Cette année était basée sous le signe du voyage pour Paul. En février, il s’était rendu à Sinnoh dans le cadre de son alternance avec Cynthia. Ensuite il était parti avec Iris en mission vers Alola et maintenant, il allait se rendre à Johto pour une nouvelle mission. Pas de combats, de malfaiteurs à attraper ou esquiver cette fois, il devait simplement se rendre auprès de chercheurs scientifiques afin de leur donner un coup de main dans l’identification des espèces originelles ayant donné naissance à Entei, Raikou et Suicune. En effet, bien que les thèses les plus primées parlent à l’heure actuelle d’une descendance des trois évolitions feu, électrique et eau, le doute plane toujours sur leurs origines et de nouveaux documents d’époques remis au goût du jour pourraient bien nous permettre d’enfin affirmer qui étaient ces trois Pokémons avant l’incident de la Tour Cendrée. Avec l’espoir de pouvoir résoudre cette énigme, Paul s’était engagé dès qu’il avait vu cette mission sur son iPok. En même temps, tout ce qui touche à Ho-Oh de près ou de loin l’intéresse et c’était un bon moyen de continuer à mettre en pratique ce qu’il avait appris auprès de Cynthia.
Il se révéla qu’il était le seul élève à participer à cette recherche. Un peu déçu de n’avoir personne pour l’accompagner, Paul se dirigea vers le ferry qui devait l’amener à Johto. Sur place, un chercheur viendrait le récupérer, donc il ne serait pas vraiment seul très longtemps. Mais un autre élève de l’académie n’aurait pas été de trop pour relever de nouvelles pistes dans ces vieux écrits. Tant pis, les textes anciens n’intéressaient pas tout le monde et même lui, fût un temps, ne les trouvait guère intéressants. En grandissant, on finit par évoluer et à se découvrir de nouvelles passions, même si fouiller de vieux livres poussiéreux n’en était pas vraiment une. C’était plutôt la découverte de nouvelles informations jusque-là restées enfouies sous diverses couches d’histoires remodelées par le temps. Une certaine forme d’exploration non pas à travers un lieu mystérieux, mais des écrits anciens.
Sur le bateau, Paul feuilletait son carnet, celui que lui avait donné Cynthia. Seule une vingtaine de pages étaient remplies, mais Paul continuait de tourner celles encore blanches, imaginant ce qu’il pourrait écrire dessus. Mais même s’il n’était qu’au début de ses investigations sur le monde, le Noctali avait déjà pu recueillir quelques informations sur Ho-Oh. Cherchant à voir si quelque chose pourrait lui être utile, il relu ses premières notes qui parlaient de l’oiseau arc-en-ciel et de sa légende. Malheureusement, celles-ci s’arrêtaient sur le fait que Ho-Oh, né de la main d’Arceus avec Lugia, créa le jour pendant que son homologue créait la nuit. A partir de là, on pouvait comprendre que le jour pouvait aussi représenter la vie d’une certaine manière et que comme il l’avait montré, il lui était offert de pouvoir rendre la vie à ceux qui l’avaient perdu. Ses recherches se concluaient en expliquant que si Ho-Oh pouvait ramener à la vie, il ne lui était pas donné de créer la vie, contrairement à Mew. Cela prouvait au moins une chose : les trois chiens légendaires sont bien la réincarnation de trois Pokémons décédés dans l’incendie de la Tour Cendrée.
Le regard lointain, Paul s’accouda à la rambarde avant du ferry, son carnet encore ouvert dans une main. Derrière lui, Aligatueur et Ouisticram se livraient à... quelques exercices. Prenant garde de ne pas provoquer de dommages collatéraux, les deux Pokémons s’affrontaient dans une lutte au corps-à-corps sans utilisation de capacités. Force et stratégie étaient les maîtres mots de ce combat. Malgré son imposante carrure, Aligatueur bougeait bien et ne laissait aucune ouverture à son opposant. De son côté, Ouisticram usait de sa petite taille pour se rendre intouchable par le grand rose. La lutte se résumait plus à des esquives qu’à des attaques, mais lorsque certains coups étaient portés, leurs effets s’en faisaient vite sentir. Sachant qu’il ne pouvait vaincre par la force brute Aligatueur, Ouisticram s’était mis à le frapper uniquement au niveau des articulations de ses jambes. Son but était de le déséquilibrer pour prendre l’avantage. La stratégie était pour le moment payante, mais Aligatueur avait du bouchon. Ce n’était pas un débutant et il avait appris à identifier la stratégie adverse, surtout quand celle-ci était aussi évidente. Ouisticram aurait alors dû se rendre compte que son adversaire avait délibérément relâché sa garde sur son flanc droit et aurait dû changer d’approche, mais son expérience au combat avait encore beaucoup de marge de progression. Il se jeta dans la gueule de l’alligator avec enthousiasme, venant asséner un coup de pied transversal dans son mollet. La frappe n’eut pas le temps d’atteindre sa cible, le petit se retrouvant rapidement suspendu par les pieds dans les airs, ce qui fit rire Aligatueur.
