Solo le dernier jour sur Lansat le 29 juin 2018

Erika est perdue, elle connaît le chemin pourtant par coeur, là n’est pas le problème, c’est son esprit qui n’habite plus vraiment son corps. Ses émotions ont pris le pas, elle se sent brisée intérieurement. Son corps n’est plus qu’automatisme, ses jambes avancent seuls sur le chemin du Théâtre. Heureusement les êtres qui lui sont chères sont encore en vie et n’ont pas fini à l’hôpital. Ils restent toutefois blessés, moralement ou physiquement. Elle par contre n’a rien, elle est trempée à cause de la pluie, le corps tremblant mais ne possède aucune égratignures. Elle se pose forcément la question du pourquoi, Yuna est blessée au dos, Ginji n’est plus lui même et elle, ELLE, n’a rien. Il y avait une certaine injustice à ça. Une injustice totalement infondée. On ne pouvait pas s’en vouloir d’être sain et sauf après une telle catastrophe.

Arrivée en vue du Théâtre la jeune femme aperçoit sa mentor qui semble attendre devant la porte que ses camarades rentrent. Elle lui offre la pâleur d’un sourire tout en continuant d’avancer difficilement. Kaede court littéralement à sa rencontre et glisse le bras de son amie autour de son cou.


Elle ne refuse pas. Elle n’en a pas la force. Kaede l’aide à marcher et elles s’installent toutes les deux dans l’entrée du Théâtre. Elle l’aide à s’asseoir sur le vieux parquet. Erika sent bien que sa mentor est perturbée, bien plus que d’habitude. Elle aimerait lui poser des questions mais elle se ravise, si elle souhaite lui dire quelque chose c’est à elle de faire le premier pas. Erika est beaucoup trop lasse pour chercher à la questionner sur son état d’esprit. Elle a  assez du sien à sortir du gouffre noir dans lequel il est plongé. C’était très certainement égoïste de sa part mais elle ne savait pas quoi faire d’autre que de l’être à cet instant.


La jeune femme hoche la tête, le corps encore tremblant, elle ramène ses genoux sous son menton pour concentrer un peu plus sa chaleur. Son amie revient bien vite et lui dépose la serviette sur les épaules. Erika la remercie d’un hochement de tête et resserre un peu plus le tissu sur elle.


Nouveau hochement de tête, tandis qu’elle essaie de ne pas laisser couler ses larmes en repensant à cette guerre au milieu des rues de Lansat.


Elle marque un temps d’arrêt suffisant pour qu’Erika daigne plonger son regard dans le sien. Elle y voit toute la détresse de sa mentor. Ces décisions, elles n’étaient pas très bonnes pour qu’elle réagisse ainsi.


C’est un choc. Erika ouvre grand les yeux et se redresse vivement comme piquer par un pokemon insecte. Elle est pleine de colère et ne peux que cracher ses mots.


Kaede pose sa main sur son bras, prenant un air plus sérieux que triste. Elle plante son regard dans celui d’Erika et cette dernière comprend. Elle comprends qu’elles ressentent toutes les deux la même chose, la même peine. L’ex Reine de Kalos se sent alors bien idiote. Elle baisse le regard et bafouille une pâle excuse.


Le flot d’information semble incessant et Erika a u mal à saisir toute la situation. Sans doute que Kaede est trop paniquée pour ralentir la cadence de ses mots mais elle parvient à faire comprendre l’essentiel à son amie. L’apprentie hoche donc la tête voulant suivre sa mentor au mieux.

La spécialiste du type plante lui demande d’abord d’aller dans les vestiaires pour se changer et prendre des vêtements secs. Erika ne se fait pas prier pour s'exécuter, bien qu’elle se sente à l’heure actuel, plus robot qu’humain.
Une fois cette première étape franchie, elles s’élancent toutes les deux dans la rue pour rejoindre la demeure de l’ex Reine de Kalos. Fort heureusement elle habite à moins de dix minutes du Théâtre.

Erika passe la clef dans la serrure, se faisant la réflexion que c’est sans doute la dernière fois. Elle observe l’intérieur d’un autre oeil, celui du voyageur qui se demande ce qu’il doit prendre pour sa survie : les médicaments, la nourriture, les vêtements et les objets personnels. C’était les grandes cases qu’elle essayait tant bien que mal de remplir. Kaede c’était déjà lancée dans la salle de bain, allant sans doute chercher les médicaments et autres produits de nécessité. Son apprentie ne savait même pas si elle avait déjà fait son paquetage à elle où si elle devrait l’aider par la suite. Passant dans la cuisine elle prend un sac poubelle qui lui servirait à enfourner le nécessaire.

