« Ain't no sunshine when she's gone... » Je murmure les paroles de cette chanson si belle, mes écouteurs aux oreilles, le regard viré vers le large. Nous sommes sur un bateau, le transport parfait des grands voyages. Je me suis isolée au bout du bateau pour être tranquille et laisser mes Pokémon profiter du grand air. Phèdre et Scapin sont tout excités, ils savent très bien où nous allons ; le désert Jouca ! Mais plus qu'un désert c'est surtout l'occasion d'agrandir l'équipe. Après ces quelques mois, nous nous sommes beaucoup rapprochés, nous sommes plus complices que jamais et je reste dubitative quant à l'optique de venir ajouter une nouvelle personne à cette petite, et encore jeune, équipe. Je prends en main mon appareil photo que je sers de toutes mes forces comme s'il m'empêcherait de tomber à l'eau. Mon regard ne fait plus qu'un avec la lentille de l'outil et je peux voir passer des oiseaux marins, des poissons sortant de l'eau, parfois majestueux, parfois maladroit comme Phèdre peut l'être. Je m'apprête à prendre la photo et puis... je vomis.

Crachant mes tripes par-dessus bord, sous les regards dégoûtés de mes compagnons, je tente de me ressaisir le mieux possible, je sens mon visage pâlir, verdir presque ! Je m'essuie les lèvres avec une serviette tendue par Phèdre et leur envoie un petit sourire gêné. Oui j'aime voyager, j'aime la mer et l'océan, mais il m'arrive d'avoir le mal de mer. Surtout à bord de cette bicoque tremblante visiblement conduite par un Mr Mime s'entraînant à son art tout en conduisant l'affaire. Je m'assois pour me sentir mieux, je regarde la photo toute floue prise il y a quelques secondes, elle est juste bleue avec des taches blanches, peut-être traduit-elle au mieux ce que je ressens maintenant ? Je la garde. Presque inspirée par la situation, je décide finalement de ne pas piocher mon carnet dans mon sac pour y écrire mes idées mais seulement de fermer les yeux et de reposer mon corps tout secoué.

Je brosse une dernière fois mes longs cheveux avant l'accostage, le vent les rend absolument incontrôlable ce qui amuse beaucoup Scapin qui s'en sert pour se faire une robe – c'est incroyable comme ce petit mâle peut aimer le maquillage et les costumes féminins – tout ça me rappelle qu'il y a encore quelques mois, Phèdre et moi étions à bord d'un avion en quête d'un nouveau compagnon que nous avions finalement capturé en jouant une pièce. Cette pensée me fait sourire et je referme mes yeux apaisées et tentant d'imaginer quel genre de Pokémon je peux bien trouver dans un désert. Je sens le bateau ralentir, ce passage est sûrement celui où il balance le plus, j'ai le sentiment d'avoir les yeux d'un Spinda...

J'entends alors le troupeau d'élèves se mouvoir en direction du continent. Je me redresse à mon tour, tentant du mieux possible de trouver à nouveau l'équilibre, puis réussis finalement à quitter la bicoque pour me retrouver nez à nez avec Rivardi et son regard de sadique. Le désert ce n'est quand même pas une mince affaire, à cet instant il doit sûrement penser au pourcentage de perte autorisé lors de ce genre d'expédition et espérer qu'il soit rempli cette fois-ci. Le second semestre avait amené avec lui une nouvelle vague d'étudiant faisant paraître ceux du premier semestre pour de grands dresseurs. Certains évoluent déjà dans leurs parcours, j'ai pris un peu de retard dans ma progression, il faut dire que toutes ces vacances passées à la Montagne Willia, je n'ai rien fait d'autres que lire et photographier le lieu splendide et son enneigement.

