Le trajet vers le troisième des lacs se réalisa dans le silence. Chacun réfléchissait aux conséquences des nouvelles qu’ils avaient apprises à Frimapic. Un potentiel ennemi émergeait doucement de l’ombre en ne laissant que de ridicules miettes de pain dans son sillage. Cynthia et Paul n’avaient désormais aucun doute, que Créfadet aurait lui aussi déserté son lac. Mais dans un ultime espoir de trouver réponse à leurs questions, ils s’apprêtaient à enquêter aux alentours de celui-ci. S’il y avait bien un Pokémon qui ne quitterait pas sa tanière sans la défendre, c’était lui. Créfadet symbolisait le courage et il aurait tenté par tous les moyens de comprendre et d’arrêter son agresseur, cet étranger qui mettait leurs maisons sans dessus-dessous. Paul n’arrivait pas à comprendre cette mentalité. Comment pouvait-on s’en prendre à des Pokémon avec une telle violence ? Certains diraient que ce n’est pas plus grave que de faire combattre des Pokémon entre eux, mais il existe une différence entre un combat consenti et un cassage de gueule non réglementaire. Sûrement que pour des jurés, cet acte serait difficilement reconnaissable comme étant un crime, puisque l’accusé pourrait se légitimer d’avoir uniquement tenté de capturer trois Pokémon légendaires comme aucune loi ne l’interdit. Toutefois, une personne moralement correcte saurait reconnaître le mensonge et la traîtrise dans ces paroles. Malheureusement, la loi est dure mais c’est la loi, et qu’importe ce qu’ils feraient, s’ils n’arrêtaient pas cet individu la main dans le sac, il s’échapperait éternellement.

Togekiss et Flambusard descendirent en piquet vers un hôtel en bord de mer. Leurs ailes fouettèrent l’air juste au-dessus du sol à plusieurs reprises, avant d’atterrir. Un homme que Paul reconnu de suite vint les accueillir. C’était Milvoord. Comme un magicien, il était toujours là au bon moment, où il devait être. Il s’arrêta à quelques pas des dresseurs et se tourna d’un quart en présentant l’allée. Cynthia ne se fit pas prier et sauta de Togekiss, abandonnant Aligatueur qui était encore rouge comme une baie ceriz d’avoir fait le trajet avec elle. Paul et lui, emboîtèrent le pas de la dame vers l’hôtel.

- Mademoiselle, Je vous ai réservé votre suite. La même que d’habitude. Cynthia le gratifia d’un hochement de tête, mais resta impassible, visiblement encore tourmentée par ses réflexions. Milvoord se tourna alors vers le Noctali. Quant à nous, je nous ai pris une chambre au premier étage avec vue sur le marais.

- Merci Milvoord, c’est très gentil. S’exclama le garçon avec un sourire.

Intérieurement, Paul était déçu. Premièrement, il ne comprenait pas pourquoi ils allaient dans un hôtel de luxe en bord de mer, alors que le Lac Courage devait occuper tous leurs esprits. Et deuxièmement, quitte à faire une pause par cet hôtel, pourquoi lui n’avait pas le droit à la chambre en solo avec la belle vue sur la mer au lieu de ce marais dégoûtant et repoussant qui entoure la ville ? Paul se résigna à n’être que le figurant de cette histoire. Peut-être qu’Aligatueur avec un smoking, une fleur, un brossage de dent colgate total et en allant voir Cynthia dans sa suite, pourrait obtenir le nouveau rôle de héros de l’histoire fraîchement libéré. Ce serait quand même assez triste d’en arriver là. Remettre le premier rôle à un rose *tousse*. Bref, nos amis rejoignirent leurs chambres respectives et rapidement, tous s’étalèrent en étoile sur leur lit. Hormis Aligatueur qui distraitement écrasa Paul en s’allongeant sur le lit. Quelques côtes virtuellement fracturées et réparées plus tard, tout le monde dormait. La route avait été longue et les esprits avaient beaucoup chauffés, une bonne nuit de repos leur ferait le plus grand bien.


