Tu n'oses plus rien dire, Luce.
Tu n'oses plus rien dire, parce que les mots t'échappent, parce que tu ne trouves pas de termes assez justes pour décrire la situation dans laquelle tu te trouves. Assez frappants pour exprimer ton doute envers l'absurdité de ce qu'il vient de se passer une ou deux minutes auparavant, et pour formuler ton... admiration ? Est-ce que tu oserais utiliser ce mot ? Il te semble un peu pompeux, un peu trop pour le genre de sentiment que tu éprouves à cet instant précis, mais...
Tu ne peux nier que tu ressens une certaine admiration envers ton binôme.
Lui qui avait été particulièrement silencieux jusqu'ici, c'était la première fois que tu le voyais parler autant. Mais là n'est pas ce qui t'impressionne le plus — c'est que chacun de ses mots, soigneusement choisis et pourtant délivrés de manière si fluide, si pertinente, frappent au bon endroit. Il sait quoi dire, au moment opportun. Si ça avait été toi, tu doutes franchement que tu aies pu convaincre qui que ce soit à propos de cette histoire abracadabrante de monde onirique. Mais lui — lui, il a réussi. Il a réussi à trouver les mots justes pour calmer la fureur du ténor qui se trouvait devant vous, et le ramener à la réalité. Tu te doutais bien qu'il était doué (après tout, ta mère te disait souvent que les gens qui parlent le moins sont les plus sages) mais tu n'imaginais pas que ce soit à ce point là. Tu n'es — ne lui est — d'aucune utilité dans cette épreuve, mais tu ne trouves nulle part l'ombre du goût acerbe qui devrait pourtant t'envahir. Parce qu'il a
raison. Chacune des lettres, des syllabes qu'il a énoncé étaient un morceau du puzzle que vous aviez à résoudre, une énigme qu'il a résolu avec brio. De la surprise, mêlée de respect, semble remplacer l'amertume qui t'habiterait habituellement.
C'est étrange.
(Et ce qui était encore plus étrange, c'est le fait que sa voix ait soudainement résonné dans ta tête. Déjà, parce que tu ne t'y attendais pas, et surtout... enfin, tu n'arrives même pas à décrire la sensation qui t'a traversée à ce moment là.)
Cela fait un moment que tu n'entends plus rien.
Oh. Encore ta fâcheuse tendance à oublier la réalité autour de toi lorsque tu réfléchis.
Même si, vu ce qui est sur le point de t'arriver, tu aurais préférer l'oublier un peu plus longtemps — car le colosse, désormais calmé, s'avance vers toi de façon inquiétante. Tu n'as pas le temps de réagir, ne serait-ce que de faire un pas en arrière ou de dire quoi que ce soit, qu'il t'a déjà saisie, et t'arrache du sol pour te serrer dans une étreinte... qui te paraît plus semblable à un rouleau compresseur qu'à un véritable câlin. Lorsqu'il te repose enfin sur le plancher des Ecremeuh, tu as l'impression qu'il vient de te casser la moitié des côtes...et probablement le reste de tes os, aussi.
Il n'est pas méchant, évidemment...il manque juste cruellement de délicatesse. Un peu comme un Chelours, en fait. C'est un gros nounours sensible, au final — et vu le regard suppliant qu'il vous lance, à toi et Nolan, tu ne peux certainement pas lui refuser sa dernière demande.
***Les dernières notes retentissent, aussitôt suivies d'un tonnerre d'applaudissement, dernier simulacre de la fantaisie de Francis. Les acclamations bientôt cessent, pour laisser résonner dans l'immense salle d'opéra le bruit de tes mains frappant l'une contre l'autre... et celui des pattes du Wattouat qui, toujours avec vous, t'a imitée. Tu ne savais pas qu'un Wattouat pouvait applaudir, mais passons. Tu es bien contente que cela se soit enfin fini — car bien que monsieur Alexander ait un plutôt bel organe, il n'a définitivement aucune notion de contrôle sur ce dernier. Enfin, pas que tu puisses vraiment parler, mais...
il chante beaucoup trop fort. Tes oreilles ne sont clairement pas habituées à ce genre de vacarme. Mais ce qui te soulage le plus, ce n'est même pas que le pseudo-ténor ait enfin fini de chanter, c'est que tu peux enfin te lever : cela fait deux heures que tu es assise sur ce siège sans bouger, et tes jambes commençaient sérieusement à s'engourdir, et d'ailleurs, tu as failli t'écrouler face contre moquette en essayant de te relever. Décidément, tu tombes beaucoup, aujourd'hui — encore plus que d'habitude.
Tu rejoins le Voltali sur scène, à temps pour voir l'ouvrier revêtir une tenue bien plus normale, et vous adresser un grand sourire.
« Merci les jeunes, on se reverra de l'autre côté ! »Et dans un dernier rire tonitruant, qui peu à peu s'éteint, la silhouette du ténor amateur se dissipe, exactement comme celle de la Jasmine onirique que vous aviez croisé un peu plus tôt. Et vous laisse, seuls, sur la scène du théâtre.
Rideau.Soudainement, quelque chose semble te piquer dans le dos. Un glapissement de surprise et un pivot plus tard, tu remarques Albireo, désormais de retour à tes côtés, et ayant lui aussi perdu son accoutrement d'antagoniste. Un léger sourire t'échappe — cela lui allait plutôt bien, au final. Tu aurais bien aimé en garder quelques clichés. Qui sait ? Ça aurait peut-être donné des idées à Calua.
