« La dernière fois que j’ai pris l’avion, c’était avec Ace, donc ça ne peut que mieux se passer. »

Mon genoux gauche tressaute frénétiquement.

La boule au ventre, et les doigts crispés, mon regard tente de rester focalisé sur une seule chose. L’avion qui nous transporte s’ébroue soudainement, et je serre les dents, avant d’essayer de calmer mon pouls suite à ce soudain pic de stress.

Je déglutis, et une perle de sueur coule le long de mon visage. Ca va bientôt être le moment. D’ici… Quelques secondes… Tout sera terminé. Je dois juste rester concentré encore un peu… Et ne surtout pas céder à la panique…

Allez…

N’abandonne pas, Ginji …

*shlak*

Dans un bruit sec, je déchire l’emballage de mes dragibaies.

« -YES ! »

Complètement détendu, je me laisse tomber contre la paroi métallique de l’avion. J’ai réussi à l’ouvrir sans en faire tomber un seul ! Sans en mettre partout ! Et ce malgré les secousses de l’appareil ! Pouah, je suis tellement soulagé. Ces paquets sont vraiment trop petits, c’est compliqué de prendre une dragibaie sans rien perdre…

Satisfait, j’attrape l’un des délicieux bonbons, et l’avale goulûment. Puis je balaye l’ensemble des élèves présents du regard, et constate qu’ils ont le regard bien livides… Il sont peut-être tous en hypoglycémie ? Je devrai leurs proposer des dragibaies, peut-être ?… Mais je n’en ai pas assez pour tout le monde ! Il en reste à peine dix !… Huit, maintenant. Hmm, plus sérieusement, je me demande bien ce qui les a mis dans un pareil état .

Je réalise alors que depuis tout à l’heure, Diana et Leon sont en train de parler, mais que j’étais trop préoccupé par mon sachet de dragibaie pour m’en soucier. Oups ! J’espère que je n’ai loupé aucune information importante. Tiens, pourquoi Diana ouvre la porte de l’avion ? Elle veut rafraîchir l’intérieur, peut-être ?… Oh ! Elle a disparu !

Arf ! Quelle idée j’ai eu, de me placer en queue de véhicule ? Je n’entends ni ne vois quoi que ce soit, d’ici ! Pourtant, je suis sûr qu’il y a des tas de choses intéressantes à écouter. Tant pis, je vais devoir me contenter de ces dragi-AAAH ! IL N’Y EN A PLUS ! Je ne pensais pas les manger si vite…

Fourrant le papier dans ma poche, je me baisse pour commencer à fouiller dans mon sac, rangé sous le banc. Je suis certain d’avoir un autre paquet ! A moins que je l’ai déjà mangé, lui aussi ?… Non, ce n’est pas possible, ne me dites pas que je me retrouve à cours de nourriture !

Je passe près de cinq minutes à fouiller et refouiller dans mes affaires, écartant d’abord nonchalamment chacune d’entre elles pour ensuite entreprendre une recherche plus méthodique. Au final, je commence à sortir quelques trucs pour être certain de ne rien louper, et après un moment, je n’ai plus d’autres choix que de me rendre à l’évidence…

Je n’ai plus rien à manger.

Je prends une profonde inspiration pour ne pas céder à la panique. Je dois survivre ! Je le peux ! Je l’ai déjà fait ! Si si, je vous jure. Une fois, je n’ai rien mangé pendant plus de trois heures d’affilée ! Si ce n’est pas la preuve que j’en suis capable !… Je vais y arriver… J’ai confiance en mes capacités !

… Huh ? Pourquoi on m’appelle ?