Nos deux dresseurs se retrouvent le lendemain à dix heures sur le parvis de l’hôtel. Cynthia n’a pas perdu son air sévère, qu’elle garde depuis qu’ils sont partis de Frimapic. Quant à Paul, il se sent en pleine forme, ayant pu récupérer de son trajet, ainsi que des heures manquantes des nuits précédentes. Aligatueur est lui aussi un peu plus énergique, on dirait que retrouver le soleil lui a fait du bien.

- Par quoi commençons-nous ?

- Nous nous rendons directement au Lac Courage. Il ne nous reste que cette piste à explorer. J’ai beau réfléchir, je ne vois pas d’autre option.

« Espérons y trouver quelque chose alors », pensa secrètement le Noctali. Cette affaire mystérieuse devenait de plus en plus compliquée à suivre et sans un regain d’indices, il semblerait qu’ils se trouvent dans une impasse. Malgré les enjeux, Paul ne pouvait s’empêcher de regarder autour de lui en se promenant dans Verchamps. La ville était construite au bord d’un marais, réputé pour être une zone équivalente au Parc Safari de Kanto. Elle avait son propre style architectural qui se fondait avec la forêt environnante d’une part et de grands immeubles pour vacanciers au bord de sa splendide plage d’autre part. Ainsi, même dans les quartiers de la ville, on pouvait retrouver cette division. Les premiers que traversèrent Cynthia, Paul et Aligatueur étaient principalement touristiques en raison de leur proximité avec les hôtels. Puis à mesure qu’ils s’éloignaient vers la sortie de la ville, ils purent tomber sur de petites ruelles étroites, parfois presque trop pour Aligatueur, contenant de petites échoppes mignonnettes et des restaurants rustiques. Toutefois, un élément était à déplorer dans ce cadre bucolique en raison des étangs des marais, de nombreux moustiques étaient présents.

Le petit groupe s’éloigna de la ville et entra dans les sentiers battus de la forêt. En tant normal, Paul se serait perdu dans ces étendues sans carte, mais Cynthia avançait machinalement d’un pas serein, laissant comprendre qu’elle avait réalisé ce trajet de nombreuses fois. Après une heure de marche, ils débouchèrent sur une petite clairière qui donnait sur le Lac Courage.

- Nous y voilà. Déclara Cynthia.

- A première vue, l’endroit me paraît normal.

- Je suis d’accord. Je ne remarque rien qui soit différent de mes précédentes visites. Allons y jeter un œil de plus près.

Par là, Cynthia entendait se rendre dans la grotte du Pokémon Cré. Comme les autres, celle-ci était positionnée sur une petite île au centre du lac. Cynthia et Paul grimpèrent sur Aligatueur, qui les mena sur l’autre rive. Encore une fois, Cynthia nota que rien n’avait changé, la devanture était restée la même, alors que sur les autres façades de grotte, ils avaient pu constater de nombreuses marques de lutte. Poussant leurs investigations au maximum, ils pénétrèrent la demeure du Pokémon. Ils n’eurent pas le temps de faire plus d’une dizaine de pas, qu’une présence vint les accueillir.

- Crééééfadet !

- Salutations Créfadet. Excuse-nous de venir te déranger, ce jeune stagiaire et moi-même aurions des questions à te poser. Je dois même t’avouer, que je suis étonnée de te voir ici.

- Cré ?

- Tu n’es pas au courant ? Les sanctuaires de ta fratrie ont été saccagés. S’enquit de répondre Paul.

- En effet et nous pensions tristement retrouver le tien dans le même état.

- Créfa créfadet crééé.

