Au final, ce voyage s'est beaucoup mieux passé que tu le pensais.

Tu tires sur les sangles de ton sac à dos afin de le réajuster, en profitant par la même occasion pour dégager ta queue de cheval qui, a force de marcher, s'est retrouvée coincée en dessous. C'est probablement ce pourquoi tu regrettes le plus tes cheveux courts : au moins, eux n'avaient pas cette fâcheuse tendance à se retrouver accrochés à n'importe quoi ou à finir complètement emmêlés à la fin de la journée. Si ta sœur avait été là, elle t'aurait sûrement tapoté la tête en t'assurant qu'il fallait souffrir pour être belle. Être belle est loin d'être une de tes priorités, mais bon, c'est ce que tu avais voulu. Et puis on t'avait dit que ça t'allait bien, alors...

En face de toi, la silhouette de ton accompagnatrice continue son avancée fièrement, la tête haute, visiblement plus que satisfaite de son aventure. Toi... tu es un peu plus mitigée. Certes, c'était une occasion en or pour toi de non seulement découvrir une nouvelle région, mais également de mettre en pratique ce que tu avais appris à la Pokémon Community, mais tu devais admettre que c'était sacrément fatiguant de marcher autant. Toi et ton endurance, hein... c'était bien plus facile en rêve, ça c'est sûr. Tu soupires lourdement.

C'était la deuxième année que tu passais en escapade ailleurs que dans ta région natale ou sur Lansat. Un changement de rythme plutôt apprécié, après les événements de ces derniers temps. Ta toute première mission, particulièrement mouvementée en plus de cela, avait été suivie presque directement par l'incendie à Palladium. Ça avait eu des côtés positifs, oui : tu avais pu faire la connaissance en bonne et due forme de la colocataire d'Alex, et surtout, tu avais été utile. Tu avais pu aider le reste des élèves à calmer l'incendie... et tu étais la première que ça avait surpris. Certes, ta mission avec Nolan avait commencé à réveiller les quelques étincelles de motivation qui sommeillaient en toi, mais tu ne pensais pas être capable de faire preuve de tant de... bravoure ? Courage ? Ces mots te semblent un peu trop forts pour toi. Pour quelqu'un comme toi. Mais même malgré ce sentiment de satisfaction, de progrès — tu n'arrives pas à te retirer la gravité des événements de l'esprit. Comme beaucoup, d'ailleurs.

Fort heureusement, pour tenter de faire oublier à ses élèves l'incident, l'académie a cependant jugé bon d'envoyer l'intégralité du corps étudiant en vacances à Alola. Ce qui, en soi, est une bonne idée. Après tout, la mer, le ciel bleu, les Noadkoko, le sable fin, les malasadas... c'est une perspective particulièrement alléchante (jeu de mot purement involontaire) aux yeux de n'importe qui. Un peu moins pour toi, vu que tu n'étais pas très à l'aise lors des fortes chaleurs, comme votre petite virée à Kanto l'année dernière l'avait prouvé. Moins qu’Ève ceci dit. D'ailleurs, ça fait un petit moment que tu n'as pas eu de ses nouvelles, tu espères que tout va bien pour elle... ahem. Tu devrais peut-être songer à lui envoyer une carte postale. Ça lui ferait sûrement plaisir. Enfin, tout ça pour dire que des vacances agréables dans une région inconnue étaient plus que méritées. Bien sûr que ça attisait un peu tes inquiétudes, mais tu avais décidé de ne pas t'en préoccuper. Tu allais te détendre, t'amuser, et c'était le principal. Et quoi de mieux pour se détendre et s'amuser que partir avec des amis ?

Il y avait un hic dans cette histoire, en revanche. Le petit problème, c'est que la grande majorité de tes amis avaient déjà choisi avec qui ils allaient loger. Loger chez l'habitant est un concept que tu n'avais jamais eu l'occasion de vivre... et vu ta timidité, tu n'avais aucune envie de traverser ça toute seule. Fort heureusement, quelqu'un, un envoyé d'Arceus, un ange tombé des cieux, a décidé de te sauver la vie.

Et ce quelqu'un, ce n'est nulle autre que la colocataire d'Alex, Max.

Depuis l'incendie à Palladium, vous vous étiez... étrangement rapprochées. Ça t'étonnait de n'avoir jamais eu l'occasion de la croiser plus tôt, vu comment tu étais proche d'Alex. C'était chose faite désormais, et ton aînée Givrali était probablement une des personnes les plus gentilles et les plus douces que tu aies jamais rencontré. Ce à quoi tu ne t'attendais pas en revanche, c'est qu'elle vienne aussi naturellement te proposer de loger avec elle dans une des villes de l'île d'Akala, Konikoni. D'après ce que tu avais vu sur les brochures, ça avait l'air d'être une ville particulièrement sympathique. Listés parmi les lieux importants se trouvaient la joaillerie de la doyenne de l'île, Alyxia, le restaurant Barbarégale, ainsi que le phare de Konikoni, cimentant la ville comme l'un des centres portuaires de la région.

