« En selle ! » 02 Juillet 2018
Mes yeux se posent sur la devanture en bois qui surplombe l’entrée du ranch.
« Le Chevroum Bondissant »
Je tapote doucement l’encolure de Châtaigne, souriant.
« -On est arrivés. » Le Zéblitz hennit en guise de réponse.
Tranquillement, nous dépassons la barrière, et nous avançons à l’intérieur du domaine. Cet endroit me rappelle grandement Ohana, de part son côté rustique et champêtre, mais la présence d’une abondante verdure au sol tranche énormément avec le style far west de la ville d’Alola. A Cobaba, la végétation est plus luxuriante, et la sécheresse moindre ; cela rend à mes yeux l’atmosphère du Chevroum Bondissant que plus appréciable. Il fait bon, il fait chaud, le soleil est haut dans le ciel, mais l’humidité environnante apporte une touche de fraîcheur qui est la bienvenue pour éviter de trop rapides déshydratations.
Les enclos en bois abritent des Chevroum en grand nombre. Ils broutent tranquillement l’herbe sous leurs pattes, encore présente en nombre en ce début d’été. Je ne leur donne cependant pas plus d’un mois avant d’avoir mangé et dévoré toute cette végétation, et ne laisser derrière leurs allers et venus qu’une terre meuble trop souvent foulée. Ils changeront alors sans doute de prairie, et devront attendre l’année prochaine pour à nouveau goûter aux pousses nouvelles, ayant profité de trois saisons d’absence pour réitérer la floraison.
Une odeur de fumier m’emplit les narines, mais ne me dissuade pas d’approcher l’immense bâtisse en bois, rattachée à une annexe en pierre cette fois-ci, et qui doit sans nul doute être l’écurie. Une femme assise contre une rambarde, et occupée à enfiler d’imposantes bottes noires, lève la tête en ma direction en nous voyant approcher, mais redirige bien vite son attention vers ses pieds pour continuer de se chausser.
« -C’est pour une mise en pension ? »Un peu surpris par le côté direct, mais aussi par la demande en elle-même, je lance un court regard déconcerté à Châtaigne, avant de rapidement clarifier la situation.
« -N-non ! Châtaigne reste avec môa. » Elle finit d’enfiler correctement sa dernière botte, et se redresse.
« -Je suis le spécialiste en Pokémon Electriks.-Oh. » elle me tend sa main
« Sandra, enchantée. »Faisant fi du fait que ses doigts ont été en contact avec ses bottines boueuses, je lui rends sa poignée.
« -Ginji Labelvi. » Elle acquiesce, met fin à l’échange, et part sur le côté en m’invitant à la suivre.
« -Vous faîtes plutôt jeune pour un dresseur spécialisé. Vous pensez pouvoir vous en sortir ? »Châtaigne et moi la rejoignons donc. Elle s’arrête à seulement quelques pas pour attraper des seaux, qu’elle place ensuite sous un robinet d’eau.
« -J’ai de l’expérience. » Elle remplit le premier seau, qu’elle met à l’écart, et entreprend d’en remplir un second, visiblement peu convaincue par cette maigre explication.
« -C’est-à-dire ?-J’ai déjà en ma compagnie chacun des spécimens à tester. Et ce n’est pas la première fois que j’interviens sur les Pokémon d’une tierce personne. Je sais à peu près comment m’y prendre. » Le temps de cet échange, elle a eu le temps d’en remplir deux autres, et elle me tend le premier que je saisis docilement. Elle attrape ensuite les deux poignées restantes à bout de bras, et reprend la marche en direction de l’écurie.
« -Ça fera le taff. » Je la suis. Nous franchissons une grande porte coulissante en bois pour atterrir dans un long couloir goudronné, et encerclé de part et d’autre par des box en métal. Du foin jonche en grande majorité le sol, et la majorité des Pokémon logés ici paraissent s’en contenter. Ici, point de Chevroum, mais des créatures un peu plus variées : il y a un Ponyta, un Galopa, deux Tiboudet, un Rhinocorne, et surtout…
« -Les voilà. » Elle pose lourdement les deux seaux au sol, pour tout de même en saisir un et entreprendre de remplir un abreuvoir. Partageant un même grand box, un Luxray et une Elecsprint entrouvrent leurs yeux à moitié endormis au moment de nous voir arriver, mais mon attention est assez vite redirigée vers un box individuel dans lequel se trouve un Zéblitz.
Dont l’abreuvoir est également vide.
Je comprends assez aisément ce que Sandra attend de moi, et le remplis donc du mieux que je peux avec le seau qu’elle m’a fait transporter.
« -Autant Écrin ne me pose pas trop de problèmes, j’ai l’habitude des équidés, autant c’est moins le cas des deux autres loustiques. » Je me tourne vers les-dits loustiques, pendant que Écrin et Châtaigne font connaissance au travers du grillage, et via leurs hennissements.
« -Vous en dîtes quoi ? » Sandra scrute mon visage, à la recherche d’une réaction quelconque.
« -Que vous ne devriez pas laisser autant de foin à disposition d’un Elecsprint. Sa crinière lâche régulièrement des décharges électriques incontrôlées, et celles-ci pourraient y mettre feu. » Elle écarquille légèrement les yeux, ne s’attendant pas réellement à un commentaire de la sorte, avant de se montrer plus perplexe.