Tu n'as pas le temps de te perdre plus longtemps dans tes pensées qu'une lueur qui t'es désormais familière se met à étinceler de l'autre côté de la scène. Une nouvelle porte se dessine lentement dans le vide, exactement comme les deux premières fois, son contour lumière toujours aussi déconcertant. On dirait que vous en avez fini avec ce « monde »... car au final, cela te semble être la meilleure appellation pour ce que vous êtes en train de traverser, non ? Une aventure dans le royaume des rêves, en voyageant de monde en monde, d'esprit en esprit, de cœur en cœur. Cela ferait un merveilleux scénario de roman, en vérité.
Toi et Nolan échangez un simple regard : vous savez déjà ce que vous avez à faire. La main du Voltali s'approche de la poignée, et cette fois-ci, c'est l'univers autour de vous qui s'efface instantanément.
***Lorsque tu rouvres les yeux, c'est un ciel d'un bleu sombre qui t'accueille, parsemé d'étoiles qui paraissent à la fois terriblement distantes, et pourtant si proches. Le même genre d'étoiles que tu as aperçu, dans ton « monde » à toi. Couplé au silence qui règne dans ce nouvel univers, ton cœur qui plus tôt battait la chamade retrouve lentement un rythme normal. Enfin... ça, c'était avant que tu te rendes compte que vous vous trouvez vraisemblablement au sommet d'un immense gratte-ciel, et donc à plus d'une bonne centaine de mètres du sol. Tu déglutis : on dirait que ce petit moment de répit vient de brusquement prendre fin.
La voix de Nolan résonne à nouveau dans ton esprit, ce qui te provoque la même réaction que tout à l'heure. C'est vrai que le lien mental entre vous est encore actif... visiblement, il veut savoir ce que tu vois de ton côté. Pour être honnête, pas grand chose, en dehors d'autres immeubles, de rues à perte de vues, d'immenses panneaux publicitaires affublés d'affiches aux airs dérangeants, et de quelques néons dont le halo rougeoie au loin.
« N-Nous sommes dans une ville, on dirait... mais elle est complètement déserte. Tu crois que ça a un rapport avec une autre des victimes...? »Et vu sa réponse, ça a l'air d'être le cas. D'après le dossier que le chef des travaux vous avait remis, la deuxième personne que vous aviez à secourir était une jeune femme travaillant avec l'homme à la cigarette... monsieur Sinclair, si tes souvenirs sont exacts. Il n'avait pas l'air très commode, et les rares fois où il vous avait adressé la parole n'avaient pas été très agréable. Son caractère avait sûrement à voir avec son poste — en tout cas, c'était souvent le cas dans les romans que tu lisais. Les gens d'une telle trempe et avec autant de responsabilités n'étaient souvent pas très... aimables. Sans vouloir lui manquer de respect, évidemment. En tout cas, il était certain que tu préférais largement t'entretenir avec son homologue qu'avec lui. Mais là n'était pas le sujet.
C'est toujours un peu flou, là haut ; mais lentement, les détails te reviennent. Une jeune femme du nom d'Alicia était la deuxième victime dont on vous avait parlé. Quelqu'un de brillant, visiblement, mais quelques détails dans les informations auxquelles vous aviez eu accès t'avaient quelque peu... troublée.
Avant même que tu puisses te rappeler de ce qui t'avait ainsi perturbée, Nolan prend à nouveau la parole. Enfin, ce qui lui sert de parole, en tout cas. Tu dois admettre que s'entretenir par télépathie est une expérience étrange, et en même temps plutôt plaisante. Il n'a fallu que quelques minutes à ta curiosité avant qu'elle s'emballe et t'assaille de questions à propos du fonctionnement exact de la chose : est-ce que toi aussi, tu peux leur parler mentalement ? Comment êtes-vous reliés, exactement ? Est-ce qu'ils peuvent également voir ce à quoi tu penses — et tu t'arrêtes net, parce que tu sais que si jamais ne serait-ce qu'un d'entre eux a un aperçu de ce qui te passe par la tête actuellement...
gulp.Fort heureusement, la remarque de l'Abra t'arrache à cette pensée. Surprise, tu bégayes pendant plusieurs bonnes secondes, avant de parvenir à prononcer quelque chose de compréhensible.
« Um, je, ce n'est pas grave Mu, je n'ai pas été offensée... »Un bruit sourd t'interrompt alors, ne laissant même pas l'occasion aux engrenages de ta curiosité de se remettre à tourner à l'entente du mot « léviter » ; un bruit sourd rapidement suivi par un tonnerre de claquements métalliques, tandis que des projecteurs situés en contre-bas — tu es à peu près sûre qu'ils n'étaient pas là quelques minutes auparavant — émettent un soudain éclair de lumière qui te force à placer ton bras devant ton visage pour ne pas être aveuglée. Si le Mushana que tu as aperçu plus tôt est bien responsable de tout ce qui vous arrive, il doit vraiment avoir une grande passion pour la mise en scène et les effets de lumière. Ou alors c'est peut-être juste les résidents des mondes que vous traversez qui ont une imagination sacrément débordante.
« NE CRAIGNEZ PLUS RIEN, CITOYENS ! VOS SAUVEURS SONT ARRIVÉS ! »Ta deuxième hypothèse est à moitié confirmée lorsque du haut d'un immeuble surgissent deux silhouettes qui te semblent plutôt familières... des soupçons confirmés par la voix féminine qui tonne alors dans ton esprit.