Peut-être parce que Créfadet connaît Cynthia, il ne remet pas en cause les dires des deux dresseurs. Au contraire, il les invite à venir tout lui raconter un peu plus loin dans la grotte. De cette discussion résulte le fait évident, que l’agresseur n’est pas encore venu ici. Pourtant, il avait plusieurs jours d’avance sur eux lorsqu’ils étaient arrivés à Frimapic, ce qui induisait qu’il avait dû être retardé dans ses projets. A moins que le Lac Courage ne l’intéresse pas, ce qui apporterait une autre bizarrerie à l’équation. Quoi qu’il en soit, ils n’avaient pas d’autres indices à se mettre sous la dent que le fait qu’il viendrait certainement bientôt ici. C’est pourquoi, Cynthia annula leurs réservations à l’hôtel et fit amener par Milvoord, leurs kits de camping. Avec l’autorisation de Créfadet, ils allaient crécher à l’entrée de la grotte et se relaieraient tous les trois à sa sécurité.



Parallèlement à la protection de Créfadet, Cynthia et Paul cherchèrent à l’aide des données récoltées par les services de renseignement de la Maître de Ligue, quelles pouvaient être les motivations de l’agresseur, afin d’en dessiner un profil et d’espérer établir un plan de sa stratégie. Cependant, Paul n’était pas d’une grande aide sur ce plan. Ses connaissances sur les capacités des trois Pokémon légendaires étaient limitées à ses recherches de début de semaine et il n’avait pas non plus une grande connaissance de l’environnement de Sinnoh dans lequel ils évoluaient. En lieu et place de la recherche du coupable, Paul passait ses temps de garde à observer Créfadet. Il le trouvait fascinant et il le dessina même dans son carnet. Ce ne fut pas une tâche facile, puisque le petit Pokémon avait la bougeotte et ne restait jamais plus de deux minutes au même endroit. On reconnaissait bien dans ses traits de caractère, la fougue liée à son symbole du Courage.

Plusieurs jours passèrent sans que rien ne se produise. Le stage de Paul était censé s’être terminé la veille, mais il avait tenu à rester une journée de plus, le temps que des renforts rejoignent Cynthia. Enfin, ce n’était qu’un prétexte pour rester un peu plus longtemps aux côtés de la Maître et du Pokémon légendaire. A force, Paul s’était vraiment pris d’affection pour ce petit être, avec lequel il jouait parfois. Cela l’amenait encore plus à détester la personne qui s’en était prise à sa fratrie. Toutefois, les événements n’évoluant pas, son départ avait été programmé pour le lendemain matin, dans le premier ferry de la journée. Milvoord veillerait personnellement à ce que le garçon ne loupe pas son bateau retour. Quant à Cynthia, elle passait de plus en plus de temps enfermée sous une grande tente, dans laquelle elle avait affiché de nombreuses photos des scènes de crime, ainsi que des réflexions sur post-it et autres éléments pouvant servir à la construction de sa pensée. Paul n’avait donc vraiment plus rien à apprendre ici. Créfadet s’était posé sur un pan de la crotte pour regarder les montagnes de Sinnoh à l’horizon. Paul le rejoignit et s’assit à côté.

- Elles sont magnifiques, n’est-ce pas ?

- Cré cré.

- Tu y es déjà allé, je présume. Souvent ?

- Créfadet.

- Je vois… Ce n’est pas trop ennuyeux de devoir rester ici constamment ? De ne pas être libre d’explorer le monde ?

- Créfa créfadet créfa fadet.

- Ouais, j’imagine.

Comme à son habitude, le petit Pokémon s’envola, tourna autour de Paul et se posa à un autre endroit. Soudain, il se mit à crier. Aussitôt, Paul se redressa, inquiet, et l’interpella.

- Créfadet, qu’est-ce qu’il y a ?

- CREFADET !

- Le feu ?!

Le garçon tourna son visage dans la direction qu’observait le légendaire. Au loin, par-delà la forêt, se trouvait Verchamps. Seules ses immeubles étaient visibles, mais une fumée aisément identifiable s’en échappait et formait un gros nuage noir au-dessus de la ville. Effrayé par cette vision, Paul descendit immédiatement, suivi par Créfadet, et fonça dans la tente de Cynthia pour l’alerter.

