« Le journal d'Anne Franck – le benjamin rebelle » « -Ga... Ga-quoi ? » C'est moi, qu'elle a appelé, là ? Gajini ?! On ne me l'avait jamais faite, celle-là... Ginji, Gajini, il y a quand même plus d'un pas ! En tout cas, Miss Jelly, vêtue élégamment d'une capeline, semble très intéressée par toute cette histoire... Que Potiron prend très à cœur, visiblement. Comment ça, arrêter de nous disputer ? Mais c'est elle qui déforme mon prénom, il n'y a pas de disputes !
Je soupire, alors que le Passerouge réexplique la situation à la jeune fille, dont je n'arrive décidément pas à me souvenir du prénom. Voyons voir... Un truc en « a », comme Ilea. Hmm... Ekaeka ? Non, c'est le nom d'une ville, ça... Paprika ? Non plus, je m'en serai souvenu sinon... Ah ! Je sais ! Erina ! C'est ça, son prénom ! Ou quelque chose dans ce style, en tout cas. Je suis certain de n'être pas tombé loin !
Ennuyé par toute cette histoire, je me relève, et commence à rassembler mes affaires. Je range ma bouteille d'eau dans mon sac, dont je passe ensuite la lanière sur les épaules, après m'être passé un bras sur le front. J'aurai pu partir tranquillement et l'histoire s'arrêter là, mais voilà que Miss Jelly proclame à haute voix accepter cette mission... Et me donner rendez-vous pour midi au portail. Hein ? Et comment ça, « paysan » ?! Mais qu'est-ce qu'ils ont tous, à m'appeler comme ça.... ? Oui d'accord, je suis paysan, mais euh, d'abord, ben... Ben ça ne se fait pas de résumer quelqu'un à un qualificatif ! Voila !
… Quoi ? Qu'est-ce que j'ai dit ?
«-Bah euh, c'est qu'en fait, môa, j'ai pas du tout prévu de participer, à la b-... » … Trop tard, elle est déjà en train de s'éloigner, en me demandant de ne pas être en retard. Je me tourne alors vers Potiron, qui a déployé une aile solennelle, et relève la tête avec fierté.
« -Enfin, la raison t'a rattrapé ! » il se retourne, et s'apprête à s'envoler
« Je vous rejoindrai également pour vos donner les consignes ! NE SOIS PAS EN RETARD ! »Je tends un bras pour l'empêcher de décoller, mais en vain.
«-Mais puisque je vous dis que... ! » Allez savoir s'il a fait ou non semblant de ne pas m'entendre, mais en tout cas, le Passerouge décolle sans se retourner, et disparaît bien vite au détour d'un bâtiment. Je finis donc par baisser le bras – et la tête – avec un soupir blasé, avant de me tourner vers mes deux camarades.
« -... Fin de l'entraînement, j'ai besoin d'aller me poser, là. » Punch et Spark acquiescent dans un même mouvement, et je me détourne du banc pour rallier le Dortoir Voltali. Qu'ils me laissent en dehors de ça ! Désolé, mais les problèmes de Palladium, j'en ai déjà assez souffert pour en rajouter une couche.
***
L'eau chaude vient plaquer mes cheveux contre mon front, avant de glisser le long de mon corps.
La main gauche accolée à la paroi de la douche, et la tête baissée, je reste immobile pendant que le pommeau continue de m'envoyer un flot continu au visage. La chaleur du liquide contre ma peau me fait un bien fou, et je me sentirai presque capable de rester dans cette position des heures durant...
Une buée blanche a complètement envahi les lieux, et couvert les miroirs accrochés aux murs de son opacité. Seul le bruit incessant de l'eau qui dégouline et de sa rencontre fracassante avec le sol est audible ; son duquel je fais complètement abstraction, du fait de sa continuité monotone.
La peau qui recouvre mes pieds est légèrement fripée, à force de tremper dans l'eau. Lentement, je lève ma main droite, et mes doigts tout aussi ridés viennent se frotter les uns contre les autres. Une apparence tout à fait pitoyable face aux assauts perpétuels des jets de douche, mais qui me permet pourtant de saisir le plus flasque des objets... C'est en tout cas ce que j'ai lu à ce sujet, une fois.
Je relève la tête, et décolle ma main gauche du mur, pour pleinement me redresser. Les yeux désormais dirigés vers le plafond, mais toujours fermés afin d'éviter la rencontre avec l'eau, je pousse une profonde expiration, et un peu de liquide en profite pour rentrer dans ma bouche.
Je finis par baisser mon regard sur le petit cadre en face de moi, juste à hauteur de ma tête, et d'un geste nonchalant, passe ma main dessus. La buée enlevée, seules quelques gouttes sont là pour m'empêcher d'observer mon reflet dans la glace – sans grand succès, évidemment. Ce ne sont pas de si minuscules particules qui pourront dissimuler mon visage trempé et morne.