« -Pourtant ça n’a jamais posé de problèmes aux Ponyta. »J’acquiesce.
« -Parce que eux contrôlent un minimum leurs flammes, je suppose. Mais comme je l’ai dit, les Elecsprint lâchent souvent des étincelles par inadvertance, et de toute façon, je ne suis pas certain qu’il ait conscience qu’il puisse mettre feu à son abri avec. » Elle hoche la tête en signe de compréhension. Avant qu’elle n’ait le temps de me poser une autre question, je fais de même à son intention, curieux.
« -Pourquoi vouloir proposer des promenades à dos de Luxray et d’Elecsprint ? » Sandra croise les bras en une expression contrariée.
« -Pour nous diversifier. Les gens ne sont pas toujours intéressés par des balades tranquilles et pépères à dos de Chevroum, et ont parfois besoin de sensations plus… Fortes. On a pensé qu’investir dans des Pokémon Electrik connus pour leur célérité serait une bonne chose. »Elle même paraît peu convaincue par le concept. Mais je présume que ça vaut le coup d’essayer… Je sais que gamin, j’aurai adoré pouvoir faire des courses à dos de Luxray !… Bien que mon jugement personnel ne doit pas être très représentatif de ses clients habituels.
« -J’ai pour habitude d’utiliser Châtaigne pour mes déplacements, mais se déplacer à dos de Luxray et d’Elecsprint est aussi tout à fait viable. Ils sont dociles ? »Elle semble hésiter.
« -A … Peu près. »Je lui coule un regard interrogateur.
« -Le Luxray se laisse approcher et caresser, mais n’apprécie pas réellement de recevoir d’ordre une fois monté. Et l’Elecsprint a tendance à s’emballer durant les promenades. » puis elle acquiesce, d’accord avec elle-même
« C’est pour ça que nous vous avons demandé de venir. Afin que vous voyez s’ils peuvent malgré tout être utilisés pour le prêt, et s’il n’y a pas moyen de les redresser. »Je pose ma main sur l’ouverture du box, et d’un regard, attend qu’elle me confirme l’autorisation de rentrer. Son hochement approbateur obtenu, je fais coulisser le loquet, et ouvre l’enclos. Sans grande surprise, l’Elecsprint se lève, et vient rapidement faire ma connaissance en venant me renifler, visiblement impatiente de découvrir un nouveau partenaire de jeu. Je lui laisse sentir mes mains, puis tente quelques caresses délicates, avant de la frotter avec un peu plus de vigueur sur les côtes quand je vois qu’elle apprécie bien ça. Au moins, elle est aimable.
Lorsque je mets fin à notre étreinte, c’est pour faire passer mon sac devant moi, et en tirer un gant extrêmement épais qui laisse apercevoir de nombreux câbles électriques tout son long. Il est relié à un épais et disgracieux boîtier, à peine plus grand qu’un bouquin, et que je pose au sol, pour tranquillement enfiler le gant sur ma main gauche.
« -… C’est quoi ça ? »L’accessoire enfilé, je prends le boîtier pour me rapprocher du Luxray, qui ouvre ses yeux d’un air mauvais à mon approche. Il ne fait toutefois preuve d’aucune autre agressivité, et se contente de me toiser lorsque je pose l’étrange appareil devant lui, puis que je m’agenouille.
« -Un gant, qui émet de petites impulsions électriques. » je tends ma main droite, découverte, au Luxray
« Tu me donnes ta patte, s’il te plaît ? » Sans trop rechigner, il me tend sa patte antérieure droite. Je la saisis de mes doigts dénudés, et viens délicatement apposer la paume gantée sur ses épais coussinets, de sorte à ce que chaque extrémité de ma main gauche soit en contact avec les griffes du félin. Une fois que je suis certain que nous restons bien ainsi en contact, j’actionne de ma main de libre le seul bouton du boîtier… Et quelques étincelles commencent à émaner du gant.
« -La famille d’évolution de Luxio communique avec ses pairs en s’échangeant des décharges électriques via leurs griffes. La tension électrique émise par ce gant correspond à un signal du style… Enchanté, je suis là en ami. » Les yeux dorés du Luxray scrutent les miens, et me sondent en profondeur. Lorsque les étincelles émises par le gant cessent, je suis surpris de voir qu’il me répond en laissant lui aussi s’échapper quelques décharges de sa patte. Je n’ai absolument aucune idée de quelle peut être leur signification, mais compte tenu du fait qu’il abaisse la patte en un hochement de tête approbatif, je présume que ce n’était rien de bien méchant.
« -Intéressant. Où vous êtes-vous procuré ça ? »Je secoue la tête de droite à gauche, tout en me dégantant.
« -Fabrication artisanale. Il m’a fallu un nombre incalculable de test avec ma Luxray pour arriver à un message de salutation tangible… Et en plus de ça, le boîtier est grossier et peu pratique à transporter. » J’entreprends justement de le ranger dans mon sac, puis de me relever.
« -Je compte contacter un ami mécanicien pour qu’il m’aide à le développer. Avec un peu de chance, il devrait pouvoir rendre ça plus ergonomique, et m’aider à programmer d’autres messages. » je me tourne pour faire face à Sandra, et pose mes mains sur mes hanches
« Enfin bref. Si ça ne vous dérange pas, je vais commencer par l’Elecsprint. Comme ça vous pourrez en profiter pour virer tout ce foin. Elle a un nom ? »Sandra acquiesce.