Lorsque Leon me hèle, je réalise qu’il n’y a pratiquement plus personne, dans l’avion. Où sont-ils tous passés ? Perplexe, je me lève après avoir rassemblé mes affaires, et approche de l’énorme porte ouverte, face à laquelle le professeur de Pokéathlète se tient. Ce n’est pas un peu dangereux, de se poster si prêt de ce trou béant ?…

« -Tiens, ton Baudrive. »

Je tourne vivement la tête, et réalise qu’un petit ballon tout mignon me fait face, après que le professeur de Pokéathlète ait ouvert sa Pokéball. Tiens ? Maintenant, on nous donne un Pokémon au hasard, et c’est bon ? La sortie se termine ? Eh beh ! Ca a bien changé, l’académie. Où est passé le goût du risque ? L’adrénaline de la découverte et de l’exploration ? Le sens de l’aventure qui anime les dresseurs que nous sommes ?! En tout cas, je ne comprends pas quel était l’intérêt de prendre l’avion si c’est pour-

« -Bonne chance. »

Je sens les mains de Leon se poser sur mon dos, et brusquement me pousser vers l’avant.

La seconde d’après, je suis au dessus du vide.

« -... » il me faut quelques secondes pour comprendre que je suis en pleine chute libre et que le sol se trouve à plusieurs centaines de mètre en dessous « … AAAAAAAAAAAAAAAAH C’QUOI C’BORDEL POURQUOI EST-CE QUE-Oh, je flotte. »

Je n’ai même pas fini de beugler que l’emprise exercée en scred par le Baudrive depuis quelques secondes déjà se renforce autour de ma taille, et ne ralentisse considérablement ma vitesse de chute. Hmm. C’est cool, en fait ! Bon, euh, d’accord, c’est sacrement flippant d’être perché comme ça au dessus de… Rien du tout… Mais c’est vraiment nice, comme sensation ! Ca me rappelle les vols à dos de Sky ou de Béki… Oh ! D’ailleurs !

Je relève un peu la tête, et observe le Baudrive me faisant office de parachute.

« -Dis ! T’es pas mon Pokémon, en fait, c’est ça ? Ca te dérange si je te donne quand même un nom ? Je vais t’appeler, hum… » je baisse la tête, et croise les bras, en intense réflexion à plusieurs centaines de mètre d’altitude « Didive ! Ca te va, Didive ? En plus ça ressemble à endive, c’est rigolo. »

Le Pokémon émet un cri que j’ai un peu de mal à interpréter. On va prendre ça pour un oui, d’accord ! Cette bonne chose de faite, j’observe un peu plus sérieusement le paysage qui s’étend en dessous de nous, et notamment ce que je juge être notre zone d’atterrissage. Wow ! C’est une immense montagne, en fait ! C’est trop cool ! Il y a une sorte de glacier, là-bas, et juste ici, une groooooosse cascade ! Ca change des îles habituelles, c’bien !

Après plusieurs secondes en apesanteuuuuuuUUUUUUUR ♪, je finis par toucher délicatement terre. Ah ! Ca reste agréable de retrouver le plancher des Ecremeuh. En plus, je commençais à avoir des fourmis dans les jambes, à rester immobile, comme ça…

Je prends un petit moment pour détailler notre environnement, puis me tourne finalement vers Didive, apparemment décidé à rester à mes côtés.

« -Hmm ? Tu m’accompagnes ? »

Le Pokémon s’agite tout doucement et émet un léger un cri, que je considère comme un oui. Parfait ! Plus on est de fous, plus on rit !

Bon ! Je commence par où ?

« La dernière fois que j’ai pris l’avion, c’était avec Ace, donc ça ne peut que mieux se passer. »

« -Brr ! 'Fait pas chaud chaud, hein. T'en penses quoi, Didive ? »

Le Baudrive se contente de lever ses deux bandelettes, peu convaincu. Mouais, c'vrai qu'un ballon spectrale, ça ne doit pas des masses ressentir le froid. Surtout que si c'était le cas, ça ne serait pas très pratique, pour lui !

Enfin, je m'égare. J'ai commencé à un peu me balader sur les hauts-plateaux, et le paysage est à couper le souffle ! On peut même apercevoir les autres îles, depuis cette altitude. Je me demande si Lansat figure parmi elles...

