« Nom de Zeus ! » Ok, si Léo… Euh EVOLI, pardon, est appelé pour monter sur scène, ça craint du boudin. Je crois ? Je ne sais pas, j’ai encore un peu de mal à saisir les subtilités de cette mission. On est d’accord que notre objectif c’est de protéger Evoli jusqu’à ce qu’on retrouve Léo et qu’on puisse procéder à l’échange des corps ? Et que le plan, c’est de faire en sorte que Evoli attire l’attention des ravisseurs dans l’espoir que ceux-ci nous mènent à Léo ?… Donc l’idée, c’est que pour le protéger, on doit l’exposer au danger ? Du coup, qu’il monte sur scène, c’est une bonne ou une mauvaise chose, au final ?
Enfin, histoire de rendre la situation encore plus capillotractée, Cael semble se faire embarquer dans les coulisses, lui aussi. Je suppose que je n’ai plus d’autres choix…
Je me baisse pour, d’un air las, saisir ma caméra, et me dirige à mon tour vers l’arrière scène après avoir fait signe à Lucina de me suivre.
« -Sidérella, on reste près d’Evoli. Je compte sur toi pour nous avertir en cas d’activité suspecte dans la salle. »Ce n’est que ma déclaration finie que je réalise avoir encore prononcé celle-ci à l’oral. Décidément j’ai dû mal.. Mais qu’importe. D’une impulsion empathique, elle me confirme avoir bien reçu de message, et l’absence de réponse cynique et monotone me laisse la désagréable impression d’être en froid avec elle.
… Ce qui est assez étrange, quand on y repense.
Lucina et moi nous frayons tant bien que mal un chemin au travers de la foule, dans l’espoir de pouvoir rallier les coulisses. Heureusement, la tignasse rosée de Cael est un excellent repère, et nous parvenons à rejoindre la porte qui permet de les rejoindre. Par contre je rêve ou il camp ?! C’est très mal ça Cael, tu sais ! Les gamers du monde entier ont honte de toi, sache-le !… Ah non, il a juste été intercepté par une madame.
« -… ET N’OUBLIE PAS TON MATÉRIEL ! »Ah, je crois que je tombe à pic ! M’empressant de mettre mon outil du jour sur mon épaule, et replaçant correctement mon béret, je tente de me faire remarquer auprès de l’inconnue.
« -C’est bon, j’ai la caméra !-ET JE PEUX SAVOIR CE QU’UNE MAQUILLEUSE COMPTE FAIRE AVEC UNE CAMERA ?! »… Ah. Raté. Dommage pourtant, d’habitude, les quiproquos sont plutôt arrangeants, mais là ‘va falloir que j’improvise !
« -… Ahaha… ! E-evidemment, je ne suis pas DU TOUT avec ce gar-… Cette demoiselle ! Je ne la connais ni d’Yvonne ni d’Arthur ! N-non, môa si je suis là, c’est parce que… Je suis le cameraman de la chaîne chargée du reportage sur Léo ! Et je dois le suivre… Partout !-Et vous avez une autorisation du comité d’organisation pour accéder aux coulisses ?-… B-bien sûuuur. L’autorisation. Je vous la montre. Tout. De. Suite. » AAAH, MAIS C’EST QUOI CE SCENARIO QUI NE FACILITE PAS LE PASSAGE DES JOUEURS ?! Il y a une quête annexe cachée quelque part pour récupérer une carte d’accès ailleurs ?! Mais je n’ai pas le temps moi ! Aaaaaah vite, je demande l’assist fighter!
Alors que je farfouille aléatoirement dans mes affaires, brassant celles-ci dans l’espoir de gagner du temps, je jette en parallèle quelques coups d’œil par dessus l’épaule de l’adulte. Je parviens ainsi à lancer un regard désespéré à Evoli qui se trouve de l’autre côté, et qui interpelle la femme du staff avec un air blasé.
« -Laissez, il est avec moi. » ALLÉLUIA ! Nous parvenons donc enfin à rentrer, et aussitôt, nous sommes poussés jusqu’à un des nombreux miroirs face auxquels Evoli a été forcé de s’asseoir. Et à son air RA-VI, je pense qu’il est vraiment heureux de pouvoir expérimenter le maquillage ! Il lance d’ailleurs un joli regard noir à Cael lorsque nous arrivons à sa hauteur.
« -Je te préviens, tu me touches, tu es un humain mort. » Je ne comprends pas, lorsqu’on l’avait vêtu d’une robe la dernière fois, ça c’était plutôt bien passé, tu ne trouves pas coPAIN ? Un peu gêné, je me gratte l’arrière du crâne, et lance un regard inquiet à la gérante.