« -Treci. »Je pivote vers la concernée, et me penche en avant avec un grand sourire.
« -On va aller faire un tour, d’accord Treci ? »Sa réponse ne tarde pas, et un aboiement joyeux résonne dans toute l’écurie.
***
Treci, Elecsprint ♀
45kg pour ~1m60
Plus imposante que la moyenne, parfaite pour le transport d’un à deux humains, voire un petit gabarit en plus. Très excitée, mais rien d’aberrant compte tenu de l’espèce. Reste à tester la viabilité du transport et la sécurité du parcours. Ces premières notes inscrites, je range mon carnet et mon stylo dans mon sac. Puis d’un bond, je me hisse sur le dos de Treci, qui jappe instantanément, impatiente.
« -On va y aller, on va y aller. » je prends soin de correctement me positionner, et saisis le pelage de l’Elecsprint à la base de son cou
« C’est bon ! Je suis pr-oooooola ! »Ok, elle n’est pas seulement très excitée, elle est EXTRÊMEMENT excitée. La voila partie au quart de tour, et courant à vive allure sur le seul sentier qui mène jusqu’au ranch. Sandra m’a vaguement indiqué la direction du parcours qu’elle compte proposer, mais est restée très peu bavarde en détail. Je dois cependant avouer que son côté taciturne ne me dérange aucunement, bien au contraire ; son calme et son sérieux m’aident à me concentrer sur mon travail, qui est la seule chose qui m’importe dans l’immédiat.
La vitesse de Treci est conséquente, mais est loin d’être suffisante pour désarçonner une personne fermement accrochée. Après tout, si un Elecsprint reste un Pokémon extrêmement rapide, il l’est forcément beaucoup moins une fois une charge montée sur son dos.
Je dois cependant avouer que maintenir fermement ses poils a quelque chose de relativement désagréable, autant à cause de leur côté poisseux que de l’usure qu’ils provoquent aux doigts. Il faudrait que Sandra songe à investir dans un harnachement adapté.
Ces premières notes mentales prises, je porte une plus grande attention à l’environnement, et réalise qu’on approche du croisement indiqué par la chef de ranch. Et compte tenu du fait que je suis arrivé par la gauche pour venir jusqu’ici…
« -On va à droite !-Sprint ! »J’ai le droit à un aboiement me signalant que l’ordre a bien été reçu. Treci, sans réellement ralentir, bifurque pour prendre le chemin qui s’enfonce plus loin dans la jungle de Cobaba, mais à cause de la vitesse et du terrain accidenté, dérape. Ses pattes frappent le sol dans le vide à quelques reprises, glissant sur le sable, mais parviennent à retrouver une prise et repartir de plus belles. Mon rythme cardiaque a eu le droit à un petit pic de vitesse lorsque je nous ai senti partir, mais tend à se calmer aussitôt le chemin repris. Je me penche alors légèrement vers l’avant pour parler directement à l’oreille de Treci.
« -N’oublie pas que tu as un poids, ta capacité à prendre les virages n’est plus la même. La prochaine fois qu’il faudra tourner, il faudra ralentir. » Je me redresse, juste à temps pour voir que le sentier que nous empruntons pivote justement d’ici plusieurs mètres. Concentré, j’attends que nous nous soyons encore rapprochés pour lui faire signe.
« -Maintenant, calme. -Sprint ! »Ses foulées se font moins successives, à tel point que Treci est presque à vitesse de marche lorsque nous contournons une butée. A défaut de provoquer un sentiment d’extrême adrénaline, cela a l’avantage d’être bien plus sûr, et Treci peut de toute façon repartir au quart de tour dès que le chemin redevient un temps soit peu linéaire. La sensation de vitesse revient alors apporter une claque de dynamisme à la balade, qui se retrouve à alterner entre les pointes d’accélération.
Cette Elecsprint est tout à fait obéissante, et ne devrait pas représenter un grand obstacle aux dresseurs attentifs. Et attentifs uniquement, hélas ; si Treci ralentit certes comme demandé à l’approche des virages, et est capable de garder ce réflexe pour les quelques tournants d’après, elle oublie rapidement la consigne et se tape des accélérations fulgurantes en l’absence d’ordre explicite. En clair : si celui qui la monte ne scrute pas attentivement l’approche des virages pour lui signaler de ralentir, Treci ne le fera pas spontanément.
Cela devrait sans doute venir avec le temps, mais un suivi régulier et rigoureux lors de ses premières sorties est pour cela nécessaire.
***
…. Procure une sensation de vitesse plaisante, et des accélérations vraiment impressionnantes. Prises artificielles nécessaires pour éviter un trop grand inconfort des mains. Docile mais peu concentrée, doit se voir régulièrement avertie des arrivées de virage pour ralentissement. Interrompue dans le réapprovisionnement du foin, Sandra relève la tête de mes notes.
« -Et qu’est-ce que vous me conseillez pour le dernier point ? Les clients s’attendent à une certaine autonomie de leur monture, ils ne veulent pas se prendre la tête et devoir rester aux aguets. »Je passe sous silence la logique douteuse d’une telle mentalité, et me contente de répondre docilement.
