En boule sur mon misérable lit, je serre fort ma peluche Bazoucan contre moi. Il fait noir, j'ai froid et la pièce est si humide que mon nez et ma gorge me grattent. J'attrape le tissu qui me sert de couverture dans l'espoir de me réchauffer un peu, en vain. Je ne sais pas quand est-ce qu'il va revenir, donc je ne sais pas combien de temps je vais devoir rester là, à l'attendre. Comme d'habitude.

Ça fait déjà deux mois, bientôt trois, que maman est à l'hôpital. J'essaye de lui téléphoner tout les jours, mais c'est compliqué. J'ai l'impression que papa m'a abandonné.. Mais je comprends pourquoi il a fait ça. Il a voulu rester près de maman pour l'aider à combattre la maladie. Et il a préféré me protéger de cet endroit qui me fait tellement peur: l'hôpital. La dernière fois que j'y suis allé, j'ai fait une crise de panique. Je ne sais pas pourquoi, mais c'est comme ça. Et je suis donc obligé de rester avec mon oncle, cet idiot d'Esteban. Papa pensait que s'était un gentil policier qui faisait régner la paix à Alola, ou du moins sur l'île d'Ula-Ula.. Tu parles ! Ce n'est qu'un escroc qui profite de son grade pour faire des vols à mains armées et du trafic avec la Team Skulls ! Je ne sais même pas ce que je dois faire... Je devrais le dire à papa, mais j'ai tellement peur de le rendre triste.. Déjà que maman est mal en point, savoir que son petit frère à qui il a confié sa fille est en réalité un criminel, ça n'arrangerait pas les choses..

Des larmes commencent à couler le long de mes joues. J'avais envie de tout résoudre.. mais comment une petite fille de 8 ans peut aider à quoi que ce soit ? Soudain, la porte s'ouvre brusquement.

« Carolina, lève-toi. On doit partir. Un petit groupe pas très copain-copain avec les Skulls ont trouvés cette planque, alors mieux vaut ne pas rester dans les parages. » dit-il, très sérieux. « On va passer quelques jours chez une amie. Prends tes affaires, dépêche-toi. »

Je suis peut-être petite, mais assez maligne pour deviner qu'on allait pas rester là longtemps. Ce petit appartement abandonné de Malié n'est pas le meilleur endroit. J'attrape donc mon sac déjà fait, je sèche mes larmes et attrape la main d'Esteban. On finit par sortir pour retrouver, juste devant l'immeuble, sa fameuse amie.

« Montez. » dit-elle.

Assise sur sa poké-monture Bourrinos, elle m'aide à monter derrière elle. Esteban grimpe à son tour et c'est parti.

« Carolina, je te présente Alex. C'est une vieille amie. » dit-il en accentuant sa dernière phrase. « Alexou, voici Ana Carolina, ma nièce dont je t'ai déjà parlé. »

Alex est une grande brune aux yeux bleus. Sa peau est légèrement bronzée, mais ses marques de bronzage dans le dos trahissent sa peau naturellement blanche. Elle a l'air gentille.. Je me demande comment ils se sont rencontrés ! On quitte rapidement la ville de Malié pour se diriger vers le sud. On longe la côte sauvage de l'île pour se retrouver dans un petit campement avec des tantes et des caravanes, juste avant le Désert Haina. Là, Alex nous fait descendre. Apparemment, l'une des caravanes est la sienne. Elle nous fait entrer.

« Bienvenue chez moi ! »

Je passe la porte pour découvrir un espace bien emménagé, propre et rangé. Ça me change de l'ancienne planque ou de l'appartement bordélique d'Esteban. On peut y retourner dans son appartement, mais pour une raison que j'ignore, il ne préfère pas. Pour lui, "rester au même endroit trop longtemps augmente les risques que le petit gang ennemi des Skulls nous trouvent.". Ce petit groupe doit être composé d'une vingtaine de personnes, maximum. Mais ils sont doués -selon Esteban- ce qui lui complique la tâche. En même temps, je me demande bien pourquoi Guzma a embauché des empotés.. Ses sbires sont vraiment débiles. Pas étonnant qu'ils se font même battre par des gamins de 11 ans en pleins Tour des Îles.

« Carolina, tu restes ici, d'accord ? Je dois retrouver quelqu'un à l'entrée du désert et je reviens. » dit Esteban en se dirigeant vers la porte. « Alexou, je te la confie, prends soin d'elle. »

Après un dernier clin d’œil complice à notre hôte, il finit par sortir. Alex me montre une petite medzanine où je pourrais dormir. Je monte et y dépose mes affaires avant de m’asseoir en soupirant. La jeune femme me rejoint en souriant.

« Tu sais, Esteban t'aime beaucoup, il tient vraiment à toi. »

J'hausse les épaules. S'il tenait vraiment à moi, il aurait décliné la demande de papa et ne m'aurait pas mise en danger.

« Ça fait combien de temps que tu vis avec lui ? »

Je tourne la tête vers elle.

« Bientôt 3 mois. »

Elle détourne les yeux, comme pour réfléchir.

