Je serrais ma cape noire autour de moi, faisant bien attention à ce que le vent devant le manoir ne la fasse pas s’envoler. Je comptais attendre d’être à l’intérieur pour dévoiler à tout le monde mon magnifique costume d’Halloween ! Je sentais cependant, à la taille de l’édifice et aux nombreux, très nombreux bruits de Pokémon que nous entendions, que mon choix d’habillement n’allait pas être très avantageux pour marcher dans ces conditions… Bah ! J’assumais ! Cierge, dans mes mains, regardait avec moi les lourds nuages sombres qui s’amassaient au-dessus de la bâtisse, cette dernière semblant déjà à l’abandon. Quelqu’un avait vraiment vécu ici peu de temps avant ? Si on m’avait demandé mon avis, j’aurais parié sur plusieurs dizaines d’années sans avoir vu le moindre humain… Mais bon.

J’entrais avec les autres, et laissais les professeures faire leur discours habituel avant qu’elles ne nous laissent nous promener dans l’endroit. J’en profitais pour jeter de rapides coups d’oeils aux autres élèves. Certains n’avaient pas fait l’effort de se déguiser, d’autres avaient rivalisé d’inventivité. Clowns et autres Pokémons Spectre et Ténèbres étaient bien sûr présents, l’éternel costume de lapin rose dont je ne comprenais toujours pas l’utilité, et j’étais même certain qu’un type avait comme une crête de cacatoès [Tavu comme je lis bien les règles] sur la tête. Je levais les yeux au ciel. Ils n’avaient rien compris, rien du tout… Je m’écartais donc de la masse, et tournais la tête pour voir Hector pas loin, tremblant de peur mais essayant de jouer aux durs.

« - Eh toi, viens par-là et réceptionne.
- Hein ? Euh… Quoi ? »

Et sans rien dire de plus, j’envoyais ma cape en sa direction – qu’il attrapa plutôt bien au vol, pour une fois –, révélant ma longue robe noire cintrée, mon maquillage et mes longs cheveux lissés. Pour Halloween, j’étais une parfaite Morticia. Mais en blonde. Enfin en blond. Bref, vous avez compris. J’attendais un peu en espérant entendre des « Ouaaah ! » émerveillés, mais rien ne vint et je soupirais lourdement. Ils ne connaissaient rien à la beauté.

Je laissais ma cape à Hector pour l’instant, lui demandant de me la garder pendant mon exploration, puis je me mettais en route, Cierge tout excité. Il était dans son élément, c’était clair. J’avais hâte de voir quels Pokémons j’allais croiser en cette soirée. Mais euh… Rien de trop effrayant. J’ai déjà donné… Pitié. Je ne veux pas devoir partir en courant. Surtout que je ne peux PAS courir avec cette robe. Trop serrée. Sentant un léger frisson me parcourir, je préparais la ball d’un de mes Pokémons, prêt à la sortir en cas de besoin. On ne sait jamais…

Tout était calme. Très calme. TROP calme. Au fur et à mesure que j’avançais, je n’entendais plus que mes bruits de pas, alors que j’étais certain de ne pas m’être trop éloigné des autres élèves. Cierge ne semblait pas avoir peur, lui, alors que de mon côté, l’angoisse montait sans que je puisse m’en empêcher. Bientôt, quelques cris de Pokémons me parvinrent, provenant d’une pièce dont la porte se trouvait à quelques enjambées, et je décidais d’y entrer, faisant très attention. Il s’agissait d’une chambre, poussiéreuse et aux draps défaits, mais malgré tout toujours aussi jolie. J’avançais, pensant à déplacer un meuble pour éviter que la porte ne se referme, comme dans les mauvais films d’horreur. Cependant, alors que je m’arrêtais, plus rien ne se fit entendre. Le petit habitant de cet endroit était-il caché ? Avait-il eu peur de moi ? Ca m’aurait étonné, mais je me décidais quand-même à attendre, m’asseyant sur le rebord du lit. S’il s’était faufilé dans un coin, alors je le verrai. Au pire, il tenterait de m’attaquer, bon, voilà… Hm… Super plan Alyx, vraiment.

