Quand le réveil en fanfare sonna, Cadence l'éteignit d'un geste machinal. Elle était déjà levée depuis un moment. Elle avait entendu Etna sortir de la chambre un peu plus tôt pour aller s'entraîner, comme à son habitude. La jeune fille souffla pour repousser une mèche rose qui venait lui chatouiller le bord du nez, un peu déçue à l'idée que la coach ne les accompagne pas ce jour-là. Mais elle avait raison de prendre du temps avec les membres de son équipe, plutôt que de collectionner les pokémon à tout prix comme le faisaient bon nombre d'irresponsables.

Aujourd'hui, la jeune coordinatrice participait à sa deuxième sortie capture organisée par l'école. C'était une perspective excitante —

pourtant, l'adolescente n'était pas aussi motivée qu'elle l'avait été pour la précédente.

Elle accueillait toujours la moindre expérience lui donnant l'occasion de satisfaire sa curiosité, susceptible de lui ouvrir de nouvelles portes. Elle aimait que ces petites expéditions soient intégrées à son cursus, part de ses obligations, et limitées dans le temps ; elles ne lui donnaient pas l'impression de se détourner de ses objectifs, elle pouvait les rationnaliser, les justifier, et c'était ce qui lui permettait de les apprécier et de s'y plonger sans hésitation. Elle savait, désormais, que les sorties captures avaient toujours lieu sur une petite île, un petit monde clos, et elle rêvassait en se demandant quels univers sonores elle allait découvrir lors des prochaines —

pourtant, cette fois-ci, il ne brillait point d'étoiles dans les grenats à-travers lesquels elle voyait le monde.

Cadence avait le moral un peu bas, ces derniers temps. Elle peinait à avancer dans sa vie. Mais le temps, lui, ne l'attendrait pas. Son père lui avait téléphoné au début de la semaine, et l'appel lui avait laissé un goût amer dans la bouche. Elle lui montrerait. Elle devait lui montrer. Elle aurait sa revanche sur eux. Elle ne les laisserait pas contrôler sa vie et étouffer sa voix.

Personne
ne la ferait
taire.

Elle laissa Obéline se préparer tranquillement, tout en vérifiant dans son sac à dos qu'elle n'avait rien oublié. Elle ne savait pas où ils les emmèneraient cette fois, mais elle savait que l'école aimait bien leur faire des surprises, donc elle tentait de se préparer à tout. Elle comptait sur un jean et une bonne paire de baskets pour l'accompagner dans cette aventure, ainsi qu'une bonne veste et une écharpe pour se protéger contre le froid. Quand les deux jeunes filles furent prêtes, Cadence siffla pour prévenir sa pijako, et le petit groupe sortit de la chambre.

L'Unyssienne accompagna son amie jusqu'au réfectoire pour un petit déjeuner, au cours duquel elle prit simplement un café, et s'empara d'une pomme verte à emporter pour la route. Puis elles se mirent en chemin et arrivèrent bien dans les temps à l'embarcadaire.

L'habituel trajet en bateau se passa sans encombres, et les deux jeunes filles le passèrent à discuter et à jouer à un jeu en ligne sur leurs iPoks, partageant leurs victoires, leurs nouvelles acquisitions et leurs plans tactiques.

Alors que les trois heures annoncées s'étaient pratiquement écoulées, les passagers du bateau commencèrent à s'agiter. Les deux jeunes filles relevèrent les yeux et tendirent l'oreille : l'île était en vue.

Et ce n'était visiblement pas ce à quoi les étudiants s'attendaient.

Cadence se faufila parmi ses camarades jusqu'à la barrière, pour voir ce qu'il en était ; et le paysage apocalyptique qui s'offrait à elle la prit de court. C'était magnifique ; inquiétant et intriguant. L'image balaya en un instant son humeur maussade, laissant place à une impatiente curiosité.

Attrapant Obéline par la main, elles furent parmi les premières à débarquer sur l'île. Il y régnait une chaleur étouffante, et ce serait probablement pire en se rapprochant du centre. La jeune dresseuse retira alors sa veste, qu'elle noua autour de sa taille, se retrouvant en t-shirt. Elle rangea également son écharpe dans son sac à dos, et se félicita d'avoir choisi d'emporter une grande bouteille d'eau.