Difficile de se décrire soit même lorsque l'on ne peut voir que le noir et le blanc. Comment vous dire que... C'est compliqué. Heureusement, je peux toujours voir mon reflet dans la glace. Je ne le vois pas clairement, et ce n'est qu'un mélange, un emboîtement de nuances de gris, de noir, et d'un peu de blanc, mais je peux toujours le voir. Je suis grande. Plutôt grande. Un mètre soixante-quinze, environs. Mais... Comment vous dire que... cela m'importe peu? C'est vrai, je suis plus grande par rapport à certaines filles de mon âge. Ca peut être avantageux, mais bon... Qu'est-ce que cela va m'apporter? Je ne veux pas devenir Athlète.
    J'ai un poids plutôt svelte. Je pèse environs une cinquantaine de kilos, si ce n'est un peu plus. Ça, par contre, j'y fais très attention.  Je ne tiens pas à peser plus, mon poids actuel me convient très bien. On me dit que je suis trop maigre, mais moi, je trouve mon poids correct, quand je m'observe dans la classe. Est-ce ces nuances de gris qui me trompent? Ces nuances de gris qui sont les seules « couleurs » que je peux voir?

     Quand j'approche mon visage un peu plus de ce qui pourrait le refléter, j'aperçois un regard confiant, déterminé, souriant. J'ai toujours du mal à parfaitement voir à quoi celui-ci ressemble. Je ne vois que le flou de mon regard, qui me permet de déterminer sa nature. Parfois, lorsque je promène ma main sur mon visage, je peux tracer le contour de fines mâchoires. Faisant monter mes doigts, ils se posent sur de petites lèvres. Juste au dessus, je peux toucher un petit et fin nez, que je devine légèrement retroussé sur le bout. Cherchant mes yeux du bout de mon index, je tombe sur de petites paupières, et je continue mon tracé jusqu'à ce que j'eusse fait le contour de mes yeux. Ils sont petits. Et leurs cils sont fins. Mes sourcils le sont aussi. Puis, je monte ma main jusqu'au sommet de mon crâne, jusqu'à ce que celle-ci atteigne ma chevelure. Ah. Je pouvais les sentir, ces longs cheveux, traînant derrière moi sur toute la longueur de mon dos, allant même jusqu'à frotter mes reins. Au toucher, je pouvais ressentir la douceur qu'ils procuraient, cette douceur significatif des années passés à s'en occuper avec soin. Je m'étais toujours dit qu'un jour, ils seraient aussi beaux que ceux de ma mère, parfaitement lisse, doux, et transportant avec eux cette odeur aigre douce si plaisante qui parfumait la pièce à son passage. Aujourd'hui, ils n'avaient malheureusement guère mieux que l'odeur du foin que l'on devait constamment changer avec mes parents.
       Passons à ce que je n'arrive pas à décrire. Leur couleur. Tout comme la couleur de mes yeux je ne saurais pas dire avec certitude quelle est la couleur de mes cheveux. Je me souviens qu'avant de perdre la vue, puis de la retrouver seulement partiellement, ils étaient d'un beau roux foncé, presque brun. Maintenant, on me dit qu'ils sont devenus bruns. Malgré tout... Je n'en suis pas certaine. Comme pour la couleur de mes yeux. On dit que ma pupille est encadrée par deux Iris roses. Roses... Comment des yeux peuvent-ils posséder cette couleur? C'est pour cela que je n'ai pas vraiment envie d'y croire.