« -Je pense pourtant qu’il va falloir jouer le jeu, cette dame n’a pas l’air bien commode. »La réponse d’Evoli ne se fait pas attendre.
« -C’est hors de question que je monte sur scène. Il faut retrouver mon corps avant. Et Léo, au passage. » Je croise les bras, et affiche une mine contrariée.
« -Sauf qu’à moins un gros coup de chance, ça n’arrivera pas tant que nous n’auront pas trouvé vos ravisseurs. Et pour ça, eux doivent te trouver toi. Et pour ça… Il faut que tu montes sur scène. »Il serre les dents, visiblement contrarié.
« -C’est impossible. Je n’ai pas les documents et les textes de présentation préparés par Léo. Si j’improvise ils vont se douter de quelque chose. » Je me pointe du doigt, souriant.
« -Et bah j’ai qu’à aller les chercher ! Ils sont où ? -J’en sais rien. -... » Je plisse les yeux, et rapproche mon visage du sien, suspicieux.
« -Dis moi, t’aurais pas un peu peur ? » Il se tend immédiatement.
« -A-absolument pas ! Je ne suis pas comme cette fiche molle de Léo qui panique dès que les choses ne se passent pas comme prévues ! Un savant se doit de rester maître de soi dans toutes les situations ! -Alors tu ne verras aucun inconvénient à monter sur scène, pas vrai ? En plus, cette invention, tu l’as autant bossé que Léo, je suis certain que si je te demandais là maintenant tout de suite de me décrire le procédé de création, tu t’en sortirais parfaitement. Et puis, n’est-ce pas ce que tu voulais ? » je marque une pause, et recule
« De la reconnaissance ? » Visiblement très mal à l’aise, il détourne le regard, et bafouille un peu.
« -Eh bien, c’est que, hum… » après un court silence, il finit par s’avouer vaincu, et baisse piteusement la tête
« Ok, je suis peut-être un peu en panique par rapport au fait que je n’ai jamais communiqué avec autant de personnes et que je n’ai pas non l’aisance de Léo pour parler de son travail. » il relève aussitôt la tête, furibond
« Je vous y verrai bien, en même temps ! Vous pensez que ça s’improvise une présentation dans une colloque internationale ?! » J’acquiesce, satisfait.
« -Alors dis moi où sont ses fiches, je vais les chercher. » Il lâche un râle exaspéré.
« -Raah. Dans la loge où vous m’avez trouvé.-Bah tu vois quand tu veux ! » Je me retourne vers Cael.
« -Je vais faire vite. Comme tu es affilié à la préparation de "Léo", je te laisse prendre en charge sa surveillance. » je passe devant lui, non sans poser une main compatissante sur son épaule
« Je suis avec toi, coPAIN. » Bonne chance pour maquiller cette furie, ou alors, faire semblant de, sans pour autant se faire remarquer par la gérante.
Puis, avec Lucina, je quitte les coulisses, cette énorme caméra toujours sous le coude.
***
Refermant délicatement son ombrelle, White Lady la dépose le long de son épaule, un air de suffisance bien distinctif visible sur son visage.
« -Bien visé. » Elle hoche lentement la tête en guise de remerciement. Maintenant que nous sommes à l’intérieur et que la Pachirisu a pu nous ouvrir le passage, j’ai bon espoir de pouvoir mettre la patte sur le truc qui me sert de dresseur. D’autant que Léo, enivré par sa nouvelle condition d’Evoli, paraît enclin à nous trouver la trajectoire optimum. Son enthousiasme bien trop débordant me rappelle celui de Ginji lorsqu’il a lui aussi connu ça… Être humain est vraiment naze au point que devenir une créature poilue de 50cm de haut puisse les rendre aussi heureux ? J’espère n’avoir jamais à expérimenter la sensation inverse, dans ce cas. Bon sang que ça doit être pénible…
Conciliant envers Katara, je me tourne vers White Lady avec un fin sourire.
« -Je crois avoir mieux à proposer. » La Pachirisu lève les yeux au ciel, et soupire.
« -Que feriez-vous donc sans moi ? » Elle pose son ombrelle au sol le temps de se concentrer.