J'entends un frémissement un peu plus loin, et tourne lentement la tête vers les fourrées à quelques mètres de moi. Hmm. Un Pokémon sauvage. Quand j'y pense, je n'ai toujours pas fait appel à Goldfroy ! Je devrai bien, pourtant.. Tout en m'approchant lentement de la végétation, je passe ma main dans mon sac, et fais signe à Didive de rester discret. Je farfouille pour mettre la main sur la Pokéball du Gravalanch, mais voilà que je marche accidentellement sur le lacet de ma chaussure droite, et que lorsque je cherche à la lever, cela crée un déséquilibre qui me fait basculer sur le côté.

« -Hein ?! Mais je n'ai pas de lacets môa, je porte que des chaussures à scra-AAAAAAH ! »

Oups ! Il semblerait qu'il n'y ait absolument rien pour me réceptionner, après ma chute. C'est un peu balot. Tombant dans le ravin se situant sur ma gauche, donc, je ne dois mon salut qu'à un réflexe de Didive qui parvient à m'attraper le poignée à l'aide de ses bandelettes. Le ralentissement soudain me fait une légère douleur le long du corps, mais je serre les dents, et prie plutôt Arceus pour que Didive réussisse à me remonter, ou du moins, me déposer tout en bas en parfaite sécurité. Ce qu'il semble avoir un peu de mal à faire, puisque d'une, je suis bien trop lourd pour pouvoir remonter avec lui, de deux, les parois sont beaucoup trop étroites pour lui permettre de descendre convenablement !

J'avise la distance qui nous sépare du sol. Ah ouais, on est bien haut, quand même... C'est dans ces moments là que je regrette de n'avoir aucun Pokémon Vol, ahaha !... Ahaha... Je risque un peu de mourir môa, pourquoi je rigole ?...

Gardant mon calme, j'utilise ma main de libre pour attraper une sphère dans mon sac. Comme le Baudrive nous permet de descendre lentement, j'ai tout le temps de réfléchir, donc pas de quoi paniquer ! 'Faut juste que je trouve une solution avant qu'il ne me lâche...

« -Didive, tiens deux petites minutes s'il te plaît ! »

Le concerné peine à me maintenir avec une prise si peu stable, mais tient bon. J'observe les parois alentours, et tente de trouver un endroit adéquat pour libérer mon compagnon... Là, la pente a l'air moins abrupte, ça devrait le faire !

D'un geste avisé, je lance la Pokéball, et au même moment, dicte une consigne à son locataire.

« -Webble, accroche-toi ! »

A peine le Mygavolt apparaît qu'il se retrouve à aggriper avec une légère panique le mur rocailleux. Heureusement que ses pattes lui permettent de s'accrocher n'importe où ! Le Pokémon est bien tombé de jeter un œil en contre-bas pour voir à quelle distance il se retrouve du sol, mais je focalise directement son attention sur tout autre chose.

« -Fais une toile pour pouvoir me réceptionner ! »

Rapidement, Webble analyse l'intégralité de la paroi alentour. Ici, il y a de quoi accrocher un morceau de toile, là, il faut faire attention à l'humidité du mur... La mygale géante arrive à mettre un plan sur un pied, et se hâte de l'appliquer. Bondissant d'un côté à l'autre du ravin, il laisse derrière lui une traînée rugueuse qui, peu à peu, forme une magnifique toile en plein centre de la fissure.

« -C'bon Didive, tu peux me lâcher. »

Connaissant le côté perfectionniste de Webble, celui-ci aurait préféré que j'attende qu'il ait parfaitement achevé son œuvre pour que j’atterrisse, mais je ne vais pas faire endurer plus longtemps ma chute à Didive. Le Baudrive, bien que peu certain, me lâche complètement, et j'entame alors une descente bien plus rapide vers Webble. Je finis par atterrir sur la toile, qui remue un peu, mais endure plutôt bien le choc. Didive, soulagé de mon poids, nous rejoint beaucoup plus sereinement, tandis que je cherche une posture plus stable sur ce hamac un peu improvisé au beau milieu d'un ravin.