      Si je devais ajouter quelque chose en ce qui concerne mon physique, alors je décrirais mon style vestimentaire. Vous me direz « mais comment fais-tu pour choisir tes vêtements si les seules couleurs que tu vois sont des nuances de gris, du noir et du blanc ? ». Je vous répondrais que je me fiche de la couleur. Je m'attarde toujours sur l’esthétique, la façon dont le vêtement est cousu, les vêtements qui composent la tenue. Je détaille les accessoires, et quand ça me plaît, je prend.
      Mes vêtements sont toujours élégants, assez sophistiqués, je dois le reconnaître. Cependant, ils restent discrets. Du moment que leur forme me plaît, du moment qu'elle me convient. Voilà pourquoi je porte souvent des chemisiers rayés, de petites vestes élégantes ou encore des jupes qui sans être longues, ne sont pas non plus trop courtes. Parfois, je porte des shorts. Et je recouvre mes fines jambes de collants. En ce qui concerne les collants, ça, je n'ai pas trop de mal. La plupart du temps ce type de vêtement est noir ou blanc. Ah, oui ! J'ajouterais que j'aime beaucoup les bracelets, serres-tête et ceintures. Une fois encore, je n'accorde aucune importance à leur couleur et leur matière. Du moment que leur forme me plaît, alors je les garde.

   
     Passons au plus dur... C'est pas facile de se décrire soi-même. Déjà, si il y a une chose que je peux vous dire... C'est que je ne vois pas comme vous. Alors oui, vous allez sûrement me dire que je raconte n'importe quoi. Mettez-vous à ma place. Je ne vois qu'en noir et blanc. Enfin, pour être plus précise, les seules « couleurs » que je peux voir ne sont que toutes les nuances de gris possibles, ajoutez maintenant à cela le noir et le blanc. Je ne dis jamais à quelqu'un qu'il est beau, ou que quelque chose est beau, tout simplement parce que je ne peux pas en avoir la certitude avec cette vision étrange.  
     Les gens me demandent comment je fais pour voir de cette manière. Vous savez ce que je répond? Rien. Je trouve cette question stupide. Voir comme ça, c'est comme voir tout court. C'est juste que les couleurs sont absentes, remplacées par le gris, le noir, le blanc. Peut-on vraiment appeler ça des couleurs? Ma vision est floutée, certes. Mais je m'adapte. Et mes autres sens m'aident. Grandement.

     Au niveau du caractère, c'est toujours compliqué de dire ce qu'on est. On se trouve toujours plus de défauts que de qualités. Moi, je me fie surtout à ce que me dise les autres, en ce qui concerne mes qualités et mes défauts. Cependant, je n'ai jamais dis que je ne pouvais pas décrire mes principaux très de caractères! Ceux-là, je les connais parfaitement. Déjà, je peux vous dire que je ne suis pas calme. Et ça, je ne suis pas la seule qui le dit. Je suis plutôt joviale, c'est vrai que je souris souvent. J'ai une grande confiance en moi. Contrairement à ce qu'on pourrait penser, ma vue particulière ne me dérange pas. Je m'y suis faite.
     Cette confiance fait que... J'ai l'impression que rien ne me fait peur. Même les adolescents les plus imposants, les adultes les plus effrayants, je n'ai pas peur d'eux. Quand certaines personnes tentent de m'intimider, je les regarde avec un sourire narquois en leur faisant comprendre que quoi qu'ils fassent, ils ne me feront jamais peur. Oui, je suis confiante. Certains me diront que je le suis un peut trop. Comment ça, je suis prétentieuse? Ça arrive qu'on me le dise, il est vrai. Mais je ne me vante pas... Enfin, pas souvent. Parce que oui, dès que je réussi quelque chose, je ne peux pas m'empêcher de le montrer aux autres. Oui, ça arrive que j'exagère les choses... Je n'y peux rien, c'est mon coté un peu hyperactive.
 
     Pourtant, au premier regard, je peux paraître calme. Et pourtant. Je suis même très survoltée! En me voyant, on peut penser que je suis timide. Non, non, je ne suis pas timide. Sans dire que je suis sociable, je ne suis jamais coincée quand je suis avec les gens. Je n'ai jamais de mal à engager une conversation, même si je peux paraître complètement débile quand je le fais.
      Et donc, pour lier avec le fait qu'en me voyant on me pense timide et calme, on me pense aussi polie. … Personnellement, je ne suis pas d'accord avec ça. Disons que j'ai tendance à ne pas dire bonjour, au revoir, voire même merci, même si l'oublie de remerciements est plus rare. Attention, quand j'entends ne pas saluer, c'est vraiment que je ne salue jamais. Enfin, si, mais disons que je n'ai pas des manières de saluer très... communes. Si vous m'entendez crier « PUNCH », attendez vous à ce que je débarque vers vous et que je vous envoie un coup de poing à divers endroit... Selon la position dans laquelle vous êtes. Vous êtes de dos ? Vous aurez mon poing dans le dos. Vous êtes de face? Vous aurez mon poing... Dans la face. C'est mon coté « violente » qui ressort.

