A son cou, suspendue la délicieuse orbe violette dénichée par Gollum. Un talisman face au géant de glace et de pierre qui menaçait sous ses grands yeux électriques. Une silhouette menue et sauvage qui résistait au Barber avec affront. Elle avait l’attitude droite et fière quand la bourrasque glaciale s’engouffrait dans ses fripes. Adèle observait avec l’effroi enthousiaste des jeunes enfants le Montagne-qui-claque-des-dents. Un peur exquise coulait dans ses veines. La brune ne sentait plus ni ses doigts, ni ses orteils. Elle était devenue sourdes aux gémissements indignés de Zola et aveugle aux autres gosses postés tout autour d’elle. La Givrali était submergée par temps de splendeur. Pour un peu, elle aurait oublié que cet enfoiré de Rivardi était resté posté sur son traîneau monoplace pour mieux les contraindre à adopter la marche à pied. La Faust était furieuse après lui, mais son éclat de rage face à la direction s’était éteint à la simple vision du mont Willia. Bien sûr, la grosse montagne la narguait depuis quelques jours déjà. C’était le seul truc bizarre qu’on pouvait apercevoir depuis les fenêtres du chalet louait par l’académie.
N’empêche que c’était beaucoup plus impressionnant vu de près. Si elle avait était un tantinet superstitieuse ou shootée aux films catastrophes comme ses « petits camarades » : l’étudiante à Community aurait pu penser que cette sortie se terminerait sous une avalanche avec Billy le Saint-Arcanin en guise de sauveur. Au lieu de ça, Adèle songeait à la TERRIBLE histoire d’Hansel et Gretel qui avaient été trompés par leurs géniteurs. Dans la cadre présent, les géniteurs étaient joués par le corps enseignant de l’académie qui avait décidé après l’échec de la Sortie Capture sur l’île de la Boue pour éliminer un maximum de pensionnaires, de perdre à tout jamais les adolescents sur une montagne déserte et glaciale en prétextant "une excursion pour capturer de nouveaux pokémons". Il ne prenait que des élèves volontaires, seulement c’était soit participer à l'expédition bienveillante, soit se retrouver à la merci des élèves frustrés de n’avoir trouvé aucun cadeau l'avant veille. Ils erraient entre les murs de la cabane d'hiver, pleins d'envie et capables du pire, seulement retenu par le regard sévère et attentif des responsables du séjour. Adèle faisant partie des petits malins qui s'étaient trouvés un objet précieux emballés dans du papier brillant et des rubans - bien qu’elle est trop de fierté pour avouer que son paquet, c’était Gollum qui l’avait trouvé au fond d’une benne à ordures -, hors de question de jouer au chat et à la souris avec les âmes avides et « zombifiés » des infortunés.
Elle aurait bien tenté d’établir le contact avec quelqu’un, mais remuer ses lèvres gercées étaient devenus au-dessus de ses forces. La brunette avait les larmes aux yeux à chaque fois qu’elle baillée, la goutte au nez et des cernes violacés. Autant dire que la cadette Faust était à fleur de peau et qu’elle avait prévu de rester à proximité du traîneau en attendant que tous les autres est capturé un nouveau petit ventre-sur-pattes – ou que l’administration les ait définitivement abandonné. Adèle ne comprenait toujours pas l’intérêt de s’encombrer des bruyantes créatures. Constamment affamées, égoïstes ou maladroites, machiavéliques ou débiles, non, il n’y avait vraiment rien à en tirer. Encore que Gollum l’avait surprise en lui faisant don de sa pierre mauve, ses pokéballs – des bizarres, jais et or - et ses médocs. S’il ne l’avait pas fait la dresseuse lui aurait arrachés de force, mais son présent resté un acte généreux. Peut-être l’espoir n’avait-il pas encore totalement disparu ? Riven fit son monologue tranquille au sujet des pertes et des horaires, puis il commanda placidement à la petite troupe de foutre le camp. La Givrali qui attendait ça depuis cinq bonnes minutes, sortie un vieux manteau de son sac pour ne pas s’asseoir directement sur la neige. A peine l’adolescente s’était-elle lovée contre le contre d’un Willia que l’Emolga jaillit de sa capuche le regard noir. Il commençait à s’éloigner devant la parfaite indifférence de sa dresseuse, quand cette dernière remarqua l’éclat d’améthyste brillant qu’il tenait entre ses pattes. Ses yeux s’écarquillèrent alors que l’écureuil s’échapper en riant de façon diabolique.
