Oui ! Oui ! OUIIII ! Je trépignais d’impatience en écoutant ce que disaient les deux professeurs dissimulés derrière la carte. Si la sortie capture dans laquelle je m’étais engagé se transformait finalement en sortie shopping, j’étais totalement pour ! Pas que je n’aimais pas découvrir des lieux naturels remplis de nouvelles choses… Mais il me manque un pantalon. Un joli pantalon que je pourrai mettre pendant tout le printemps… Si vous n’aviez pas compris, je vous fais actuellement les yeux doux par la pensée. Mon regard était rivé sur le dos du plan tenu par les enseignants, et j’ignorais totalement les plaintes des autres étudiants. Ca va, si eux étaient trop pauvres pour se permettre quelques achats, ce n’était pas le cas de tout le monde ! De plus, nous allions pour une fois dans une ville. Une vraie ville ! Pas un village d’Alola tout pourri, pas de tentes, pas de baraquements sordides, pas de manoir hanté, non ! Il y avait de grands bâtiments, des routes, des trottoirs, tout ce qu’il fallait pour être un coin urbain digne de ce nom.

J’ignorais totalement les conseils de Yade à peine mon pied posé sur le port de Volucité. Les conseils de dernière minute, c’était pour les gros nazes incapables de se débrouiller tout seul ! Et moi, vous voyez, je suis un adulte responsable. Qui allait bien évidemment attraper UN Pokémon, puis faire du lèche-vitrine. Chacun sa vision de « responsable », hein… J’esquivais donc chaque personne, élève comme habitant, me faufilant parmi eux jusqu’à tomber sur une petite ruelle qui donnait sur d’autres ensuite. Il me suffisait d’errer un petit peu, et j’allais tomber sur une créature à choper. Ensuite, à moi les folies ! Je n’étais pas convaincu que la limite de poids de bagages était un vrai truc – le pauvre Yade avait dû inventer ça en désespoir de cause, je le comprends –, mais si c’était le cas, eh bien… Tant que ça n’est pas pesé au gramme près, ça ne dépasse pas le poids, non ?

Je calais correctement Cierge sur mon épaule, avançant une Ball à la main, en prévention de la première silhouette que je croiserais. Le moindre petit ferait l’affaire. Et si je n’y arrivais pas… Bah ! Tant pis, je repartirais bredouille. Mais avec un joli pantalon.

J’avançais dans la ruelle sans vraiment me préoccuper des quelques silhouettes que je voyais. Je ne me demandais jamais précisément quels Pokémons j’aurais dans mon équipe. Je n’étais pas du genre à tous vouloir les attraper, ou à tenter de monter l’équipe la plus efficace au monde. Je n’étais pas très attaché aux combats, et même si l’idée de gagner était plaisante, ce n’était pas mon plus grand rêve. J’étais concentré sur autre chose : ma réussite scientifique, ma célébrité en tant que chercheur et archéologue, mes talents comme explorateur, et actuellement ma recherche d’un joli pantalon. Au pire, l’un des petits bouts qui habitaient dans le coin finirait par me tomber dessus tout seul.

Et je ne croyais pas si bien dire, en parlant de « tomber dessus ». Alors que je changeais une nouvelle fois de rue derrière quelques bâtiments, j’entendais un petit cri et je sentais une ombre se former au-dessus de moi. J’avais à peine le temps de reculer pour voir un Nucléos tomber dans un petit bruit qui aurait pu être drôle si seulement je n’avais pas frôlé la crise cardiaque. Il me remarquait finalement, l’air sonné de son arrivée brutale. J’imaginais qu’on avait dû le pousser, ou alors qu’il s’était tout simplement paumé… Je ne pensais pas qu’il était possible qu’il pleuve des Pokémons. Pas encore.

Nous nous fixions droit dans les yeux. Je devais avouer que ce Pokémon me mettait un peu mal à l’aise, de même que sa suite d’évolution. Tout rond, avec son cœur bizarre qui en fait était sa tête et… Brr. Non vraiment, même s’il avait l’air d’une joli bubulle ou d’une balle à presser et à jeter en faisant un petit « boing » rigolo, je n’arrivais pas à l’apprécier. Et encore, sa forme actuelle était peut-être la seule que je supportais sans avoir des frissons. J’essayais de me reprendre, me disant que même s’il fallait que j’en attrape un, ça ne serait pas celui-là.

« - Eh, qu’est-ce que tu regardes ?! Tu veux ma photo ? » disais-je en secouant ma main pour le faire partir.

J’avais peut-être pris un ton un peu trop dur… Voilà qu’il repartait avec un air penaud dans la ruelle adjacente. Bon, au moins, il serait peut-être facile à maîtriser pour le prochain dresseur qui le croiserait… Je poursuivais ma route, me sentant quand-même un peu coupable pour ce pauvre petit. Mais sa petite mine tristounette fut vite chassée de mon esprit par la pensée de l’habit parfait qui m’attendait dans les boutiques que j’allais visiter dès cet exercice fini !

Je commençais à perdre patience. Cette sortie capture durait depuis déjà bien trop longtemps, et si ça continuait comme ça, je n’aurais jamais le temps de passer dans la moindre boutique avant la fin ! J’avais pu croiser d’autres dresseurs attraper fièrement leur nouveau compagnon ou parler de leur succès avec leurs amis, et ça me mettait deux fois plus en rogne. J’allais finir par tout simplement abandonner, quitte à attirer des regards curieux ou des remarques désobligeantes. Je n’aimais de toute façon pas cette course à l’excellence au niveau du nombre de Pokémons possédés. Je la trouvais ridicule et cruelle pour eux. Ils n’étaient pas des objets à collectionner, peu importe leur type, leur comportement ou leur bêtise !