Je n'ai jamais aimé me regarder, sous la douche. Me voir ainsi, corps et âme à nu, procure en moi un étrange sentiment de dégoût.
Quand je me rince, je ne fais rien d'autres qu'attendre. Comme la sensation est agréable, inutile de faire quoi que ce soit d'autres ; or, mon esprit est tel qu'il est simplement incapable de rester là, à ne rien faire.
Donc quand il ne fait rien, il pense.
Et cela va faire un moment qu'il réfléchit.
J'aurai aimé que Potiron ne vienne jamais m'interpeller. Maintenant qu'il m'a parlé de ce carnet, je peux pas m'empêcher d'envisager ce qu'il pourrait contenir, et de ce que ces révélations impliqueraient... Mais cela, je ne peux le reprocher qu'à moi. J'ai toujours été bonne poire... Si j'avais appris à être moins enclin à rendre service à tous ceux qui le demandent, il n'aurait sans doute pas cherché à me demander.
Et maintenant, il y a Erina... 'Fin, Miss Jelly, qui s'est mise en tête d'aller le récupérer. Est-elle au moins consciente de ce dans quoi elle s'embarque ? Je n'en ai pas vraiment l'impression... Remarque, avec un peu de chance, ce journal ne contient en fait que des informations futiles sans aucun impact. Et elle reviendra ce soir à l'académie avec simplement la désagréable impression d'avoir perdu sa journée...
…
… Au mieux.
Je serre les dents. D'abord, qu'est-ce que ça veut dire, « des informations confidentielles » ? Si c'est juste les numéros de cartes bleues des dirigeants de Palladium, qu'il s'agit, qu'est-ce qu'on irait faire avec ? Et puis, s'il a disparu, ce Damien, c'est qu'il y a une raison, non ? Tout comme il y a une raison à son refus de donner le journal à Potiron... Alors Arceus, POURQUOI doit-il le récupérer ?
… Et pourquoi suis-je autant inquiet ?
D'un geste brusque, je coupe les robinets. Puis je fais volte-face, attrape ma serviette, et ouvre la porte de ma cabine d'un coup de coude. Je viens me placer devant un sèche cheveux, et de mouvements frénétiques, entreprends de m'essuyer.
Quelques instants plus tard, je suis habillé de vêtements propres – un t-shirt noir avec de fausses taches de peintures rouges, une veste à capuche grise et un jean bleu, et je déboule dans ma chambre, où sont restés tous mes Pokémon.
Mon premier geste consiste à rejoindre mon bureau, sur lequel est posé mon Ipok, sous le regard quelque peu perplexes de certains de mes compagnons.
11h57.
Je soupire, et me frotte les yeux, alors que Spark vient bondir sur la table.
« -Dedenne ? »Je ne réponds pas tout de suite, et prends plutôt une profonde inspiration, les cheveux encore un peu trempés.
« -... Je fais quoi ? J'y vais, ou pas ? » Elle ne dit rien, et se contente de baisser la tête d'une mine pensive. Je me tourne, et appuyé contre mon bureau, m'adresse à mes autres Pokémon.
« -Il y a une élève qui va partir chercher un carnet appartenant à Palladium. Ou A2P, je n'ai pas tout compris. Qu'est-ce qu'on fait ? » Il ne me faut pas bien longtemps pour obtenir une réponse, puisque Oz lève les yeux au ciel presque aussitôt.
« -Ch'ka. »Je souris.
« -Ouais, c'est ce que je me répète depuis tout à l'heure... » J'attrape la lanière de mon sac, la passe sur mes épaules, puis me dirige vers la porte.
« -Je reformule ma question. » je plisse les yeux
« Qui vient avec môa ? » ***
Dans une course acharnée, je jette un coup d'œil à mon Ipok.
12h03.
« -Allez, on a encore le temps ! » C'est une mini cavalcade que je dirige droit vers le portail de l'académie. Derrière moi, Lucina, Châtaigne, Zelf, Harissa, Thoron, et Punch me suivent de près, et sont visiblement prêts à en découdre face à... On ne sait pas trop quoi, encore.
Beaucoup d'autres de mes compagnons se sont proposés à m'accompagner, mais se sont réfugiés dans leurs Pokéballs plutôt que de me suivre directement. Non seulement car je garde espoir de pouvoir mêler un minimum de personnes à ces histoires, mais surtout car cela sera plus facile pour moi à gérer...
Nous finissons par débouler devant l'arrêt de bus se trouvant à l'entrée de l'académie. Le temps de reprendre ma respiration, je réalise que Miss Jelly est toujours là, avec Potiron, et je me dépêche de la rejoindre.
« -C'est... Hh... C'est bon... Hh... Je... » Je me redresse, et désigne mes autres Pokémon derrière moi, en bien meilleur état.
« -... Nous venons. »