« TOPAZ, FIDÈLE SIDEKICK... POSE DE VICTOIRE #38 ! »Doux Arceus. Est-ce que Libra vient sérieusement de prendre la pose en compagnie de ton Rocabot comme le feraient deux super-héros d'une bande-dessinée quelconque ? Vraiment ?
On dirait bien.
...même si, en vérité, ce qui te perturbe le plus, c'est comment Topaz a réussi à se débrouiller pour tenir sur ses deux pattes arrière. Il n'a jamais eu un très bon équilibre, et turbulent comme il est, comment est-il est parvenu à garder la... ah.
Ah. Tu soupires lourdement, alors que tu regardes ton Pokémon se vautrer royalement en se prenant les pattes dans la cape de son bras droit, tandis que l'Abra de Nolan trouve bon de ponctuer le merveilleux échec qu'a été cette pose de victoire avec un éclat de rire qu'il parvient à peine à calmer. La griffe d'Albireo se pose sur ton dos, comme pour compatir à ta douleur (et tu l'entendrais presque te murmurer que tu n'as pas à t'en vouloir et que Topaz est un sacré idiot) alors que ton visage prend à peu près la même expression que celles qu'arborent ton partenaire et le Wattouat qui vous accompagne toujours.
Soit dit en passant, tu ne pensais pas qu'un Wattouat pouvait être aussi expressif.
(Tu ne sais toujours pas pourquoi il est là d'ailleurs.)
Bien que tu continues à désespérer intérieurement à l'égard de Topaz, ce petit moment de répit est plus que le bienvenu : étant donné les péripéties que vous venez de traverser, tu es bien contente que les choses se calment un petit peu.
...
oh. Un goût amer se loge au fond de ta gorge alors que tu te rappelles que tu viens de faire la première erreur qu'il ne faut jamais,
jamais faire dans ce genre de contexte. Soit, croire que tu vas pouvoir être tranquille et respirer un bon coup. Evidemment, le simple fait d'y avoir pensé a déclenché une autre catastrophe.
Perdue dans tes pensées, tu n'as pas remarqué que Nolan s'était éloigné de quelques pas, probablement pour avoir un meilleur aperçu de la situation. Il était clair qu'on ne pouvait pas vraiment compter sur toi pour réagir posément dans un moment pareil — une qualité que tu lui enviais particulièrement. Son self-control, en revanche, ne lui est d'aucune utilité lorsque le sol sous vos pieds se met à trembler et qu'un grondement assourdissant le force à tomber à genoux, paumes vissées sur ses tympans. Tu tentes de le rejoindre, l'inquiétude pointant dans ton cœur — mais un second fracas vient suivre le précédent, allant crescendo en intensité, et te pousse à adopter la même posture que le Voltali. Une posture qui te permet de supporter le bruit, mais qui ne t'épargne en rien ce qui prend actuellement place devant tes yeux.
Ta comparaison avec une bande-dessinée d'un peu plus tôt te semble encore plus justifiée maintenant : du sol de la ville onirique dans laquelle vous vous trouvez émerge lentement une immense créature, un colosse, un véritable titan qui, inexorablement, semble dévorer le ciel de sa simple stature. Lorsqu'elle atteint son paroxysme, et que la lumière de la lune s'étend sur ce qui lui sert d'écailles, ton esprit parvient enfin à relier les pièces du puzzle : pourquoi est-ce que cette silhouette démesurée te disait quelque chose.
Un Tyranocif d'acier vient de faire irruption devant vos yeux écarquillés. Et même Nolan, malgré sa maîtrise de soi (qui ne te semble plus si absolue depuis l'épisode avec la Jasmine chimérique d’auparavant) affiche une expression confuse. Alors que dire de ton état, Luce ? Purement et simplement, tu paniques. Tes jambes se mettent lentement à trembler lorsque les flammes écarlates qui servent d'yeux à la créature se posent sur vous. Ton corps entier te crie de réagir, de faire quelque chose ; mais il est interrompu par la voix de Libra, qui explose dans vos esprits à tous les deux.
Est-ce que tes tympans vont réellement survivre à tout ça ?« NOLAN, LUCE, TIREZ-VOUS DE LÀ, ON VA LE RETENIR ! TOPAZ, AVEC MOI ! »Premièrement, tu doutes que Topaz puisse faire quelque chose en face d'un mastodonte tel que celui-ci qui doit facilement faire plus de cent mètres de haut. Et deuxièmement... « se tirer » d'accord, avec plaisir. Mais par où ? Vous êtes sur un toit ! Où est-ce que vous êtes supposés aller exactement, Libra ?!
Et, comble de vos malheurs, l'intervention de votre héroïne n'a visiblement fait qu'empirer les choses, car le Tyranocif géant pivote insensiblement dans sa direction... et anéantit au passage les fondations de plusieurs immeubles sur son chemin.
Y compris celui sur lequel vous vous tenez.
Le grincement qui rugit alors te semble infiniment plus intense que tout ce que tu as entendu jusqu'à présent — et c'est beaucoup dire, bien qu'il soit probablement amplifié par la panique. Lentement, mais sûrement, l'édifice cède, étage par étage — jusqu'à ce qu'une secousse vous pousse jusqu'au bord du toit. Tu perds aussitôt l'équilibre, de par le choc et tes jambes qui ne tenaient déjà plus vraiment le coup. Par tu ne sais quel miracle, tu réussis à t'agripper à la rambarde de l'immeuble ; mais visiblement, tu n'es pas à la hauteur d'un tel effort.
