Je me levais avec raideur. Face au miroir de chambre que mes consœurs de dortoirs m’avaient gentiment apportée. Je brossais ma chevelure emmêlée avec lenteur. Mes yeux endormis de fatigue papillotaient dans la lumière du jour. C‘était devenu une sorte de rituel pour moi qui n’aimait pas l’hiver, cette saison où je me voyais privée de mes escapades en pleine nature. Je me confinais dans ma chambre, m’abrutissais de haute littérature et préparer le retour du printemps. Mon premier disciple était blotti contre mes pieds, il ronronnait. Ces longues journées de neiges nous avaient rapproché tous les deux. Il s’était fait à mon hibernation beaucoup mieux que les deux autres larrons. Thor avait très mal toléré cette absence de jeux et d’activités, il passait ces journées à mâchouiller ce qui passait à porter de sa gueule. Ronchon, cette longue pause avait accentué ces mauvais côtés et j’avais dû mettre à son service toute la patience dont un être humain peut faire preuve. Kallie la petite dernière n’avait pas hésité à s’échapper tous les matins pour  décrasser ces articulations. La Passerouge revenait bien vite cependant, le temps n’était pas assez clément pour rester plus longtemps. Les ignares qui peuplaient les couloirs avait tendance à la confondre avec Potiron. Je les voyais du haut de ma fenêtre s’arrêter pour guetter une nouveauté de son d’oiseau. Pathétique.

C’était la fin officielle de mon hibernation ce matin. J’avais demandé à être inscrite à la sortie capture qui allait se dérouler dans l’après-midi. Un doux frisson d’excitation montait déjà en moi quand je posais mon regard sur l’appareil photo de collectionneuse que j’avais reçu en me spécialisant. C’était un bel accessoire un peu vintage avec un cordon de cuir pour que je puisse le passer autour de mon cou. La sensation de petites griffes crochues sur mon crâne me fit tressaillir.  Kallie était venu se loger dans ma crinière. Une mauvaise habitude contre laquelle je ne me sentais pas la force de lutter. Une fois vêtue de vieilles fripes rapiécées avec toute mon inexpérience dans le domaine, je descendais rejoindre le petit groupe qui devait prendre le départ. C’était toujours la même cohue et plutôt que de m’en exaspérée, j’abordais un sourire las. J’avais laissé Thor dans le dortoir, le jeune guerrier n’avait pas la patience – et surtout pas l’humeur – pour mettre d’aucune utilité une fois l’exploration lancée.

Sur tout le chemin je piétinais. Logeant l’embarcadère à la façon d’un fauve. Mon apprentissage de collectionneuse se faisait aussi par le biais des excursions capture. J’avais peur de ne pas être à la hauteur. Une appréhension rance qui tordait mes boyaux après ses longs mois de silence. J’avais dans la tête des centaines de phrases délicates puisaient dans d’innombrables romans, aucune ne m’apporté le réconfort recherché. Je ne me faisais de toute façon guère d’illusions, seul la découverte et l’inconnu pourrait réveiller mes talents de chercheuse. Cette joie passionnée de la réflexion. C’est sur un sol sec comme le vieux concierge de l’académie que posais le pied. La chaleur m’accablait déjà et je commençais à regretter ce choix précipité d’avoir voulu m’approprier cette sortir capture. Un galet étrange suffit à me faire oublier ce regret. Je découvrais le désert avec curiosité, m’extasiant sur les fleurs uniques, croquant l’arabesque des dunes.

Je redevenais la gamine fascinée. Incapable d’être insensible à toutes ces étrangetés. Tous ces secrets trop longtemps cachés. Je me déridais petit à petit, regardant la silhouette gracile de Kallie se glisser dans les cieux en tournoyant. Bel était totalement dans son élément, il ne souffrait guère de la chaleur, immunisait contre la soif et autres besoins élémentaires qui mettaient au supplice le reste de la faune. Il n’y avait d’ailleurs pas un Chacripan en vu depuis que nous avions quitté le reste du groupe. Toutes les bêtes se conformaient à l’instinct de survie, économisant leurs forces, se méfiant de l’inconnu comme de la peste. Ca ne me gênait pas. J’avais tout mon temps devant moi. Pour faire passer les minutes, je sortais un bloc. Commencer lentement à relater ce que mes sens me raconter.

Vastes étendues de sables infinies. Là-haut le ciel plus bleu et limpide qu’ailleurs nous nargue, nos pieds sont ensevelis sous le sable. Nous marchons comme des inconscients, le désert ricane sa main aride prête à refermer son piège autour de nous. Le vent fouette nos visages, le sable lacère notre peau, l’astre blanc nous brûle et nous avançons. Le silence règne en maître dans cette contrée sauvage.