- Cynthia, Verchamps est en feu ! On doit faire quelque chose.

- Verchamps ? La Maître de la Ligue mit un temps à accuser l’information. Comme pour vérifier les dires de son stagiaire, mais aussi dans l’optique de voir l’étendue des dégâts, elle sortit de la tente et dirigea son regard vers la ville. Ok, j’y vais. Elle invoqua immédiatement son Togekiss qui prit Milvoord en prime au passage.

- Et moi ?

- Toi, reste-là. Je te laisse la garde de Créfadet, je reviens au plus vite.

- M-mais… Je veux aider aussi.

- Garde Créfadet. Cet incendie ne relève pas de ton ressort.

Mettant fin au débat, elle s’envola.

- On ne me laisse pas le choix à moi non plus on dirait, Créfadet.

- Crééé.

Ne supportant pas de regarder Cynthia s’éloigner, alors que lui devait se contenter de rester là, bras ballants, il détourna son regard de la dresseuse. Ses yeux s’écarquillèrent à la vue de la personne qui se tenait devant lui, perché sur le dessus de la grotte. A côté du garçon aux cheveux d’ébènes, se tenait un Dracaufeu à la carrure de warrior. Ils avaient tous deux attendu le départ de Cynthia pour se montrer.

- Bonjour petit frère ! Comment te portes-tu ? Lança le garçon en descendant d’un bond de son perchoir.

- Toi… Ici ?

A son tour, Créfadet se tourna vers les nouveaux arrivants. Il montra directement de l’hostilité à leur égard. Ils n’avaient pas été invités par le lutin psychique sur ce territoire, il était normal qu’il éprouve de une telle hargne à leur égard. Paul s’empressa de se mettre entre eux et d’expliquer le malentendu. La petite altercation avait néanmoins réussi à susciter l’intérêt d’Aligatueur, qui s’était levé pour rejoindre son ami.

- Créfadet, ce ne sont pas nos ennemis. C’est mon frère, Mike. Paul revint à lui en s’avançant. Qu’est-ce que tu fais là ? Je suis tellement heureux de te revoir, ça fait un bail !

- Ça tu peux le dire ! Quand j’ai appris que c’était toi l’équipier de Cynthia, j’ai retardé mon travail pour te revoir. Qui aurait cru que nous nous retrouverions aussi loin de chez nous ?

Arrivé devant lui, les deux garçons échangèrent une longue accolade.

- Personne. Je ne pensais pas te revoir avant d’avoir terminé mes études.

- Et moi donc ! J’ai entendu dire par maman que tu te plaisais beaucoup à cette académie.

Ils se reculèrent d’un pas, mettant fin à l’embrassade.

- Cet Aligatueur est à toi ? Il est d’une couleur peu conventionnelle.

- Oui, c’est mon starter.

- Ton starter ?! Nan, tu déconnes hahaha. C’est pas possible. Où est passé le spécialiste du type Feu qui était en toi ?

A cette remarque blessante, Aligatueur s’avança d’un pas en fronçant les sourcils. Paul lui montra sa paume de main pour l’arrêter. Mike plaisantait assurément, même si ce n’était pas de très bon goût. Aligatueur ne pouvait pas le savoir, il ne l’avait jamais rencontré, contrairement Paul qui avait vécu son enfance avec lui.

- Je t’assure qu’Ali est bien mon starter et c’est mon meilleur ami. Je ne connais pas plus fidèle compagnon de route.

Mike essuya une larme de ses rires qui s’apprêtait à couler.

- Très bien, si tu le dis. Et tu as quoi d’autre comme Pokémon ?

- Oh, j’en ai plein ! Récemment, ma Caninos a évolué en Arcanin. J’ai aussi un Flambusard, une Stalgamin, un Embrylex, un Ouisticram,…

- Ouais ouais, pas besoin de me faire la liste, j’ai compris. Tu n’as pas pris le parcours de Spé Type, c’est ça ?