« -Pfiouh. Merci Webble, tu m'as sauvé la mise.
-Gaaaa ! »

Content d'avoir rendu service, le Mygavolt agite vivement ses mandibules. Didive arrive, et lui aussi a le droit à quelques remerciements, qu'il accepte bien plus modestement. Bon, par contre, on ne regarde surtout pas en bas, d'accord ? Je vais plutôt voir comment on peut remonter tout là-haut...  Arf, ça ne va pas être évident ! Il y a peut-être moyen d'escalader, mais je ne sais pas si j'aurai la force nécessaire pour arriver jusqu'au bout....

*clac*

Je me retourne en entendant un morceau de gravier dévaler la pente. Je lève alors la tête pour vérifier si aucun morceau de paroi n'est sur le point de céder, mais réalise que ce caillou n'est que la faute d'un Fermite qui tente de s'approcher discrètement de nous. Je fais volte-face, et soupire, soulagé. Je me mets vraiment à stresser pour un rien, môa...

« -... »

…

Wait, what ?

« -OH ARCEUS ! ARCEUS ! DES FERMITE ! DE PARTOUT ! AAAAAAAAAAAH ! »

ILS NOUS ENCERCLENT ! ILS SE SONT TOUS RASSEMBLES AUTOUR DE NOUS EN ENTENDANT TOUTE L'AGITATION PROVOQUEE PAR NOTRE CHUTE ! VITE ! ON DOIT PARTIR ! JE NE VEUX PAS MOURIR MANGE PAR CA !

L'adrénaline pour ne pas dire mon manque flagrant de courage a l'air de me donner des ailes, puisque cette paroi qui m'a paru insurmontable deux secondes plus tôt est franchie en quelques secondes à peine. Dès que je vois une prise potentielle, je l'attrape sans me poser de question et escalade, suivi de près par Webble et Didive, un peu paniqués. Un Fermite tente de s'approcher à un moment, mais je me contente de lui donner un coup de coude et avance sans me poser de question.

Une fois arrivé en haut, je me redresse, et prends tout juste le temps de vérifier que les deux Pokémon qui m'accompagnent me suivent. Puis nous partons en courant en direction de... Je ne sais pas où, LOIN DE CES FERMITE EN TOUT CAS, et ce pendant plusieurs bonnes minutes.

Au bout d'un moment, je finis par m'écrouler, à bout de souffle. Les Fermite ont l'air d'être resté dans leur ravin, Webble reprend sa respiration, et Didive secoue la tête de droite à gauche, un peu dépité par ces événements malencontreux. Ah ! Et encore, ce n'est sûrement que le début, ça...

« -Pfiouh. C'était... » je fronce les sourcils, et me redresse « … Complètement décousu du reste du scénario, yep. Comme si quelque chose, ou quelqu'un plutôt, avait forcé cette scène grotesque... »

Je me gratte les cheveux, pensifs, pendant que Webble et Didive s'échangent un regard perplexe. Je finis par hausser les épaules, et entends une expiration bien audible, sur le côté. Je me tourne, et réalise qu'un Wattouat se tient juste devant nous, nous fixant avec la tête légèrement baissée. Je souris, soulagé de voir un Pokémon qui ne souhaite pas me bouffer, et avec lequel je suis particulièrement familier, puis m'approche délicatement de lui en tendant la main. Le Wattouat renifle, avant de taper son sabot contre le sol. C'est marrant, tiens, avec ses cornes tournées droit vers moi et cette posture permettant un démarrage rapide, on croirait presque qu'il souhaite me charger ! Mais un Pokémon aussi adorable ne ferait jamais une chose pareille, pas vrai ?

« -... » il arrête de frotter son sabot par terre, et expire une dernière fois « … Oh oh.  »

Le Wattouat part au quart de tour, et me percute directement au niveau de l'estomac.

Le reste, je ne m'en souviens plus.