« -Sortez régulièrement avec elle, et faîtes le parcours, en lui répétant encore et encore de ralentir aux moments opportuns. Si vous placez des repères colorés aux endroits où elle doit ralentir, elle prendra petit à petit le pli. Comme me parcours n’est pas bien compliqué et relativement linéaire, il ne lui demandera pas un grand effort de mémorisation, donc elle pourra se concentrer sur ça. » Elle soupire, visiblement contrariée.
« -Donc une mise en application dans le mois paraît compromise ? »J’acquiesce. J’ignore à quel point l’investissement est peu rentable pour elle, et si cela représente un quelconque problème de carrière pour Treci, mais je préfère jouer franc jeu.
« -Il lui faudra au moins ça pour agir machinalement. Les Elecsprint sont généralement plutôt obéissants et joueurs, mais leur hyperactivité leur cause de sévères soucis d’attention. » Elle hoche la tête, et voyant qu’elle n’a rien à ajouter, je me prépare à passer au Pokémon suivant. Mais alors que je me suis détourné pour faire quelques pas, je m’arrête, et me retourne pour une dernière petite information.
« -Ah, aussi. J’ai remarqué que Treci a approuvé chacun des ordres que je lui ai donné par un aboiement. J’ignore si son dressage ou juste un réflexe, mais c’est un excellent moyen de s’assurer qu’elle a bien entendu une consigne. Vous devriez le signaler à vos futurs clients. » Et cette fois-ci, je m’en vais réellement en direction de l’écurie, pour chercher mon prochain patient.
***
Écrin, Zéblitz ♂
78kg pour ~1m70
Musculature forte. Pokémon naturellement adapté à la monture et vraisemblablement très obéissant, capable de transporter jusqu’à trois charges humaines. Trouve toutefois tout son intérêt dans l’équitation individuelle. Après avoir recueilli ces premières informations, je range à nouveau mes notes. J’observe Sandra terminer l’installation dans la selle, et m’approche tranquillement pour me préparer à monter.
« -Vous ne montez réellement qu’à cru ?-Oui. Je n’ai aucune idée de comment on met une selle… Et c’est assez encombrant, dans une chambre étudiante. » j’hésite un peu avant d’ajouter la suite
« Et cher, aussi. » Elle hoche lentement la tête tout en fermant les yeux, approuvant silencieusement ce dernier point, avant de s’écarter.
« -Voila. Vous savez monter avec ?-Oui, ça je sais. Merci ! » Je tire sur mes bras, et prends appui sur mon pied une fois placé pour me hisser sur Écrin. Cela fait, je passe brièvement mes mains dans sa crinière, puis après un regard entendu avec Sandra, donne au Pokémon le signal de départ.
Le sentiment procuré par la course de l’équidé est bien différente de celle de l’Elecsprint. S’il est moins rapide, le Zéblitz est toutefois bien plus à l’aise dans le transport d’un passager, et même pour ce dernier, le déplacement est plus confortable. Le bruit creux de sabots qui se répercutent sur le sol représente un métronome agréable qui ponctue la course de son rythme effréné, et confère une impression de liberté bien plus grande.
A l’inverse de Treci, on sent que Écrin est un habitué de la course à deux. Fait assez étrange compte tenu du fait que la chienne est pourtant obéissante et réactive, mais elle n’en reste pas moins complètement perdue lorsque laissée en roue libre et manque d’initiative. Ce n’est pas le cas d’Écrin. Une dualité nécessite des actions et des réactions chez chacun des partenaires, et le Zéblitz semble savoir de lui-même quelle posture adopter en fonction des situations.
Ainsi, lorsque notre trajectoire nous amène à choisir entre un chemin rocailleux allant en ligne droite, et une bifurcation de quelques mètres, Écrin choisit spontanément de tourner pour avancer sur une terre meuble et bien plus agréable à parcourir. Treci, en l’absence de consigne, aurait continué tout droit, pensant sans doute que, si nous devions dévier, alors je le lui aurai indiqué.
La familiarité des lieux doit beaucoup y jouer, cela dit. Je n’ai pas demandé à Sandra, mais je présume que ce Zéblitz est entraîné ici depuis bien plus longtemps que les deux autres Pokémon Electriks. Cela s’est vue rien qu’à la présence d’un box individuel pour le Pokémon, et l’aménagement grossier de l’habitation de l’Elecsprint et du Luxray.
Pour ce qui est d’Écrin, elle a en tout cas effectué un travail formidable. Même Châtaigne est parfois plus maladroit dans sa démarche, alors que cela fait un moment maintenant que je le monte… Mais je dois avouer préférer la course à dos de mon propre compagnon, sûrement pour une question d’alchimie. Je n’ose imaginer à quel point Sandra doit s’éclater, elle, sur le dos d’Écrin.
… Quoique. J’ai dû mal à visualiser la flegmatique adulte s’amuser d’une quelconque façon.
Dans tous les cas, le tour de la forêt est vite effectué. Ce n’est pas sur Écrin que mes capacités vont être requises, visiblement…
***
De retour à l’écurie, je suis content de voir que Treci a été mutée dans une sorte de préau, se trouvant non seulement à l’extérieur du bâtiment, mais aussi sur de l’herbe drue, sans doute bien plus agréable aux yeux du canidés qu’un sol en béton.