Créature du mauvais esprit, fils de Darkrai et autres pourritures du monde. Adèle était si remontée qu’elle aurait pu s’en prendre à n’importe qui pour n’importe quelle raison –ou pas de raison du tout. Elle avançait dans la neige à grands pas, ses bottes trop grandes que l’académie lui avaient prêté écrasé le sol en laissant des empreintes régulières. Les longues mèches chocolat de la brunette étaient fourrée dans sa capuche mais ça n’empêchait pas une ou deux rebelles de venir troubler sa vue. Le thermomètre devait avoir largement dépassé le zéro dans le sens négatif et pour ajouter à l’inconfort la montagne était une côte sans aspérité qu’il fallait gravir courbée pour éviter la chute. Dansant dans les branchages le responsable des maux de la Givrali. Une créature étonnement agile qui passait d’un Willia à l’autre, sourire aux babines et absolument pas discret. C’était rageant, immonde, infâme, il fallait qu’il paye de son sang, c’était incontournable. L’esprit revêche d’Adèle était heureusement trop frivole pour que tout cela s’ancre dans la réalité. N’empêche que son jeune rongeur lui en faisait voir des vertes et des pas mûres.
Le froissement des flocons sous ses pieds étaient devenues le seul bruit de fond avec les déblatérations de Gollum à l’arrière et le rire sarcastique de Zola devant. L’ambiance était tendue. La demoiselle revoyait encore le visage scrutateur et interrogateur du grand Manitou avant qu’elle lève le camp pour récupérer son précieux – fait qui confirmait que son Chovsourir était probablement la réincarnation de l’abject hobbit. Cette pensée la fit frissonner. Il fallait presser la marche, combien de temps avant que le traîneau de Cerfrousses ne repart en sens inverse les abandonnant à la merci de la diabolique montagne. L’écorce sombre des Willia semblait vieille de cent ans et la Bise qui gémissait dans leurs branches glacés était comme un mauvais présage. La cadette Faust accroché ses doigts rougis et meurtris par les crocs acérés du froid aux branches pour ne pas perdre l’équilibre. Pliée en deux, elle allait comme une forcenée incapable de lâcher la cible ocre et jais des yeux. Son sac pesait lourd et une sueur froide dégoulinait sur ses tempes à cause de l’effort.
Le mesquin chapardeur continuait à se balancer – et s’en balancer. Il y avait chez lui une vive énergie vouée à obscurcir le quotidien de ses proches, une force accentué par son mécontentement et sa vive aversion pour ce tout qui ressemblait à du gel. Sa dresseuse était un peu sa seule distraction lors de ce cruel voyage où le porc intellectuellement diminué avait été le seul à trouver un cadeau. Il ne l’admettrait pas, mais l’Emolga était jaloux de la bête porcine qui avait eu le privilège de s’attirer un regard favorable d’Adèle au moment où il lui avait tendu le paquet. La brunette était si rigide et puérile qu’un tel geste semblait plus inaccessible que le sommet de ce mont. Le cri aigu et reconnaissable du petit bout de femme dont il était le starter l’arrêta un instant dans sa course. Elle faisait face, vacillante mais encore vivante, ses yeux sarcelle plein d’une colère passionnait avec dans main gauche une barre chocolatée brandit comme un drapeau blanc.
« Zola ! Energumène puant ! J’ai la bouffe donc j’ai le pouvoir, rend-moi le précieux où tu peux dire adieu à ce délicieux Twix ! »
L’écureuil bicolore ricana. Perché à la cime de l’immense Willia, il la narguait. Quel crevard. La Givrali le fixait avec colère, elle détestait en arriver là. Sa nourriture était un bien précieux dont elle ne faisait pas don, sauf à son frère parce que l’observait manger c’était l’extase pour la petite fille qu’elle était. Si le vil animal voulait compliquer sa vie, il y parvenait parfaitement. D’autant plus que Gollum avait beau être respectueux, il ne valait pas mieux que les autres face à un bout de chocolat. Le chauve-souriceau plein d’une ardeur nouvelle, voltigeait autour de la paume brandit de sa maîtresse. Sa maladresse naturelle l’empêchait de parvenir à ses fins, mais suffisait à agacer sa dresseuse. Rah, elle allait l’assommé cet abruti là aussi ça allait être vite vu. N’aurait-il pas pu se rendre utile et récupérer le précieux pendentif ? On entendit des branches gelées se brisées, on sentit comme une présence, un danger. Le cœur de la brunette battit plus vite, l’air siffla et un projectile tourbillonnant traversa le ciel. Le dit projectile percuta la gâteau que l’académicienne s’efforçait de soustraire aux piquets de Gollum et le fit tomber par terre.
