« - Tu vas voir, petit, tu vas t’amuser ici. »

Je n’en étais pas vraiment convaincu, mais j’appréciais l’aide que mon grand-père me donnait. On ne se croisait pas beaucoup, et l’idée qu’il m’encourage me faisait plaisir. Ca ne date pas d’hier, avec ma famille à Oblivia, et le reste éparpillée dans tout Kalos, nous ne sommes pas particulièrement proches. En plus, l’ancêtre était plutôt du genre bosseur, et obnubilé par son usine de Pokéballs. Tant que je le tenais, je comptais bien en profiter.

Il avait vu mes devoirs de vacances, et mon hésitation quant à où aller, puisque le travail demandé était une étude sur les interactions entre les différentes espèces vivant dans un même habitat. Aussitôt, il s’était proposé pour m’accompagner, ou au moins me déposer. Il m’avait conseillé plusieurs endroits, parfois en oubliant que je n’étais pas particulièrement doué en combat, et que m’y rendre risquait plutôt de provoquer mon décès dans d’atroces souffrances – au moins –. Nous avions donc opté, après de longues heures de délibérations autour d’un jus de baies bien frais, pour un coin suffisamment riche en Pokémons sans pour autant être dangereux : la Route 22. Un peu loin, certes, mais qui correspondait à nos critères.

Nous étions finalement arrivés à Neuvartault vers midi, et nous avions déjeuné dans l’un de ses nombreux établissements. J’aimais beaucoup l’ambiance de cette ville, très simple et très agréable, et je ne regrettais de ne pas y être passé plus souvent avec mes parents et mes frères. Cierge découvrait pour la première fois la zone, la scrutant de ses grands yeux, et je trouvais ça tout simplement adorable. Il était le seul que j'avais gardé hors de sa Pokéball, car je ne voulais pas être dérangé par Héraclès. Le connaissant, il aurait foncé sur les autres Pokémons sans même réfléchir un seul instant. Après avoir mangé, nous nous rendions enfin à la Route 22. Mine de rien, j’étais impatient de mener à bien ce travail. J’ai toujours trouvé les études de ce genre particulièrement intéressante, et que je puisse en faire une moi-même – avec toute la crédibilité d’un étudiant, certes, mais tout de même –, c’était tout simplement génial.

Un léger vent se faisait sentir, secouant les herbes et les quelques fleurs jaunes que nous pouvions voir et sentir, car elles dégageaient un parfum doux, assez discret mais tout de même présent. Il y a avait deux ou trois dresseurs, mais ils semblaient plutôt partir dans d’autres directions que la mienne. Heureusement, sinon, je me serais senti obligé de leur faire remarquer « gentiment » que certains n’étaient pas des brutes sans cervelles ne pensant qu’à faire combattre des créatures n’ayant rien demandé, et cherchaient plutôt à découvrir leurs relations entre eux ainsi que d’autres détails afin qu’eux, pauvres mollusques décérébrés, puisse les connaître assez bien pour les attraper, quand ils ne se contentaient pas de hurler « PIKACHU ATTAQUE TONNERRE ! » … On me dit que ce n’est pas le sujet ? Bon, alors passons…

« - C’est bon, grand-père. Tu peux y aller, je me charge du reste.
- Ah… Ah bon ? Tu es sûr que tu ne veux pas que je reste ? »

Je voyais dans ses yeux cette espèce d’éclat enfantin, qui m’exaspérait totalement. Ce n’était pas un jeu, bon sang ! Soupirant, je me tournais vers lui, consentant à faire un petit compromis.

« - Je te préviendrai si jamais je trouve quelque chose d’intéressant, et je te raconte tout après. D’accord ? »

Il partit finalement après avoir accepté, un peu boudeur. Mais que voulez-vous, il y a des gens qui bossent, et qui n’ont pas le temps de s’occuper des gamins ! … Euh… Ouais, bon, on va oublier ça immédiatement, et revenir à notre sujet principal. Je posais Cierge sur mon épaule, et sortais de mon sac un bloc-notes et un crayon. J’étais prêt à noter toutes mes observations, et à les illustrer de photos, car j’avais emprunté un appareil en partant de Romant-sous-Bois. Emprunté sans en parler, certes, mais emprunté quand-même… Il me fallait bien du matériel, non ? D’ailleurs, en y réfléchissant, je m’étais habillé sobrement, sans couleurs flashy pour ne pas effrayer les Pokémons, mais si j’avais eu du temps devant moi, je me serais peut-être confectionné un petit déguisement aux couleurs de cette nature pour être sûr ne de pas les perturber. Ce sera pour une prochaine fois, s’il y en a une.