- Nous voilà de retour au pays les amis !L’entraînement se termina, alors que les côtes de Johto se rapprochaient vivement à l’horizon. Paul ramassa son sac à dos, toujours rempli du strict nécessaire et se prépara à débarquer. Ouisticram grimpa aussi sec sur son épaule et Aligatueur se posta derrière lui.
- Une nouvelle aventure commence. Conclu-t-il.
Sur les quais, un homme à lunettes et en blouse blanche les attendait. Il incarnait le parfait stéréotype du chercheur scientifique, bien loin de l’apparence sexy et désinvolte de la belle Cynthia. Brièvement, ils se saluèrent avant que l’homme ne les enjoigne à le suivre dans sa jeep pour rejoindre le campement de recherche.
- Mon nom est Sukizo, je suis l’assistant du professeur qui vous a convié à venir. Monsieur Toko pensait qu’il serait plus pertinent d’établir notre camp de recherche au plus proche de la Tour Cendrée, « histoire de se sentir inspiré » comme il nous le répète. Vous verrez que c’est un chercheur très méticuleux, bordélique mais méticuleux. Et je me félicite d’avoir été son apprenti.Plus que bavard, Sukizo était un véritable moulin à parole. Il ne s’arrêta que lorsque ses convives s’assoupirent sur la banquette arrière. Enfin, il essaya. En fin d’après-midi, la jeep ralentit et entreprit de passer par un chemin sinueux. Les bosses et autres nids de poussifeu réveillèrent Paul et ses amis à l’arrière. Cette petite sieste sur le trajet leur avait fait du bien, même si le garçon avait les oreilles bourdonnantes. Il s’accouda sur le siège passager de l’avant pour se mettre à la hauteur de Sukizo et lui demanda où ils se trouvaient.
- Nous ne pouvions nous installer devant la tour sur le bitume. Nous l’avons donc contournée et nous empruntons un chemin de terre situé derrière pour s’en rapprocher. Ne vous en faites pas, nous sommes pratiquement arrivés. Ah ! Voilà justement le camp.Devant eux, un espace précaire et délimité par des rondins de bois disposé en cercle apparut. A l’intérieur de cette fortification, plusieurs tentes de différentes envergures désignaient les quartiers du campement. D’un côté les dortoirs, de toutes petites tentes pour deux personnes, et de l’autre les installations de recherches, des espèces de tonnelles et tentes de plus grandes envergures permettant de se déplacer debout à cinq ou six personnes. En voyant leurs feux arriver, plusieurs chercheurs quittèrent leur travail pour venir les accueillir. Paul fut étonné de ne voir quasiment aucun Pokémon parmi eux, malgré leurs recherches sur ceux-ci.
- Soyez les bienvenus mes amis !Un homme bien bâti, torse nu avec un short, s’écarta du groupe pour leur faire une accolade. Le geste, bien que bienveillant, n’en était pas moins à la limite de briser leurs os tant l’homme était robuste. Seul Aligatueur tint le choc et la renvoya avec la même vigueur, ce qui fit rire à pleine gorge l’homme.
- Voilà un Pokémon comme je les aime ! Garçon, tu peux être fier de lui. Il s’approcha pour lui chuchoter quelques mots.
Toi par contre, tu devrais arrêter le chocolat, ça n’aide pas à solidifier les os.Arrêter le chocolat ? Qu’elle est cette félonie ? Déjà qu’il n’en mange pas beaucoup et uniquement du chocolat au lait ou noisette, mmmmh le chocolat noisette, quel délice. L’arrêter serait un sacrilège de premier ordre et Aligatueur s’en goinfre bien dix fois par jour et il arrive à lui tenir tête, donc on pourrait dire au contraire que le chocolat est bon pour la santé ! … La fatigue. Les yeux de Paul n’étaient pas complètement remis du voyage. Les puissants pouvoirs hypnotiques de Sukizo ne suffisaient pas à endiguer toute la fatigue accumulée lors de la journée. Mais après une nuit de sommeil, il serait en pleine forme et paré aux investigations.
- Si cela ne vous dérange pas, j’aimerais me coucher afin de me lever tôt demain pour commencer.- Aucun problème gamin ! Il se tourna vers les autres chercheurs. Mia, présente au gamin sa tente.
