Marie acquiesça, reconnaissante.
Yuna aurait très certainement pu trouver suspect qu’elle veuille ainsi faire carrière solo, mais heureusement, ce n’était pas le cas. Ou tout du moins, la Givrali ne le laissait pas transparaître ; au contraire, elle préféra réaffirmer sa détermination aux côtés de sa camarade plutôt que de la remettre en doute. Et la Ranger devait bien admettre que, dans l’immédiat, cela l’arrangeait.
« -Très bien. Prenez gare à vous. »Ainsi, elles se séparèrent. Yuna continua leur chemin, et la blanche au contraire, fit demi-tour. Elle n’avait pas été tout à fait franche en prétextant qu’elle se retirait car Julien était sûrement sur leurs pas : que cela soit le cas ou pas, Marie comptait réellement le retrouver, et c’était pour cela qu’elle ne se contentait pas de l’attendre sur place. Le retrouver au laboratoire était bien plus direct que de simplement rester là et espérer ses soupçons fondés.
Sauf qu’il semblerait que son intuition se soit finalement avérée exacte. Alors qu’elle marchait d’un pas vif aux côtés de ses Pokémon pour rallier la salle des opérations, ils durent faire un arrêt brutal pour éviter qu’un certain laborantin ne la percute. Julien dévisagea aussitôt la blanche avec un certain dédain, et la darda immédiatement de question.
« -Que faîtes-vous ? Ne deviez-vous pas mener l’enquête ? Où est votre camarade ? » Marie balaya toutes ces questions d’un revers de la main, et après s’être assurée qu’il n’y avait personne d’autre dans les couloirs, l’interrogea à son tour.
« -J’ai besoin d’une information. Est-ce que Raphaëlle a été amenée à quitter son poste au cours de nos absences ? »Il paraît quelque peu surpris par l’inversion des rôles, mais ne se fait pas moins sceptique.
« -Vous prétendez que ce serait elle la coupable ? » Elle le rassura aussitôt d’un hochement négatif de la tête.
« -A priori il n’y a aucune raison de le penser. Je souhaite simplement que vous me l’assuriez. A-t-elle oui non quitté son poste ? »A son tour de faire non.
« -Elle et moi n’avons pas bougé d’un pouce, puisque nous étions trop occupés à travailler. » Marie manqua difficilement le reproche à peine dissimulé derrière sa remarque, mais passa parfaitement outre.
« -Merci. Vous pouvez disposer. » elle le dépassa alors qu’il entrouvrait la bouche pour répliquer, mais l’interrompit sec en se retournant
« Si vous voulez aller surveiller ma camarade, elle a tourné à l’angle de la deuxième allée. Bonne enquête à vous,je retourne au laboratoire. » Sumia lui adressa un sourire courtois et Sain un « Neton ! » solennel, puis suivirent leur dresseuse. Julien, bien trop pressé et suspicieux pour s’offusquer, repartit en sens inverse.
Il ne fallut pas bien longtemps à Marie pour retrouver la salle où Raphaëlle est désormais la seule à travailler. A force de faire des allers-retours dans ce complexe, la Mentali commençait à réellement gagner en efficacité, que ce soit vis-à-vis de la précision du parcours ou de sa durée… Dommage cela dit que ce ne fusse absolument pas mis en pratique pour son stage, mais pour une enquête annexe qui pourrait à jamais détruire sa réputation auprès de Palladium si elle tournait mal.
Quand elle rallia la pièce, elle rejoignit la scientifique en deux pas, pressée.
« -Vous êtes seule ? »Occupée à bidouiller une machine, elle adressa un court regard surpris à l’adolescente.
« -Oui. Le docteur est en train de faire le tour de la zone avec un garde et Julien vient tout juste d’aller là d’où vous venez. » elle sourit, un peu amusée, avant de se concentrer sur son travail
« Une vraie calamité, cette histoire. Notre travail de la journée est sans dessus dessous, à présent... »-Et Julien, a-t-il accompli un quelconque autre déplacement au cours de la journée ? »Elle la dévisagea, circonspecte.
« -Non, pourquoi ?-Par acquis de conscience. » toujours aussi vivace, Marie se détourna, et quitta (encore une fois) la pièce
« Votre lieu de travail retrouvera bientôt une ambiance studieuse, en vous en faîtes pas. » Et la voila repartie.
Ouais, elle tenait visiblement peu en place, la Marie. Il fallait dire que, dans sa tête, les choses commençaient à se goupiller. Il y a une liste de cinq suspects potentiels, deux ont un alibi, un n’a vraisemblablement aucune raison de commettre le vol, et les deux autres…
Son expression se fait bien plus alertée lorsqu’un cri retentit dans tout le complexe. Yuna ! Elle n’adressa pas même un regard à ses deux compagnons pour s’assurer qu’ils la suivaient lorsqu’elle s’élança en direction de sa source. Le son était lointain et fut vite recouvert d’une série de fracas de mauvais augures, restez à espérer que les dégâts soient uniquement matériels…
Elle ne croyait pas si bien penser.
Lorsqu’elle déboula, ce fut en même temps que Julien, et pour trouver Yuna et Castaflotte en plein milieu du couloir. La Givrali ne paraissait pas super au point et le docteur avait entre ses mains ce qui s’apparentait à une clé USB détruite. Marie vint s’enquérir de l’état de sa camarade pendant que son supérieur contemplait longuement les restes du petit appareil, pour finalement soupirer.