Je m’avançais sur la route, mes yeux passant des herbes, aux fleurs, aux arbres, guettant le moindre mouvement. Mon regard accrocha sur deux longues oreilles grises et au bout brun. Un Sapereau gambadant gaiement, suivi de près par un Excavarenne. Je me demandais comment j’avais pu faire pour manquer ce dernier, vu sa carrure assez remarquable. Sans doute une mère et son petit, qui passèrent sans m’accorder la moindre attention, à ma plus grande joie. Ce spectacle se reproduisit quelques fois, parfois sur le même schéma avec un Keunotor et un Castorno, mais je tombais le plus souvent sur des petits, ayant peut-être échappé à une surveillance parentale, se lançant dans l’aventure seuls.

Mais quelque chose se détacha du reste, comme une couleur vive qui me fit tourner la tête. Un peu plus loin, dans l’herbe, un Hélionceau semblait se préparer à sauter sur le Sapereau qui était à quelques mètres plus loin. Je me rapprochais le plus silencieusement possible, dégainant mon appareil photo pour immortaliser le moment. Dans le cadre et la vitesse de l’action, je n’avais réussi à avoir que le petit Pokémon creuseur de tunnels. Il était rapide, mais pas assez pour distancer son prédateur du jour. Au fond de moi, j’espérais qu’il réussirait à fuir. D’accord, il y a toute la notion de chaîne alimentaire, de loi du plus fort, tout ce genre de choses, mais déjà, je me demandais si les Hélionceaux se nourrissaient vraiment de Sapereaux, ou si la bête cherchait seulement à « jouer » à sa manière en déchiquetant un de ses petits compagnons au hasard.


Cependant, alors que le lionceau s’élançait une dernière fois sur sa proie, celle-ci disparut tout simplement. J’étais au moins aussi surpris que le chasseur, et je regardais ce dernier gratter la terre avec sa patte, puis comprendre et fourrer son nez dans un trou, s’agitant, cherchant à atteindre la bestiole. Elle s’était faufilée dans un terrier, duquel le Hélionceau s’éloigna, l’air contrarié d’avoir dû dire adieu à son jouet. Je faisais quelques pas vers la scène, voulant prendre une photo de l’abri d’urgence du Sapereau, mais tout ce que j’y trouvais était un Insolourdo, qui sortit doucement, et repartit aussitôt lorsqu’il me vit. Ces deux espèces partageaient-elles le même nid ? Je n’y croyais pas vraiment, mais j’avais déjà entendu dire que les Insolourdos avaient tendance à creuser des galeries très complexes, et il n’aurait pas été surprenant qu’un Sapereau s’y glisse en cas de problème.


Je décidais de changer d’endroit, et de m’intéresser aux plans d’eau. Après tout, eux aussi faisaient partie de cette route. Je m’en approchais, et voyait un pêcheur tranquillement installé au bord. Evidemment ! Qui pourrait mieux connaître les Pokémons aquatiques et leur comportement qu’un pêcheur ? Rapidement, j’allais le voir, prêt à noter comme un journaliste ayant aperçu Atalante. Comment je connais Atalante ? Euh… Bon, ce n’est pas le sujet, hein ?

« - Monsieur ! Excusez-moi de vous déranger, je suis élève à la célèbre Pokémon Community, et j’aimerais vous poser quelques questions.
- Oh, mais bien sûr, ma petite demoiselle ! Dis-moi tout ! »

Je ne relevais même pas. Peut-être que ça le motiverait à me répondre. Je commençais à lui poser plusieurs questions sur le comportement des Pokémons Eau ici, ce qu’il avait pu noter des interactions entre les différentes espèces.