     Je ne suis pas vraiment violente, je suis juste très brutale. Et disons que verbalement, mon langage n'est pas génial non plus. Je suis très franche, et dès que quelqu'un m'agace ou me dis quelque chose de blessant, je lui dis ce que je pense. Et si il continue, je frappe. Je ne m'embête plus, je frappe.
     Cependant, je peux vous dire que j'ai un coté très perfectionniste. J'aime que les choses soient bien faites. Soigneuse, je m'applique toujours à ce que je fais, et ça implique aussi envoyer des coups de poings gratuitement en guise de bonjour.... J'aime ce qui est sophistiqué, soigné. J'aime ce qui est propre, ce qui est gracieux. Je n'aime pas être décoiffée, avoir des vêtements mal arrangés, et en général je n'aime pas non plus voir les autres comme ça. Si je décèle derrière ma faible vue ne serait-ce qu'une chevelure ébouriffée, je ne pourrais pas m'empêcher de faire en sorte de l'arranger au mieux. Et j'aimerais vraiment faire en sorte que les vêtements des autres soient les plus beaux possibles. Je n'aime pas qu'ils soient déchirés, pliés, abîmés...
     C'est donc pour ça que le but que je vise est la coordination. Bon, j'accepte de reconnaître que je peux être prétentieuse sur les bords, parfois... Mais il y a des gens qui disent que j'ai un petit coté charismatique qui me rend attirante. Ca, vous voyez, j'ai du mal à y croire...  On je ne trouve pas ma voix si jolie que ça...

    Si il y a une chose que les autres ne comprennent pas c'est que, j'ai beau pouvoir être prétentieuse, et bien justement, je déteste les gens prétentieux. Ma prétention m’énerve, lorsqu'elle ressort. Mais bon... Je n'y peux rien. Ah, aussi, j'ai tendance à parfois être égoïste. Je peux être arrogante, parfois. Arrogante, et parfois on peut trouver dans mes paroles un coté un peu sadique. Oui, je sors des phrases sadiques, cela arrive.
     Mon attitude, aussi, ne plaît pas forcément à tout le monde. Pourtant je me montre naturelle... Ca doit sûrement être mon manque de tact qui dérange. Mais j'ai réussi à être Leader d'un gang ! Bon, je m'en vante moyennement, maintenant... Oui, je peux parfois être mauvaise. Mais c'est surtout lorsque l'on me cherche. Je suis « taquine », aussi. Enfin, moi, je dirais que je suis surtout fourbe. Je dois avouer que ça m'amuse d'énerver les gens, et voir à quel point certains peuvent être susceptibles me fait vraiment rire. Bon d'accord, des fois je peux être vraiment méchante. Mais ce n'est pas de ma faute, hein...

    Cependant... Et bien, sachez que je n'aime pas la lâcheté. Malgré ma fourberie évidente, je ne me cache jamais. J'aime à regarder en face ceux que j'ai réussi à embêter, comme si je voulais me délecter de leur colère ou de leurs sourires. Je ne suis pas une lâche... Comment ça c'est prétentieux?  Enfin. Honnêtement, la lâcheté est une chose que je n'aime pas.
     Pourtant je protège les faibles. J'essaye de leur faire comprendre en les protégeant qu'ils ne doivent pas se recroqueviller sur eux-mêmes, qu'ils doivent savoir supporter les coups, afin que plus jamais la lâcheté ne soit chez eux un trait commun de leur caractère.