Alors que nous marchons tous vers le désert, je vérifie que j'ai tout ce dont j'ai besoin dans mon sac ; deux bouteilles d'eau, plein de cochonneries, mon appareil photo, mon carnet, mon iPok, ma collection de capsules – évidemment indispensable dans ce genre de circonstance – des pokéballs, des superballs, du papier cul – sait-on jamais, il sait avéré particulièrement utile lors de ma mission pour Ezra -, une photo du général Jackie – que sa bienveillance m'accompagne – et bien évidemment un grand voile multicolore pour me protéger du sable et de la chaleur. Arrivé à la bordure de la grande étendue de sable, je me dis qu'il serait judicieux de l'enfiler immédiatement. Alors que je l'enfile, je récupère mon appareil photo pour immortaliser ce paysage, hors de question une fois entrée de prendre le risque qu'il y ait des grains de sables dans l'appareil.

Je mets un premier pied sur le sable avec le doux sentiment de marcher sur la lune pour la première fois et je prends une grande et fière inspiration. Mauvaise idée. Règle numéro 1 : ne pas inspirer sans avoir le nez correctement couvert par le voile au risque de passer les cinq minutes suivantes à cracher du sable et à se nettoyer le nez devant les regards ahuris des autres étudiants. Je commence ma marche et ne quittant pas des yeux Scapin qui disparaît facilement dans le sable, mais qui s'amuse beaucoup à aller dans un peu dans tous les sens à toute vitesse dans ce lieu sans limite. Phèdre apprécie beaucoup moins, après ce mois passé dans un paradis enneigé, elle se retrouve en enfer. Mauvais point pour le prochain Pokémon que nous allons rencontrer.

▬ Allez les folles, on va s'acoquiner d'un nouvel ami ! … J'aurai préféré ne pas le dire comme ça...

J'avance à une allure vive dans ce grand désert. Après une heure, je n'ai toujours pas pris de pause, Scapin ne se lasse pas de sauter dans tous les sens et Phèdre fait la morte dans sa Pokéball. Oui, c'est assez rare pour être souligné, Phèdre est dans sa Pokéball, c'est pour dire à quel point elle ne supporte pas tout ce sable. J'ai le sentiment d'être la seule personne n'ayant encore rencontré aucun Pokémon. J'ai croisé des dresseurs sautant de joie et embrassant le nouveau venu, d'autres s'envolant pour avoir plus de chance, même certains se faufilant dans ce qui semblait être des grottes, personnellement à chaque fois que je me suis confronté à un rocher, j'ai eu beau tout tenter, rien n'y fait, il ne bougeait pas. Certaines personnes parlaient d'un rare Oasis avant que nous partions, je le cherche incessamment sans succès. Pourtant, d'habitude, j'ai de la chance pour ce genre de découverte, mais là, rien. Et comme si cela ne suffisait pas, me voilà nez à nez avec la mer en compagnie de deux Pokémon incapables de surfer ou nager.

▬ Vous me facilitez vraiment pas la tâche vous deux... Hein Phèdre ? Tu m'entends ? Sale lâche, moi aussi j'aimerai bien aller dans une Pokéball le temps de passer le plus dur pour revenir ensuite : LÂCHEUSE !

Après ce petit coup de gueule lancé à la Pokéball de la Stalgamin sûrement endormie... je décide de me reprendre. Je vais m'accroupir près de la mer pour me rincer le visage et j'en profite pour faire collation. Je prends le risque de sortir mon appareil le temps d'une photo ; tous ces dresseurs surfant à dos de leur Pokémon, slalomant entre les nuages... Et moi tout ce que j'ai c'est un rongeur obèse pas foutu de porter la moitié de son poids et un lutin pataud. Je prends une grande inspiration avant de me redresser, regarder une dernière fois cette jolie photo et m'élancer à nouveau dans l'immensité brûlante qui m'attend. De peur de perdre cet idiot de hamster je l'invite à retourner dans sa Pokéball et je me retrouve seule... Quel sentiment étrange, cela faisait très longtemps que ça ne m'était pas arrivé. Je remets mes écouteurs sur de la musique un peu folk et me mets à sautiller dans le sable en dansant au rythme de la mélodie, je ferme les yeux en tournant sur moi-même, un sentiment d'insouciance s'était emparé de moi, comme si je n'avais pas besoin de vérifier en permanence où se trouvait l'un ou l'autre de mes Pokémon.

