En cette belle matinée de week-end le parc resplendissait de beauté, emmitouflé dans sa rosée matinale, que seule la caresse du vent frais de l'aube savait déshabiller. Il régnait dans ce lieu une ambiance à part, comme si cet endroit évoluait dans un univers parallèle au nôtre, plus doux, plus poétique, plus beau. À l'instar d'un pays féérique, où ne se mêlaient que tendresse, douceur et volupté, cet espace rayonnait de l'essence même du bonheur. Ici ne se croisent que...

- SATAAAAAAAN ! Rends moi mes chaussures, saleté ! Tu vas les cramer-yo !

Ouais. Désolé pour l'effet pseudo-poétique. Mais bon, tout allait bien dans ce parc, c'est la vérité. Sauf que Satan avait eu la bonne idée, dès que j'avais ouvert la porte de ma chambre, d'attraper mes chaussures et de se tirer avec celles-ci dans la bouche. Ce petit diable était de nature très farceur, mais lorsqu'il se décidait à m'embêter dès le matin, il devenait carrément saoulant. Il avait, bien évidemment, eu la bonne idée de faire cette blague le jour le plus froid de la semaine et mes pieds nus directement en contact avec la rosée commençaient à geler, bien que j'étais en train de courir comme un dératé après le petit Malosse déchaîné. Bien que très jeune, il courait déjà aussi vite que moi, voire même plus vite, ce qui devenait très embêtant dans ce genre de situation. Malheureusement pour lui, il était aussi très distrait et maladroit, ce qui le mena à sa perte. Il se retourna pour voir où j'en étais et sa patte se prit sur une pierre, l'entraînant dans une roulade de plusieurs mètres, abandonnant mes chaussures au passage. Sans réfléchir je me jetais sur lui, l'attrapant fermement entre mes bras pour l'empêcher de bouger. Afin de lui faire comprendre mon mécontentement sans pour autant lui faire mal, je me mis à lui frotter vivement le crâne avec mon poing, ce qui eut pour effet de le calmer immédiatement. Il m'adressa même un regard doux, me signifiant qu'il s'excusait. Très fier de moi et de ma réaction, je m'exclamais haut et fort :

- Et bah ! Tu vois quand tu veux que tu peux être sympa-yo! C'est quand même pas toi qui va faire la loi avec m... WAIIIIIIIIIIIIE !

Il m'avait mordu la main ! Enfin, mordillé. Mais le problème c'était la chaleur à l'intérieur de sa bouche, qui m'avait laissé une trace noire sur la main. Il était reparti tel un voleur, sans les chaussures, simplement par défi cette fois. Je m'emparai de mes chaussures, les enfilant aussi vite que possible. J'avais soudainement très chaud à l'intérieur de mes baskets, réchauffées par l'haleine de Satan, ce qui ne m'empêcha pas de partir à la poursuite du petit délinquant. Celui-ci courait très vite, loin devant, semblant me narguer en faisant de grands sourires. Mais, comme vous le savez, l'histoire se répète toujours et cette fois-ci ne fit pas exception. Mon petit Malosse se retourna une fois de plus, cherchant à me provoquer encore plus. Je l'avais presque rattrapé, fonçant tête baissée, quand je le vis s'arrêter net, comme s'il s'était cogné à un mur. Emporté par mon élan, je n'eus pas le temps de réagir et je vins m'écraser de la même façon que lui. Simplement, le mur n'en était pas un. Il était mou et particulièrement froid. Lorsque je rouvris les yeux, je vis une peau blanche comme l'ivoire, entièrement recouverte de poils. Levant alors le regard, j'aperçus, caché dans le reflet d'un rayon de soleil, ce que je crus identifier comme un croissant de lune, noir comme la nuit, bien que légèrement bleuté. Prenant conscience de ce que j'avais cru voir, je me reculai sur les fesses en me servant de mes mains, afin de vérifier mon intuition. C'est là que j'eus la confirmation qui allait changer le cours de ma journée. Il était là. Après 4 ans à l'étudier, à l'observer à la télé, à apprendre par cœur ses mouvements, ses cris, ses attaques, il était là. Absol, le Pokémon Désastre, Seigneur, s'il en est un, des Pokémon Ténèbres. Un des Pokémon dont j'étais devenu fan en regardant les compétitions Pokémon.