L’héritière Faust pivota et tenta de s’accroupir pour préserver son bien, consciente que ce n’était certainement pas un incident hasardeux. Ses doigts se refermèrent sur le papier doré de l’emballage et elle retint in extrémiste la gourmandise près d’elle. Un duel de regard s’était engagé entre elle et le mauvais esprit de la montagne-qui-claque-des-dents. Une étrange physionomie, grasse et basse, l’être était bipède et recouvert d’écailles noisette. On ne voyant rien d’autre que ses yeux naïfs car il portait le crâne d’un mort sur sa tête. Une bête qui faisait froid dans le dos. Impossible de sa savoir s’il était bon ou mauvais avec son masque mortuaire et ses yeux n’exprimaient qu’une volonté placide ou peut-être un amour débordant. Adèle était nulle à ce jeu-là. Un pokémon vous regarde, point. Il ne ressent rien sauf si vous avez de la nourriture dans les mains, dans ce cas, ces trois neurones s’agitent pour tenter de récupérer de quoi se remplir la panse. Puisque ses pokémons ne semblaient pas disposé à l’aider dans cette lutte très inégale, où – elle oubliait de la précisait – son adversaire tenait un fémur qui devait le double de son crâne, Adèle décida d’employer la diplomatie.
« Ecoute… Euh… »
L’ipok, bordel l’ipok !
« Habitant de la montagne ! Ceci est MON chocolat. J’en ai besoin pour négocier avec le truc noir, jaune et blanc qui ressemble vaguement à un rongeur et qui peut planer. Donc, tu vas gentiment le lâcher, en échange de quoi… Tu garderas le souvenir d’une rencontre pacifique. »
C’était peu convaincant. Vraiment peu convaincant, mais Adèle n’avait rien de mieux à proposer. Et puis merde, elle n’était pas ambassadrice pokémon.
Les créatures préhistoriques n’étaient pas spécialement connues pour leur intelligence. C’était un peu en cela que résidait l’espoir d’Adèle. Elle bravait la peur suscitait par la matraque de l’étranger avec ce petit bout d’inconscience qui lui criait qu’un Pokémon était suffisamment abruti pour croire en ses paroles. Mais les petits yeux noirs et malins de la bête ne trompaient pas, elle ne lâcherait pas son bien. Même Zola, cet ignoble individu, observait avec une curiosité sadique le déroulement. Il avait toujours entre ses pattes le précieux bout de cristal violet et s’amusait de voir la course prendre une tournure aussi inattendue. La pression semblait s’accentuée sur les barres chocolatés de la cadette Faust, ces froncements de sourcils et ses grimaces torturées laissé son vis-à-vis indifférent. Au contraire ce dernier gagnait en détermination et en poigne à chaque seconde. Pour ça la brunette l’aurait volontiers écrasé à mains nues, mais le fémur était trop inquiétant pour qu’elle se risque dans ce genre de lutte inégale.