Je me surprends à simplement rire aux éclats dans cette solitude très agréable. Mais je me sens mon sac se dérober, alors j'ouvre les yeux et me retrouve nez à nez avec un petit Panda aux yeux en forme de spirale m'adressant son plus grand sourire, mon sac accroché sur son dos, ce même sac qui contient mes Pokémon...

▬ Ecoute petit Spinda, j'ai très beaucoup besoin de ce sac... Tu pourrais même rejoindre mon équipe ! … poutou poutou poutou.... Non ? T'aimes pas ? AÏE MES CHEVEUX !

Alors que je tentais de communiquer avec le voleur en face de moi un autre s'amusait à me tirer les cheveux et à faire... toute sorte de chose avec... pourquoi il les mange ? En moins de temps qu'il n'en faut pour le comprendre, je me retrouve assaillie d'une dizaine de Spinda complètement fous. Ils avaient cette démarche d'ivrogne qui leur donnait ce côté complètement à l'ouest, sans oublier que toutes leurs taches étaient différentes... D'ailleurs cela créait quelques formes inattendues pour certains, par exemple, celui-ci a un phallus sur le nez et l'autre à cinq petits tétons... Malgré cet aspect comique, la situation était pour le moins inquiétante, ils se mirent à s'agripper à mes jambes, à m'attacher avec divers cordages, dont mes cheveux ! Les traîtres... Et je hurle en espérant que mes Pokéballs fonctionnent à distance, visiblement non.  

▬ A L'AIDEEE ! Maïté ! Gothica ! Sortez moi de lààà !

Okay, peut-être que mon approche peut délicate ne leur donnait pas envie de venir m'aider. Mais là, la situation est catastrophique, seule dans le désert, encerclée par une multitude de Spinda. Je ne sais pas si je dois m'interroger sur le ridicule de ma situation, le peu d'amitié qu'ont mes Pokémon pour moi, ou tout simplement cet ombre qui vient d'apparaître en haut d'une dune... UN SUPER HEROS !

▬ HEHOOO JE SUIS LAAA ! A L'AIDE !

C'est là qu'il descendit à toute vitesse de la dune à grande vitesse et une agilité remarquable. J'admire ce Pokémon venant à ma rescousse, j'aurai bien évidemment préféré un charmant jeune homme, mais on ne peut pas tout avoir ! Mais plus il s'approche, plus je peux le décrire au détail... ses jambes agiles, sa fourures blanches, ses grands yeux de faucons... son nez de cochon... WHAT ? Il a un groin ?!

▬ HAHAHAHA. Oh merde, j'ai ri à haute voix c'est ça ?

Alors qu'il s'apprêtait à me porter secours, je vis dans son regard un terrible sentiment d'humiliation. Il me faut absolument trouver une diversion... Je sais … Je me mets à rire très fort de manière complètement exagérée en jetant des regards dans tous les sens pour lui faire croire que mon rire n'était que le fruit d'une confusion. Reprenant son allure de super héros... toujours avec son groin ! Le férosinge vole à ma rescousse !

[Lance une SUPERBALL]

Je le vois débarquer et descendre la dune, moi qui suis toujours entourée de ces satanés pandas diaboliques ! Je jette un dernier regard vers mon sac et les pokéballs qu'il contient, celles-ci restent absolument statiques et je jure tous les sales noms d'oiseaux que je connais intérieurement à l'égard de ces deux grosses larves qui me laissent crever dans le désert. Tous mes espoirs résident donc dans ce singe au groin de cochon qui en courant à toute allure se mit à hurler « FERRRRRRRROSINGE »... Je tombe des nues, est-qu'il vient de rouler le « r » ? Retiens-toi Belle ce n'est pas drôle, retiens-toi il a l'air susceptible et si tu rigoles encore une fois il va partir en courant. Je suis donc en présence d'un singe avec un nez de porc aux origines espagnoles très certainement qui est mon seul espoir pour ne pas finir complètement folle entourée de tous ces imbéciles de Spinda.