- Oui professeur. Répondit une jeune fille à la longue chevelure rousse éclatante. Elle avait l’air quelque peu timide, mais elle enjoint Paul et ses compagnons à la suivre à l’autre bout du camp.
Votre tente est juste là, la mienne et celle de Sukizo sont à côté de la vôtre. Si vous avez besoin, hum… N’hésitez pas.- Merci, mais ça devrait aller. Dit-il en souriant.
Sans nulle autre forme de procès, Paul et les siens disparurent les uns après les autres dans leur tente. Mia resta un instant, entendant des bruits bizarres sous celle-ci et la voyant bouger avant de s’en aller. Pendant ce temps, dans la tente, Paul se battait avec Aligatueur pour gagner de l’espace. Ouisticram qui refusait de rejoindre sa pokéball n’aidait pas et le trio finit par s’endormir dans des positions insoupçonnées suite d’épuisement après une lutte acharnée.
***
Au petit déjeuner, les têtes de nos trois compagnons n’étaient pas très belles à voir. Ouisticram manqua par deux fois de finir avec la sienne dans son bol de chocolat chaud, tandis qu’Aligatueur ne tint pas dès la première fois. Quant à Paul, ses cernes en disaient long sur l’état de la nuit.
- Hahaha, je vois que certains ont fait la bringue hier soir.
- M’en parlez pas, ces deux-là sont de vraies têtes de mules quand ils s’y mettent.- Vous savez, je ne suis pas contre ce genre de relations, mais si vous pouviez éviter dans mon camp… Dit-il avec un clin d’œil.
L’esprit trop vif du jeune garçon à la rosée du matin se contenta de répondre.
- Euh… Ouais ouais. Je ferais attention à ce qu’ils ne s’agitent pas de trop à l’avenir.Non, il n’avait rien compris aux insinuations faites par le professeur.
Après le petit déjeuner, nos amis se séparèrent du reste du groupe pour prendre leur douche : un jet d’eau produit par Aligatueur. C’était précaire, mais le coin n’avait rien de mieux à leur proposer. Enfin, dès qu’ils furent prêts ils se rendirent sous la tonnelle principale où les attendaient les autres scientifiques. Toute l’équipe était réunie autour de textes anciens protégés dans par des films plastiques. Parmi eux, on retrouvait « Les crocs de la mer » ou encore « Paléontologic Park ». Des classiques du cinéma, mais là n’était pas la question. A côté de ces textes écrits dans des langues beaucoup moins connues que leurs films, il y avait les copies traduites par les chercheurs de ces textes. Chaque page était raturée et commenté par les mains de différents chercheurs du groupe qui avaient essayé d’en extraire un maximum d’informations. Paul se pencha sur la première note.
- Je doute que Suicune soit la nouvelle forme d’un Magicarpe. Même si cette idée n’est pas à exclure totalement puisque le Lac Colère n’est qu’à une heure de marche, je vois mal comment un Magicarpe aurait pu arriver jusqu’ici.- En effet, pourtant ces textes sont on ne peut plus claire : « son air béat nous laissait sans voix, tant son regard était vide d’expression. » Cet extrait est tiré de ces pages d’un ouvrage très ancien, datant de l’époque de l’incendie et où un moine montargentien a relaté les témoignages des habitants, alors qu’il était en pèlerinage dans le coin. Il n’en tire aucune conclusion pour se contenter de relater les faits, mais nous pouvons à partir de ceux-ci déterminer précisément la véritable nature des trois chiens légendaires.Paul n’avait jamais compris pourquoi ces Pokémon portaient le nom de chiens légendaires. Après tout, ne ressemblaient-ils pas plutôt à des chats ? Assurément. Mais peut-être avaient-ils altérer cette vision de la réalité aux esprits faibles dans l’optique de mettre leur plan de domination du monde en cachette. Bah oui… Qui irait se méfier de trois chiens ? Personne. Néanmoins, les moines montargentiens n’avaient pas pour habitude de prendre parti et leurs textes étaient toujours extrêmement fidèles aux faits qu’ils avaient vus ou entendus. Ils pouvaient évidemment se tromper comme tout être humain, contrairement aux Pokémon, et il était normal que ces écrits n’aient été révélés que maintenant, étant donné que leur Temple était quasiment impossible d’accès, notamment parce que toute personne souhaitant accéder au Mont Argenté se doit d’être munis de tous les badges nécessaires… Soit beaucoup trop pour être listés.
