraient l’arène, dévorant les roches, cicatrisant les crevasses de leurs mandibules sauvages. Cela grouillait, cela grognait de part en part, dans un ébat joyeux de festin et de rassemblement, et cela était venu car une petite femelle bleue comme le ciel les avaient appelés, porteuse d’un message réjouissant : sous l’impact des roches, des pierres rares se trouvaient mises à nus, repas de gourmet pour ces petites créatures friandes de minéraux... En trombe, ils avaient investi la place, en trombe, elle avait repris sa forme initiale. Iris, lovée dans les bras de son dresseur, regardait le spectacle avec ravissement. Le monde était beau, le monde était bien fait. Tout retrouvait toujours sa place. - En parlant de place, je quitterais bien celle-ci... Comme nos amis se chargent du travail... et que j'ai la gorge en feu... Allons donc nous dégotter un café! Tu viens, Logan? Un sourire aux lèvres, Drew venait de briser l'inimité qui avait régné durant tout le combat. Inimité qu'il avait entretenu bien entendu. Mais... il l'aimait bien, ce garçon, avec ses façons atypiques et sa maladresse et... Iris voulait encore un peu s'amuser avec Terry. Pas question de gâcher ça! C'est uniquement pour Iris, hein! Pas pour fraterniser... Qu'il croyait, ce petit gamin fier... En réalité, oui, il l'aimait bien. |
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