Son allure ne rattrapait vraiment pas son apparence, il accourait comme un idiot avec les bras levés, les mains tournées vers l'extérieur comme s'il s'apprêtait à faire un mouvement ninja, mais il n'en était rien, c'était seulement sa démarche singulière... Je dois réellement me forcer pour ne pas étouffer de rire mais au final, cette arrivée « héroïque » suffit à faire fuir mes assaillants. Fier de sa victoire, il lâcha une nouvelle fois un grand et bruyant « Férrrrrro » qui fut le coup de grâce.

▬ AHAHAHAHAHAH

Je me roule par terre, je me tords de rire face au visage vide, attristé et un peu perdu du Pokémon qui venait de me sauver la vie. Je n'en peux plus, je ne m'arrête plus, mes rires résonnent dans le désert, le sable dans lequel je roule me colle tout le corps et vient se faufiler dans mes cheveux, mes oreilles, mes vêtements et je me redresse subitement en essayant de l'y faire partir. Penchant ma tête et tapant dessus pour faire sortir les grains de mes oreilles, je me reprends et me contente de lui sourire tout en le remerciant.

▬ Merci beaucoup Grand Férosinge. Tu as certes une allure peu commune, mais tu m'as sauvé la vie ! Hihi !

Je détache mes longs cheveux, je les rattache et prends une grande inspiration comme pour sortir du fou rire. Je vais chercher mon sac que je ferme le mieux possible pour empêcher Scapin et Phèdre de nous rejoindre. Le pauvre primate a toujours ce regard perdu, ses joues rougies d'embarras et ses yeux larmoyant de honte.

▬ Oh réagis pas comme une chochotte ! On a tous nos petits défauts et on apprend à vivre avec. Bon, toi t'es sacrément bien servis dans le domaine, mais ça peut s'arranger ! Que dirais-tu de me faire sortir de cette satanée étendue de sable ?

Il ne savait plus trop où se mettre alors il se contenta de m'accompagner tout au long de la marche, ponctuant ses petits sauts de roulements de r toujours aussi hilarants. Comme la pauvre bête n'avait connu que le désert, je me met à lui décrire l'académie comme un lieu rêvé, la ville portuaire comme un paradis sur terre et je mets en avant le fait que je suis une Pokéathlète que j'aime beaucoup entraîner mes Pokémon. Avec une fierté à peine dissimulée, je lui montre la coupe bleutée qui m'a été remise après la course d'obstacles. Nous finîmes par nous entendre plutôt bien, il manquait certes de conversation mais cela reste un point commun à tous les Pokémon. Il avait l'air fort et par-dessus tout, c'est un Pokémon de type combat. Ce qui signifie un atout indispensable dans l'équipe d'une Pokéathlète de talent... comme moi-même !

Arrivés à la bordure du désert où je peux apercevoir quelques dresseurs déjà rentrés en compagnie de leur nouveau Pokémon et un monsieur Rivardi plus impatient que jamais d'en terminer avec cette sortie, je me penche vers la bestiole et la soulève avec mes bras fins.

▬ Si tu le souhaites, tu peux rejoindre mon équipe ! Avec moi tu deviendras une star international, tu évolueras et les gens en oublieront presque ton groin et ton accent ! Qu'en dis-tu ? Si je ne te fais pas rencontrer mes Pokémon c'est que je préfère que tu dises oui, ces deux imbéciles seraient capables de te faire changer d'avis.

Il accepta d'un hochement de tête même s'il semblait plus le faire par défaut, il avait l'air de ne rien comprendre à la situation. Moi cela me fait sourire, je lui pose une pokéball sur la tête, il y rentre, elle cesse de bouger et voilà une nouvelle victoire pour moi ! Le pire est à venir, la rencontre avec le reste de la troupe. Parallèlement, je lui ai déjà trouvé un surnom parfait : Don Rodrigue, ce héros espagnol du théâtre de Corneille, cela correspond parfaitement !