« -Veuillez détourner le regard. -… Pourquoi donc ?-FLASH ! » Au lieu d’émettre une simple lumière jaunie et à haut risque d’électrisation, White Lady utilise sa capacité Flash pour dissiper les ténèbres dans le couloir. Une vive lumière blanche émane de la créature au moment de l’attaque, et à en juger par la complainte de ce dernier, Léo a fait l’erreur de la regarder. Heureusement, j’ai pour ma part eu le réflexe de tourner la tête, au moins le temps du lancement, et acquiesce d’un air satisfait lorsque mes yeux se posent sur l’ensemble de la zone, parfaitement éclairée.
« -On n’a plus qu’à avancer. Léo ? » Complètement déboussolé, l’Evoli qui nous fait face titube un peu en gardant les yeux fermés, et semble avoir besoin d’un moment pour se remettre de ses émotions. Je ne l’entends pas de cette oreille, et me place derrière lui pour commencer à le pousser dans la seule direction actuellement proposée par ce couloir.
« -Allez, du nerf ! On pourrait parfaitement manquer nos dresseur et ton Pokémon, à ce rythme. Donc concentre toi sur ce qui t’entoure, mais ne te laisse pas non plus distraire. » -O-oui ! »***
Temps restant avant le début de la conférence : 20 minutes
« -Nous revoilà ! »De retour dans la loge avec une pile de papiers sous le bras, je me précipite vers Cael et Evoli, fidèles au poste.
« -Tu as pris ton temps. »La remarque cinglante du faux humain me transperce le cœur. Il ne voit pas à quel point je suis rouge et essoufflé à force d’avoir couru ?! Blessé dans mon ego, je prends toutefois la peine de lui filer les notes de son dresseur (ou même les siennes, j’en sais rien), une expression contrariée sur le visage.
« -Je suis désolé, je pense avoir trouvé l’essentiel, mais je crois que le document est incomplet. »Les sourcils froncés, il commence à consulter les papiers les uns après les autres. Pendant ce temps, j’observe le bordel qu’est devenu la coiffeuse, et un peu perplexe, saisi un pot au hasard. Puis je me tourne vers Cael, et lui lance un sourire joueur.
« -Je ne le lui mettrai pas ça, si j’étais toi ! Les joues de Léo ne sont pas aussi squishy que les tiennes, il faudrait quelque chose qui mettrait plus en valeur ses yeux, comme… » mes doigts virevoltent aléatoirement au dessus de la masse de maquillage dégotée par Cael, et saisis un autre pot au pif, que je tends au Phyllali
« Ceci ! Avec ça, il sera MA-GNI-FIQUE ! Effet glamour garanti ! » Lucina me lance un regard profondément blasé, ce qui ne m’empêche pas d’être fier de cette petite parodie. Evoli ne paraît pas amusé pour un sou ; non pas parce que la scène lui déplaît, mais parce qu’il ne l’a pas écouté, plongé dans l’étude de ses documents.
« -Non. Étonnement, il y a tout. »Je hausse les sourcils, surpris. Parce que, ô miracle, j’ai vraiment réussi à accomplir ma tâche ? Niet, mais parce que je suis réellement persuadé d’avoir zappé une étape. Perplexe, je viens me placer derrière l’Evoli, et pointe du doigt un de ses documents.
« -Pourtant, celui-là est incomplet, non ? »Il secoue la tête de droite à gauche avec conviction.
« -Je t’assure que non. Il contient toutes les dernières informations en date. -… T’es sûr ?-Certain. » Je cligne des yeux, incrédule. Sans prévenir, j’arrache le papier de ses mains, et le passe en revue une première fois. Puis une seconde. Et une troisième. Avant de relever la tête, et fixer la porte des coulisses avec un air complètement égaré.
« -J’en ai pour cinq minutes. »Je fourre le papier dans les mains de Léo, et pars au quart de tour. Lucina échange quelques œillades perplexes entre le scientifique et moi, peu certaine de ce qu’elle doit faire, mais se décide finalement à me suivre, non sans attraper la caméra que j’ai laissé par inadvertance, et ce en la saisissant par la bandoulière.
Le pas vif, je pousse la porte des coulisses pour retourner du côté des spectateurs.
***
Les battants en bois s’agitent suite à notre passage. Léo, avec des yeux fascinés, s’exclame alors, triomphant.
« -On est arrivés ! »Je lève le museau, et observe les alentours, qui sont… Gigantesques. Ouais. C’est le mot. Je ne sais pas pourquoi les humains semblent avoir cette propension à la démesure, mais… Au moins, on peut dire qu’ils ne font pas les choses à moitié.
La « salle de conférence » est une énoooorme pièce, au plafond très élevé, et à la population massive. D’autant que, si je me fie aux dires du pseudo-Evoli, c’est une sorte de zone de passage… Donc même les gens qui n’ont rien à faire ici doivent finir par passer par là. Je suppose ?