- Je comprends mieux pourquoi vous vous êtes placés ici. Si ce ne sont pas des évolitions qui sont à l’origine de nos trois bestiaux, il faut rechercher dans les Pokémons qui côtoyaient la tour et quoi de mieux que d’observer la faune locale qui aurait pu s’y introduire.- Tout à fait ! Il s’agit là du travail de Mia et Sukizo qui m’assistent en étudiant les espèces locales, qu’elles soient de nos jours pour Sukizo ou via des fouilles, de l’époque pour Mia.- En dehors des trois évolitions, nous avons relevé pas moins de 9 Pokémon qui peuvent correspondre aux descriptions faites par le moine et à notre situation géologique. Notre périmètre de recherche englobe les dix kilomètres aux alentours de la tour.- Quelles sont ces espèces ?Les mains posées à plat sur la table, Paul releva le nez des documents et regarda le professeur Toko qui se dirigeait vers un grand tableau. Dessus, on retrouvait de nombreuses images de Pokémon, ainsi que des liens qui les reliaient entre eux ou à des renseignements. Certains étaient barrés d’une magnifique croix rouge, signifiant qu’ils avaient déjà été mis hors de cause. Dans ceux qui restaient…
- Pikachu. Ce suspect n’est pas du coin, mais est connu par nos services pour se rendre régulièrement sur les lieux du crime avant que celui-ci n’arrive. La queue de Raikou est par ailleurs en forme d’éclair, exactement comme celle de Pikachu. La petite souris jaune serait-elle passée de proie à prédateur ?Son doigt descendit un fil rouge et tomba sur…
- Caninos. Vous n’êtes pas sans savoir qu’il vit dans le coin. Son pelage et son caractère protecteur se rapprochent énormément de ceux d’Entei. C’est le coupable numéro 1 sur sa piste.Il remonta ensuite par un fil bleu jusqu’à un embranchement comportant de nombreux fils.
- Celui-ci… Croyez-moi, on ne va pas le quitter des yeux. Il a fait de nombreux coups et tous les indices portent à penser qu’on aurait affaire à sa plus grande bêtise… De nombreux habitants témoignent avoir vu un Psykokwak s’abriter dans la tour quand le feu s’est propagé. Pas la peine d’arquer un sourcil, oui c’est un idiot mais un suspect quand même.Le professeur continua ainsi en présentant chacun des Pokémon l’un après l’autre et expliquant leur lien avec le trio de légendaires. Tous avaient de bonnes raisons d’être sur cette liste, ce qui ne rendait pas les choses simples pour démêler toute cette affaire.
- Puis-je emporter une copie de la traduction de ces textes dans ma tente ? Je préférerais les étudier au calme dans un premier temps.- Tenez. La jeune Mia lui tendit une copie non-annotée des textes anciens, sans même le regarder dans les yeux.
- Merci Mia. Sur ce, je m’en vais étudier ! Ouisticram et Aligatueur vont rester avec vous. Je doute qu’ils vous soient très utiles en l’état, mais vous pouvez faire appel à eux au besoin.Rattrapant leur nuit, les deux Pokémon étaient l’un sur l’autre allongés comme des tas par terre.
- Nous ne manquerons pas de quérir leur aide ! S’exclama le professeur avec peu de conviction.
***
Dans sa tente, l’esprit du garçon chauffait. Bien que les documents soient complets sur les histoires qu’il racontait, les témoignages manquaient de détails. On savait qu’un Pokémon était entré dans la bâtisse, certains précisaient qu’il s’agissait d’un petit Pokémon jaune ou orangé et à partir de là, tout devenait flou. En effet, les gens avaient très bien faits attention à l’incendie qui avait ravagé la tour et les pompiers encore plus que les habitants lambdas, mais personne n’avait vraiment fait attention à qui se trouvait sur les lieux. De plus, des habitués des lieux expliquaient qu’une entrée existait par l’arrière à l’époque, suffisamment grande pour permettre le passage d’un enfant de dix ans. Dans les faits, cela incluait un grand nombre de Pokémon capables d’emprunter ce passage secret. Et comme l’endroit était libre d’accès, personne ne faisait réellement gaffe à qui pouvait passer par là, en dehors de certaines rencontres très fréquentes.
Allongé sur son sac de couchage, Paul prenait note de tous renseignements susceptibles de lui permettre d’élucider cette affaire. Il avait en tête une partie du tableau du Professeur Toko, mais sans l’avoir sous les yeux, il évitait de se laisser influencer par les découvertes des chercheurs. C’était aussi pourquoi il s’était isolé de la sorte. Ainsi, peut-être trouverait-il un indice ou une hypothèse que les autres n’avaient pas encore percé à jour. Il passa deux heures, presque trois, à potasser ces écrits sans la moindre pause. Son carnet n’était raturé sur aucune page afin de garder le cheminement de la pensée intact, mais les éléments les plus importants et résultants de ce qu’il avait trouvé étaient soit soulignés, soit entourés ou encadrés. Quelqu’un finit par venir toquer à sa tente.
