Marie avait le nez plongé dans son guide.

Après être descendue du ferry les ayant mené jusqu’à Volucité, la première chose que la Mentali avait fait fut de trouver une brochure sur les lieux. Elle ne s’attendait absolument pas à se retrouver en plein coeur d’une ville aussi immense dans le cadre d’une Sortie Capture… Et elle devait donc appréhender du mieux qu’elle pouvait les lieux. En tant qu’apprentie Ranger, elle prenait un peu comme un devoir le fait de réduire la population de Pokémon sauvages au sein de la ville, et pour cela, connaître son environnement était essentiel !

Volucité était vraiment immense. La ville était la principale ouverture d’Unys sur le reste du monde, et possédait bon nombre d’avenues envahies par les cadres et fonctionnaires allant et venant au sein de la cité. De part sa quantité astronomique d’habitants, la ville portait le titre de mégapole, mais elle faisait également office de métropole en vue de son rôle clé sur le continent… Et compte tenu de son système routier la reliant à Maillard et Méanville, lui-même proche de Port Yoneuve, il était possible de qualifier l’ensemble de mégalopole !

Volucité était donc à la fois une métropole, une mégapole, et une mégalopole.

Parfait !

*clap*

Après avoir réglé cette question ESSENTIELLE qui taraudait l’esprit de la jeune fille, Marie referma brutalement son livre, satisfaite. Soren, perché sur un lampadaire proche, prit cela comme le signal de départ, et bondit au sol pour atterrir devant sa dresseuse. Sephiran, planqué derrière ses jambes, sursauta un peu, et observa les passants avec une certaine timidité… Autant le Croâporal paraissait parfaitement à l’aise dans cet environnement parsemé de reliefs et entouré d’eau, autant le Mangriff était complètement stressé par toute cette foule. Marie soupira.

« -Sephiran, si tu le souhaites, je peux te rentrer dans ta Pokéball, tu sais ? »

Le Pokémon secoua la tête de droite à gauche, et agrippa un peu plus la jambe de sa dresseuse. Il voulait aider, lui aussi ! Et se montrer plus utile que l’autre Séviper, accessoirement… S’il rentrait dans sa sphère, il savait qu’elle en profiterait pour accaparer toute l’attention de sa maîtresse ! Et ça, il le refusait !

La Mentali haussa les épaules. Tant qu’il ne la dérangeait pas…

D’après son guide, les principaux lieux de rassemblement naturels des Pokémon étaient le parc dissimulé en plein coeur de la ville, et les égouts, accessibles depuis un quai. Il était possible de se rendre dans le square depuis les routes, mais la municipalité a mis en place des protections pour éviter aux jeunes enfants de s’y rendre… Un passage serait toutefois possible grâce au réseau souterrain de la ville, pour peu qu’elle parvienne à le traverser sans encombre…

Hmm. Cela ne la dérangeait pas, d’aller dans les égouts. Toute cette population… Il fallait l’avouer, cela l’agaçait un peu. Par chance, les gens étaient d’un naturel asocial, aussi n’était-elle pas forcée de faire preuve de politesse. Mais cela n’empêchait qu’elle devait tolérer leur présence ; ce qui n’était pas le cas. Puis bon, n’importe quel inconnu pourrait l’interpeller en voyant son Capstick, et lui demander de l’aide pour un service random… Et elle avait d’autres Chacripan à fouetter, dans l’immédiat.

Elle longea donc les quais avec ses deux Pokémon, se dirigeant le plus à l’est possible.  Lorsqu’elle arriva à hauteur des portes de la ville, elle descendit les marches qui menaient au dernier ponton, et trouva bien vite l’entrée des égouts. C’était étrange de laisser une telle ouverture afin de permettre aux dresseurs d’y pénétrer, mais… Soit.

Silencieuse, elle pénétra à l’intérieur, retenant son souffle.

Marie passa sa main devant son nez.

L'odeur était... Nauséabonde. C'était indéniable.

Soren et Sephiran sur ses talons, la demoiselle progressait dans les égouts. Les lieux étaient facilement praticables, et tant que personne n'allait dans les eaux boueuses et croupies qui longeaient les voies  d'accès, il n'y avait à priori aucune raison de craindre des salissures. On comprenait assez facilement que l'endroit était plus fréquenté qu'escompté ; la présence de quelques dresseurs étant assez évidente.

Il y avait quelques Pokémon, aussi. Mais la plupart s'enfuyait dans des canalisations ou dans l'eau à la vue de la demoiselle. Et puis, aucun d'eux ne l'intéressait, à priori.