Et quoi de mieux pour vous accompagner dans une cité portuaire qu'un résident d'une ville similaire ? C'est ce que t'avait glissé Max, lorsqu'elle t'avait suggéré d'avoir un troisième colocataire pour ces vacances au soleil. La perspective te semblait plutôt sympathique, tu devais admettre. Tu lui avais expliqué que tu étais un peu mal à l'aise en présence d'inconnus, vu ta timidité, même si tu travaillais sur ça — ce à quoi elle avait l'air de compatir — et elle t'avait assuré qu'elle essayerait de trouver quelqu'un que tu connaissais déjà.

Tu ne t'attendais juste absolument pas à qu'elle soit accompagnée par Nolan lorsqu'elle t'a annoncé la nouvelle.

Ta réaction fut... brusque. Disproportionnée, peut-être ? Tu n'es pas sûre de pouvoir la qualifier ainsi, mais tu es sûre d'une chose : faire tomber la pile de livres que tu étais en train de ranger pile sur la queue de ce pauvre Topaz qui dormait à côté de ton bureau et qui a en conséquence fait trois tours de la chambre en aboyant à cause de la surprise avant de se manger ta table de nuit n'est clairement pas la meilleure manière de réagir à l'arrivée de quelqu'un. Nolan étant Nolan, il n'avait pas réellement l'air de s'en formaliser. Tu avais fini par comprendre ça lors de votre mission, il y a quelques mois.

(Tu t'es bien sûr excusée bien plus de fois que nécessaire, le visage rouge écarlate, après lui avoir dit bonjour.)

Et c'est comme ça que vous aviez fini tous les trois dans la même maison, logés par une famille à Konikoni. Une expérience plutôt agréable, même si évidemment le simple fait de rester chez des gens — que tu rencontrais pour la première fois, en plus — te poussait à vouloir proposer ton aide pour tout et n'importe quoi. Parce que tu as toujours trop peur d'être un fardeau. Mais en dehors de ce léger malaise, les premières semaines avaient été fantastiques. Tu avais pu explorer l'intégralité de la ville ainsi que les routes alentours, visité le Parc Volcanique, avais pique-niqué près de la Colline Clapotis (quelque chose qui fut durement négocié avec Nolan) et tu avais même fait une virée shopping entre filles avec Max à Ekaeka. Pour une fois, tu pouvais l'affirmer : tu profitais pleinement des tes vacances.

Enfin, jusqu'à ce que Max et Nolan t'annoncent qu'ils allaient partir dans d'autres régions, chacun de leur côté.

Evidemment, ils devaient avoir des choses à faire de leur côté, ou avaient envie de revoir leur famille. Mais tu n'avais tellement pas vu le temps passer que la nouvelle t'avait prise de court. Tu les as donc vu partir, l'un après l'autre, non sans que Max te demander de l'appeler si il y avait quoi que ce soit, et que Libra te dise de faire attention à toi. Très attention à toi, avait-elle précisé en te faisant un clin d’œil. Mais avec un pincement au coeur, tout de même. Absorbée par la réalisation que tu te retrouvais seule, tu avais à peine entendu ton téléphone sonner une fois rentrée chez votre hôte. Il t'a fallu deux nouvelles tentatives d'appel de ta mère pour que tu décroches enfin — partiellement parce que tu n'avais pas entendu, mais aussi parce que... oui, soyons francs, tu n'aimes pas spécialement parler au téléphone. Il faut encore que tu travailles sur ça. Entre autres.

Lorsque tu as enfin décroché — après t'être fait sermonnée à ce sujet et t'être platement excusée — ta mère, prenant par la même occasion de tes nouvelles, en a profité pour te prévenir qu'une de ses connaissances, archéologue de profession, partait en expédition à Hoenn pour étudier le Site Météore. Elle avait suggéré que tu l'accompagnes, afin de parfaire tes études...

