Après une note salée au restaurant d’Oliville, Crocrodil et moi avions entreprit de prendre le chemin le plus court pour se rendre à Rosalia. Cela impliquait donc de traverser les bois vers la route 35 en évitant le parc naturel. L’idée d’y faire un tour m’avait effleuré l’esprit, mais ce n’était pas la raison de notre voyage. Et puis, je trouvais cela dommage de devoir entrer dans un tel parc pour capturer des Pokémon, alors qu’il en existait des milliers à l’état sauvage, qui n’attendaient que nous. Avec le peu d’argent qu’il me restait, je ne pouvais pas me permettre d’emprunter un vélo si je comptais faire d’autres activités durant la semaine. Par conséquent, c’était à pied que nous avions commencé notre traversée des bois. Je connaissais bien la région, mais je ne m’étais jamais aventuré seul hors des routes. Un poil excité, je me demandais ce qu’il pourrait nous arriver. Le calme qui régnait en ces lieux me rappelait celui du bois de brume à Lansat. En revanche, il y avait peu de chances qu’ici nous rencontrions un dortoir fantôme, et l’absence de brume était loin d’être regrettable. Au moins, nous pouvions voir où nous mettions les pieds et vers où nous nous dirigions. Par instant, un craquement de branche, un bruit dans les fourrés, me faisait sursauter et guetter un ennemi potentiel autour de moi. Le silence avait du bon, mais dès qu’il était rompu de manière imprévue, cela donnait la chair de poule. Et bien souvent, nous nous effrayons pour pas grand-chose. Il n’y avait rien dans ces bois qui aurait pu nous inquiéter réellement, juste qu’il y faisait sombre et que l’ambiance était parfaite pour le tournage d’un film d’horreur avec des enfants perdus en forêt. Qui a dit qu’Hansel et Gretel était un conte pour enfant ?
De l’autre côté de ces bois, nous tombions effectivement proche du parc naturel, au croisement entre les routes 35 et 36. Nous n’étions donc plus très loin de la maison. J’adressais un sourire à Crocrodil, qui s’était pris des brochettes avant de partir et les savourait en marchant. J’étais vraiment content d’être ici avec lui et j’avais encore plus hâte de le présenter à ma mère. D’ailleurs, pas que lui. Je voulais lui présenter tous mes Pokémon. Du plus récent au plus ancien et en lui racontant toutes les anecdotes que j’avais en commun avec eux. Certains avaient partagé plus d’aventures que d’autres en ma compagnie, mais tous m’avaient été utiles au cours de mon année. Ce voyage à Johto me remémorait beaucoup de souvenirs depuis que j’étais parti de Touga, j’avais l’impression qu’en le réalisant, je faisais aussi mon propre bilan de l’année passée. Et en même temps, je me disais que j’allais vers l’avenir, vers ma seconde à année à l’académie. J’étais curieux de savoir ce qu’elle me réserverait. Les amis, humains comme Pokémon, que je pourrais me faire. Les dresseurs que j’affronterais. Si j’arriverais à passer mon grade 3 et à rattraper certains TopDresseur de haut niveau. A la fois, je me questionnais aussi sur mon niveau par rapport à des dresseurs ayant débuté leur aventure sur les routes. Avaient-ils appris plus que moi ? Combien d’entre eux avaient réussi dans leur quête ? Où en serais-je si j’avais pu prendre cette voie ? En fait, je repensais à Mike, mon frère. Lui était parti, il y a de cela quelques années, de Rosalia pour parcourir le monde. Nous nous étions promis d’affronter ensemble Ho-Oh lorsque nous serions devenus de grands dresseurs de type Feu. Et puis, les choses avaient changé. Je n’étais pas devenu le spécialiste Feu dont je rêvais, j’avais pris la voie de la stratégie quand j’avais compris que ce qui m’intéressait avant tout, c’était de devenir Maître Pokémon. Mon rêve d’affronter Ho-Oh n’était pas parti et j’avais toujours cette passion pour le type Feu en moi, mais dès le départ, j’avais pris une voie différente de mon frère. Je ne faisais que poursuivre dans cette différence, qui ne ferait qu’accroître ma force.
En plein milieu de l’après-midi, le Soleil commençait à se faire moins fort. Nous n’étions plus qu’à une route de Rosalia et mes jambes pressaient le pas. Oui, beaucoup de choses avaient changé depuis mon départ. Mais au fond, je restais le même malgré tout. Les tours de la ville pointèrent doucement le bout de leur nez sur l’horizon, par-delà les arbres et les toitures. Un sentiment d’apaisement m’envahit, tandis que je me sentais enfin chez moi. Je n’étais plus très loin des portes de la ville, quand quelque chose attira mon attention. Un Pokémon qui courrait dans ma direction avec entre ses dents un filet de saucisse qui trainait en partie derrière lui. Sans un mot, il me dépassa et je vis ensuite un homme arriver en criant à sa poursuite.
-Reviens sale cabot ! Rends-moi mes saucisses, voleur ! Il tourna un air intrigué vers moi, puis zieuta vers Crocrodil.