- WAAAAH ! Pardon ! Pardon, pardon, pardon, pardon ! Milles fois pardon Seigneur Absol ! Je ne voulais pas vous blesser-yo ! Dites moi si je peux faire quelque chose et... yo ?

En me relevant j'eus une nouvelle surprise. Le Maître Absol était accompagné d'une jeune femme possédant de longs cheveux bruns. Je me demandais qui cela pouvait bien être. Elle me regardait fixement, comme si elle m'en voulait. Ça y'est ! J'avais compris ! C'était sa servante et elle m'en voulait car j'avais abimé le pelage soyeux de son patron !

- Désolé mademoiselle-yooo! Je voulais pas abîmer la toison de Maître Absol, c'était un accident-yo. Vous êtes sa servante, sa toiletteuse ? Peu importe, je comprends que vous m'en vouliez, je ferais le nécessaire pour me faire pardonner-yo !

Rester à l'intérieur était une bonne chose, mais parfois il faisait toujours bon de sortir. Même en plein froid. Croyez-le ou non, mais Lyra préférait sortir lorsque le climat hivernal se manifestait. Habituée à vivre dans une ville où il neigeait très souvent, l'adolescente s'était familiarisée avec le climat d'Aufrac-les-Congères lorsqu'elle était enfant. A force de constamment sortir sans autorisation, dans le froid et la neige, elle avait fini par s'y habituée. Et bien qu'il n'y ai justement pas la moindre trace de neige, le climat glacial, lui, était bien présent. Emmitouflée dans un long manteau, le cou enroulé dans une épaisse écharpe, la Givrali avait décidé de prendre l'air en cette matinée. Seuls l'accompagnaient Teigne, perché sur la tête de l'adolescente, et Mist, fidèle à sa chère dresseuse, qui marchait près d'elle comme si il veillait sur la brune. Les périodes où le parc retrouvait son calme et sa sérénité étaient celles que préféraient la Givrali. Elle n'appréciait pas tellement lorsque l'endroit était bondé de monde. Le plus souvent cela la mettait mal à l'aise, l'agaçait voire la faisait entrer dans une colère certaine. Elle n'avait hors, pour le moment, pas croisé grand monde, hormis quelques adolescents dont elle ignorait leurs regards qui se posaient sur elle. Son expression sèche et froide les dissuadaient de l'approcher, expression que Lyra considérait comme un atout. Elle détestait qu'on l'approche. Elle n'acceptait que personne ne l'approche, hormis ceux de qui elle était très proche. Passer un peu de temps seule avec ses Pokémons lui procurait le plus grand bien. Lyra avait laissé ses autres Pokémons dans sa chambre, surtout Mousse qui avait insisté pour rester, afin de veiller sur l’œuf. Le petit Grenousse était un Pokémon extrêmement protecteur, surtout lorsqu'il s'agissait d’œufs ou de Pokémons plus jeunes, et ce peu importe l'espèce de Pokémon.
         Lentement, elle avançait dans le parc, profitant du paysage naturel qui s'offrait à elle. L'endroit de bon matin était vraiment joli, très agréable à observer. La jeune fille s’emmitoufla un peu plus dans ses habits tout en profitant du décor, tandis que Teigne, immobile sur la tête de sa dresseuse, affichait un énorme sourire. Son pelage flamboyant resplendissait. Il était visible de très loin, contrairement à l'Absol de la brune qui se faisait discret malgré qu'il soit beaucoup plus grand que le singe. Quand à Lyra, elle se contentait de suivre ses Pokémons avec un air un peu nonchalant gravé sur le visage. Parfois, sortir lui faisait incroyablement de bien. Et c'était bénéfique pour sa santé fragile. Rester enfermée constamment à l'intérieur n'était pas si bénéfique que cela, alors lorsqu'elle avait l'occasion de sortir, Lyra n'hésitait pas. Quand les endroit étaient bondés de monde, elle cherchait toujours un coin où s'isoler. Être confrontée à une foule de monde ne l'enchantait guère. Cela l'agaçait tellement qu'elle tentait de faire toujours en sorte de se trouver le moins possible proche de ces fameuses foules.