« Je... je n'arrive pas à... je vais... »Tes doigts lâchent. Tu t'attends à tomber, à voir les étages défiler sous tes yeux, ramenant par la même occasion le souvenir de ce que tu as traversé dans ton propre univers onirique, à chuter,
chuter, indéfiniment, en n'attendant qu'une chose : que tu percutes le sol et que tout s'arrête — lorsque quelque chose te rattrape.
Ce quelque chose — c'est quelqu'un.
La main de Nolan vient d'attraper la tienne, alors qu'il tente tant bien que mal de te maintenir à sa hauteur. Alors que le bâtiment penche progressivement sur le côté.
Ton esprit a perdu le fil, Luce. Tu n'arrives plus à faire sens de ce qu'il se passe autour de toi. Le Tyranocif, Libra et Topaz, Nolan qui te tient, et tu l'entends hurler quelque chose à Mu — quelque chose que tu n'arrives pas à comprendre, car à moitié étouffé par le bruit de l'immeuble qui peu à peu s'effondre.
Mais il y a une chose que tu parviens à entendre. Qui fait écho, clairement, distinctement dans ta tête.
« Luce, accroche-toi. »Hein ? C-Comment ça, s'accrocher ? Qu'est-ce qu'il entend par là ? Comment est-ce que tu es supposée—
La réponse à ta question s'explique d'elle même lorsqu'avec un ultime effort, Nolan parvient à te hisser et à te prendre dans ses bras. Il pose le Wattouat contre ta poitrine, et fait signe à Albireo de venir vous rejoindre, ce qu'il effectue en un simple bond, rapide et efficace, tout en se posant sur son épaule.
Et — après un laps de temps qui t'a semblé s'écouler en un éclair — il saute.
Il te semble que c'était à cet instant précis que ton esprit a
définitivement arrêté de suivre.
Nolan vient tout juste de sauter dans le vide, et ce tout en te portant dans ses bras, alors que vos corps sont tous les deux enveloppés dans une sorte de cocon d'aura bleue, signe des pouvoirs psychiques de son Abra. Tu n'arrives même pas à trouver les mots pour exprimer la frustration que tu ressens actuellement — quoique, est-ce que tu saurais réellement donner un nom à cette espèce de boule que tu as actuellement dans l'estomac/le cœur/la gorge/peu importe qui est actuellement
en train de hurler parce que est-ce que Nolan vient réellement de sauter de cet immeuble en te portant dans ses bras ? Alors que le halo bleu autour de vous semble faiblir de plus en plus, que vous êtes à plus d'une bonne centaine de mètres du sol, et que le sol en question est en béton armé ? Est-ce qu'enfin l'absurdité de vos aventures auraient eu raison de son bon sens ?
D'un autre côté, c'était ça, ou y passer en compagnie de l'immeuble sur lequel vous vous teniez. Dans tous les cas, votre avenir était plus qu'incertain, mais tu te dis que ce n'est peut-être pas si désagréable. Après tout, il doit y avoir pire comme fin que de mourir dans les bras de quelqu'un... et le visage enfoui dans la toison d'un Wattouat. Quelque chose te dit que ça devrait être loin d'être une de tes priorités, mais soyons francs : tu es un peu fatiguée de raisonner clairement après tout ce qui vient de vous arriver.
Une autre question vient cependant se loger dans ton esprit, et réactive brièvement la sonnette d'alarme : si vous veniez réellement à mourir tous les deux... qu'adviendrait-il de vous ? Est-ce qu'on peut réellement mourir dans le monde des rêves ? Et si c'est le cas... est-ce que ça veut dire que vous ne vous réveillerez plus jamais ? Tu déglutis : cette idée est loin d'être une perspective alléchante, et pourtant, elle ne fait que devenir de plus en plus plausible, au fur et à mesure que le sol semble se rapprocher, et que Mu perd soudainement la force qui lui permettait de ralentir votre chute. L'aura bleue vous entourant s'évanouit, et avec elle, s'éteint votre protection.
Ton cœur bat la chamade, comme lancé dans une course folle, comme s'il n'attendait que cela, qu'on décroche ses chaînes et qu'il cavale, inarrêtable. Celui de Nolan, en revanche, ne semble pas s'emballer : c'est étrange à dire, mais positionnée comme tu es, tu parviens à discerner chacun de ses battements. Un rythme régulier, sans accroc, sans fausse note. Une harmonie parfaite avec son détenteur, en sorte. Alors que votre chute s'accélère, le vent qui te lacère le visage devient de plus en plus violent — tu fermes les yeux, incapable de continuer à regarder ce qui vous attend en bas.
Sauf que... la collision ne vient pas. Il t'a semblé entendre une énième voix — que tu es incapable de nommer, cette fois-ci — retentir dans vos esprits, avant que lentement, votre chute ralentisse, pour s'arrêter complètement, et que vous touchiez le sol, tous les deux sains et saufs. Le Voltali te dépose à terre avant de s'intéresser à la responsable de votre atterrissage en douceur. Qu'il a l'air de... connaître ?
***Tu tires la manche du brun, une fois, deux fois, plusieurs fois, tellement de fois que tu as fini par arrêter de compter.
Oh non. Un nouveau sentiment d'appréhension te saisit : ce qui s'est passé avec Jasmine est en train de se reproduire, à un degré beaucoup moins important, et tu espères
franchement que tu n'auras pas à devoir refaire la même chose que plus tôt, parce que tu es certaine de ne pas pouvoir recommencer.