« Mais du coup, tu ne vas plus à l'école ? » Je fais non de la tête. « Mais t'as quel âge ? »

Je lâche ma peluche pour faire 8 avec mes mains. Elle me regarde avec tendresse -ou pitié- avant de poser sa main sur mon épaule. Je la repousse en fronçant les sourcils.

« Je me débrouille très bien. » dis-je sèchement. « Quand on était à Malié, j'allais souvent à la bibliothèque pour lire et utiliser les ordinateurs pour continuer à apprendre quand même. »

Alex hausse un sourcil.

« Je vois, je vois. T'as l'air plutôt maligne pour ton âge. Tu sais.. Faut pas en vouloir à ton oncle. Je sais que t'aurais aimé qu'il soit le gentil flic qui fait régner la paix dans l'archipel comme il le prétend. Mais ce que tu ignores, c'est que c'est à cause de ton grand-père si il est comme ça. »

Je tourne vivement la tête. Comment connait-elle tout ça ? Mon grand-père paternel, je n'en ai aucun souvenirs. Il était à l'hôpital avant ma naissance et est mort à mes 2 ans. Selon papa, il avait beaucoup de problèmes de santé. Il ne m'en a jamais trop parlé ensuite, ça lui faisait trop mal.. Ma grand-mère, elle, est morte quand Esteban avait 16 ans.

« Je ne sais pas si on t'as déjà parlé de ton grand-père mais c'était le chef du commissariat d'Ula-Ula. Il aurait aimé que ton père suive la même route mais il a préféré, comme tu le sais, partir dans la restauration et ouvrir son propre restaurant. Et c'est ce qu'il a fait et ton grand-père en était très fier. Il a toujours poussé ton père vers le haut. Mais Esteban.. il l'a toujours traité comme un bon à rien. C'est pour ça qu'il a voulu lui faire plaisir en rejoignant la police. Mais ça n'a rien changé, il vivait dans l'ombre de son grand-frère. Ton père ne l'a jamais vu, donc jamais compris. J'ai rencontré Esteban à cet époque, quand il venait de rejoindre la police. Ton père travaillait au restaurant de Malié, il n'était pas encore parti à Poni. Et moi, j'étais une sbire skulls. On s'est rencontré dans un bar, il m'a confié tout ses problèmes, moi les miens. C'est peut-être à cause de moi qu'il a commencé à aider le chef des skulls, qui à cet époque n'était pas encore Guzma. Il nous aidait pour le trafic, les vols, ect. Je pense qu'il se trouvait enfin utile. Et ces histoires lui rapportait du fric, alors il était doublement content. Je pense que tu sais qu'il adore l'argent. Des années après, quand ton père est partit ouvrir son propre restaurant avec ta mère qui n'était que sa fiancée, j'ai quitté les skulls pour vivre tranquillement ici. Esteban a continué sa couverture. Gentil flic le jour, criminel la nuit. Il a commencé à se faire un nom, le fameux "braqueur masqué" ou encore "l'esprit bleu". Et personne ne se doute de sa véritable identité. »

Ses surnoms, il les doit à son masque bleu qu'il porte toujours. Il a la forme d'un pokémon légendaire de Kanto, appelé Artikodin.

« Tu auras beau lui reprocher tout ce que tu veux: le fait qu'il est passionné par l'argent, qu'il soit macho, manipulateur, que son humour est lourd, que c'est un voleur, un criminel, il n'a jamais fait de mal à qui que ce soit. Et il t'aime sincèrement. »

Je soupire. Je ne pense pas avoir tout compris à ce qu'elle vient de me dire mais, sans savoir pourquoi, cette Alex m'inspire la confiance.


Le lendemain, je me réveille à cause de la lumière qui transperce les rideaux. J'entends déjà Esteban et Alex qui s'activent. Je décide donc de descendre du lit pour pouvoir prendre mon petit-déjeuner.

« Tiens, déjà debout ? » s'exclame Alex en me voyant arriver.

J'hoche la tête en baillant avant de m'installer sur la petite banquette près de la table. Il y avait déjà du jus d'orange et des gâteaux, ça me convient parfaitement. Esteban arrive et me salue en me décoiffant. En guise de réponse, je grommelle dans mon jus d'orange. Il s'assoit en face de moi avant de poser ses coudes sur la table et me fixer.

« Ecoute, je ne t'ai jamais demandé ça mais est-ce que tu peux m'aider ? »

J'hausse un sourcil, en quoi je peux lui être utile ? Esteban prend une inspiration avant de s'expliquer.

« Tu vois, on a une taupe dans le petit groupe anti-skulls. Ils nous a dit qu'ils allaient organiser une petite réunion ce soir. Ça va se dérouler à Malié, dans le sous-sol d'un bar. Il y a un conduit d'aération tout autour de la pièce. Comme tu es petite, j'aimerais que tu t'y infiltres pour savoir ce qu'ils vont dire. Parce que si jamais notre taupe ne peut pas y participer ou se fait démasquer, on ne pourra jamais savoir. Tu veux bien ? »

J'hausse les épaules. Pourquoi pas ! Ca peut être rigolo de jouer les espionnes. J’acquière en souriant avant de continuer de manger. Ce que je en savais pas, c'est ce qui allait vraiment se passer ce soir-là.