- Hum… C’est Mia.- Oui ? Qu’y a-t-il ?- Le professeur souhaiterait que vous nous accompagniez, Sukizo et moi, pour découvrir nos recherches. Il pense que cela pourrait vous aider dans vos théories.D’une traite, Paul ouvra la tirette de sa tente et sortit la tête de sa bulle. L’air frais de l’extérieur vint caresser son visage et il en inspira une bonne bouffée d’air.
- C’est qu’on finirait par suffoquer là-dedans. Il revint à la demoiselle.
Je vous suis, nous sommes partis !Le garçon aux cheveux d’ébène se retrouva aussi sec hors de sa tente et Mia prit les devants avec la timidité qui lui était habituelle, les mains serrées sur son livre et la tête légèrement baissée vers le sol. Paul remonta à sa hauteur, sans aucune gêne, pour la questionner.
- Où sont mes amis ?- Le professeur a pensé qu’il serait… Hum intéressant de se confronter dans un bras de fer avec Aligatueur. Ils sont actuellement avec l’infirmière Joëlle, monsieur Toko s’est cassé le bras en traitant Aligatueur de femmelette parce qu’il n’osait pas employer toute sa force.- Ah…C’était légèrement embarrassant pour le jeune homme, mais d’une certaine façon, cet événement ne semblait pas avoir ébranlé le campement. Son Pokémon avait pourtant brisé le bras de son employeur, ce n’était pas le genre de choses que l’on pouvait prendre à la légère. Pourtant ici, tout le monde continuait sa vie comme si de rien était et le professeur l’avait même chargé d’enquêter plus en profondeur avec ses assistants… Pour Paul, cet homme relevait d’un véritable mystère qu’il serait intéressant de mettre au jour une autre fois. Pour l’heure, il avait sa mission, celle de découvrir l’identité secrète de nos trois vedettes de Johto.
- M-mes recherches sont toutes compilées dans ce classeur. Viens, je vais te conduire sur le site de fouille.Elle lui donna le classeur et l’emmena ensuite jusqu’à une zone creusée et protégée par des rubans « zone interdite au public – danger ». Ils les enjambèrent et s’engouffrèrent dans le trou. Mia se rapprocha alors des parois et commença ses explications.
- Comme tu peux le voir dans le classeur, j’étudie tous les indices sur la présence d’autres Pokémon dans cette région en des temps reculés. Grâce aux différentes couches enfouies dans le sol, je peux réaliser des analyses qui me donnent avec plus ou moins de précisions les espèces qui ont pu vivre ici à l’aide d’une banque de donnée sur mon ordinateur portable, qui identifie les signes distinctifs laissé dans le sillage de chaque espèce au fil du temps. Avec cette méthode, plus nous creusons profondément et descendons dans les couches, plus nous avançons dans les âges. La seconde méthode consiste à fouiller ces fosses que nous créons en quête de quelconques éléments caractéristiques du passage d’x ou y Pokémon.Sans s’en rendre compte, Mia n’avait pas bredouillé une seule fois lors de ses explications. Elle n’était pas à l’aise avec ses semblables mais Paul voyait bien, qu’elle était passionnée par son travail. A tel point qu’elle en oubliait sa crainte des autres. Cela faisait sourire le garçon, qui feuilletait par la même occasion le classeur. A l’intérieur, il n’y avait que des photos de terres, de cailloux et autres éléments naturels assez communs, annotés de partout et étudiés minutieusement au microscope.
- Donc ceci est la synthèse de tes recherches… A partir de cet extrait de terre, tu peux me dire avec certitude qu’un Ceribou vivait là il y a cinquante ans.- Tout à fait. Ou du moins, les probabilités qu’il s’agisse d’un Ceribou sont de quatre-vingt-dix pourcents contre dix que ce soit un Chenipan. Déclara-t-elle en venant indiquer ses remarques sur la page que Paul regardait.
- Extraordinaire.Paul la regardait dans les yeux, elle n’avait jamais soutenu son regard aussi longtemps. La demoiselle se rendit alors compte qu’elle s’était considérablement rapprochée pour parler de son classeur. Sa timidité revint soudainement et elle baissa le regard en reprenant son classeur et en reculant d’un bon pas.
- Hum… Nous ferions bien de retourner voir Sukizo. Et ce ne serait pas bien… Pour Aligatueur.- De quoi parles-tu ?- De nous. Enfin, je veux dire… Oublies.Elle allait pour s’en aller, mais le Noctali surpris par ses propos, la dépassa et lui barra momentanément le passage.
- Je ne sais pas qu’elle est cette histoire avec Aligatueur, mais ce n’est que mon meilleur ami.Les yeux de la demoiselle se fixèrent dans les siens avec grand embarras.