Si c’est bien le cas, cela nous arrange.
« -On devrait pouvoir guetter nos dresseurs, ici. » je me tourne ensuite vers Léo
« Et toi ? Tu penses pouvoir retrouver ton corps ? » Son entrain semble s’envoler aussitôt que j’aborde le sujet.
« -Je… Je ne sais pas. Peut-être est-il encore dans ma loge ? C’est là que nous avions été séparés… Il aurait bougé, vous pensez ? »J’écarquille légèrement les yeux, surpris qu’il nous pose la question, mais tente malgré tout d’y réfléchir.
« -Eh bien… Si mon dresseur et moi avions été séparés après avoir échangé nos corps, je pense que j’aurai essayé de retourner à notre abri.-… Votre abri ? -Oui. Là où dort toute la horde. » je détourne le regard, pensif
« Ginji l’appelle sa "chambre". » Léo paraît s’affoler face à cette nouvelle.
« -Il serait retourné à notre gîte ?! Oh bon sang, mais ce n’est pas la porte d’à côté ! A échelle humaine j’y serai arrivé sans problème, mais là, avec ces petites pattes adorables, et ces coussinets tous doux, et cette taille minuscule, et cette bouille trop mignonne, jamais je ne l’attendrai ! »Je lance un regard perplexe à Katara. Je n’arrive pas à savoir s’il s’est actuellement en train de se plaindre de son corps ou non…
***
« -Sidérella ! »La concernée se retourne lorsque je l’interpelle. Toujours placée au centre de la salle, mais en amont de la scène, elle me répond sur un ton de méfiance.
« -Pourquoi êtes-vous aussi déboussolés ? » Je m’arrête devant elle, et fronce les sourcils.
« -Je croyais que tu ne pouvais pas lire dans mes pensées si je ne voulais pas que tu le fasses ?-L’intonation de votre voix.-… Ah. »D’un revers de la main, je balaye ce bref échange.
« -Aucune importance. Je dois te parler d’un truc. Tu es bien d’accord que les travaux de Léo, et par extension ceux d’Evoli, tournent autour de la téléportation ? »Elle hoche lentement la tête, et je continue.
« -Je reviens tout juste de la loge. Je suis allé chercher les notes d’Evoli pour sa présentation. Et parmi elles se trouve une liste exhaustive de tous les Pokémon recensés à ce jour, et capables d’apprendre l’attaque Téléportation, par tous les moyens existants. Je suppose qu’ils se sont basés sur ces Pokémon pour leurs études sur leurs appareils… »Les yeux de Sidérella se plissent, signalant qu’elle commence à comprendre où je veux en venir. Le cœur battant, je scrute attentivement son visage, à la recherche d’une réponse quelconque.
« -Comment se fait-il que ton espèce n’y figure pas ? »Lucina adresse aussitôt une expression surprise à l’intention du Pokémon qui nous fait face. Sidérella reste parfaitement immobile et silencieuse, et me fixe avec une profonde intensité, réfléchissant sans doute mûrement à la façon dont elle va me répondre.
Perdant vraisemblablement le peu de confiance qu’elle avait envers elle, la Luxray vient se glisser entre elle et moi, et m’oblige ainsi à reculer. Je recule donc de trois pas, mais sans quitter mon regard de celui de Sidérella, et espère réellement une réponse de sa part en dépit de la posture hostile adoptée par Lucina.
Elle finit par me répondre.
« -Vous aviez raison. » Je suis un peu surpris par la réponse, alors qu’elle arme son geste.
« -Je n’ai aucune raison de rester travailler ici. » Mes yeux s’écarquillent, les siens se teintent de violets.
« -Adieu.-Non, attends ! »Je tends la main pour la retenir.
Mais mes doigts se referment dans le vide.
Elle a disparu.
Sidérella s’est téléportée.
Je serre les poings et les dents, en colère envers moi-même.
« -Bon sang, mais quel idiot ! J’aurai dû amener ça autrement, ou alors attendre la fin de tout ce bordel pour en parler posément... »Lucina, après s’être assurée qu’aucune Sidérella ne soit réapparue dans les environs, se tourne vers moi.
« -Luxray. »Je la regarde, et finis par me décrisper en un soupir.
« -Ouais, t’as raison. On s’occupera de ça plus tard. »Je me retourne, et repars en direction des loges.
« -Dépêchons-nous ! »Temps restant avant le début de la conférence : 15 minutes