Et de ne pas vouloir recommencer non plus, soit dit en passant.
Fort heureusement, il finit par réagir, une bonne vingtaine de minutes plus tard. C'est étrange comme quelqu'un de si composé peut complètement dérailler lorsque ses convictions sont mises à épreuve. Si tu as bien compris, celui qui est venu à votre rescousse est un autre des Pokémon de Nolan... et est une fille, par dessus le marché. Chose qu'il semblait ignorer visiblement — ce que la Mentali actuellement allongée en face de vous, Shaka, t'a calmement expliqué après vous avoir déposés en sécurité dans un des immeubles alentours pendant que son dresseur était, heu... aux abonnés absents, disons. Un Pokémon des plus sympathiques d'ailleurs — et surtout, beaucoup plus posée que Libra, ce qui de toute manière ne semblait pas bien difficile. Enfin, pas que Libra soit méchante, hein... mais un peu de sérénité était la bienvenue de temps à autres.
Une sérénité qui vient bien vite à son terme lorsqu'une fois ses explications terminées, Shaka vous met en contact avec Libra et Topaz d'une façon plutôt... particulière. Tu sursautes et laisse échapper un cri de surprise lorsqu'en fermant les yeux, tu vois arriver à tout vitesse une patte de Tyranocif géante vers toi. Il te faut quelques secondes avant de réaliser que tu perçois à cet instant ce que la partenaire improvisée de ton Rocabot est en train de voir. Tu ne t'attendais pas à un changement aussi brusque de perspective, ni à te retrouver en plein milieu du chaos qui régnait actuellement à l'extérieur. Et voir une patte de Tyranocif d'aussi près n'était pas vraiment quelque chose que tu souhaitais de manière générale. Encore sous le choc, mêlé à une certaine inquiétude pour Topaz et la Gardevoir tu n'arrives pas vraiment à participer à la conversation mentale qui est en train de se dérouler, jusqu'au moment où Libra fait apparaître sous vos yeux (enfin, presque) la responsable de cette apocalypse onirique.
« Je la reconnais... c'est l'assistante de monsieur Sinclair. C'est donc bien elle qui à l'origine de tout ça, alors ? Elle n'a pas l'air... très bien... »Qu'est-ce qui te fait dire ça, Luce ? Ce n'est certainement pas la façon dont elle mitraille les divers boutons du tableau de bord s'étalant devant elle, ça c'est sûr. Toi qui avait l'impression que Francis était dur à gérer, on dirait que vous allez devoir vous frotter à un obstacle bien plus important, cette fois-ci. Au moins, Francis n'avait pas de robot géant, lui — et tu n'oses même pas imaginer ce qui serait arrivé si ça avait été le cas.
Tu soupires : espérons juste que vous parveniez à trouver une solution à ce carnage... et vite.
***Pour être honnête, être toute seule dans un immeuble aussi vide, aussi haut, et aussi susceptible à se faire ravager par un robot Tyranocif furieux est bien plus qu'effrayant.
C'est terrifiant.
C'est terrifiant, catastrophique, et tu n'as qu'une envie : que tout cela se finisse, et vite.
Tu te repasses les étapes du plan que Nolan a établi quelques minutes plus tôt en tête, une par une, soigneusement, afin d'être sûre de ne pas faire d'erreur. Vu comment la partie la plus délicate de votre stratégie repose sur tes épaules, tu ferais mieux de ne rien oublier.
Tu inspires.
Si tout ce que ton binôme t'a expliqué est clair dans ton esprit, la majorité du travail — la partie offensive — sera réalisée par Libra et Topaz (sans aucune surprise) eux-même soutenus par Shaka, qui seront chargés de créer un projectile suffisamment important pour pouvoir assommer l'espèce de dinosaure métallique qui vous sert de cible. Tu n'as aucune idée de comment c'est possiblement réalisable, mais tu imagines que le fait d'être actuellement dans un rêve doit beaucoup faciliter les choses. Et pendant ce temps là, ça sera à toi de le distraire afin de laisser du temps à l'équipe de Libra pour pouvoir préparer leur attaque. Enfin, « toi » ; Albireo, plutôt. Nolan ayant jugé bon qu'un Pokémon véloce et agile serve de diversion, c'est tout naturellement sur ton Farfuret qu'il a arrêté son choix — ce qui, soit dit en passant, a fait particulièrement plaisir au Pokémon Grifacérée. Il avait beau être ronchon, c'était plutôt facile de le satisfaire, au final.
C'est pour cette raison qu'en ce moment même, tu te trouves à l'avant-dernier étage d'un des immeubles situés sur le chemin du mécha-Tyranocif, à attendre de recevoir le signal qui marquera le début des opérations. Un pas lourd retentit dans vos alentours, signe que le robot est en train d'approcher. Un autre pas, puis un autre, encore un autre, et...
« ...maintenant. »L'ordre est clair et décisif : c'est à vous de jouer, désormais.
« Albireo, tu peux y aller ! »Tu n'as pas besoin d'en dire plus pour que le Farfuret s'exécute : d'un simple bond, il s'élance du haut de la corniche, et atterrit directement sur le bras de la machine. Tu ne peux rien faire à cet instant, à part le guider — et tu serres déjà les dents lorsque tu le vois glisser légèrement sur les immenses plaques de métal qui servent d'écailles à la créature. Il parvient à se redresser, et commence à détaler le long de la patte, ponctuant son ascension de coups de griffes afin d'attirer son attention. Ton cœur marque un rythme lourd dans ta poitrine : le Tyranocif ne réagit toujours pas, et une nuée d'idées indésirables envahit alors ton esprit.