- Ah bon ?- Bien sûr.Et il l’embrassa, ses mains venant se poser sur son cou. Stupéfaite, Mia lâcha son classeur mais ne repoussa pas le garçon pour autant. Elle le laissa la pousser contre la paroi du trou et finit par placer une main sur lui.
- Je suis là, vous en avez fini avec ces vieux fossiles ?!Sukizo débarqua pile à ce moment-là au-dessus d’eux. Il ne montra pas son étonnement en les voyants, mais sa présence suffit à les stopper et à ce qu’ils prennent leurs distances.
- Apparemment vous n’aviez pas terminé.Les deux se regardèrent avec gêne.
- C-ce n’est pas ce que tu crois Sukizo.- J’aimerais bien savoir ce que c’est dans ce cas. Fit Sukizo avec une certaine amertume.
Je suppose que vous en avez terminé maintenant. Nous pouvons peut-être aller voir ce que mes recherches donnent, mais Paul ne t’attend pas à ce que ce soit aussi palpitant. J’étudie les Pokémon, moi.L’instant suivant, Sukizo disparut de leur champ de vision. Paul aida Mia à sortir du trou, mais aucun ne dit un mot avant de se trouver à l’extérieur de celui-ci.
- Je suis désolé.- T-tu ne dois pas. Sukizo a toujours eu un faible pour moi. Mais hum… Je ne me suis jamais intéressée à lui. Et puis il est trop vieux, ajouta-t-elle pour détendre l’atmosphère. Ils rirent un bon coup et se mirent en marche pour rattraper l’autre assistant.
Sukizo les conduit directement au cœur de la forêt. Outre ses remarques sur le comportement amoureux des Pokémon qu’il compara évidemment à celui de deux humains, il leur expliqua en chemin les différentes variétés de Pokémon qui peuplaient la région actuellement. Paul se cacha de le reprendre à plusieurs reprises, lui qui avait vécu tout son enfance ici, les connaissait quasiment tous. Néanmoins, l’étude de Sukizo ne relevait pas uniquement de l’identification des Pokémon en présence, mais aussi de leur comportement. Que ce soit par rapport aux autres Pokémon ou vis-à-vis des humains, cela permettait d’identifier les espèces qui auraient été capables de s’approcher de la ville sans crainte. Parmi elles, on retrouvait certaines des espèces figurant parmi les neuf suspects du professeur, mais d’autres avaient été écartées pour d’autres raisons liées par exemple à un comportement de meute. Si un individu de cette meute s’était retrouvé à la tour lors de l’incident, il serait obligatoirement retourné auprès des siens dans une optique de protection de son foyer. Paul nota cet élément dans son carnet et raya notamment Caninos de la liste. Son Arcanin qui était autrefois un Caninos ayant vécu en bordure de Rosalia lui avait protégé sa famille était plus important que tout et donc, qu’il ne pouvait s’agir de ce Pokémon. Toutefois, on notait que les trois Pokémon morts dans la tour s’y étaient retrouvés piégés. Pour Paul, il était évident qu’un Caninos serait parti avant d’être coincé. Et puis honnêtement… Quel Pokémon Feu irait se faire piéger par des flammes ?! La solution se dénouait d’elle-même au fil des pensées du garçon. Après une heure de marche et de blabla inutile de Sukizo ou ni Paul ni Mia ne put dire mot, ils rentrèrent au campement, laissant Sukizo retourner râler dans son coin.
- J’ai bien cru qu’il ne nous lâcherait jamais.- M-moi aussi. Hum… Ce qui s’est passé tout à l’heure.- Euh oui… On devrait en parler à autre moment. Sukizo est Soporifik, mais il a le don de stimuler le génie des gens. Je pense approcher de la solution, mais je dois déterminer un dernier paramètre. Je dois absolument parler au professeur !- D’accord. J-je serais dans ma tente.Etait-ce une invitation ? Sûrement pas, bande de petits pervers. Paul s’éloigna vers la tonnelle de l’infirmerie d’où de nombreuses voix s’élevaient, parmi lesquelles celle du professeur Toko.
- Professeur ! Je suis à deux doigts d’être en mesure de vous dire avec précision de quels Pokémon il s’agit ! Mais je dois me rendre en ville, il me reste un détail à vérifier et je vous expliquerais tout. Puis-je emprunter la jeep ?La muraille au bras plâtré resta bouche bée de temps d’audace.