Cela prit bien cinq longues minutes qui me semblèrent des heures avant qu’enfin, quelque chose daigne bouger dans le coin. Mais pas dans la pièce. Un autre Pokémon avait traversé le couloir devant la porte de la petite chambre, puis était revenu sur ses pas pour venir me faire un petit coucou, pas plus perturbé que ça par ma présence. Je sortais mon iPok en visant la créature, captant juste assez pour qu’il me donne son nom. Chapignon. Il n’avait pas l’air bien méchant, et plutôt content de se promener dans la demeure en présence d’autres gentils dresseurs. Ca aurait été cruel de l’attraper… Cette petite bestiole toute libre ! Je faisais bien attention à ne pas avoir de geste brusque ou menaçant, le gardant avec moi jusqu’à ce que finalement, un autre bruit résonne dans la pièce, faisant partir mon visiteur assez rapidement. Je posais ma main sur la ball d’un de mes compagnons, tenant Cierge contre moi de l’autre. Là, c’était quand-même un peu beaucoup flippant… Qu’est-ce qui allait me tomber dessus ? Un énorme monstre ? Un fantôme ? Ou juste un Pokémon aussi effrayé que moi… ?

Je regardais tout autour de moi, à l’affut. Un Pokémon était bel et bien caché ici, et j’allais le trouver. J’observais la pièce, sous les meubles poussiéreux, les rideaux mal tirés, les draps froissés, jusqu’à ce que finalement, un bruit plus fort ne se fasse entendre, et une ombre surgisse pour pousser le meuble que j’avais utilisé pour garder la porte ouverte, cette dernière se refermant dans un grand claquement. Et puis, la silhouette disparut. Je commençais vraiment à m’inquiéter… Si c’était un Spectre qui jouait avec moi, ça n’était pas drôle ! Et j’allais botter ses fesses pour la peine. Ses fesses spectrales, oui, bien sûr. J’attendais à nouveau avant de me lever, guettant le moindre mouvement, quand quelque chose passa derrière moi. Je me retournais, mais rien. Puis encore une fois derrière, et je me retournais encore. Trois fois comme ça avant que je ne m’agace.

« - Bon ! C’est fini, oui ?! Sors de là ou je te flanque une correction dont tu te souviendras ! »

Ouais, bon, je n’étais pas spécialement doué pour la menace sur Pokémon – ça marchait tellement, tellement mieux sur Hector… –, mais ça valait la peine d’essayer. Pourtant, la créature ne semblait pas du même avis, et tout à coup, je tombais au sol, percuté dans les jambes par quelque chose de dur. Cierge, resté sur le lit, ne manqua pas de se moquer de moi. En me redressant, je tombais nez à nez avec un Carapuce, et autant dire… Qu’il n’avait pas l’air bien ravi de me voir. Du tout, même. Ca puait grave, comme disent les gens trop swag. Et je ne me trompais pas : la petite tortue d’eau décida que c’était le bon moment, tant que j’étais à terre, pour me tremper totalement.

« - Aaaah !! Arrête ! STOP ! »

Je m’agitais en essayant de me relever, avec l’eau partout qui me faisait glisser et ma robe trop serrée pas du tout pratique. Ca me rappelait cette horrible mission sous l’eau, avec l’autre donneuse de leçons, et la petite magicienne complètement chtarbée. Pas un bon souvenir DU TOUT. J’attrapais finalement la première Pokéball qui me venait, et désespérait en voyant de qui il s’agissait. Héraclès… A tous les coups, il allait faire copain-copain avec l’autre, et c’en serait fini de moi…

Je les regardais se fixer, le Carapuce l’air déterminé à nous humilier tous, quand je remarquais la bouille énervée de mon Coupenotte. Visiblement, il n’était pas ravi que son dresseur se fasse embêter ainsi… Je parvenais à peine à m’éloigner au bon moment, quand il décida de lui charger dessus pour l’envoyer bouler contre la porte, qui trembla fortement à son contact. Puis ce fut plein de petits coups de l’un et l’autre. Une double baffe dans la tronche du Carapuce, une morsure pour mon bébé. Plus cela avançait, plus mon petit semblait y aller fort. Et là, ça m’inquiétait. J’arrivais à me relever pour aller l’attraper, le portant.