- Hein ? Je devais ?

- J’ai vraiment l’impression que tu as oublié notre objectif Paul, alors laisse-moi te le rappeler trente secondes. On s’était juré de devenir les meilleurs dresseurs de Pokémon de type Feu, d’être le duo de frères le plus flamboyant de cet univers. Je ne t’ai pas envoyé à l’académie pour que tu deviennes l’un de ces banals dresseurs comme on en croise tant d’autres sur les routes du monde.

- Mike… Tu es sûr que ça va ?

- Moi, parfaitement. C’est à toi qu’il faudrait poser la question.

- Ce n’est pas parce que je capture d’autres Pokémon ou que mon starter est de type Eau, que je n’en oublie pas notre promesse.

- Si tu le dis.

- T’es fâché ?

- Contrarié plus exactement. Mais ce n’est pas grave.

- Okay. Tu as dit que tu étais dans le coin pour le travail, je ne savais pas que tu avais trouvé un job. C’est cool !

- Oui et il est grassement payé. Je ne peux pas me plaindre.

- Tu travailles dans quoi ?

- Le futur ! Je m’occupe de récolter des données pour la firme Palladium. Tu en as peut-être entendu parler ? Leur QG se trouve sur Lansat.

- Oui, il me semble que c’est la société qui a subi un incendie. On a été appelé en renfort sur leur sauvetage.

- Exact ! D’ailleurs, Cynthia ne devrait pas tarder à revenir, je n’ai pas énormément de temps. Ma distraction ne l’occupera pas longtemps. Si tu veux, on peut convenir d’une autre rencontre pour discuter plus posément et tu pourras m’expliquer un peu plus en détails tes choix à l’académie.

Paul recula d’un pas, avec la peur de comprendre ce que sous-entendait son frère.

- Euh… Qu’est-ce que tu entends par distraction ? Tu récoltes quoi comme genre de données ?

- Oh, rien de très particulier. Simplement celles des Pokémon légendaires de la région. Et il ne me manque que Créfadet pour avoir le trio des lutins au complet !

Cette fois, Paul faillit trébucher en reculant d’un nouveau pas. Dans le même temps, les yeux de Créfadet s’illuminèrent d’une lumière violette et Aligatueur se plaça en position de combat.

- Tu déconnes ? C’est toi qui est à l’origine de ces attaques… Je n’y crois pas. Qu’est-ce que tu as fait de Créfollet et Créhelf ?

- Ne t’en fais pas, ils vont bien. Ils retrouveront leurs demeures, ou plutôt ce qu’il en reste, prochainement. Maintenant pousse-toi et dis à ton animal de compagnie d’en faire de même, s’il te plaît.

- J-je refuse.

- Quoi ? Je ne suis pas sûr d’avoir bien entendu frangin.

Se raclant la gorge, Paul chercha à transmettre à ses paroles la force et la détermination qui l’habitaient.

- J’ai dit que je refusais. Je ne te laisserai pas toucher à une seule de ses pattes !

- Dans ce cas, je crois ne pas avoir d’autre choix que de me battre contre toi. Dracaufeu fit battre puissamment ses ailes en rugissant. Dois-je te rappeler lequel de nous deux est l’aîné ? Une grimace traversa le visage de Mike. Il semblerait. Dracaufeu, dégage-moi ces avortons de mon passage.

- DRAAAAAAAAAA !!!

