Marie était tendue.
Assise au milieu de « sa » chambre, elle l’observait de long en large. Les murs avaient une teinte rosée plutôt pale, la moquette sous ses pieds n’était pas désagréable au toucher, et la présence d’une porte menant à une minuscule salle d’eau lui était plutôt appréciable. Pour ce qui était de l’ameublement, une simple armoire coulissante était encastrée dans l’un des murs, un bureau similaire à celui qu’elle possédait était accolé en face, et la chaise sur laquelle elle s’était posée n’avait rien à envier à la précédente. Son lit avait conservé les mêmes dimensions, le même confort, et la fenêtre qui donnait sur l’extérieur était légèrement plus grande, permettant un meilleur éclairage naturel à l’intérieur.
En somme, cette chambre était comme l’ancienne, mais en mieux.
Sauf que voila.
Ce n’était pas sa chambre.
Du moins, pas encore.
Au lendemain de son départ de Lansat, Marie n’avait pas été aussi affectée que certains de ses camarades. Ce n’était pas qu’elle s’en moquait, mais il était difficile pour elle de pleinement réaliser ce qu’il s’était passé, et surtout de digérer et accepter l’information. Elle avait vécu avec cette suspension consentie de l’acceptation des faits durant toutes les vacances d’été, et cela sans que cela n’eut le moindre impact sur le bon déroulement de ses congés.
Mais maintenant, elle était là. Dans cette chambre, « sa » chambre, dans laquelle elle allait désormais vivre de façon plus ou moins définitive.
La première conséquence directe de la Chute de Lansat lui fit l’effet d’une claque.
Elle le réalisait enfin. La pièce dans laquelle elle avait si longtemps vécu, dormi, lu, mangé, travaillé, pleuré, elle ne pourrait plus y retourner. Pour certains de ses Pokémon, cette même pièce représentait le seul habitat qu’ils n’aient jamais connu : désormais, ils ne la connaîtraient plus.
C’était un sentiment dérangeant. Très dérangeant.
Son premier réflexe lorsqu’elle fut rentrée dans « sa » chambre, fut de déballer toutes ses affaires et des les installer de façon à reproduire le même agencement qu’auparavant. Sauf que non seulement, cela avait été impossible car les deux pièces n’avaient ni la même surface, ni la même disposition exacte, mais surtout, cela ne l’aidait étrangement pas à se sentir plus familière avec l’endroit.
Elle avisa pourtant sa boîte à musique, posée sur son bureau, ou son nécessaire d’aquarelle, caché en dessous. Elle détailla son sac, accroché au porte-manteau derrière sa porte, et fixa ses Pokéballs, éparpillées sur son lit. Mais rien n’y faisait. Tous ces éléments étaient familiers, mais ne l’étaient pas.
En une profonde inspiration, la blanche se leva. S’il était une chose que beaucoup de gens reprochaient à l’ancienne chambre de Marie, c’était son absence absolue de personnalité. Elle en avait autant que dans un hôtel à vingt-cinq jetons la nuit, en tout cas. Était-ce cette absence de marque qui contribuait à un manque de reconnaissance des lieux ? La Ranger ne douta pas sur son implication, en tout cas.
Elle devait faire quelques aménagements. Si elle voulait que cette pièce devienne « sa » chambre, Marie devait s’y sentir à l’aise ; et non plus se contenter d’un simple lieu de vie usuel et impersonnel.
La demoiselle se dirigea donc jusqu’à son porte-manteau, saisit son sac, et le passa autour de ses épaules.
Autant s’habituer au plus vite à son nouvel environnement urbain.
***
« -Veille à bien rester à proximité, Sumia. »La Carmache hocha la tête, tout en continuant ses regards furtifs dans les alentours. L’imposante Pokémon Dragon et Sol s’était elle aussi bien habituée à la ville de Lansat, aussi était-elle légèrement perturbée à l’idée de devoir se familiariser avec un nouvelle cité humaine. Elle prenait cependant cette tâche très à cœur et tentait, tant bien que mal, de tracer dans sa mémoire un plan des lieux, aussi approximatif soit-il.
Serra, postée sur la tête de la dragonne, était quant à elle ravie. Qui dit nouvel endroit, dit nouveaux privilèges dont elle pourrait bénéficier ! Et la Sancoki avait hâte de les découvrir.
Pendant Marie et ses deux partenaires progressaient donc dans le Quartier Touristique de Nuevo, la blanche gardait les yeux rivés sur ses notes. La proximité de la ville avec l’académie était une bonne chose, et elle avait pu prendre son temps pour préparer une liste de ce dont elle pourrait avoir besoin, ainsi que les adresses et emplacements associés. Et tout en haut de celle-ci…
« -"Tissus et Couverdure", vêtements et bobines. Je pensais investir dans des rideaux, et pourquoi pas une literie. Qu’en penses-tu Sumia ? »La concernée ne put qu’approuver avec un vif acquiescement, bien contente à l’idée de décorer leur intérieure. La chambre de sa dresseuse était toujours restée encore plus triste que la grotte dans laquelle elle avait longtemps vécu ! Alors qu’elles pourraient habiller l’endroit avec des bijoux, des pierres précieuses, des cristaux, et… Comment ? C’était trop cher ? Qu’est-ce que ça voulait dire, « trop cher » ? Les Carmache n’ont pas ce genre de considération, enfin !
Une analyse approfondie d’une carte en centre-ville et de quelques noms de ruelles leur permirent de s’aiguiller jusqu’à destination. Le Quartier Touristique de Nuevo était vraiment très intéressant de part ses nombreuses boutiques, et Marie ne douta pas trouver son bonheur dans les environs.
Même si à défaut de bonheur, elle put trouver une toute autre chose à la place.
« -Voyons, je croyais que cette ville menait une politique écologique correcte ? »Lorsque son regard se posa sur un bout de papier coloré traînant au sol, la Ranger qu’elle était se pencha en avant pour le ramasser. En jetant ce détritus à la poubelle, elle accomplirait son devoir de protection de l'environnement pour au moins tout un semestre ! Mais à peine avait-elle récupéré le déchet que ses sourcils se froncèrent. Un ticket de loterie, organisée par la mairie ? Voilà qui était saugrenu… Ils polluaient donc eux-même leur ville ?! Hmm.
Elle rangea celui-ci dans sa poche, décidée.
« -Nous irons touché mot de ceci au comité en charge de la distribution de ces tickets. »Ouais, fais ça Marie ! Attire-toi des ennuis quelques jours à peine après ton arrivée sur cette île.
Alors qu’elle voulut reprendre sa marche, son regard s’arrêta à nouveau sur un détail. A peine quelques mètres plus loin, elle était certaine de pouvoir identifier cette silhouette, aux yeux rivés sur la vitrine d’un magasin… Le visage de la Mentali s’éclaira un bref instant à la lumière d’une réminiscence, et aussitôt, elle se mit en marche pour rallier la personne.
Arrivée à sa hauteur, elle se tint droite, et après s’être assurée de la présence de ses Pokémon à ses côtés, capta son attention.
« -Salutations, mademoiselle Yamasaki. » elle fit un petit hochement de tête approbateur en sa direction lorsque leurs regards se croisèrent
« Heureuse de vous savoir dans les environs. Comment vous portez-vous depuis notre rencontre ? » HRP :
Réception d'un ticket de loterie !