« -Vous pensez que ça conviendra ? » Je n’ai même pas remarqué Sandra, qui profite que mon attention soit focalisée sur l’Elecsprint pour m’interroger. Je hoche lentement la tête, et entreprends de descendre d’Écrin.
« -Parfaitement, ouais. Si vous laissez quelques uns de vos clients jouer à la balle avec elle, elle devrait être aux anges. -Tant mieux. Je n’ai pas vraiment le temps de construire une véritable niche ou un quelconque abri, pour l’instant je n’ai que ça pour la contenter. » Elle me tend ensuite sa main. Je la fixe pendant quelques secondes, un peu perdu, avant de comprendre où elle veut en venir.
« -Ah ! Je n’ai rien noté sur mon carnet. » A son expression étonnée, je me hâte de développer, accompagnant mes paroles d’une tape sympathique sur l’encolure d’Écrin.
« -Il est parfaitement habilité à son travail. La balade a été très agréable, et je n’ai pas de remarque particulière à faire à son sujet. » je marque une courte pause, pensif
« Précisez juste à vos clients qu’Écrin guide de lui-même le parcours. ‘Faudra pas qu’ils prennent peur et lui ordonnent toutes sortes d’ordres contradictoires face à ses prises d’initiative. » Sandra acquiesce. Je crois même discerner un certain rictus, l’espace de quelques secondes ; elle doit voir l’excellent dressage du Zéblitz comme une victoire personnelle, sans doute. Je souris, comprenant que je suis probablement la première personne extérieure au ranch à le constater, à l’aube de l’ouverture des Pokémontures au public.
Je ne m’éternise cependant pas là dessus, et fait craquer mes phalanges en me tournant vers les boxes.
« -Reste Luxray, donc. » Je commence à m’éloigner, mais m’arrête avant, pour poser une dernière question à Sandra.
« -C’est quoi son nom, d’ailleurs ? » ***
Ragnarök, Luxray ♂
45kg pour ~1m45
Même proportions que Treci, donc un à deux humains, plus un petit gabarit. Un peu plus petit, mais aussi plus musclé. Possède une épaisse crinière (liée à son genre) qui permet une meilleure accroche. Capacité à repérer les dangers de loin utile, mais plus lent. A privilégier pour ceux à la recherche d’un compromis entre vitesse et sécurité.Cela notifié, je m’approche du Pokémon. Bien qu’il n’ait pas cherché à me déchiqueter tout à l’heure, et que notre premier contact a été plutôt courtois je me méfie de la fierté naturelle des Luxray. Je préfère donc prendre quelques précautions, et ne pas monter directement sur son dos.
« -On va aller faire un tour. Il va falloir que tu me portes le temps de notre déplacement, tu t’en sens capable ? » Titiller son ego est la première idée qui me passe par l’esprit. Pas certain à 100 % que cela fonctionne, mais en tout cas, son regard doré fixe le mien (qui est plutôt chocolat, pour ceux que ça intéresse, tout de suite moins badass) avec une certaine pointe de défi ; ce que j’interprète comme une invitation à monter.
Ou alors, il est plutôt en train de me dire « essaye un peu, pour voir ».
…
Bah, il n’y a qu’un seul moyen de savoir.
Je pose mes mains sur son dos, et me hisse donc. J’ai à peine le temps de passer ma jambe droite de l’autre côté de son corps que le Pokémon… S’allonge. J’ignore si c’est par volonté de me venir en aide, avec un peu (beaucoup) de retard, ou si c’est pour me montrer son refus. Je cherche donc à m’en assurer en laçant le signal de départ, avant même d’avoir assuré mes prises.
« -On y va ? » … Aucune réaction. Je vois.
Les Luxray sont des créatures dominantes. Elles préfèrent imposer leur domination que de se faire dominer ; cela ne les empêche pas d’être agréable, Ragnarök a été relativement docile pour un membre de son espèce, jusqu’alors. Mais de là à être relégué au rang de monture, il y a visiblement plus qu’un pas.
Si Lucina n’a absolument aucun problème avec le fait d’être montée, c’est lié au fait que j’ai obtenu sa confiance il y a un moment déjà, voire même son estime.
… Ou juste sa confiance, en fait. Lucina doit toujours me percevoir comme un bébé Lixy qu’il faut protéger plus qu’autre chose, en y repensant.
J’expire bruyamment, et souris.
« -Ok. Pas de soucis. » Insister ne servira à rien d’autre que le contrarier toujours plus. Il pourrait certes obéir à contre cœur, mais ce n’est pas mon objectif. Je descends donc de son dos, et m’étire de tout mon long, sous son regard suspicieux.
« -Dans ce cas, on va commencer la promenade en marchant tous les deux. » Sans plus de cérémonie, j’ouvre la marche, et avance le long du sentier à l’entrée du ranch. Je ne jette qu’un court coup d’œil à Ragnarök, sans m’arrêter.
« -Tu viens ? » Cette perspective doit déjà lui paraître moins désagréable, puisqu’il se lève pour me rejoindre d’un pas lent.