« - Arrête ! Arrête, tu le blesses, c’est mal. C’est bon, il a compris. »

Héraclès s’agitait dans mes bras alors que j’observais le Pokémon eau dans un sale état. Je n’avais pas vraiment vu ce qu’il lui avait fait, mais si quelqu’un tombait là-dessus, c’était foutu : je serais taxé de monstre et mon Coupenotte de dangereux. Hors de question. Une pointe de culpabilité me pris… Et disparut aussitôt alors que je sortais une Pokéball vide, haussant les épaules. Bah quoi ? Je n’allais pas le laisser là, hein. C’était… Une bonne action que de le mettre dans cette Pokéball, pour ensuite lui donner une vie meilleure ! … Et surtout m’en débarrasser, oui ! Mais bon, personne ne dira rien. Vous direz quelque chose, vous ? Non ? Bah voilà.

Je lançais donc la Pokéball sur le pauvre petit Pokémon, me demandant s’il allait résister ou se laisser attraper. Et s’il se relevait, est-ce que j’allais encore me faire arroser ?

La ball s’immobilisa, et je regardais, dépité, ma tenue pleine d’eau qui dégoulinait au sol, mon Coupenotte dans mes bras qui était tout essoufflé et énervé, Cierge sur le lit qui, même lui, n’osait plus en rire. Ca n’était plus drôle depuis longtemps, en fait. Je prenais la Pokéball et la gardais dans ma main après avoir rentré Héraclès dans la sienne, fixant l’objet un moment. Lui, je n’en voulais pas. Je n’avais pas besoin de quelqu’un pour me ridiculiser de façon générale, alors un Pokémon, encore moins. Je rangeais malgré tout mon butin dans ma sacoche, me disant que je trouverais bien un endroit où me débarrasser de cette chose. Je n’aimais pas spécialement abandonner les Pokémons dans la nature ; je n’étais pas non plus sans-cœur. Mais celui-là m’a suffisamment tapé sur les nerfs pour que l’envie d’ouvrir une fenêtre et le jeter à travers me prenne.

Je revenais vers mon petit Funécire, le prenant doucement dans mes mains après avoir essuyé ces dernières. L’eau, ça n’était pas trop son truc, en tant que petite bougie. J’espérais que sa flamme me réchaufferait un peu, mais j’étais tellement trempé que ça ne servait à rien. Tout à coup, je me retournais en entendant la porte s’ouvrir. C’était Hector, l’air toujours aussi débile qu’à l’ordinaire, qui passa la tête à travers l’ouverture.

« - Ah, euh, désolé. J’ai entendu des cris…
- Ca devait être moi, oui. Tiens, tu tombes bien. Rends-moi ma cape. »

J’évitais de le regarder dans les yeux alors qu’il ouvrait totalement la porte pour venir me rendre mon vêtement. Même lui devait avoir pitié de moi, en me voyant comme ça. Il m’aida même à la passer, ce qui lui valut de se faire engueuler par moi, qui était un peu trop sur les nerfs pour accepter sa gentillesse. Même si je le remerciais juste après l’avoir disputé. Je passais dans le couloir, évitant soigneusement tous les regards des quelques personnes présentes, approchant de l’entrée de la salle des fêtes. Tout le monde s’y amusait, certains passèrent à côté de moi en discutant et riant. Et moi, je restais planté là. Incapable. Terrifié. Ils allaient tous se moquer de moi, et ça m’était insupportable. Alors je restais là, dans le coin de l’ouverture, à regarder les silhouettes passer un bon moment, quand moi je paniquais à l’idée d’être la risée de tous.