Et si ça ne fonctionnait pas ? Et si quelque chose arrivait à Albireo ? Si jamais cela se retournait contre vous et que vous y passiez pour de bon cette fois-ci ? Tu secoues la tête : tu ne peux pas te permettre de baisser les bras maintenant. Tu ne te le pardonnerais pas... et surtout, tu ne te pardonnerais pas d'avoir déçu Nolan. Cependant, tes pensées parasites sont brutalement balayées lorsqu'Albireo traverse en un éclair le champ de vision du robot, ce qui le fait enfin réagir. Il parvient à éviter une première secousse...
« Albireo, à gauche ! »Aussitôt dit, aussitôt fait : ton Farfuret, d'un saut maîtrisé à la perfection, esquive une morsure du titanesque type Sol.
« Fais attention à sa patte ! »Le type Ténèbres a un peu plus de mal cette fois-ci, n'ayant pas exactement bien calculé sa trajectoire ; mais il réussit avec une de ses griffes à se rattraper à la brèche qui pointe entre deux des écailles métalliques, ponctuant sa récupération d'une attaque Vent Glace droit dans les yeux de la machine.
« B-bien joué, Albireo...! »« ...hmph. Pas de quoi. »La voix qui grogne dans ton esprit ne t'est pas familière, et il te faut quelques instants avant d'enfin réaliser que ton Farfuret vient tout juste de te parler. Interloquée, tu bégayes, ne sachant pas quoi lui répondre. Tu ne t'attendais pas à ce qu'il ait une voix comme celle-ci...
« Luce, c'est bon ! On va pouvoir envoyer la sauce ! »Tu relèves la tête sans même t'en rendre compte lorsque Libra t'adresse la parole : la phase finale du plan du Voltali est enfin terminée. Tu détournes le regard vers l'immeuble situé dans le dos du Tyranocif... pour remarquer une immense sphère de roc, entourée d'une aura bleutée, similaire à celle qui a amorti votre chute précédemment. Sa simple taille te coupe le souffle : tu es à peu près sûre que ce n'est pas possible que quelque chose d'aussi énorme puisse flotter. Encore une fois, le fait d'être dans un rêve doit pas mal aider...
« Luce ! »« A-ah, p-pardon ! C'est bon, tu peux revenir par ici ! »Exaspéré, le Farfuret saute du haut de l'épaule du Pokémon de métal, et se rattrape à la façade de l'immeuble avec une de ses griffes avant de te rejoindre. Mais avant même que tu puisses lui dire quoi que ce soit, c'est la voix tonnante de Libra qui explose dans ta tête.
« HAHAHA~ ON VA VOIR SI TU VAS ENCORE RIGOLER APRES CA, ESPÈCE DE LÉZARD BALOURD ! »Tu es à peu près sûre que le lézard en question aurait été offensé... si ça n'avait pas été un robot.
« TOPAZ, FIDÈLE SIDEKICK... A TOI DE JOUER ! IMPULSION GAIA : DEAD END, PUISSANCE MAXIMALE ! »A l'entente de ces mots — ponctués par un aboiement retransmis télépathiquement — l'immense rocher qui flottait au dessus du toit d'en face est projeté à une vitesse inhumaine vers la tête du Tyranocif... et fait mouche. Lentement, le colosse d'acier titube... et s'écroule dans un bruit de tonnerre au sol, provoquant une secousse si intense qu'elle fait trembler absolument tout autour.
Tu soupires à nouveau : mais cette fois-ci, c'est un soupir d'absolu soulagement.
C'est enfin fini.
***Tu rejoins Nolan et les autres en bas, en face de ce qui était quelques minutes plus tôt votre pire ennemi — mais Libra te laisse à peine le temps d'arriver que déjà, elle te saute au cou.
« Luce !! C'était trop cool hein, t'as vu, on s'en est bien sortis ? Et on aurait pas pu le faire sans toi et Albireo, ça ! Pas vrai Nolan ? »Tes joues prennent une légère teinte rougeâtre : tu n'as pas l'habitude d'être complimentée aussi vivement.
« Euh, m-merci... ? Je n'ai pas vraiment fait grand chose, pourtant... »La type Psy te tire la joue, s'apprêtant à te re-noyer sous des remontrances qui te rappellent furieusement celles de ta sœur — mais est coupée court dans sa tentative par le bruit du cockpit du robot qui s'ouvre dans une fumée étouffante, et qui en laisse sortir une jeune femme vêtue d'une blouse blanche et affublée d'énormes lunettes rouges plantées dans sa chevelure brune. A sa simple apparition, Libra cesse aussitôt de te réprimander, et se jette sur elle en compagnie de ton Rocabot, lui toutes griffes dehors, elle adoptant une pose héroïque, prête à l'interroger.
« Pas un geste de plus, jeune femme ! Qu'est-ce que vous avez à dire pour votre défense ? »D'un simple signal télépathique, Nolan lui ordonne de se calmer, causant un râle d'exaspération venant de la Gardevoir — et tu comprends pourquoi le Voltali a réagi aussi vite : quelque chose ne va pas avec la scientifique. Rampant en dehors du robot, elle est haletante, tremblante, a le regard hagard, et prend peine à respirer... des symptômes que tu reconnais très bien. D'un pas peu assuré, tu t'approches d'elle, et s'agenouille à ses côtés. Elle ne semble pas immédiatement remarquer que tu es près d'elle, cependant. Rassemblant tout ton courage, tu avances timidement la main vers la sienne afin de l'agripper, le plus doucement possible, afin de ne pas l'effrayer.