Je soupirais et finissais par rebrousser chemin, avant qu’une silhouette petite et bondissante ne me passe devant. Deux longues oreilles, des couleurs un peu surprenantes, et surtout… Mais oui ! C’était un Laporeille blessé ! Je fronçais les sourcils et tentais de le suivre, mais je me faisais soudainement bousculer par un gars.

« - Eh, bouge de là, la gamine ! Tu vas me le faire perdre !
- Gamine ?! »

Le type, suivi par un Malosse visiblement ravi de cette petite chasse, ne prit même pas la peine de se retourner. Et il ne me fallut pas longtemps avant de comprendre. Sans attendre, je me lançais à sa poursuite, sortant par avance la Pokéball d’Europe, la faisant sortir dès que nous arrivions au cul-de-sac où la pauvre bestiole était coincée et terrifiée par le dresseur et son compagnon.

« - Eh ! Laisse-le, tu vois pas que tu lui fais peur ?
- Tu débarques ou quoi ? On est là pour capturer.
- Ouiii, bien sûr ! La capture vaut de traumatiser un pauvre Pokémon ! »

Je me mettais devant le Laporeille, Europe fouettant le sol avec ses lianes pour faire reculer le Malosse.

« - Va falloir me battre d’abord !
- Ca ira vite, tu as sorti un type Plante contre mon type Feu. »

Ouais… Bon, il marquait un point. Au niveau combat de Pokémon, Europe était clairement en désavantage. Cependant, je n’avais jamais précisé que c’était elle qui allait se battre, ni même aucun autre de mes amis. Et on était dans une ruelle paumée, un cul-de-sac, donc… Ce qui se passait entre nous restait entre nous. Sans attendre, je courrais vers lui et lui collais une gifle qui résonna dans la petite rue, et le surprit assez pour qu’il me fixe avec des yeux ronds. Visiblement, il ne s’était pas attendu à ça.

« - J’ai dit : tu dégages et tu le laisses, dresseur pourri. Va rejoindre une team trop dark et rebelle, et fous la paix à ce pauvre Laporeille.
- Pfeuh… T’as de la chance qu’on frappe pas une fille. De toute façon, c’est un Pokémon de gonzesse ! »

Il repartit avec son Malosse, et j’attendais qu’il soit loin pour soupirer. En réalité, j’avais eu un petit peu peur. Et puis, j’étais un minimum vexé qu’il pense que j’étais une fille, mais bon, je finissais par avoir l’habitude et ça m’avait évité de gros ennuis. Je me retournais, le Laporeille se recroquevillant dans un coin en me voyant. Il devait être apeuré ! Et vu ses blessures, je n’allais pas pouvoir le transporter facilement dans un centre Pokémon… Un peu à contrecoeur, je sortais l’une de mes Pokéballs et la lançais devant lui. J’espérais qu’il se laisserait faire, sinon, j’allais devoir user de stratagèmes pour réussir à l’y faire rentrer. Hors de question que je le laisse repartir blessé !

La Pokéball s’immobilisa, et je soupirais de soulagement, allant la ramasser. J’étais plutôt rassuré qu’il n’ait pas tenté de se débattre ou de s’enfuir encore. Le pauvre était salement amoché, et ça me rendait triste pour lui. Et énervé, aussi. L’autre dresseur n’avait même pas songé un seul instant à la bêtise qu’il était en train de faire, et il s’était senti légitime dans sa chasse tout simplement parce que « c’est une sortie capture ». Je me disais qu’il devait bien y avoir un idiot dans toutes les académies, mais celui-là était un champion et je ne regrettais pas la baffe que je venais de lui mettre.

Je laissais Europe marcher à côté de moi, me rendant finalement vers un centre Pokémon. Je laissais finalement tomber mon idée de lèche-vitrine et d’achat pour me concentrer sur le bien-être de ce petit lapin adorable. Ca m’ennuyait, mais bon. C’était beaucoup plus important. L’infirmière prit en charge le Laporeille, et j’attendais sagement qu’ils aient finis, remettant Europe dans sa Pokéball. Elle revint ensuite me voir avec le Pokémon qui semblait aller un peu mieux maintenant que ses blessures étaient un minimum soignées, et me demanda de le surveiller un peu le temps qu’il se remette. Je le reprenais donc, et décidais de le garder dans mes bras, Cierge se faisant une place sur mon épaule, comme souvent. Il n’avait rien eu à redire sur ma façon de gérer la situation. Remarque, il aime beaucoup trop les conflits… Il s’en amuse, ce petit sadique.

Je revenais me poster avec le reste des élèves ayant fini leur capture, ne recroisant heureusement pas l’autre idiot, au risque d’avoir encore envie de lui en coller une. Et devant les profs, ce n’était sûrement pas une bonne idée. Cependant, je me demandais si je n’allais pas essayer de mener une action pour sensibiliser les gens à la souffrance de nos petits compagnons et au choc que cela peut être de les capturer si brutalement… Mais pour pouvoir présenter dignement, il va vraiment falloir que je me commande un pantalon !