C’est ainsi qu’au lieu d’une poursuite endiablée durant laquelle un Luxray et son fidèle cavalier surmontent un à un les obstacles, les chemins tortueux et défient le temps en une véritable course contre la montre, nous nous retrouvons à simplement… Marcher. A une vitesse approximative de Parecool mètre par seconde.
En soi, une petite promenade aux côtés d’un Pokémon aussi imposant n’a rien de désagréable, d’autant qu’il fait pas mal bon et que marcher aide à profiter des senteurs ambiantes. Mais Sandra me l’a bien fait comprendre en arrivant, les trois montures ne sont pas là pour ça.
Alors, en toute innocence, j’augmente lentement la cadence de mes pas. Ragnarök, le regard en partie ailleurs, suit sans faire plus attention. Jusqu’à ce que, toutefois, notre démarche soit passée significativement de « lente et tranquille » à « trottinante ». A ce moment là, j’ai le droit à un regard perplexe du Luxray… Que j’interprète comme étant le moment parfait.
« -Trop lent. » Et je sprinte.
Le changement abrupte de vitesse m’offre une subite accélération des battements de mon cœur. Mes jambes parfaitement fonctionnelles et pleines d’énergie font pour l’instant fi de l’effort, et si je pouvais figer ma forme physique à ce qu’elle est actuellement, je pourrai me passer de monture pour le restant de mes jours.
Ragnarök ne réagit pas immédiatement, pris de court. Le délai d’hésitation l’est toutefois tout autant – court, j’entends – puisque, soumis à une impulsion innée de chasseur, il se met aussitôt à courir pour rattraper la proie qui ose se prétendre plus véloce.
Il ne lui faut pas bien longtemps pour me rattraper. Mes jambes n’apprécient pas une course au maximum de ma vitesse aussi longue, et celle de Ragnarök est de toute façon bien supérieure. Alors, pendant que mes membres me tiraillent et me hurlent de m’arrêter, la cadence effrénée d’un certain prédateur retentit derrière moi.
Et sbam.
C’est sans doute l’onomatopée la plus adaptée pour signifier le choc sourd produit par mon épaule au contact du sol. J’avoue ne pas pleinement saisir la situation lorsqu’une charge bien plus imposante, rapide et forte que moi me percute, et m’envoie à terre, non sans me faire déraper de quelques centimètres sur le chemin terreux et rocailleux qui compose le sentier. Je mange de la poussière, une douleur vive me déchire le genoux, et les os de ma cage thoracique m’envoient un signal de lourdeur peu avenant.
Le temps que mon cerveau mette les pièces en place, je suis au sol, et surplombé par Ragnarök. Je toussote à cause de la poussière, pendant que le Luxray paraît saisir l’ampleur de la situation. Un sourire crispé aux lèvres, je tente de calmer ma toux.
« -*kof* Je ne pensais pas que tu irais… *kof* … Jusque là, je t’avouerai. » Quelque peu désemparé, il se recule pour me permettre de me relever. Il a cru que je voulais jouer au chat et à la souris, et a pris son rôle très à cœur. Au point de négliger mon statut de pauvre humain fragile, à terre pour le moindre choc…
En position assise, je relève le jogging de ma jambe droite, pour constater une belle trace de frottement sur mon genoux. Du sang, yay. Bon, la douleur est loin d’être insoutenable, mais est tout autant agréable. C’est-à-dire peu. Ma tenue est pleine de terre aussi, maintenant, et je vais certainement avoir de jolis bleus aux endroits où mon corps a violemment percuté le sol. Facile de deviner à quel endroit, c’est là où les petits vaisseaux d’il était une fois la vie m’envoient de gros signaux d’alerte qui rougeoient et qui brûlent.
Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, je me relève, un peu lourdement.
« -Tu seras gentil, t’éviteras de faire ça aux clients du ranch, hein ? » Je ne pensais pas avoir autant raison en évoquant la docilité de Ragnarök outre sa fierté. Visiblement, blesser un humain doit correspondre pour lui à une faute grave – ou en tout cas, bien assez pour que le Pokémon s’assoit en une posture coupable et attentive. Aussi paradoxal que cela puisse être, il semblerait que m’envoyer au sol va me permettre de grimper dans son estime ; me voir prendre le choc autant à la légère malgré mes blessures apparentes semble le laisser pantois.
Un peu clopin-clopant, je m’approche de lui, et lui tapote gentiment le dos.
« -Et là, t’es d’accord pour me porter ? Je... » je laisse passer un court silence, mentant éhontément
« Je vais avoir quelques difficultés à courir aussi rapidement en étant blessé. » C’est surtout que je suis déjà à bout de force, oui.
Par culpabilité, Ragnarök s’allonge, me permettant ainsi de grimper sur son dos bien plus aisément que la première fois. Lorsque je suis installé, un peu grimaçant à cause de la douleur, il se relève, et entreprend de faire demi-tour pour retourner au ranch, ce dont je l’empêche.
« -Non non. On va faire la balade jusqu’au bout. » je souris et lui caresse gentiment le sommet du crâne, ce qui me vaut un grognement
« Et on l’a à peine commencé. Donc t’es sympa, hein ? Laisse moi te guider, et tout se passera bien ! » Sa queue fouette l’air au fur et à mesure qu’il prend conscience de s’être fait avoir, pour finalement aboutir à un bougonnement.