« - Ah, bah tu sais, c’est difficile de vraiment savoir ce qui se passe tout au fond. Mais j’peux te dire déjà quelques petites choses. »

Il tendit l’index vers l’eau, me montrant quelques silhouettes de Pokémons qui apparaissaient assez nettement pour que l’on puisse les distinguer de là où nous étions.

« - Les Poissirènes et les Poissoroys s’entendent assez bien. Il n’est pas rare qu’ils se déplacent ensemble, parfois même avec un Magicarpe, mais ils ont un peu de mal. Peut-être que c’est à cause de leur évolution, tu sais, les Léviators sont plutôt colériques… Enfin bref. En général, c’est plutôt paisible. »

Il me montra finalement un petit coin plus reculé, et plus en profondeur. Je me rapprochais encore un peu pour voir ce qu’il tentait de me faire observer.

« - Je peux te dire qu’ils évitent pas mal les Carvanhas, et qu’ils ne s’aventurent jamais sur leur territoire. Ces bêtes-là sont féroces, tu sais. Ouais, elles attaquent tous ceux qui s’approchent un peu trop de ce qui est à eux. Leur zone, ou même seulement leur groupe. Mais à côté des Sharpedos… C’est rien du tout ! »

Je me tournais vers lui, fronçant les sourcils.

« - Des Sharpedos, ici ?
- Oui. C’est plutôt rare, et j’ai dû n’en croiser qu’un ou deux depuis que je viens ici, mais dès qu’ils arrivent, c’est sûr, tous les autres Pokémons fuient ! C’est pas pour rien qu’on l’appelle le « tyran des mers », même si c’est pas vraiment une mer dans le coin… »

Je n’étais pas spécialement convaincu par ses dires, mais j’acceptais de noter ce qu’il me disait. Y avait-il vraiment de telles créatures dans un endroit aussi paisible ? Après tout, la nature avait des mystères qu’il ne valait mieux pas élucider, parfois. Je sursautais quand l’homme me passait un bras autour des épaules.

« - Et tu sais comment ils s’en sortent, les autres Pokémons… ?
- Euh… N…Non… ?
- Eh bah ils fuient ! » lâchait-il en riant et en me lâchant. « Les Sharpedos sont rapides, mais ils tiennent pas les longues distances. Bon, c’est sûr que c’est pas toujours fiable comme technique, mais ça a dû en sauver pas mal ! »

Après de rapides salutations, je préférais m’éloigner de ce drôle de personnage. J’avais tout de même pris quelques photos de Pokémons nageant, et j’étais tombé sur une scène courte mais amusante d’un Azurill sautillant sur sa queue au bord de l’eau, jouant à essayer de rattraper des Poissirènes qui nageaient près de la rive. C’était adorable.


Beaucoup plus que mon grand-père qui venait d’apparaître dans mon champ de vision, avec son air de gosse content et impatient qui n’attendait qu’une chose : entendre l’histoire que j’avais à lui raconter.

« - Qu’est-ce que tu fais là ? Je t’ai dit que je t’appellerais !
- Mais c’était trop long ! Tu as fini ?
- Oui… On rentre. »

C’était désespérant de voir son sourire s’élargir et son pas se presser pour me coincer dans la voiture et me harceler de questions. Mais au moins, ça me permettait de faire mon petit compte-rendu personnel. J’avais déduit de toutes mes observations qu’on remarquait clairement deux types différents de relations entre les Pokémons : une forme plutôt amicale, entre par exemple les parents et les enfants, ou les espèces n’étant pas rivales sur des territoires, des possessions, ou n’établissant pas un rapport de force ou de domination l’une sur l’autre, ainsi qu’une autre plus agressive, qui venait surtout d’une relation de prédateur à proie, et qui pouvait se jouer par rapport à la vitesse mais surtout à la force des spécimens. Cela dépendait bien sûr non seulement des espèces étudiées, mais aussi de l’environnement. Peut-être que des Pokémons évoluant en région désertique seraient plus protecteurs envers de la nourriture ou des lieux à l’abri de la chaleur, du sable ou de toute autre nuisance. Cela me donnait presque envie d’aller visiter d’autres lieux…

« - Oh, trop bien, Alyx ! C’est vraiment intéressant ! Tu m’emmèneras ailleurs ?!
- NON ! »

… J’ai dit « presque ».