« Est-ce que ça va... ? »Pour simple réponse, elle ne parvient qu'à aligner des balbutiement incohérents, entre deux respirations saccadées. Tu renforces ta prise autour de sa main encore tremblante, et pose ton autre main libre sur son épaule.
« C-Ca va aller, d'accord ? Respirez doucement, ça va aller... »Toi, plus que quiconque, sait à quel point sortir de ce genre de situation est difficile, car tu en as été victime tellement de fois. Ces moments peuvent parfois être la chose la plus terrible du monde ; ces moments où on se sent déconnecté de tout, où il devient impossible de se raccrocher à la réalité, et où personne n'est là pour aider. Personne pour vous dire que tout va rentrer dans l'ordre, personne pour aider à chasser les pensées parasites qui vous dévorent de l'intérieur et troublent le peu de pensée logique qu'il vous reste. Personne pour vous tenir la main et vous rassurer, vous dire que vous êtes toujours là, dans cet instant présent. Rares sont ceux qui sont parvenus à t'expliquer cela clairement, et toi-même, tu as mis longtemps à le saisir.
Une ancre : c'est ça dont elle a besoin.
Tu resserres à nouveau ta prise, répétant les mêmes mots que précédemment pour qu'ils parviennent enfin à trouver la sortie du labyrinthe de son esprit actuellement plongé dans le chaos. Et au bout de plusieurs, longues fois, ses tremblements diminuent — sa respiration reprend un rythme relativement normal. Elle est enfin sortie du brouillard, visiblement ; et son regard croise le tien.
« Est-ce qu'ils sont partis... ? »Tu fronces légèrement les sourcils. Qui est parti ? Est-ce qu'il y a encore quelqu'un ici, en plus d'elle — et de vous ?
« Je... je ne sais pas exactement de qui vous parlez, mais il n'y a personne ici, à part vous, et nous six. »« Il faut qu'on s'en aille d'ici, ils vont revenir sinon... il ne faut surtout pas qu'ils reviennent, mon mécha-Tyranocif a été détruit, je peux plus les arrêter— »« D-doucement, s'il vous plait... ça va aller. Vous êtes en sécurité maintenant, d'accord ? »« Mais les aliens... ! »Tu t'immobilises subitement.
Oh... c'est ça qui avait donc tant attiré ton attention sur son dossier. Parmi ses signes particuliers, il était noté qu'elle souffrait de paranoïa et de troubles majeurs de l'anxiété... quelque chose qui t'est particulièrement familier. Tu serres les dents.
« Si on reste ici ils vont revenir... et je n'ai rien pour me défendre cette fois-ci... ! »Relâchant ta prise sur son épaule, tu agrippes fermement son autre main, en essayant de la forcer à te regarder dans les yeux — quelque chose que tu n'aurais jamais fait, d'habitude. Tu es probablement la personne la mieux placée pour la comprendre à cet instant précis, et il est hors de question que tu la laisses tomber. Peu importe si ses délires semblent invraisemblables — ils sont réels pour elle, plus réels que tout autour d'elle, et c'est à toi de l'aider à en sortir.
« D-dans ce cas, on va vous emmener ailleurs, d'accord ? Comme ça vous n'aurez plus à avoir peur, et... »« Mais ils vont s'en prendre aux autres, si on les laisse ! Ils vont s'en prendre à tout le monde et— »« S'il vous plait, écoutez-moi— est-ce qu'ils s'en sont pris à qui que ce soit pour l'instant ? Est-ce qu'ils s'en sont pris à vous directement ? »Elle reste silencieuse un instant — et tu sens son regard dévier légèrement.
« Ils sont là... il ne partiront pas tant que— »« Dans ce cas, nous allons partir, d'accord ? Il n'y a personne ici, à part nous. Nous, et votre robot ici qui a failli détruire toute la ville. Je comprends que vous ayez essayé de vous défendre... mais je ne pense pas que c'était la meilleure des façons de le faire. Et... e-est-ce qu'ils sont si mauvais que ça ? Il existe plein de Pokémon qui viennent de l'espace, et ils ne sont pas méchants pourtant, non ? U-um, regardez Mélofée et Stari... Seleroc et Solaroc... répétez après moi, d'accord ? »Tu entames la liste de tous les Pokémon en rapport avec l'espace dont tu peux te rappeler, ceux à propos desquels tu avais lu tant de choses dans les livres de la bibliothèque de Joliberges. Evidemment, tu omets volontairement Deoxys — ce ne serait clairement pas une bonne idée de la faire replonger alors qu'elle suit calmement, nom après nom, tout ce que tu lui dis.
Graduellement, elle commence à reprendre une posture plus détendue. Ses traits ne sont plus aussi crispés, et sa respiration est tout ce qu'il y a de plus normale désormais. Tu peux enfin lâcher ses mains, alors qu'elle tente de se redresser.
« Est-ce que vous allez mieux, madame... Alicia, c'est ça ? »« Oui...ça va mieux. Merci beaucoup... heu, vous êtes qui, exactement ? Qu'est-ce vous faites ici et— où est-ce qu'on est, d'ailleurs ? La dernière chose dont je me souviens, c'est d'avoir été aux Vestiges du Rêve, et... »« Ah— » tu bafouilles brusquement. C'est vrai qu'elle n'a pas dû être mise au courant de ce qu'il s'est passé.