     Pour conclure, j'ai envie de m'orienter vers la coordination. Ça étonne, dès que je le dis. Mais, je l'ai déjà dis, je n'aime pas le sport, et ma vue différente me désavantage. Mais quand je dis que je veux être coordinatrice, on me répète sans cesse que je n'y arriverais pas. J'ai une vue différente alors je n'y arriverai pas. Mais les gens ne savent pas à quel point je m'en fiche. Si j'avais été plus jeune, peut-être que ça m'aurait affectée... Et bien, à l'heure actuelle, ça ne m'affecte pas. Je veux prouver que je suis capable d'être coordinatrice. Quitte à avancer seule, je préfère me montrer comme je suis.

 -C-Comment? Il y a une opération susceptible de la guérir?

-Peut importe qu'il y en ai une... Nous n'aurons jamais les moyens.

    Quand j'étais une petite fille, j'étais insouciante. Je n'avais pas conscience de ce qui pouvait m'arriver, je n'avais pas conscience du danger. Je pensais que, comme j'étais petite, rien ne pouvais m'attendre. La réalité est bien plus différente que l'on ne le pense...
   
     Ma région d'origine est Unys. J'ai vécu dans la petite ville d'Amaillide, ou plus exactement, j'ai vécu dans une petite ferme à coté. Mes parents n'avaient pas énormément d'argent, et en plus d'entretenir la ferme mon père avait un boulot à Volucité, sûrement la ville la plus grande de la région. Comme il devait prendre le bateau pour s'y rendre, ma mère et moi ne le voyions que très peu, seulement lorsqu'il ne travaillait pas.
     Quand je restais seule avec ma mère, je m'occupais des Pokémons de notre ferme avec elle. Une riche amie à elle qui était professeure venait me donner régulièrement des cours, et refusait que ma mère la paye. Cette femme vivait aussi à Volucité, et c'était grâce à elle que mon père travaillait là-bas. Nous lui devions beaucoup de choses. Très vite, je montrais des capacités intellectuelles très élevées. Enfin, c'est ce que cette femme me répétait.  Quand elle ne venait pas chez nous, je passais le plus clair de mon temps à aider ma mère à la ferme. J'étais proche des Pokémons, bien que ma mère avait peur que je m'approche des bovins assez imposant. Elle avait peur qu'il m'arrive quelque chose, et je la comprenais bien. Néanmoins, je ne pouvais pas m'empêcher de lui désobéir, parfois.

     A cet âge là, je voyais toujours correctement. Je m'en souviens bien. Mes cheveux furent d'un roux clair jusqu'à mes trois ans, et à partir de cet âge ils commencèrent à foncer. Mes yeux, quand à eux... je n'avais jamais vraiment retenu leur couleur. Je me souviens que quand j'étais petite, j'avais toujours été une petite fille curieuse, et que personne ne voulait pour amie tant j'étais collante. Pour jouer des tours à ma mère, il arrivait que je me cache dans les box des Pokémons. Je me dissimulais sous la paille, et quand je revenais la voir j'étais couverte de paille. Cela la faisait rire plus qu'autre chose.
    J'étais peut-être trop insouciante, pour mon âge. Parfois, il arrivait que je file à l'extérieur de la ferme, et que lorsque ma mère fermait le portail, je n'étais pas rentrée. A son retour du travail, une fois, mon père m'avait retrouvée endormie devant le grand portail de la ferme. J'avais eu de la chance que ce soit lui qui m'aie retrouvée, et personne d'autre. J'étais si téméraire que parfois je me blessais pour des raisons toutes bêtes. Je n'avais pas peur de courir autour des Pokémons, malgré le fait que parfois je manquais de recevoir des coups de sabot.