« -C’est peut-être mieux ainsi. »Son regard s’arrêta alors sur une poubelle à proximité, et devant laquelle il passa pour y jeter l’objet. Il entreprit alors de s’éloigner, mais s’arrêta pour jeter un dernier coup d’œil vers ses trois subalternes.
« -Retournez au laboratoire et reprenez le travail aux côtés de Raphaëlle, s’il vous plaît. Laissez la sécurité s’occuper du reste. »Julien fixa alternativement Yuna, Marie et Castaflotte, avant de s’élancer à la suite de ce dernier.
« -Mais attendez ! Vous ne lui posez pas de question…. ? » Les deux disparurent à l’angle d’un couloir.
La Mentali les regarda à peine s’en aller, un peu plus préoccupée par sa collègue.
« -Tout va bien ? Que s’est-il passé ? »Elle ne pensait pas que la situation pouvait dégénérer autant en la laissant sans surveillance cinq minutes. Décidément, ce que cette Yuna était trublionne ! Enfin, l’essentiel était qu’elle allait bien, désormais.
Apparemment, le concierge était en fuite, et son affiliation officialisée. Il n’avait pas pu mettre la main sur la clé USB, et Yuna comme Marie semblaient hors de cause… Ça se goupillait plutôt bien. En tout cas, à défaut de s’être écartée des suspicions de Julien, Castaflotte ne paraît pas les tenir pour responsable de la situation. C’était déjà pas mal, et la blanche allait s’en accommoder. Tout ce qu’elle souhaitait, désormais, c’était enfin pouvoir faire ce stage…
***
Bien que le début de la journée s’était fait sur les chapeaux de roues, la suite s’était étonnement déroulée sans encombre.
Raphaëlle et Julien faisaient d’excellents tuteurs, et malgré les réticences de ce dernier, il était aisé de comprendre son implication. Si Marie avait été à sa place et que de parfaits inconnus menaçaient de troubler des travaux lui étant si chers, elle aurait sans nul doute adopté le même comportement pendant toute la durée du stage.
Castaflotte eut par contre fait profil bas – du moins, jusqu’à ce que la sécurité vint lui signaler que le concierge eut été attrapé. L’homme fut muet comme une carpe durant tout le reste de la journée, et ce jusqu’à la police vienne le chercher, de ce que Marie put ouïr. Elle ne s’attendait pas spécialement à ce qu’il parle de si tôt, mais quand bien même, elle n’avait rien à craindre : que pouvait-il dire d’autre à part qu’il avait demandé l’aide de deux étudiantes l’ayant tout de suite envoyé bouler ? La Mentali était plutôt sereine à ce sujet.
Non, c’était une toute autre chose qui la préoccupait…
« -Mlle Akabara ? »Elles étaient devant le portail de l’académie. Leur stage s’était terminé et un véhicule les avait déposé ici. Après avoir fouillé dans son sac, Marie avait attrapé un carnet, qu’elle avait tendu à sa partenaire.
« -Je serai fortement intéressée par l’acquisition de vos données numériques. »On appelle ça un numéro de téléphone, Marie. Mais soit.
Quelques secondes suffirent à Yuna pour sortir un stylo et noter ses coordonnées. La blanche récupéra le cahier en la remerciant d’un hochement de tête, et sans le moindre ménagement, tira une feuille de sa poche qu’elle déplia, puis posa juste à côté du numéro de la Givrali pour y comparer les inscriptions.
« -Écritures différentes. » Elle saisit la petite feuille qu’elle montra à Yuna, et sur laquelle il était possible de lire « La vérité doit éclater au grand jour. Un scientifique contre la maltraitance des pokémons ». Marie soutint son regard, en quête d’une quelconque réaction.
« -Mais encre identique. » Elle ne laissa que quelques secondes à son homologue pour comprendre ce que cela impliquait dans son esprit, avant d’enchaîner.
« -C’est Sain qui l’a trouvé, après votre petite mésaventure. Mes suspicions à votre égard viennent quant à elle du fait que vous soyez la seule dont j’ai pu ignorer la localisation à un temps donné : Raphaëlle et Julien sont restés dans la salle des opérations toute la matinée, l’homme qui nous a contacté n’avait pas accès aux lieux, et Castaflotte n’avait aucune raison de commettre ce vol. » Marie roula le papier en boule, et sans même le regarder, le tendit à son Couaneton.
« -Tiens Sain. Un bonbon.-Neton ! »Sans réfléchir – ou alors très très brièvement – le Pokémon goba net la boule de papier. Hmm, exquis ! Un peu pâteux, mais cela convenait à son absence de dentition. C’était quel parfum ? Il ne fallait pas espérer de réponse de sa dresseuse qui passa devant Yuna.
« -J’ignore quelles étaient vos motivations, et je n’en ai cure. Simplement, la fois prochaine, je vous saurai gré de prêter plus grande attention aux conséquences de vos actes. » Marie referma le carnet où était noté le numéro de la Givrali d’un mouvement sec, et le rangea dans son sac.
« -Salutations. » Sain suivit sa maîtresse, bientôt imité par Sumia qui prit le temps d’adresser un court au-revoir à Yuna.
Toutes les vérités n’étaient pas bonnes à dire.