Ce qui t'amène donc à aujourd'hui, alors que tu traverses les chemins rocheux de la Route 114, Amélia, l'amie de ta mère, marchant toujours joyeusement devant toi sans montrer le moindre signe de fatigue. Après tout le chemin que vous avez fait depuis trois jours, tu te demandes comment est-ce qu'elle peut encore tenir le coup. Entre le voyage en mer d'Ekaeka jusqu'à Poivressel, le chemin jusqu'à Lavandia où vous vous êtes arrêtées pour acheter de l'équipement pour ensuite pouvoir franchir le désert de la Route 111 — tu avais d'ailleurs dû retenir Amélia pour ne pas qu'elle se jette sur l'immense ruine terrée dans celui-ci — puis longer le Mont Chimnée jusqu'à atteindre la Route 113, qui t'a d'ailleurs particulièrement marquée ; tu étais complètement lessivée. Ce n'est qu'une fois cette dernière traversée que vous avez enfin pu vous reposer à Autequia, qui n'était qu'à une ou deux heures de votre destination. Tu en avais profité pour faire plus ample connaissance avec Amélia : archéologue et exploratrice, c'était une femme particulièrement gentille, douce et pleine d'entrain, qui avait immédiatement su te mettre à l'aise. Peut-être... un peu trop pleine d'énergie, d'ailleurs, vu comment elle avait exploré le Site Météore de fond en comble sans s'arrêter.

Une dizaine de minutes de marche supplémentaires vous amènent enfin à une petite clairière tranquille au milieu de la route 114 : l'endroit idéal pour se poser et récupérer.

Tandis que tu t'écroules sur le gazon, Amélia, ayant posé son immense sac-à-dos à ses pieds, s'étire, un large sourire aux lèvres. Elle réajuste promptement sa queue de cheval, avant de se laisse tomber à côté de toi, ses yeux mordorés, de la même couleur que sa chevelure, plongés dans les tiens.

« Alors, Luce ? Qu'est-ce que tu en as pensé ? C'était intéressant, pas vrai ? »

Tu restes songeuse pendant quelques instants : lorsque vous avez posé les pieds dans la grotte, tu n'avais pas l'impression que l'endroit soit si impressionnant que ça. Ce n'est que lorsque vous avez plongé plus profonds dans les profondeurs de la caverne que tu t'es réellement rendue compte à quel point ce lieu était chargé en mystères. Tous ces cratères, les mêmes que ceux qu'on trouvait près de Voilaroc, et toutes ces légendes à propos du Peuple du Météore... ça avait suffi à éveiller ta curiosité. Amélia avait bien essayé d'en savoir plus à leur propos en explorant le site, mais visiblement, leur secret était très bien gardé. Malgré cet échec, elle n'avait pas perdu sa bonne humeur.

« O-oui... Je ne pensais pas qu'une grotte pouvait receler autant de choses. »

Un air satisfait apparaît sur le visage de ton interlocutrice.

« Et oui ! Malheureusement c'est un terrain particulièrement sous-estimé... Les gens me disent souvent que ce n'est que des cailloux, mais ces cailloux renferment des millénaires d'histoire... et qui sait ? Peut-être même bien plus. Ces météores auraient peut-être un lien avec Deoxys, tu sais ? Et puis... ça a quelque chose d'excitant, tu ne trouves pas ? La spéléologie, c'est ma spécialité. »

Sur cette dernière phrase, elle pose fièrement ses mains sur ses hanches. C'est vrai qu'elle l'avait l'air d'en connaître un sacré rayon sur ce genre de choses. Même si d'après ta mère, elle avait beau être experte en spéléologie, une fois hors de son élément, elle était complètement perdue. Elle t'avait notamment raconté cette fois où elle était parvenue à se perdre dans le bois Clémenti et y était restée pendant quatre jours. Heureusement qu'elle avait de quoi se nourrir, quand même.

Mais alors que tu t'apprêtes à répondre à l'archéologue, à lui demander plus de détails — parce qu'après tout, c'est pour ça que tu es venue, non ? Pour en apprendre plus sur ce que tu comptes étudier à l'avenir — le sac d'Amélia se met à bouger de manière... particulièrement suspecte.

Ca aurait probablement été juste un coup de vent, si jamais des piaillements ne s'échappaient pas de celui-ci. Amélia se tourne vers toi, perturbée.

« C'est un de tes Pokémon ? »

Curieuse, tu te lèves. Tu n'as laissé personne sortir de sa Pokéball, pourtant... Il est vrai que ça arrive à Topaz d'en sortir spontanément, mais tout de même... il ne piaille pas, non ? Sauf si il a un talent caché que tu ne connais pas. Tu continues néanmoins à t'approcher du sac. C'est probablement un Pokémon sauvage...

Tu espères juste que ce n'est pas quelque chose de très dangereux. D'après ton iPok, il y aurait apparemment des Séviper, ici... Tu déglutis.

Les serpents, c'est pas du tout ton truc.