D’une torsion, la Givrali tenta de faire glisser son bien hors de la dextre du mini dinosaure. Un craquement résonna et l’héritière songea avec fureur à sa friandise désormais réduite en bouillie au travers de l’emballage. La gamine avait presque envie de lui abandonner de dépit, ce à quoi elle ne put se résigner en rencontrant le regard moqueur de son Emolga toujours perché dans les arbres. En colère contre lui et le « truc » dangereux qui venait lui pourrir la vie au mauvais moment, elle brailla de sa voix de fille capricieuse :
« Bon allez ! Tu donnes maintenant ! C’est nul ce que tu fais ! Pense aux petits enfants de Bourg-Palette qui crèvent la dalle ! »
Mais la créature s’en fichait. Bien au contraire, elle tira violement sur le chocolat à son tour, l’arrachant des mains de sa propriétaire. Sur le visage de la demoiselle s’étala une expression de frustration vexée. Le macabre animal n’en resta pas là, il leva haut sa masse. Et cette fois ce fut un frisson de terreur dans l’échine de la brune. Tout doux bijou. On se calme tout de suite, inutile de devenir méchant. Adèle sentit juste un souffle près d’elle et préféra lâchement fermer ses yeux face à l’inévitable. Aussi, l’absence de douleur la mortifia. Elle était morte ? Si vite ? Oh non ! Quel foutu karma tout de même. Le bruit violent d’un choc suivi d’une plainte familière titilla sa curiosité jusqu’à ce qu’une de ses paupières s’entrouvrent. Le chapardeur était de nouveau face à elle, avec le gâteau dans une patte et son os dans l’autre. Il abordait la même expression stoïque qui mettait la jeune dresseuse mal à l’aise. Mais… si ce n’était pas elle qui avait encaissé le coup… se pouvait-il qu’il s’agisse d’une pauvre victime dans son dos, foudroyé par l’implacable boomerang du dinosaure ? Pour la quinzième fois la petite Faust fronça les sourcils d’incompréhension. Elle pivota pour voir le petit corps étendu dans la neige de son starter. Inconscient, mort ? Un sourire naquit sur les lèvres de la jeune femme, mais elle se rappela bien vite à la raison, cette bête était increvable. L’académicienne courut vers l’écureuil, faisant crisser la neige dans sa course. Elle arracha le pendentif des pattes de ce dernier et tout contente brandit son précieux. Aussitôt Gollum, dont le courage n’était pas la plus grande qualité fit sa réapparition, surement persuadé qu’il n’y avait plus de danger.
Le dangereux mercenaire morbide lui était sorti de la tête. La brune regardait avec satisfaction les reflets améthyste de son caillou précieux. Elle était obligée de l’agiter dans l’air pour le soustraire aux regards avares de son partenaire. Le froid mordait sa peau laiteuse lui rappelant à quel point être pommé sur une montagne glaciale à la merci du monde rude et sauvage pouvait être dangereux. Oui, il fallait se dépêcher de retrouver le traîneau de ce vicelard de Rivardi avant de finir comme la petite Gretel de l’histoire. Elle rangea l’orbe dans sa poche et attrapa Zola par une oreille, comme les enfants attrapent leurs vieilles peluches pour les ramener. Tout aurait pu rentrer dans l’ordre si en se retournant, la cadette Faust n’avait pas été obligé de se rappeler qu’ils y avaient un intrus. Au lieu de s’enfuir avec son butin, comme Adèle le présumait. Ce dernier était resté, ses prunelles fines et intelligentes guettant les mouvements de ce bout de chair humaine qui semblait passé d’un sentiment à l’autre sans palier.
L’académicienne à sa vue préféra hâter le pas. Tant pis pour le chocolat, il était foutu de toute façon. Le regard concentré de cette créature la dérangeait, comme s’il y avait plus que l’hystérie de Zola ou le néant de Gollum à l’intérieur de ce crâne. Il fallut bientôt se rendre à l’évidence, le pokémon la suivait. Si ça avait un Chenipotte, elle l’aurait probablement écrasé à grand coup de boots mais ce n’était pas le cas. Autant dire, que l’air était chargé d’une tension palpable et que la dresseuse angoissé pas mal sur les intentions de la bête. Le dino avait quand même mis Zola au tapis en un unique tir. N’y tenant plus, la brunette se retourna. Les traits crispés, sa voix que le stress rendait agressive, les pupilles étrécies.
« T’as mon chocolat tu peux me lâcher maintenant tu sais. J’y suis pour rien si t’as pas d’ami, moi.
_ Chôv ?
_ Non, Gollum, c’est peut-être un pokemon déséquilibré qui en veut ta vie, fais marcher ton instinct de survie un peu. »
Pourtant même avec ses bonnes paroles, leur « rencontre » ne les lâcha pas. Au fur et à mesure qu’il redescendait la montagne, Adèle gagnait de l’assurance face à lui. Il n’en voulait pas à leur peau, sinon son cadavre serait sans doute déjà enseveli dans la neige. Peut-être avait-il perdu son chemin ? Où bien était-il atteint d’une maladie gravissime qui le poussait à suivre le premier venu ? Au bas de la montagne, sous les gémissements porcins de son esclave de compagnie et le sentiment qu’un garde du corps armé d’un fémur faisait toujours bonne impression, Adèle soupira. Elle tendit une sphère rouge et blanche sur laquelle la bête apposa sa patte, toujours en silence. Peut-être la créature était-elle dépourvue de la parole. Tant mieux, ça la changerait des deux autres.