    De temps à autre elle jetait un regard à son Absol, qui était des plus sereins. Elle fut surprise de le voir ainsi paisible, elle qui le savait sans cesse méfiant, sur la défensive. Il avait beau ne pas être son starter, Mist ressemblait beaucoup à sa dresseuse de part son attitude. Il ne laissait approcher qu'elle et éventuellement ses Pokémons tout comme la brune ne laissait approcher personne d'autres que les personnes qu'elle appréciait. Elle poursuivait ainsi son chemin, en silence, se baladant sans savoir vraiment où elle se rendait à l'intérieur du parc, avec pour seule compagnie ses Pokémons et la brise gelée du matin.
         Non loin d'elle, elle perçut une sorte de cri, de plainte. Haussant un sourcil, et penchant la tête avec légèreté, elle se résolut simplement à l'ignorer. Cela ne la concernait pas et ne l'intéressait pas, de toute manière. Mollement, elle se pencha pour caresser le crâne de son Absol, alors que Teigne restait perché sur la tête de la dresseuse avec son grand sourire. Pour une fois que la Givrali n'était pas tendue ni agacée. Elle était simplement calme, sereine, comme il était si rare de la voire ainsi. Mais voilà que le cri recommença et semblait se rapprocher de la brune. Qui s’immobilisa une fois de plus, avant d'apercevoir deux silhouettes bien différentes qui avançaient vers elle. Sans qu'elle n'aie le temps de comprendre, un jeune garçon se cogna contre l'Absol de la brune, qui ne sembla pas apprécier puisqu'il s'était aussitôt reculé. La brune toisa alors le garçon, ne sachant si elle devait être désespérée ou simplement agacée. Elle ne l'aida même pas à se relever, puisqu'il semblait déjà se relever lui-même. Elle allait se contenter de passer son chemin quand... la réaction du garçon fut assez différente de ce qu'elle attendait.

- WAAAAH ! Pardon ! Pardon, pardon, pardon, pardon ! Milles fois pardon Seigneur Absol ! Je ne voulais pas vous blesser-yo ! Dites moi si je peux faire quelque chose et... yo ?

    ….Seigneur Absol? De toute évidence Lyra venait de tomber face à ce qu'elle-même qualifiait de boulet -si tant est qu'elle ne qualifiait pas pratiquement tout le monde de boulet. Et par dessus tout, il ne semblait même pas avoir fait attention à la présence de la brune. Elle le fixait avec l'air de le prendre pour un abruti. Seigneur Absol... C'est à croire qu'il n'avait jamais vu d'Absol de sa vie! Mais ce fut la suite de ses paroles qui agaça le plus Lyra. Sa... servante? Est-ce qu'il connaissait vraiment les dresseurs ou il était venu ici sans rien savoir du tout? C'était clair qu'elle était face a un abruti de première. Elle soupira longuement, se retenant d'aller frapper la paume de sa main contre son crâne. Teigne, lui aussi, semblait regarder le garçon étrangement. Et Mist avait déjà reculé derrière sa dresseuse, le regard menaçant comme jamais. Lorsque Lyra cligna d'un unique œil, Teigne sentit que ce geste était adressé à lui. D'un bond, il se propulsa de la tête de sa dresseuse pour tournoyer en l'air, sur lui-même, avant de venir abattre son poing contre le crâne du garçon.

-Euh... Que tu te calmes déjà, ça serait bien. Et que t'arrête de dire des conneries aussi, ça ferait vraiment très plaisir.

    Le timbre de sa voix était comme à son habitude, sec, froid, voire glacial. On pouvait également déceler dans sa voix une pointe d'agacement propre a l'adolescente.

-Seigneur Absol... Tu délires ou bien? T'as jamais vu d'Absol dans ta vie? De un, il s'appelle Mist, de deux, il déteste qu'on l'approche, et de trois... Mais t'es débile ou bien?! Je suis pas sa servante, putain... Je suis sa Dre-sseuse! T'as jamais vu de dresseurs de ta vie ou quoi?