Créfadet voulut répondre à la provocation, mais Aligatueur s’interposa. Si un Pokémon devait se charger de l’affronter en premier, c’était lui. Ne pouvant exprimer vocalement sa fureur, il fit apparaître d’imposantes griffes obscures sur les siennes en sommant Dracaufeu de venir à sa rencontre. Paul s’écarta de la zone de combat et Dracaufeu fondit par la voie des airs sur Aligatueur. La tendance voulait qu’Aligatueur soit avantagé par son type et l’aire de combat entourée d’eau, néanmoins ni Dracaufeu ni Mike ne laissait transparaître la crainte de perdre. Tout dans leur comportement traduisait la confiance en leurs capacités, l’assurance d’une victoire et le plaisir de se battre. Les deux Pokémon se rencontrèrent au sommet. Les Griffes d’Ombre d’Aligatueur opposées aux Dracogriffes de Dracaufeu. Le choc provoqua une bourrasque de vent et une lutte de terrain démarra. Au début, Aligatueur prit l’avantage grâce à de bons appuis au sol, que n’avait pas Dracaufeu depuis les airs. En revanche, la force physique de ce dernier lui permit de renverser la tendance et de dégager la patte du type Eau avant de lui asséner un coup de griffes vertical sous la mâchoire.

- ALIGATUEUR !

Aussitôt, Créfadet réagit et avec ses pouvoirs psychiques, il assaillit Dracaufeu. L’attaque télépathique le repoussa légèrement, puis comme avec Aligatueur, il regagna du terrain, comme si les assauts répétés de Créfadet ne l’affectaient pas. Il fit un pas dans sa direction, un autre, et encore un autre, et… Soudainement sa jambe se retrouva bloquée. De toutes ses forces, Aligatueur le maintenait fermement et usant de la technique du même nom, il souleva le Dracaufeu hors du sol et se mit à le faire tourner autour de lui avant de le jeter dans le lac.

- Bien joué Ali !

- Tss… Comme si ça allait l’arrêter.

Un torrent de flammes créa une brèche dans l’eau et s’éleva eau dans le ciel. De celui-ci se dégagea un Dracaufeu complètement frais. Paul avait l’impression d’assister à son combat contre le Carchacrok de Cynthia, mais avec un enjeu beaucoup plus important à la clé cette fois-ci. Conscient qu’il ne pourrait gagner ce duel, il devait trouver une autre solution. Mika avait notamment expliqué que sa distraction en ville, supposément l’incendie, ne distrairait pas très longtemps Cynthia. S’il arrivait à tenir simplement jusqu’à son arrivée, alors ils seraient sûrs d’être en mesure de remporter la victoire. Pour cela, il avait plusieurs options : ralentir Dracaufeu avec Aligatueur ou…

- Mike ! Ce match n’a aucun sens. Tout l’or du monde ne vaut pas ça. Ne laisse pas cette société corrompre ton cœur.

- Palladium n’est pas responsable de mes actions. J’ai simplement un objectif. Je ne fais que le nécessaire pour l’atteindre, même si cela implique de mettre à mal mon traître de frère.

- C’est moi que tu traites de traître ? Tu ne te rends donc pas compte de l’impact de tes actions.

- Bien sûr que si ! Je n’aspire qu’à être le meilleur de ma spécialité, contrairement à toi, et pour y parvenir, je suis prêt à tout. C’est toi qui te voile la face. A te complaire dans la Loi, tu ne vois pas qu’elle te restreint et te rend faible. Regarde ton Aligatueur, il n’est même pas capable de vaincre un Pokémon d’un type dominé.

Dans le fond, Aligatueur, Créfadet et Dracaufeu poursuivaient leur affrontement et en effet, cela ne se passait pas très bien pour le type Eau et le type Psy.

- Il est encore jeune et ne maîtrise pas encore tout son potentiel, mais crois-moi qu’il mettra ton Dracaufeu à terre, tôt ou tard.

- Moi non plus, je ne suis pas à mon maximum. Mais à quoi bon gâcher mes forces dans cette bataille gagnée d’avance. Renonce et ton Aligatueur s’évitera une hospitalisation au centre Pokémon.

- Aligatueur est aussi borné que moi, et tu le sais très bien, je ne changerai pas d’avis.

Paul se jeta sur son frère et lui envoya une mandale dans sa face.

- Aoutch.