Une fois le sac en main elle ne sait plus quoi en faire. Elle ouvre les placards et prend les premiers paquets qui lui tombent sous la main, des barres de céréales, deux paquets de pâtes, un paquet de riz et quelques biscuits secs. Elle avait oubliée de faire les courses et devait les faire demain. Pensée bien inutile au milieu de cet apocalypse. Elle passe alors au salon, observe du coin de l’oeil l’orchidée que lui a offert Ana quelques jours plus tôt. Toujours en pleine floraison et pour quelques mois encore la plante semble lui demander de l’emporter, mais elle sait parfaitement qu’elle ne peut pas le faire. On ne s’encombre pas de ces choses là en tant de guerre, même si ça fait mal de les laisser derrière. Sur la table basse devant le canapé trône le coquillage nacré de Cloé. Même si celui-ci aussi était inutile elle le met quand même dans son sac, prenant soin de le placer dans un coussin qui était à côté pour ne pas qu’il se brise. Petit à petit la jeune femme se met à agir comme un aspirateur tout en pesant mentalement le pour et le contre. Elle emporte quelques cadres photos et passe à l’étage où elle croise son amie. Kaede à elle aussi un sac à la main, remplis de produits de beauté et autres médicaments.


La jeune femme se retrouve alors seule à l’étage tandis que sa mentor descend déjà la volée de marche le sac à la main. Erika passe d’abord par sa chambre. Elle ouvre l’armoire et sélectionne quelques vêtements, se faisant violence pour en abandonner certains. Elle arrache les photos qui couvrent le miroir de sa coiffeuse, prend l’album photo dans le tiroir. La chose qui l’inquiète le plus trône sur son bureau. Une cuve portative et son précieux contenu, un oeuf, celui que son père lui a offert à son anniversaire quelques jours plus tôt. Elle n’a aucune hésitation à le prendre bien sûr mais se demande comment elle va faire pour transporter tout ça. Il lui reste la seconde chambre, qui constitue son atelier, à dépouiller. Le sac poubelle ne sera jamais assez grand. Elle pose ce dernier sur le lit et part dans l’atelier voir ce qu’elle peut emporter. Des montagnes de tissus l’accueil en ouvrant les armoires qui constitue son stock. Elle sait qu’elle ne peut pas tout prendre et elle sélectionne deux grands rouleaux de quatre mètres de longueur sur un mètre de largeur. Une nouvelle chose qu’elle ne pourra pas transporter aisément. Elle se résigne à délaisser sa machine à coudre tout en lui donnant une dernière caresse comme s’il s’agissait d’une vieille amie.

Quand elle descend de l’étage c’est les deux rouleaux de tissus attachés dans le dos, un énorme sac poubelle sur son épaule et avec une cuve de verre à main. Autant dire que la réaction de Kaede est d’ouvrir grands les yeux en se demandant sans doute ce qu’Erika à en tête.


Erika se met à lui sourire et pense même au fait qu’en arrivant à Lansat elle en avait beaucoup moins. Beaucoup moins de souvenirs précieux à emmener à tout prix. Naturellement vient le moment du départ et la jeune femme tourne une dernière fois la clef pour fermer sa porte. Elle garde les clefs, plus en souvenir qu’avec un véritable intérêt, et se met alors à suivre Kaede pour rejoindre le Théâtre et ensuite partir à nouveau pour leur destination finale. C’est en arrivant tout juste au Théâtre qu’elle sent d’étrange vibration dans la cuve pendue à son bras. Un simple coup d’oeil lui indique qu’il est l’heure. L’heure de rencontrer son nouvel ami, non sans stress.


Sa mentor l’observe, se demandant ce qui la fait paniquer, et quand elle relève la cuve pour la lui montrer, cette dernière se précipite à ses côtés.


Erika s'exécute, libérant l’oeuf de sa cuve. Elle le pose devant elle, regardant chacunes des fissures qui étaient en train d’apparaître. C’était sa première éclosion, un grand moment qui faisait battre son coeur beaucoup trop vite. Quand le premier morceau de coquille tombe elle hésite à glisser son oeil pour voir l’occupant. Son père c’est gardé de lui dire de quel pokemon il s’agit. Pour garder la surprise sans doute. Quand elle se penche en avant, Kaede la retient et lui demande d’être patiente. Si l’apprentie fait la moue elle obéit sagement. Un autre morceau tombe et très vite le nouveau né est libre.

Un petit Lixy pose pour la première fois son regard sur le monde. Il n’est pas de couleur classique et la jeune femme se dit que son père avait dû payer une fortune pour ça. D’un blanc laiteux et rose pétant, il est magnifique. Sans plus tarder elle lui fait une caresse et le pokemon, d’abord réticent, colle alors sa joue contre sa paume. La jeune femme sourit. Le petit être lui redonne l’envie de vivre et elle le surnomme alors Hikari, pour représenter la lumière qui éclaire les ténèbres. Sa mentor se permet elle aussi de caresser le nouveau né et très vite se relève.


Erika hoche la tête. Le pire est à venir bien entendu mais elle a un nouvel allié pour la soutenir. Elle n’a toutefois pas le temps de faire les présentations. Le prenant dans ses bras elle va rejoindre le petit groupe de Geisha qui c’était formé un peu plus loin dans le Théâtre. Il lui faudra attendre quelques heures dehors pour que le bateau daigne les prendres à bords elle et ses camarades. La nuit sera alors longue avant d’arriver à l’aube d’une nouvelle vie.

Feniix