« -Ray. »***
… Une fois dompté, est à la hauteur des attentes. Un peu bougon mais appliqué dans sa tâche. Comme déjà précisé, représente un très bon équilibre entre sécurité et rapidité ; moins véloce qu’un Elecsprint, mais beaucoup plus assuré, et parcours moins risqué. Sandra acquiesce vivement, satisfaite de ces observations. Alors que Ragnarök vient tout juste de rejoindre son box, je reviens à hauteur de la propriétaire du ranch, qui me questionne aussitôt, sans même lever les yeux de mes notes.
« -Et comment est-ce qu’on le "dompte", au juste ? » Son intonation me laisse supposer que j’aurai dû préciser ça sans qu’elle ait à me le demander, mais je ne me vexe pas pour un sou, ayant consciemment laissé ce détail à débat.
« -Il faut lui prouver que vous méritez de le monter, que vous êtes douée à autre chose que de lui donner des ordres, puis de vous laisser porter. Je ne pense pas que cela soit à vos clients de faire ça ; dès lors que vous serez parvenue à obtenir sa confiance, il sera docile avec eux pour peu que vous lui en donniez l’ordre. » Elle referme mon carnet, toujours aussi placide, et me le tend.
« -Autre chose ? » Je pense que cette question est plus posée en guise de politesse que par réelle suspicion. Mes vêtements recouvrant mes blessures et la poussière s’étant naturellement accumulée dessous au fil des promenades, elle ne doit se douter aucunement que Ragnarök a bien failli me bouffer par pur instinct au début de notre balade.
« -Oui. » Par acquis professionnel, je préfère toutefois lui en faire part. Cela risque très certainement d’aboutir à un renvoi du Luxray, ce que je ne lui souhaite pas, mais… On m’a demandé de venir tester la fiabilité et la viabilité de trois Pokémontures. L’une d’elle est un danger potentiel, même subtil. Je ne peux l’ignorer.
« -Ragnarök a encore des réflexes de chasseur. J’ai voulu le stimuler en courant avec lui, mais il m’a plaqué au sol. Je suis loin d’être gravement blessé, je l’ai inconsciemment provoqué, et il a tout de suite remarqué son erreur… Mais je pense toutefois que, dans l’immédiat, et sans prévention à ce sujet, il pourrait représenter une source de problèmes envers de jeunes enfants, par exemple. » J’ai une méchante boule à l’estomac. Quelque chose me dit que, au fond, si j’avais su mieux me comporter avec lui et que je ne m’y étais pas pris comme un manche, cette scène n’aurait jamais eu lieu d’être. Je suis certes parvenu à le dresser, mais au prix d’une mise en lumière… Douloureuse. Et quelque peu compromettante pour sa carrière au sein du Chevroum Bondissant.
Sandra doit voir dans mon expression peinée une certaine forme de regret, à en fier à sa réponse.
« -Bien. » elle me passe devant en partant dans une direction obscure
« Merci pour ta franchise. » Elle s’éloigne, et je reste parfaitement immobile, le regard perdu dans le vide.
« -… Je n’ai fait que mon job. » ***
La tête ailleurs, je fixe le Zéblitz qui court de l’autre côté de la barrière, contre laquelle je suis appuyé.
Châtaigne souhaitant profiter du parcours d’agilité disponible dans le ranch, Sandra m’a autorisé à rester un peu plus longtemps. J’ai un vague sourire nostalgique en observant cet équidé si grand et majestueux surmonter une à une les barrières placées sur sa trajectoire, en me remémorant qu’il y a quelques années, il n’était qu’un Zébibron frêle et timide. Je me souviens encore de son corps minuscule et de ses yeux mi-clos, le jour de son éclosion…
Le soleil est calmement en train de se coucher, et le ciel orangé. Derrière, les bruits de pas de Sandra se font un peu plus présents, et je devine sans trop de mal qu’elle vient à ma hauteur pour me demander de partir en vue de l’heure tardive.
Le bruit ferme d’une canette posée juste à côté de moi me surprend.
Je me suis trompé, visiblement. Je tourne la tête, pour constater que l’adulte a entreposé la boisson sur la barrière à mon intention, et se colle à celle-ci dans le sens opposé, tout en buvant la sienne. C’est donc dos à Châtaigne qu’elle m’interroge à son sujet.
« -Tu ne le montes pas ? » Mon regard suit la silhouette vive du Zéblitz passer un nouvel obstacle, et je secoue la tête de droite à gauche avec un sourire coupable.
« -Non, je suis épuisé. Et je dois déjà le monter pour le chemin retour... » Elle aussi a un rictus, bien plus amusé, alors qu’elle prend une nouvelle gorgée de sa boisson.
« -Nos montures ont beau faire la majorité du job, l’équitation ne reste pas moins un sport épuisant. » J’acquiesce, et attrape la canette qu’elle m’a destiné.
« Bière brune »
Je cligne des yeux, sceptique, et le règlement de la Pokémon Community au sujet de l’alcool me revient instantanément en tête.
Je me rappelle alors avoir dix-huit ans, en plus d’être en dehors du cadre de l’académie, et me décide donc à ouvrir la canette.
« -Comment ça va se passer, pour les trois "loustiques" ? » Le regard toujours ailleurs, Sandra me répond entre deux gorgées.