Le coup surprit autant le destinataire, que les Pokémon en présence qui se stoppèrent un instant pour regarder la scène.

- Il n’y a pas que mes Pokémon que j’entraîne. Si je ne peux pas te faire entendre raison par la diplomatie, alors je le ferais avec mes poings.

- Tu es fou… Cette école t’a complètement retourné le cerveau petit frère.

Quelque chose capta le regard de Mike sur sa droite, Paul tourna la tête aussi dans cette direction et aperçut le Togekiss de Cynthia revenir. Tout en fixant le point en approche dans le ciel, Mike prit ses distances avec le Noctali.

- La prochaine fois que nous nous croiserons, je ne te ferais pas de cadeau, Paul. Je n’oublierai pas.

- Tant fais pas, moi non plus.

Sur ces paroles, Mike courut vers le lac et sauta, il fut rattrapé par Dracaufeu qui l’éloigna aussi vite que possible de l’endroit, et notamment de la Maître de la Ligue approchante. A son arrivée, le campement était sans dessus-dessous. Visiblement, le combat entre les trois Pokémon avait été plus virulent qu’imaginé et ils n’avaient pas vraiment fait attention à ce qui pouvait les entourer. Paul se remettait à peine de son altercation avec Mike. Il aurait pu tenter de le poursuivre avec Flambusard, néanmoins il avait préféré attendre Cynthia pour tout lui expliquer. Ainsi, il lui raconta ce qu’il avait appris et lui donna la description physique de son frère. C’était un sentiment étrange que de devoir balancer son propre frère à la justice, mais ce mal était nécessaire. Après quoi, des agents arrivèrent pour veiller à la sécurité de Créfadet. D’autres furent envoyés aux autres sanctuaires avec le maigre espoir qu’au moment où les lutins légendaires réapparaîtraient, Mike soit avec eux. Enfin, Paul fut raccompagné à Joliberges, point de départ de son aventure.

- Merci de m’avoir accueilli en stage.

- Merci à toi. Je m’excuse de n’avoir pu être aussi présent que j’aurais dû. Tu as mon numéro, si tu as besoin de quelque chose, n’hésites pas. Je ne suis pas sûre de pouvoir répondre dans l’immédiat, mais je ferais mon possible. Et… Concernant ton frère, sa description a été transmise à l’Interpol.

- Je n’en reviens toujours pas… Je ne comprends pas ce qui a pu lui passer par la tête.

- Nous allons aussi explorer la voie de Palladium, mais je doute que cela nous mène à quoi que ce soit.

- J’essaierai de me renseigner de mon côté, c’est un peu plus dans mes cordes.

- Très bien, je te souhaite bon courage. Rentre bien.

- Merci, vous aussi !

Les deux dresseurs échangèrent une dernière poignée de mains et Paul grimpa avec son équipe dans le ferry à destination de Lansat. L’alarme du bateau sonna à plusieurs reprises et celui-ci démarra. A l’arrière du bateau, Paul salua de la main Cynthia, Carchacrok et Milvoord qui le regardaient s’éloigner depuis le quai. Il se retourna et courut vers le pont avant. Dans un très lointain horizon se cachait Lansat. Paul regarda dans cette direction avec la promesse de devenir plus fort.

- Aligatueur, je te fais le serment qu’un jour, nous serons les meilleurs ! Pour le moment, on va continuer à s’entraîner en suivant les recommandations de Cynthia, dans l’espoir de ne plus reposer sur personne pour défendre quiconque en aura besoin, et alors plus personne ne pourra se moquer de nous !

Dans un geste enfantin, Paul tendit son petit doigt au gigantesque Pokémon. Celui-ci alterna entre le doigt tendu et le regard rayonnant de son dresseur, avant de venir associer son gros doigt au sien.

- Rwa !

- Oui, c’est promis ! Maintenant on ne peut plus faire marche arrière. Un grand sourire vint illuminer le visage de Paul.

Alternance validée !