Vous êtes un dresseur ? Je vous récompenserais si vous me choper cette bestiole qui n’arrête pas de venir m’emmerder.-Euh… Oui, je suis bien un dresseur. Je veux bien m’en occuper, à condition que vous ne lui fassiez aucun mal si je le rattrape.L’inconnu râla plusieurs fois, puis sentant qu’il n’avait pas beaucoup de temps pour marchander, il me donna sa parole. Le Caninos s’était enfuit en sortant des sentiers battus de la route. Avec Crocrodil, nous nous lancions à sa poursuite à la place de l’homme. Seulement, avec notre retard et notre vitesse, nous ne pourrions assurément pas le rattraper, ni même le retrouver. J’envoyais donc Braisillon en éclaireur, ainsi que Chacripan pour flairer la piste. Notre cible terrée dans son trou, esquiva l’œil vif de l’oiseau de feu, mais il ne put se cacher à la barbe de l’odorat de notre charmante Chacripan. Démasqué, le Caninos tenta de fuir sautant les buissons comme des haies pour nous semer. Sauf que maintenant qu’il était sorti, Braisillon n’avait plus aucun mal à le suivre à la trace. Après dix minutes de course, il arriva à semer notre troupe à pied, qui attendit de recevoir les informations de Braisillon pour repartir. Ce dernier ne fut pas très long à revenir et notre course reprit. J’espérais qu’entre temps, Caninos ne se soit pas déplacé et ce ne fut pas le cas. Il était bel et bien là… Mais pas seul.
Dans son trou aménagé, qui indiquait clairement qu’il vivait là, notre Caninos s’avérait être une femelle. Et une portée de petits Caninos jouaient autour d’elle et mangeaient les saucisses qu’elle avait volées à l’homme. De toute évidence, nous étions repérés et les petits vinrent se cacher derrière leur mère. Celle-ci se mit en barrage entre nous et eux, montrant les dents à quiconque oserait s’approcher. Je me sentais mal d’avoir accepté cette mission maintenant que je savais les raisons qui poussaient la Caninos à voler. Mes Pokémon n’étaient pas du genre à foncer en solo, mais je leur ordonnais tout de même de garder leurs distances. Je sentis peser sur moi le regard inquiet de Crocrodil, lorsque je m’approchais du trou. Lentement, les mains bien en évidence, je venais au bord du trou. La Caninos ne resta pas passive et me hurla dessus plusieurs fois en faisant reculer ses petits à mon opposé.
-Tout doux, tout doux. Je ne vous veux aucun mal. Regarde. Je fouillais dans mon sac et en tirait des cracottes qui me servait d’encas lors de balades ou de voyages pouvant s’avérer long, tel que celui-ci.
Tu en veux ? Regarde, ce n’est pas mauvais. J’en mordais une, dont je mangeais le bout en preuve de ma bonne foi.
Est-ce que, je peux descendre ?Méfiante, la Caninos n’avait pas l’air de baisser sa garde pour de la simple nourriture. Surtout, quand elle ne devait pas vraiment savoir ce que c’était. Néanmoins, je ne reculais pas pour autant. Montrant les cracottes, qui semblaient plus intéresser les petits que leur mère, je descendais le plus doucement possible dans le trou. Je savais que derrière moi, mes Pokémon devaient paniquer et se tenaient prêt à intervenir au besoin, mais je ne quittais jamais la mère des yeux. Les raisons étaient simples. La première, je guettais l’occasion de pouvoir m’approcher d’elle et de la voir faiblir et prendre confiance. La seconde était ma sécurité. Je ne pouvais pas tourner le dos à un Pokémon présumé hostile et se sentant en danger. Sans gestes brusques, je venais tendre ma main avec les cracottes sous ses aboiements. J’étais déjà content qu’elle ne tente pas de me mordre ou de me cracher une gerbe de flammes à la figure. Puis, je lâchais la nourriture et la laissais tomber au sol le plus près de ses pieds possible. Apprivoiser un Pokémon sauvage était vraiment compliqué, mais je trouvais le jeu intéressant et cela me faisait sourire. Pour une raison inconnue, je voulais l’aider. Je ne savais pas comment, mais j’en avais envie et j’agissais à l’instinct pour y parvenir.
Nous n’avions pas besoin de parler pour communiquer. Elle restait de son côté, moi du mien. Nous étions yeux dans les yeux, à nous observer l’un l’autre. Rien d’extraordinaire ne se passa pendant une bonne vingtaine de minutes. Je m’étais même décidé à attendre assis de voir la suite des événements. Crocrodil ronflait en arrière, s’étant sûrement rassuré. Chacripan et Braisillon étaient silencieux et je ne pouvais deviner ce qu’ils faisaient. Puis, la donne changea. Un des petits s’approchait des cracottes et les reniflait avec curiosité. Son museau, sa bouille, sa queue remuant, il était vraiment mignon. Peu vigoureux, il croqua dans la cracotte, sa mère le surveillant et me gardant à l’œil. Remuant la queue de plus belle, il en reprit et tranquillement, tous vinrent manger dans la demi-heure qui suivit. La mère se refusait d’y goûter, mais elle n’agit pas à mon encontre. Soudainement, voyant l’heure passer et le Soleil diminuer considérablement dans le ciel, je me levais et sortais du trou. Ces mouvements provoquèrent la peur des Caninos, qui me grognèrent dessus jusqu’à ce que je sois à distance. Je les saluais, réveillais Crocrodil et rappelait les deux autres dans leurs pokéballs respectives.