    Juste derrière chez moi se trouvait un petit bois, dans lequel j'aimais m'aventurer. Ma mère insistait pour que je ne m'éloigne pas trop, mais il est arrivée qu'une fois j'échappe à sa surveillance. Non, vraiment, quand j'étais une petite fille je n'avais pas conscience de si ce que je faisais était dangereux. Pour moi autant que pour les autres.
    Vous vous demandez sûrement comment ma vue est différente. Et bien... Quand j'étais petite, je suis devenue aveugle. Alors que ma mère s'était absentée un moment, je profitais du fait qu'elle ai oublié de verrouiller la porte à clé pour m'éclipser à l'extérieur. Comme toujours, le grand portail était fermé. Je me dirigeais vers l'enclos des Tauros, et m'amusai à grimper sur les barrières. J'avais fini par bondir à l'intérieur de l'enclos, et comme je n'avais rien à faire je décidai de les nourrir. Et... la suite s'est passée tellement vite que j'ai du mal à m'en souvenir correctement.

    Je m'amusai à courir entre les Pokémons, leur coupelle de nourriture à la main. Sans faire vraiment attention, je suis passée derrière un de ces imposants Pokémons taureaux. Je l'entendais souffler, et j'avais le sentiment que quelque chose n'allait pas. Ce ne fut que quand je le vis gratter le sol d'un de ses sabots que je réalisai qu'il était trop tard. Le Pokémon avait donné un coup, coup sans doutes mal placé, et c'est moi qui l'avait subit. Le coup fut puissant, et étant donné mon poids plume du haut de mes cinq ans je me suis retrouvée projetée contre un arbre non loin du Pokémon. A ce moment là, ma tête heurta le tronc si fort... que je me suis retrouvée inconsciente. Assommée.
    A mon réveil, je sentais bien que quelque chose n'allait pas. J'avais senti ma mère me prendre dans ses bras, mon père soupirer de soulagement, un homme les rassurer... Mais... Est-ce que je les voyais? J'avais beau me frotter les yeux, tout demeurait toujours noir. Étais-je dans un Hôpital? Étais-je simplement chez moi? Je ne voyais plus mes parents. Je ne distinguai plus aucune forme. Juste un néant infini d'obscurité. J'étais terrorisée. J'étais si terrorisée que sur le coup, je n'avais même pas osé dire à mes parents que je ne voyais plus rien. Ce fut quand je posai les pieds à terre qu'ils comprirent que quelque chose n'allait pas. Je me suis effondrée, en pleurs, mes petites mains posées sur mes yeux humides, que la vision avait privé.

-Papa... maman... je vois plus rien...

    Juste après, j'avais expliqué ce qui m'étais arrivée avec le Tauros, brièvement. Tout ce que je pu dire est qu'il m'avait projetée contre un arbre, et que ma tête s'était cognée très violemment contre le tronc de l'arbre. Et puis, je suis restée sur ce qui semblait être un lit d'hôpital, pendant de longues heures. Je pouvais entendre mes parents discuter avec un homme, qui était sans aucun doutes un médecin. Je l'entendis déduire qu'en me cognant brusquement contre cet arbre, j'avais reçu un choc cérébral qui avait heurté mes nerfs optiques. Me faisant perdre la vision. Était-ce les larmes de ma mère que j'entendis par la suite?
    Et puis... Je me souviens qu'ils avaient longuement parlé. Je n'entendais que des murmures, pendant que je restai immobile, sur le lit. Je ne pouvais plus bouger sans craindre de me blesser. Je ne voyais rien, je ne saurais pas où j'irais. Je ne saurais même pas ce que je ferais. Tout en tendant l'oreille, j'entendais le Médecin parler d'une opération, qui serait possible dans quelques années. Et ma mère qui répliquait en disant qu'ils n'auraient jamais les moyens. C'était bien ma mère, ça. Toujours à croire que nous n'allions jamais nous en sortir. Pourquoi est-ce qu'elle était si négative? Enfin... je devais bien avouer que sur ce coup là, elle avait raison. Je me mis à penser que je ne pourrais jamais recouvrer la vue. Pour moi, rien au monde n'était capable de me permettre de revoir à nouveau. Mais pas pour les médecins...