« -Je ne suis pas encore certaine. Écrin va être mis en service dès l’ouverture des activités au public, et je pense continuer de dresser Treci quelques semaines encore. A défaut de servir de monture, elle pourra m’aider à encadrer les Chevroum, dans le pire de cas. » Les yeux rivés sur le goulot, j’approche lentement celui-ci à ma bouche. Je suis quelque peu hésitant, mais finis par me décider à boire une gorgée. Cela fait, j’abaisse la canette, et scrute le visage de l’adulte.
« -Et Ragnarök ? » Sandra prend plusieurs secondes pour pleinement réfléchir à la situation, avant de répondre.
« -Je pense l’envoyer dans une pension plus adaptée. Puisqu’il n’est pas non plus hargneux et relativement consciencieux, on ne devrait pas avoir de mal à lui trouver un bon dresseur. » Je baisse les yeux, et contemple mes pieds. Ce n’est pas ce qu’il y a de mieux, être trimballé de pension en pension, mais je suppose que le sort que lui réserve Sandra est le plus adapté pour la situation. Elle ne peut pas prendre de risque et garder ce Pokémon qu’elle ne maîtrise pas réellement, cela serait bien trop dangereux, et je doute sincèrement que Ragnarök se plaise ici, de toute façon. Pour peu, je me serai presque proposé à le prendre en charge, mais… Premièrement, si je fais ça, Lucina m’étripe, et deuxièmement, je doute que Sandra le cède gratuitement.
La gorgée que la femme s’enfile me laisse supposer qu’elle vient de vider sa canette. Le son creux qu’elle produit au contact du bois me le confirme, alors qu’elle fourre ses mains dans ses poches.
« -Lorsqu’on m’a dit qu’on m’envoyait un académicien, j’étais plutôt sceptique. Je l’ai été encore plus lorsque je me suis renseignée et que j’ai appris pour.. Votre île. » Je reste parfaitement silencieux, alors que je sens son regard m’analyser, à la recherche d’une réaction quelconque.
« -Tu auras remarqué que je ne suis pas un employeur hyper chaleureux. Donc, que malgré ça, tu ais accompli ton travail comme il faut, jusqu’au bout, et ce alors que tu ressors tout juste de l’enfer… » Je ne le réalise que maintenant, mais cela fait un moment maintenant que Sandra me tutoie. Je me tourne vers elle, en l’attente de sa conclusion, tandis qu’elle se décolle de la barrière.
« -Je t’en suis reconnaissante. » A nouveau, je détourne le regard, et après une courte réflexion interne, hausse les épaules.
« -Bah. C’est moi qui devrais vous remercier de m’avoir accepté, malgré tout. Faire ce job m’a aidé à m’occuper l’esprit. » Je le pense sincèrement. Si j’ai été aussi appliqué tout au long de la journée, c’est uniquement car j’avais besoin de me concentrer sur quelque chose. Et par quelque chose… J’entends, tout ce qui n’a pas de rapport avec ma situation étudiante actuelle.
Sandra attrape sa canette vide, et entreprend de s’éloigner.
« -Bouge pas. J’ai quelque chose pour toi. » Surpris, je la regarde partir. Je ne dois l’attendre que cinq petites minutes après qu’elle ait disparu de mon champ de vision, canette de bière toujours en main, pour finalement la voir revenir vers moi. Elle transporte avec elle une charge plutôt conséquente, qu’elle dépose lourdement sur la barrière en une vague de poussière. Cela fait, elle recule, et me laisse découvrir son présent.
« -Cette selle est plutôt âgée et usée, je n’en ai plus besoin. La retaper te reviendra moins cher que de t’en acheter une neuve. » J’écarquille les yeux, et laisse ma bière reposer sur la barrière pour plutôt m’approcher de la selle. Je passe ma main sur le cuir vieilli pour dégager un peu de poussière, pendant qu’un sourire enthousiaste s’étire sur mes lèvres.
« -Elle est parfaite. » je relève la tête, et fais signe à mon Zéblitz, plus loin dans l’enclos
« Châtaigne ! Viens voir ! » S’ensuivent quelques minutes durant lesquelles Sandra m’explique comment habiller ma monture.
La fin de celles-ci sonnent aussi l’heure du départ. Nous aurons au final passé la journée complète dans ce ranch, et il est temps pour nous de rentrer. Avec les derniers événements, la Pokémon Community est plutôt tatillonne sur le temps de présence des étudiants…
Les salutations sont brèves. J’ai à peine le temps de saluer Ecrin, Treci et Ragnarök, que Sandra nous reconduit, Châtaigne et moi, vers la sortie.
Après avoir grimpé sur le dos du Zéblitz, désormais équipé, et pris la direction du sentier, j’ai le droit à une dernière remarque de la part de l’adulte.
« -Tu pouvais me le dire, que tu n’aimes pas la bière, tu sais. » Je remarque la canette qu’elle m’a confié plus tôt dans sa main, et la suppose toujours aussi remplie. En tout cas, elle l’est si elle n’y a pas touché après ma première et seule gorgée. Je souris, et la salue d’un grand mouvement de bras.
« -Bonne chance avec votre ranch ! » Châtaigne et moi franchissons le portique, et passons sous l’immense devanture en bois.
« Le Chevroum Bondissant »