« Je m'appelle Luce, et, um, voici m-mon partenaire, Nolan... nous avons été envoyés pour vous aider. Je suis désolée d'être aussi brusque mais, e-est-ce que vous parvenez à vous rappeler de quoi que ce soit d'autre, après que vous soyez arrivée au Vestiges du Rêve ? »« Hum... j'y étais sur ordres de mon supérieur pour étudier le terrain. J'y suis donc allée avec tout mon matériel histoire de voir ce que je pouvais faire, mais... j'ai commencé à avoir la tête lourde et à voir flou... la dernière chose dont je me rappelle, c'est d'une espèce de fumée rose. »Une fumée rose... décidément, tout se rejoint pour dire que le Mushana que tu as aperçu plus tôt est responsable de toute cette histoire. Tu tentes de sourire à Alicia, afin de la rassurer à nouveau. Si tu te rappelles bien de comment Nolan a procédé avec Francis, il va falloir que tu en fasses de même avec la scientifique.
« Merci beaucoup, madame Alicia. Tout va bien aller, d-d'accord ? Les aliens sont partis, et vous pouvez rentrer tranquillement. C'est terminé, maintenant. Et puis... vous avez encore du travail devant vous, non ? Oh, nous avons croisé monsieur Sinclair un peu plus tôt d'ailleurs, et il nous a dit que vous étiez très douée dans votre travail... »« Oh bon Arceus, c'est vrai ! Sinclair va être de mauvaise humeur si je ne me dépêche pas... m'enfin, il est toujours de mauvaise humeur, alors un peu plus un peu moins... »Tu ne parviens pas à retenir un léger rire après cette dernière phrase — on dirait que même ses employés partagent ton avis à son propos.
« Merci... Luce, c'est ça ? C'est gentil d'être restée pour m'aider. Ca m'arrive souvent ce genre de truc... c'est un peu embêtant, pour tout te dire. C'est sympa d'avoir des gens pour filer un coup de main. »« O-oh, de rien... je suis contente d'avoir pu vous aider. Nous allons rester encore un peu ici, nous avons encore quelques choses à examiner ici... r-rien de bien grave, ne vous inquiétez pas ! Mais madame Oryse et monsieur Sinclair vous attendent, alors... »« Oh, compris miss, je vais pas les faire attendre plus alors ! Bon courage à toi et ton partenaire, alors — vous faites un sacré bon duo pour avoir réussi à m'arrêter, quand même. Allez, à plus tard ! »Elle vous adresse un simple geste de la main en guise d'au revoir, et, à l'instar de Francis antérieurement, disparaît lentement, emportée par le vent qui souffle encore dans les ruines de la ville, et qui constitue le seul bruit qui perce encore le lourd silence qui pèse sur vous. Non, pas tout à fait le seul : à nouveau, un bruit de scintillement auquel vous êtes désormais habitué emplit l'air, et signale l'apparition d'une nouvelle porte, d'un bois aux couleurs cette fois-ci bien plus vives.
Avant même que vous puissiez vous avancer vers elle cependant, la voix stridente de Libra hurle soudainement dans vos têtes. Tu te crispes, et lentement, tu te tournes vers elle, alors qu'elle te fixe avec une lueur amusée dans le regard.
« Luce, je crois qu'il va falloir qu'on parle, toi et moi... »Tu déglutis. Même si ça fait peu de temps que vous vous connaissez, tu es persuadée que Libra qui demande ce genre de choses, c'est
tout sauf rassurant. Heureusement pour toi, ton binôme a l'air de vouloir passer le prochain seuil, qui vous mènera tu-ne-sais-où. Dans un endroit un peu plus normal, tu espères bien. Libra, Topaz, Shaka et Albireo tous à vos côtés, c'est cette fois-ci à ton tour d'ouvrir la porte.
Mais dès lors que ta main se pose sur la poignée ciselée, tu ressens quelque chose... d'étrange. Une sorte de décharge — un pressentiment qui met tes sens en alerte. Quelque chose
ne va pas. Quelque chose te semble affreusement mauvais, mais tu n'arrives pas à saisir quoi. Avant que tu puisses y réfléchir plus, la porte s'ouvre, et pour la troisième fois, vous êtes absorbés par un torrent de lumière...
***Tu le sens, cette fois-ci. Quelque chose est différent. Quelque chose de bizarre... quelque chose qui comme pèse sur ton cœur, quelque chose de dur, de froid.
Un peu comme le sol sur lequel tu es actuellement recroquevillée.
Tu secoues la tête légèrement : votre arrivée les fois précédentes n'avait pas été aussi rude. Tu te redresses, non sans un certain effort. Ta tête te lance, tu te sens horriblement engourdie, et tu as l'impression que quelque chose manque.
Ce quelque chose, c'est sûrement la moitié de ceux avec qui tu étais avant de franchir la porte.
Comme soudainement rappelée à la réalité, ton regard parcourt ce qui se trouve autour de toi. Mais à part une végétation dense et immense, tu ne vois rien que tu parviens à reconnaître. Aucun indice ; et ni Albireo, ni Libra, ni Topaz, ni Shaka, ni Nolan ne sont présents. Un certain malaise t'envahit lorsque tu réalises que non seulement tu es seule, mais qu'autre chose ne tourne pas rond.
Tu as changé. Enfin, très exactement, tes vêtements ont changé, pour un accoutrement que n'importe quel féru de littérature reconnaîtrait.
Et ça ne te dit rien qui vaille.
feat. nolan dèannag