Un grognement s'élève, discret. Rien ne bouge pour autant.


Un oreiller vole à travers la chambre, inefficace. Mais rien ne se passe.

La mélodie s'élève dans les airs, sans interruption cette fois. Le grognement reprend alors qu'un bruit sourd se fait entendre. Plus de petite musique. Il déteste les petites musiques. Surtout celles du réveil.

Comme tous les matins, William met une dizaine de minutes avant de sortir de son lit. Comme tous les matins, son réveil se retrouve sur la moquette. Comme tous les matins, les pieds de Will ne sont pas d'accord et chacun tentent de mettre un chausson, parfois différent, parfois le même. Comme tous les matins, il finit par donner un coup de pied dans ses pantoufles, se retourne un orteil au passage, marmonne un juron et se dirigent finalement vers la salle de bain où le carrelage froid achève de le mettre de mauvais poil. Il déteste le carrelage froid.
William n'est pas du matin. Malheureusement pour lui, il y en a un chaque jour. Alors il se lève, s'étire du haut de son mètre soixante-quatre, passe une main dans sa crinière ébouriffée comme jamais et se dirige vers la douche où il y reste une bonne vingtaine de minutes. Il lui faut au moins ça pour enfin se réveiller. Quand il en sort, bien au chaud dans son peignoir, c'est pour se diriger vers le miroir où son reflet lui tire généralement une grimace. Parce que ses cheveux ont l'habitude de faire la fête sans lui et que cela le met toujours de bonne humeur de devoir démêler les nœuds. Oui, il aime l'ironie. Il la manie avec son humour pince-sans-rire qui ne fait rire que lui. Et son Kokiyas... En parlant de son pokemon, Will jette un bref coup d’œil dans son dos, avant d'afficher son premier sourire de la journée. Il ne peut être qu'attendri à la vue de son Bunker qui s'est rendormi sous la douche. Complètement gaga de son pokemon ce mec. Comme il le sera pour n'importe quel membre de son équipe. Sauf que ça ne colle pas trop à son image de petite teigne et qu'il en prendrait un coup dans l'ego si on le surprenait à chatouiller son Kokiyas avec une expression niaise collée à la figure. Manquerait plus que ça.
Retour au miroir enfin satisfait, le peigne qu'il tient à la main ayant fini de lui arracher les nœuds de sa superbe tignasse rousse qui lui arrive au milieu du dos sans une seule ondulation. Pas courant pour un garçon, ça soulève parfois quelques critiques, mais William n'en a strictement rien à battre. Comme si, lui, il pouvait être atteint par une remarque d'une personne lambda. Il en faut plus pour le toucher, les avis des autres ne l’intéressent que peu lorsqu'il s'agit de sa personne. S'en prendre à ses proches le fait par contre réagir au quart de tour, mais ce n'est pas avec sa force de ptitard qu'il va faire mal. Bon, si, il est tout de même capable de frapper fort, mais il n'a pas vraiment la musculature qu'il faut pour s'engager dans un rixe et c'est de toute manière trop dangereux, il pourrait abîmer son beau visage. Voilà pourquoi il préfère les combats pokemons. Ou mieux encore, les concours.  
William est coquet et un peu narcissique, il l'avoue. Il passe chaque matin sur sa peau blanche de la crème hydratante. Ses longs doigts fins aux ongles colorés suivant son humeur massent pendant quelques minutes son visage, ses pommettes qu'il sait hautes, ses joues qui rougissent bien trop facilement à son goût, ses tempes et son front caché régulièrement par quelques mèches de cheveux. Il aime qu'on le remarque le Will, qu'on se retourne sur son passage. L'anonymat, très peu pour lui. Il prône l'originalité, avec une pointe de superficialité et beaucoup de personnalité. Il est unique, il veut l'être. Sortir des conventions, marcher juste à côté de la norme. Il aime détonner juste ce qu'il faut pour ne pas se confondre au paysage urbain. Mais pas trop non plus, il n'assume pas encore jusqu'au bout. Trop jeune.
Son nez se retrousse élégamment alors qu'il fronce les sourcils. Mouai, ça va. Plus que le dernier détail, seul truc sobre chez lui dirait sa sœur : son cache-œil noir. L'ado préfère le porter, sans il se sent démuni, même si dans les faits il n'en a pas besoin. Son œil droit est totalement aveugle depuis la naissance et cela met mal à l'aise, lui le premier. Alors il le couvre et fixe les gens de son œil orangé pailleté d'or. Et cela fait longtemps qu''il n'est plus dérangé par cette particularité, une de plus une de moins dirait-on. Un haussement d'épaules plus tard et le voilà devant sa penderie. Le dilemme de chaque début de journée, que mettre. Face à lui s'étale des dizaines de vêtements, tous plus colorés les uns que les autres. De toutes les formes, de toutes les matières. Ils sont impeccablement rangés, triés et pliés avec soin. Maniaque peut-être, perfectionniste sans aucun doute. William ne supporte pas le désordre, tout comme la médiocrité. Extrêmement pointilleux, il s'investit dans ce qu'il fait au maximum tant qu'il est convaincu du potentiel de l'action. Il en demande autant à ses proches, camarades comme pokemons. Au contraire, il ne travaille jamais pour rien. Ou alors avec toute la mauvaise foi possible.
Avec Bunker sur son épaule, Will choisit enfin ses vêtements. Pantalons rouges à bretelles turquoises sur chemise blanche. Avec une paire de chaussure en cuir qui auraient coûté une bonne partie du salaire de papa et maman s'ils n'étaient pas pleins au as. Autant en profiter, il ne faut pas bouder ce qu'on possède. De toute manière, ce n'est pas comme s'il prévoyait de gagner trois fois plus à l'avenir, lorsqu'il aura enfin réalisé ses grands projets. En attendant, il coud ses vêtements et parfois quelques babioles à son Kokiyas. Il aurait bien voulu lui faire faire un piercing à la langue à son pokemon, mais il avait abandonné l'idée face à la tête de celui-ci.  
Prêt à sortir, l'ado s'asperge d'un léger pshiit de déo, met sa besace dans laquelle repose un cahier de notes, quelques crayons et la pokeball de Bunker, recale bien ledit pokemon sur son épaule et se saisit de son ipok, claquant la porte derrière lui. Un bonjour enjoué à peine hypocrite pour le voisin, une grimace dans le dos de la petite dame qui râle encore après ces 'jeunes défroqués', un clin d’œil à la demoiselle au toudoudou serré dans ses bras et le voilà parti.