     Pendant cinq ans, je restai très éloignée par rapport aux autres. Mes parents avaient adopté exprès pour moi un petit Ponchiot, pour qu'il m'aide à me déplacer correctement. Mais je préférais restée cloîtrée dans ma chambre. Je restai immobile, capable d'attendre des heures que le temps passe, sans jamais bouger. C'est vrai, après tout, que pouvais-je bien faire en ne voyant rien?
     Ces cinq années fut longues. Un jour, alors que nous étions à table, et que je tentai encore une fois, tant bien que mal, de mordre dans ma nourriture, sans lever la tête vers mes parents que je ne voyais pas, je me décidai de les questionner sur cette opération dont j'avais par le passé entendu parler. Puis, plus rien. Il m'a semblé qu'ils se sont figés. Le bruit du métal contre l'assiette, c'était probablement un de mes parents qui a laissé tombé son couvert sous la stupéfaction. Au final, ils ne me dirent toujours rien. Pourtant... Il me semblai que l'un de mes parents avait hésité.

      Avant d'être aveugle, à l'âge de cinq ans, je voulais déjà devenir coordinatrice. Je le répétai encore à mes parents, même lorsque je ne voyais plus rien. Ils me répétaient sans cesse la même chose. Tu n'y arriveras pas. Tu es aveugle, alors tu n'y arriveras pas. Je le savais bien, que c'était impossible de devenir Coordinatrice parce que je ne voyais plus rien. Mais je voulais au moins qu'ils me laissent un peu d'espoir. Je ne voulais pas qu'ils le démolissent brutalement.
       Au fur et à mesure que je grandissais, j'apprenais à développer les autres sens qui me restaient. C'était compliqué, mais le Ponchiot qu'avaient adopté mes parents me guidait. Et mes parents aussi, d'ailleurs. Mais je ne pouvais toujours pas aider. Je n'y pouvais rien.

      Un jour, Clara, Ma professeure, que mes parents avaient perdu de vue depuis cinq ans, venait de nous rendre visite. Ils lui apprirent alors pour ma perte de vue, remettant en cause l'opération qu'avait proposé le Médecin. Elle demanda alors en quoi consistait cette opération. Moi-même je n'étais pas au courant, et je ne voulais pas l'entendre. J'avais bouché mes oreilles, mais... Dès que je retirai mes mains, j'entendis la voix bienveillante de ma professeure proposer à mes parents de... payer l'opération à leur place. Je n'en revenais pas. Je me demandais si j'avais entendu vrai, ou si j'avais simplement mal interprété ses paroles. Elle était très riche, certes... Mais pourquoi voulait-elle faire ça? Elle n'avait rien, pas de dette envers nous, c'était plutôt l'inverse. Je n'avais pas compris.
     Même si il y avait des hôpitaux un peu partout, ils préféraient me faire opérer dans celui où je m'étais trouvée après que le Tauros m'aie propulsée contre l'arbre. Les heures fut longues, mais jamais je n'eut la sensation de prendre un bateau. On me dit pourtant que l’Hôpital était à Volucité... Quand je suis arrivée au moment de l'opération, il n'y a que ma professeure qui pu rester avec moi. Mes parents, eux, devaient rentrer à Amaillide momentanément. Ils ne me dirent jamais la raison, justement parce qu'ils voulaient absolument que je sois opérée. Pour eux, cela passait avant tout.

     Alors, avant qu'elle ne commence, on m'en expliqua le principe. Le Médecin m'expliqua que j'allais recevoir des gouttes dans les yeux qui les protégeraient de la douleur, au lieu d'être anesthésiée. Et l'opération consistait à me greffer un petit implant rétinien, qui enverrait des signaux électriques à mon cerveau pour me permettre de retrouver une vue correcte. Une rétine artificielle, donc... Les implants sont fixés sous, ou sur la rétine, et sont composés d'électrodes qui simulent électriquement les neurones rétiniens. Le Médecin me dit qu'il avait déjà eu à faire ce genre d'opération, et que l'implant, au fur et à mesure d'être étudié et revu, était devenu encore plus performant. Celui que j'allais recevoir était donc susceptible de me permettre de recouvrer une vision parfaite. Je ne demandai qu'à y croire...
    Je ne sais pas combien de temps dura l'opération. Je me souviens juste qu'à sa fin, je me sentais vraiment mal. Je crois qu'on m'a laissée me reposer. Mais à mon réveil, j'ai pu constater chose. Et là, alors, j'étais heureuse.