Ce qu'elle cherchait, exactement ?.. Excellente question.

De quoi rendre son équipe toujours un peu plus diversifiée, sans doute. Elle était Ranger, son job lui demandait de faire face à toutes sortes de situations de secours, dans lesquelles avoir un maximum d'outil était utile, si ce n'était nécessaire. Un Pokémon aux pouvoirs télépathiques conséquents, ou à la force musculaire développée seraient intéressants, par exemple... Marie n'avait pas réellement de Pokémon adaptés aux soins, aussi. Sumia était certes suffisamment consciencieuse et appliquée pour prodiguer du secours élémentaire, mais elle n'était pas non plus destinée à remplir ce rôle. La Carmache était plutôt censée se battre... Mais là, c'était au niveau du caractère, que c'était incompatible. Sans oublier que, de part son allure, Sumia restait plutôt effrayante et pouvait terroriser une potentielle victime...

Ah. Heureusement que Marie n'était pas pragmatique au point de ne conserver que les Pokémon utiles à son équipe.

Alors qu'elle continuait d'avancer, la Mentali sentit que l'on tirait sur sa robe. La demoiselle baissa les yeux sur son Mangriff, qui lui indiquait timidement quelque chose, un peu plus loin. Elle et Soren suivirent son regard, et remarquèrent un amoncellement de déchets un peu plus loin. Elle le détailla en profondeur, mais ne fit au final rien d'autre que hausser les sourcils.

« -... Quel est le problème ? » elle observa son compagnon « Tu veux aller jouer là-dedans ? »

Le concerné secoua la tête de droite à gauche, et pointa à nouveau le sommet du tas de déchet de la patte. Marie eut besoin de plusieurs secondes d'observation supplémentaires pour comprendre ce qui perturbait son compagnon : reposant tout en haut, ce qu'elle avait d'abord pris pour des restes de cotons... Semblaient en fait être un Tylton replié sur lui-même. Du moins, c'est ce qu'elle pensa en voyant ce qui s’apparentait à une faible respiration, mais elle devait se rapprocher pour s'en assurer. Elle confia un nouveau coup d’œil à Sephiran, et commençait déjà à s'avancer.

« -Bien vu. Allons voir. »

Soren acquiesça, et au trot, ils rejoignirent cette déchetterie miniature. Marie dut se rendre à l'évidence : il s'agissait bel et bien d'un Tylton... Mais que faisait-il là ? Son corps se soulevait et s'abaissait lentement, et ses ailes blanches étaient noircies par la saleté. Non seulement ce Pokémon aérien n'avait rien à faire sous terre, mais en plus, il s'agissait d'une espèce qui avait pour habitude de prôner la propreté ! Un égout était sans aucun doute le DERNIER endroit où Marie s'attendait à trouver un Tylton...

Elle s'approcha du Pokémon et tendit lentement ses mains vers lui. Il avait l'air endormi. Peut-être que...

A peine l'avait-elle frôlé qu'il déploya ses ailes, et, ouvrant en grand les yeux, poussa un long cri affolé. Marie eut un petit geste de recul, mais fit signe à ses deux Pokémon de rester en arrière, alors qu'elle mettait ses deux mains bien en évidence.

Ce fut aussi à ce moment là qu'elle remarqua ce qui n'allait pas chez ce Tylton. L'une de ses pattes... La gauche. Elle était... Arrachée. A moitié. Et avait visiblement TRES MAL cicatrisé. Le pauvre Pokémon chercha bien à décoller, mais par fatigue, ou inexpérience, il ne fit que retomber piteusement sur le tas de déchets, en une grimace douloureuse au moment de rentrer en contact avec sa patte blessée.

Marie prit sur elle pour ne pas afficher une expression de dégoût. Elle n'avait jamais vu une blessure de Pokémon d'aussi près... Mais elle allait devoir faire avec, ce pauvre bonhomme était en bien trop mauvais état pour qu'elle se résigne à le laisser ici.

Comment s'était-il fait ça, que faisait-il ici ? Elle avait des tas d'hypothèses. Un Pokémon qui l'avait chassé pour son repas, puis auquel il aurait réchappé, pour finalement se retrouver bloqué ici à cause de son état ; ou alors, une chute depuis une grille d'égout, dans laquelle il aurait laissé une partie de sa patte après un accrochage sans nul doute douloureux.

Mais cela n'avait pas vraiment d'importance, à vrai dire. Elle devait d'abord convaincre le Tylton de se laissait faire... Ce qu'elle pourrait faire sans trop de mal, puisque vu son état, il n'allait pas être bien difficile à Capsticker ou capturer. Mais c'était aussi le risque d'aggraver ses blessures, et de perdre beaucoup de temps... S'il se laissait faire, Marie pourrait l'aider au plus vite.