- Mais tu n’as pas le permis.- Je le sais.- Ok, tu peux.- Quoi ? Vous n’essayez même pas de me décourager ?- Non. Avec ou sans permis, les gens roulent comme des imbéciles sur la route. Je ne vois pas ce que cela changerait.- Vu comme ça…- File garnement avant que je ne change d’avis !- Bien professeur ! C’était un plaisir et désolé pour le bras.Aussitôt salué, aussitôt disparu. Paul alluma les feux de la jeep et mettant ses LSTT - lunettes de soleil tout terrain -, il enclencha la première et démarra. La route se fit en cinq minutes montre-en-main et fesses serrées pour espérer garder la vie sauve. Dès qu’il fut arrivé à destination, le jeune homme bondit de son véhicule et pénétra la maison sans s’annoncer.
- MAMAN ? TU ES LA ?- PAUL ?! S’enquit une voix par-delà un paravent. Une femme en kimono, très bien habillée et gracieuse malgré l’âge en sorti pour venir prendre dans ses bras le garçon.
Oh mon chéri, ça me fait tellement plaisir de te revoir. Que me vaut cette visite surprise ? Tu n’as pas séché les cours tout de même ?Le garçon se détacha de sa mère.
- Non maman, je suis ici pour une mission de la plus haute importance, mais je ne puis t’en dire plus.- Roucouuuuups !- Aquaaa !Deux pokémon déboulèrent à leur tour dans la pièce depuis l’étage, suivis d’une tripotée de petits Caninos.
- Oh ! Vous m’avez tellement manqué vous aussi, si vous saviez les amis. Il se tourna vers sa mère.
J’ai besoin de ton aide.***
La mère de Paul traversa le salon en tenant une boite avec précaution, passant devant Arcanin et ses petits. Aquali et Roucoups étaient attablés avec Paul dans la cuisine, endroit où elle vint ouvrir la boite.
- Les filles de notre famille ont toujours été danseuses à Rosalia et maîtresses d’Aquali. Ce dojo existe depuis la création de la ville et pas une seule des nôtres n’a dérogé à la tradition familiale. Elle déposa un dessin, portrait d’une femme et de son Aquali.
Néanmoins, Hildegarde a été forcée de prendre la suite de sa mère plus vite que prévu. Rares étaient les personnes qui savaient écrire à cette époque et cette histoire a perduré dans notre famille, uniquement par le très jeune âge qu’avait Hildegarde quand elle a pris la suite de sa mère. Elle avait onze ans.- Onze ans ?! Wow. Pourquoi sa mère n’a pas poursuivis plus longtemps, qu’elle soit un peu plus expérimentée ?- Hilde a raconté à sa fille que sa mère avait perdu son Aquali. Sa mère n’a jamais souhaité expliquer comment, mais dès lors elle n’a plus jamais été la même. Prendre un autre Aquali n’aurait pu la combler, il s’agissait de son plus fidèle ami, comme toi et ton Crocrodil.- Il a évolué en Aligatueur.- Oh c’est vrai ?! Formidable !- Je comprends qu’elle n’ait pas eu la foi de reprendre avec un autre Aquali. Mais crois-tu que sa disparition aurait pu être due par l’incendie de la tour ?- Mmmh… Ce n’est pas impossible. Les époques coïncident, mais je ne pourrais te l’affirmer précisément.- Je vais faire une copie de ce portrait. Je t’aime maman, t’es la meilleure !***
De retour au campement, Paul fit réunir tout le monde sous la grande tonnelle dédiée aux recherches. Le professeur Toko avait quitté son lit pour prendre place sur la chaise en face du garçon. Mia et Sukizo étaient dispersés parmi les autres chercheurs, à distance l’un de l’autre.
- Professeur, Mesdames, Messieurs les chercheurs. Je pense avoir résolu le mystère entourant les différents Pokémon qui ont donné naissance aux trois légendes que nous connaissons aujourd’hui. Grâce à ces textes anciens, mais aussi vos recherches préliminaires et une aide incongrue, j’ai retracé l’historique des événements. Aussi étonnant cela puisse paraître, les trois chiens légendaires, qu’on devrait appeler chats légendaires, ne sont pas tous issus des trois évolitions de Kanto. Ce serait d’ailleurs assez absurde puisque comme je l’ai dit, ces trois évolitions viennent de la région de Kanto et nous sommes loin de la porte d’entrée vers cette région.
CEPENDANT, notés qu’il existe un seul et unique lieu dans cette ville où vous pourrez y retrouver toutes les évolitions de Kanto et Johto : au dojo. Il est présent depuis les fondements de la ville et ma mère qui y travaille m’a fourni la pièce manquante à ce puzzle, mais aussi celle qui a certainement aidé à la création de cette rumeur autour des évolitions. En effet, mon ancêtre à cette époque a perdu son Aquali, un Pokémon qui représentait toute sa vie. Cette histoire a été contée dans ma famille de génération en génération par manque de moyens pour mettre tout cela par support. J’en suis venu à conclure qu’il s’agissait du Pokémon ayant donné naissance à Suicune.