    Ma vue semblait être revenue. Mais... Étrangement... je la trouvais différente. Pourquoi voyais-je flou? Pourquoi ne voyais-je que de simples nuances de gris, du noir, et du blanc? Que se passait-il? J'avais beau me frotter les yeux un nombre incalculable de fois, rien ne changeait. Je ne savais pas quelle réaction je devais adopter. Devais-je me réjouir? Devais-je pleurer? Comment ne pas croire que ce que je voyais n'était rien qu'une illusion que me donnaient mes pensées? Au final, je ne put qu'arborer un triste sourire. A ce moment, il n'y avait que le Médecin avec moi. Il m'a dit que je resterais là pour me remettre de l'Opération. Et que je repartirais le lendemain.  
    Pourtant... J'y suis restée plus longtemps. Mes parents n'étaient pas revenus. Je me rappelle juste de la silhouette de Clara, l'amie de mes parents qui fut ma professeure. Cela faisait déjà quelques jours que j'étais à l’hôpital. Alors, je lui demandai où étaient mes parents. Ce fut alors qu'elle m’annonça que, suite à une urgence ils avaient dû prendre le bateau pour rentrer à la ferme. Enfin, pour ça, j'étais déjà au courant. Ce qu'elle m'apprit ensuite me rendit bien plus triste. A ce moment là, je fut anéantie. Mes parents... avaient eu un accident. Ma mère était morte sur le coup, et mon père... Il était à l'hôpital. Clara m'a dit qu'il était dans le coma, et que ce n'était pas sûr qu'il survive. J'avais... j'avais perdu mes parents. Je n'allais sans doutes pas revoir mon père. Est-ce qu'il allait survivre? Alors elle m'a emmenée avec elle. Dans son appartement à Volucité, situé dans un immeuble luxueux. Si elle paraissait heureuse, je pouvais l'entendre à sa voix, moi... elle avait bien cru que je n'allai pas tenir le coup. Elle me donna une chambre, me traita comme si j'étais sa fille. Mais... pendant des semaines, je restai cloîtrée dans la pièce, assise sur mon lit sans bouger. Qu'est-ce que cela pouvait bien me faire, que je vive chez une femme dix fois plus riche que mes parents? En pleurant, il m'arrivait de me questionner. Qu'allait devenir la ferme? Mon père allait-il survivre? Qu'est-ce que j'allai pouvoir faire? Cela m'apportait-il quelque chose, de vivre ici? Lorsque enfin je fut calmée, je commençais à sortir de cette chambre qu'elle m'avait donnée. J'essayai de distinguer les formes, tout en me demandant quelles couleurs ces objets, au delà de ces éternelles nuances grises que je voyais, ils pouvaient bien avoir. J'avais beau le vouloir, le désirer... je n'arrivais pas à être heureuse. Et je savais bien que cela attristait Clara. Elle voulait juste me voir sourire. C'est ce qu'elle m'avait dit. Mais... je ne voulais pas d'une vie de luxe. Je voulais ma ferme. Je voulais mes parents. Je voulais revivre ma vie d'avant...