Elle chercha à se montrer la plus délicate possible, et les mains toujours tendues, prit la parole.

« -Là... Calme. Je... Je vais t'aider, d'accord ?... Laisse-toi faire, je t'en prie....  »

Marie retira ses mains.

« -Tyyyy ! Tyyyyy ! »

Le Tylton avait tenté de la mordre. La Mentali serra la mâchoire. Il n'avait pas voulu se laisser faire.... C'était prévisible, mais elle aurait aimé pouvoir se passer de l'étape d'apprivoisement. Cela lui aurait fait gagné un temps considérable, en plus de réduire les risques d'aggravation des blessures...

Marie se redressa, se frottant les mains, et fixa le Pokémon sauvage.

Tant pis, elle allait devoir faire autrement.

Intimant à ses compagnons de rester en arrière, elle dégaina son Capstick. Elle ne souhaitait pas utiliser une Pokéball, n'étant pas tout à fait certaine des conséquences que cela aurait sur les blessures du Tylton. Le calmer était pour l'instant la meilleure des choses... Elle aviserait, ensuite.

Elle se mit en position, et enclencha le système de capture.

La toupie tomba au sol, puis pivota sur elle-même, avant de partir à vive allure. Puisque le Tylton s'évertuait à rester au sommet du tas de déchets – sans doute était-ce un réflexe pour lui de se percher en hauteur –, Marie n'avait qu'à faire tourner le disque de capture autour de celui-ci. Le Pokémon remarquait bien que quelque chose autour de lui chercher à l'encercler, mais ne bougea pas par prudence. Il devait penser que tant que cette chose ne l'approchait pas, il n'aurait rien à craindre... Mais à la première boucle, une drôle de sensation envahit son corps, et le Tylton releva la tête. A Marie de transmettre un sentiment de plénitude à la créature.... Elle ferma les yeux, et se concentra. Avec la trajectoire linéaire du disque, elle pouvait se permettre de se focaliser sur sa respiration. Elle devait... Rester calme... Et détendue...

… Aussi détendue que pouvait être quelqu'un trouvant un Pokémon atrophié, sans doute.

Une vive lumière entoura le Tylton, et Marie rouvrit les yeux. La ligne de capture se renferma sur le Pokémon sauvage, dont la respiration devint immédiatement plus calme.

La Ranger soupira. Elle avait réussi. Elle laissa à Soren le soin d'aller ramasser le disque de capture, et rejoignit plutôt le Tylton. Une seconde fois, Marie tendit ses mains droit devant elle, et d'une voix douce, chercha à le rassurer.

« -... Calme... Je vais t'aider. Tu veux bien te laisser faire ?   »

Le Pokémon sauvage la dévisageait avec ses yeux mi-clos par la fatigue. Cela se voyait qu'il ne lui faisait toujours pas pleinement confiance ; toutefois, le sentiment de calme que lui avait procuré la Mentali dut suffire à le convaincre de sa bonne volonté. Et de toute évidence, il était de plus en plus proche de l'évanouissement... Alors autant se laisse faire.

Sans un mot, Marie prit la créature dans les bras, qui resta amorphe. Il était vraiment sale. Dans un état lamentable... Et elle devait faire attention à ne pas toucher sa patte.

La demoiselle eut une pensée sarcastique. Que disait-elle, un peu plus tôt, sur l'importance d'avoir des éléments soignants dans une équipe ?... Cela dit, elle doutait qu'une attaque Soin suffise à guérir ce genre de blessures. Sa patte... Elle allait rester comme ça à vie, c'était certain. La question étant plutôt de savoir s'il y avait tout de même la possibilité de la réhabituer à la marche, d'une manière ou d'une autre... Ou si une seconde coupure était à prévoir.

D'un mouvement de la tête, Marie invita ses Pokémon à la suivre. Ils devaient trouver un Centre Pokémon au plus vite... Elle était passée devant l'un d'eux, en longeant le port. Elle ne savait pas si c'était le plus proche, mais elle n'avait pas de temps à perdre à consulter une carte. Le bâtiment était à cinq minutes, cela ferait l'affaire.

Dans ses bras, elle sentit la respiration du Tylton lentement s'affaiblir. Alors qu'ils arrivaient sur le quai extérieur, la Mentali eut une très mauvaise impression...

Sans oser jeter un œil au Pokémon, elle continua de courir.

Tiens bon, pensait-elle.