Ce faisant, le Pokémon suivant n’est pas une évolition. Ses traces datent du passé, puisqu’il est désormais très rare d’en croiser dans la région, mais de ce que j’ai pu en lire dans le classeur de Mia, il s’agissait d’une espèce présente en plus grande masse à l’époque dont nous parler. Je veux bien sûr parler des Lixy. J’avais d’abord pensé à un Luxray ou un Luxio mais étant donné les capacités du Pokémon, celui-ci n’aurait eu aucun mal à s’échapper de l’édifice. Par ailleurs, l’espèce des Lixy tout comme ses congénères présentent des propriétés physiques semblables à celles de Raikou. Je veux notamment parler de leur queue, ce qui me semble plus plausible que pour un Pikachu.
Enfin, le dernier m’a posé beaucoup plus de fil à retordre. Entei est un Pokémon très mystérieux et difficile à appréhender, mais le véritable indice le concernant était son type : un Pokémon Feu. Comment un Pokémon Feu aurait-il pu se retrouver emprisonné jusqu’à la mort dans cette tour ? C’est à peine croyable et en effet, cela ne tient pas debout car à l’origine ce n’était pas un type Feu ! Donc que nous reste-t-il à propos d’Entei ? Pas grand-chose, hormis que c’est un Pokémon, comme dit, mystérieux et pour ainsi dire, il s’agit là de l’élément le plus important le concernant. En fouillant dans les Pokémon de cette époque, je n’en vois qu’un seul qui pourrait correspondre à cette description, il s’agit de Magicarpe. Des voix s’élevèrent, d’autres rirent. Ne vous moquez pas puisque j’apporte preuves à l’appui. Magicarpe est un Pokémon dont on sait peu de choses. A l’époque, il était relativement craint à cause de son évolution Leviator, mais aussi du peu de choses que nous savons au sujet de cette évolution. Une légende raconte qu’un Magicarpe évoluerait lorsqu’il parviendrait à remonter un courant vertical, autrement nommé cascade. Mais les Magicarpe sont aussi réputés pour être capable d’effectuer des bonds d’une centaine de mètres et même plus encore, qui sait jusqu’où ils peuvent aller ?! A tel point que des ligues et des concours ont vu le jour dans différentes régions afin que des spécialistes de Magicarpe puissent se confronter. Mais comment Magicarpe aurait-il pu arriver dans cette tour ? Pourquoi personne ne l’aurait vu entrer ? Et pourquoi le type Feu ?! Beaucoup de questions, mais des réponses aussi. Personne n’aurait vu Magicarpe pénétrer le bâtiment car il serait arrivé en bondissant. Ses bonds pouvant atteindre des sommets comme je vous l’ai dit, il a très bien pu entrer via une fenêtre des derniers étages ou même en défonçant le toit. Etant donné que la tour est détruite aujourd’hui, nous ne pouvons vérifier son point d’entrée, mais cela expliquerait que personne ne l’ai vu venir. Quant au type Feu, il s’agit là simplement d’un choix de Ho-Oh qui souhaitait ancrer ces trois êtres dans une forme d’équilibre entre eux. Magicarpe étant rouge, il a choisi le Feu.
Pour conclure, je dirais simplement que si vous ne croyez pas dans les capacités extraordinaires de Magicarpe, ce que je vois à vos regards de merlans frits, je vous invite à venir vous renseigner dans ma Catstrat qui lui est consacrée.
Ce sera tout pour moi, merci.A ces mots, certains chercheurs le traitèrent de tous les noms, d’autres trouvèrent une forme de courage dans ces propos rocambolesques, d’autres encore ne prirent que ce qu’ils souhaitèrent du discours et partirent alimenter leurs théories avec, mais seuls le professeur Toko, Mia et Sukizo ne dirent rien avant qu’ils ne soient seuls. Là, le professeur lui expliqua que ses théories étaient intéressantes et que même si elles paraissaient fantasques pour certaines, elles tiraient leur base de faits réels et peut-être qu’un jour, ils auraient d’autres éléments entre les mains qui pourraient assurer leur véracité. En attendant, elles alimenteraient fortement leurs débats et pourraient apporter un peu de sang neuf à toutes ces recherches datant de mathusalem. Comme le disait le professeur, « ces vieux croulants ont besoin qu’on leur sorte la tête du seau parfois ». Sukizo salua quant à lui son audace et lui serra la main en signe d’une forme de respect, même si la rancœur alimentait toujours son cœur. Pour Mia se fut différent, mais des enfants lisent peut-être cette histoire, donc je vous en raconterais la suite une autre fois. Toutefois, Paul rentra à la Pokémon Community peu de temps après, où il continua d’échanger avec le professeur, mais pas que…