De retour à Rosalia, l’homme ne nous avait évidemment pas attendus et j’en étais heureux. Je me voyais mal lui expliquer la situation pour le moment. Je rentrais donc voir ma mère à qui je fis un gros câlin dès mon arrivée. La surprise lui provoqua des larmes et elle me serra comme jamais dans ses bras. Comme promis, je passais une longue soirée à lui raconter des histoires, lui présenter tour à tour mes Pokémon et à discuter avec elle. Je lui racontais aussi mon voyage et l’histoire avec les Caninos, m’excusant de ne pas être venu plus tôt. Elle comprenait parfaitement et ne m’en voulait pas. D’ailleurs, c’est elle qui me proposa d’aller les nourrir aussi demain et elle me confia quelques victuailles à leur distribuer, principalement de la viande. Le lendemain, malgré ma courte nuit, j’allais voir discrètement les Caninos avec Crocrodil. Etonné de me voir revenir, la mère reprit ses petits sous sa garde et tenta de me repousser. Mon panier était plein de nourriture et je la leur offrais en essayant de m’approcher toujours plus d’eux. Chaque matin, je revenais enjoué et tentait de venir les caresser. C’était toujours compliqué et si au début, j’avais dû esquiver les morsures, aujourd’hui ils ne faisaient que bouger leur tête ou leur corps pour m’éviter. Les après-midi, j’avais fait le tour du coin, revoyant la Tour Carillon, montrant à Crocrodil certains lieux où je jouais étant petit, passant du temps avec ma mère lorsqu’elle ne travaillait pas. Avec elle, nous eûmes plusieurs fois la discussion au sujet des Caninos. Elle disait que je ne serais pas toujours là pour les nourrir et que cette solution suffisait un temps à calmer les habitants qu’ils volaient, mais que cela ne pourrait être permanent. Après avoir demandé au parc naturel et vu pour d’autres hébergements de Pokémon, aucun n’était enclin à accepter les Caninos chez eux pour diverses raisons, dont de paperasserie. Ma mère s’était alors proposé de les abriter chez elle. J’avais refusé en lui disant que cela lui ferait du travail supplémentaire de s’occuper d’eux. A l’inverse, elle m’avait répondu que cela lui ferait du bien. Et qu’elle n’était pas seule, elle avait aussi ses Pokémon à la maison pour l’aider. Je pouvais comprendre cela et le dernier jour, la veille de mon départ, j’avais conduit les Caninos jusque chez moi. Réticents au début, ils avaient fini par suivre à quelques mètres en arrière. La mère précédait les petits et était la plus méfiante du lot.
Arrivés chez moi, ma mère attendait dans l’entrebâillement de la porte. Les Caninos étaient peureux puisqu’ils ne la connaissaient pas, mais je les enjoins à me suivre à l’intérieur de la maison. Nous avions tout prévu pour que leur confort soit maximal et je laissais ma mère tout leur présenter. S’ils devaient finir par vivre avec, elle devait tisser un lien dès maintenant. Moi, je devais m’éclipser car bientôt je ne serais plus là pour eux. Demain, le ferry repartirait pour Touga et je retrouverais mes camarades et les professeurs. Ce soir-là, je fus un peu morose. J’étais triste de laisser ma mère seule à nouveau et puis, laisser les Caninos me faisait mal. Je m’étais pris d’affection pour ces petites boules de poils finalement. Je déteste vraiment les aux revoir, ce n’est vraiment pas juste.
Au petit matin, je partais à la première heure. J’avais salué ma mère la veille et je m’étais préparé à partir tôt pour ne pas faire durer cette peine. Une fois que je serais de nouveau dans le bain des vacances à Touga, tout redeviendrait comme avant. Je devais juste résister durant cette phase de transition un peu difficile. Crocrodil et moi prendrions la route 38 cette fois. Nous avions du temps avant que le ferry ne s’en aille, donc autant en profiter pour prendre un autre chemin. Nous étions au niveau de la sortie de la ville, quand un aboiement, que je reconnaissais entre tous, me fit stopper. Regardant en arrière, c’était la maman Caninos, qui était là. Je ne pouvais rester trop longtemps comme cela, je voulais partir avant que des larmes ne viennent couler sur mon visage.
-Va-t’en !Elle ne silla pas. Au contraire, elle se mit à avancer vers nous. Je me retournais pour ne pas la voir et c’est sa tête se frottant à ma jambe, qui fut la goutte de trop. Mes joues étaient humidifiées par les larmes que je ne pouvais plus contenir. Je me tournais pour la regarder, elle souriait et aboyait joyeusement.
HRP :
Lancer d'une pokéball o/