    Alors... j'avais commencé à errer dans les rues de Volucité. La ville était incroyablement grande, malgré tout j'étais toujours dans l'incapacité de distinguer des formes parfaites. Lorsque j'avais été aveugle, mes sens s'étaient développés. Même si cette vue différente ne m'empêchais pas de me déplacer, j'utilisais tout de même mes sens. Je déprimais tant, que j'avais commencé à devenir violente. Je ne m'en prenais à personne, je frappais juste dans les poubelles, effrayait les passants, piquait des crises pour rien. Jusqu'à... Jusqu'à ce jour. J'errais de plus en plus du coté des ruelles, sans savoir si je m'éloignais trop de l'immeuble dans lequel je vivais. Un groupe était venu m'aborder en pleine rue, me menaçant. Un groupe... Que dis-je. Un gang. Ses membres paraissaient avoir le même âge que moi, sinon une ou deux années de plus. J'avais si peur... que je ne su pas contrôler ma force, sur le moment. Un coup de poing puissant dans la mâchoire de l'un d'eux.    
    J'avais alors senti qu'on me saisissait le poignet. Paniquée, je fis de mon mieux pour me débattre. Quitte à mordre, à donner des coups. Finalement, le gang avait pris la fuite. Je ne savais même pas ce qui m'avait pris. J'étais choquée. J'avais réussi... a me choquer moi-même. Ce fut lorsque j'eus seulement retrouvé mes esprits que je regagnai l'appartement. Clara se jeta dans mes bras, inquiète du fait que je me sois absentée aussi longtemps. Je la rassurai, tentant de cacher au mieux les quelques blessures sur mon corps. J'avais des bleus, quelques égratignures, et mon bras me faisait légèrement mal. Il fallait que je me détende.

    Quelques jours plus tard, j'étais revenue me balader dans les ruelles. Jusqu'à tomber nez à nez avec le même gang. Je n'eus pas compris, sur le coup. Au lieu de s'en prendre à moi... Ils me demandèrent de les rejoindre. Je ne savais que faire. Je me souviens simplement que je tremblais énormément. Et que... Je n'avais pas osé refusé, de peur qu'ils ne s'en prennent de nouveau à moi. Ce fut à partir de ce moment que je devins violente. J'étais provocatrice, mauvaise, peu fréquentable. Mais, ils avaient réussi à me redonner confiance en moi. Parfois, je me demandai tout de même si ce que je faisais était bien, ou juste ridicule et méchant. Aucun doutes que la vérité était que ce que je faisais était idiot. Mais j'avais peur. Et je suis restée simple membre de ce gang pendant un moment. Jusqu'à ce que les membres décident qu'ils avaient besoin d'un meilleur chef. Même le chef actuel lui-même jugeait qu'il n'était pas assez compétent. Alors... ils me désignèrent. Ils ne savaient pas pour ma vue. Si je leur disais, ils me jetteraient sûrement. Mais alors... Pourquoi ne l'avais-je pas fais? Je ne sais pas. Je ne sais pas ce qui m'avait pris, à ce moment, mais... j'avais accepté. Accepté de les diriger. A partir de ce moment, j'avais commencé à changer. Et... Clara aussi.
    J'approchai de mes quatorze ans lorsque j'eu décidé de quitter le gang. Je n'en pouvais plus. Plus les jours passaient, plus je me laissais. Mais j'avais repris confiance en moi. J'étais devenue plus forte, je n'avais plus peur que les autres me jugent. Je n'avais plus peur de rien. Plus peur de personne. J'étais plus confiante. J'étais déterminée. Les semaines qui suivirent, je les avais passées avec Clara. Je continuai de me demander ce qu'était devenu la ferme, ce qu'était devenu mon père. Clara avait bien changé, elle. De jours en jours, je la voyais différemment. Et puis... Quelques semaines après mes quatorze ans, elle vint m'annoncer que je devais faire mes valises. J'ai cru... Qu'elle voulait me jeter dehors. Juste avant qu'elle ne m'accompagne au port de Volucité, elle m'expliqua qu'elle m'envoyait dans une célèbre académie se trouvant sur l'île Lansat, la Pokémon Community. Qu'allai-je pouvoir faire là-bas? Elle me fit comprendre que mes espoirs d'être un jour coordinatrice pourraient être accomplis. Malgré cette vue floue que j'avais, malgré ces couleurs que je ne voyais pas. C'est ainsi que je montais sur le bateau, attendant que celui-ci me conduise dans cette Académie.