Faudrait que tu l'oublies à longueur de journée

C'était un grand jour, Nate. C'était la grande expédition, l'occasion pour toi de faire un pas de plus dans la bonne direction. Ta deuxième sortie capture, tant attendue, tant fantasmée. Une chance d'aller explorer un peu de plus de ce vaste monde qu'il te reste à découvrir. De tracer ton chemin, seul, pour la journée, avec tes meilleurs compagnons. De renforcer vos liens. Peut-être même de te faire un ami de plus...

La petite troupe avait le coeur fêtard.
Toi, t'avais plutôt le cafard.


Yo Nate, comment ça se passe pour toi ? Ici on s'en sort... T'avais des rêves plein les yeux, Nate. Tellement que parfois t'en oubliais où t'étais. Tu regardais le monde, mais t'étais encore sur ta petite île. Des fois, tu rentrais dans ton dortoir, et en poussant la porte de ta chambre tu t'attendais presque à retrouver ton bureau d'acajou, ta housse de couette Lougaroc, à sentir le fumet de la paella de ton père. Et puis, accroché à la porte, ton blouson en cuir, avec ses trois griffes dans le dos. Tu enfilerais la veste après si longtemps et elle t'irait toujours comme un gant. Tu serais si à l'aise dedans, tu la porterais par tous les temps, avec tes airs de brigand... Les gars sont un peu perdus, sans leader. Y en a bien qu'ont essayé, mais personne de sa trempe. Lui, il savait ce qu'il faisait. Mais vous, est-ce que vous saviez vraiment ce qu'il vous faisait faire ? Des fois, t'y repensais, mais tu n'avais toujours pas trouvé ta réponse. Des fois, tu te demandais si t'avais fait le bon choix. Si t'aurais pas mieux fait de combattre tes démons là-bas. Si t'avais pas juste fui comme un lâche en abandonnant tes responsabilités. Si t'avais besoin de toute cette distance entre vous pour t'en sortir. Si t'aurais dû lui demander de t'expliquer, de te chuchoter ses secrets, de te bercer de ses paroles rassurantes, comme toujours...

Caim sort bientôt.

Les mots s'étaient comme imprimés sur tes rétines, et ne quittaient plus tes pensées. Et en descendant du bateau, le poing serré sur la bretelle de ton sac à dos, tu demandais si tu ressentais,

au fond de toi,

de la satisfaction,
ou de la peur.

Let's keep it moving

C'est toujours perdu dans tes pensées que tu t'étais éloigné du groupe d'étudiants pour t'engager sur un petit chemin qui s'enfuyait vers le centre de l'île. Le cadre était plutôt joli, mais tu ne lui prêtais aucune attention.

« Woah ! »

Enfin, jusqu'à ce que tu manques de trébucher sur ton medhyena, qui venait soudainement de te couper la route pour échapper au snubbull qui lui courait après avec insistance. Dans ta surprise, tu finis par trébucher sur toi-même et par t'écraser de toute ta hauteur sur le sol froid et dur, le nez dans l'herbe givrée. Un reniflement, deux reniflements, et ce fut l'éternuement. Ton souffle chaud souleva alors une fine poussière poudrée qui scintilla devant tes yeux émerveillés.

C'était joli.

C'était joli, ça avait un parfum d'aventure, et toi tu ne trouvais rien de mieux que de te perdre dans tes lourdes pensées, entortillées de souvenirs, d'espérances et de craintes. Vraiment, c'était nul.

Alors tu laissas échapper grand un rire, franc et spontané.

« Hahaha ! »

Interloqués, tes deux compagnons s'arrêtèrent dans leur élan, pour te regarder rire comme un idiot, toujours alongé par terre.

« Franchement, je crains. » conclus-tu simplement, ne faisant qu'aggraver leur incompréhension.

Best Boi s'approcha de toi, un peu inquiet, peut-être se demandait-il si t'avais pas pris un coup sur la tête en tombant. Lover Boi quant à lui se désintéressa rapidement de toi avec un grognement, pour se pendre au cou de l'objet de son affection. Ça faisait un semestre entier qu'il vous avait rejoint, mais t'avais l'impression qu'il te prenait toujours pour un incapable. Tu devrais faire un effort et te ressaisir un peu, Nate.

Tu te relevas tranquillement, carressant les deux canidés au passage.

« Merci les mecs, vous êtes super. »

Best Boi agita la queue avec satisfaction, choisissant d'ignorer ton étrange comportement, soulagé de constater que tout était visiblement normal, en fin de compte. Ces humains et leurs humeurs volatiles...

T'étais un imbécile heureux, Nate, et ça ne t'allait pas bien de te prendre la tête comme ça et d'en oublier tes adorables pokémon.

« Allez, allons découvrir ce que cette île mystérieuse a en réserve pour nous ! »

Et tu te remis en route, le pas dynamique et le coeur plus léger, en ignorant les ombres de tes angoisses qui se glissaient dans tes pas.



Cette île était vraiment jolie, avec ses sentiers sauvages et ses petites criques. Sur ton passage, quelques pokémon s'approchaient et s'enfuyaient face aux abboiements énergiques de ton starter, visiblement ravi par votre promenade.

Vers treize heure, vous firent une halte pour vous restaurer d'un sandwich et de croquettes, avant de reprendre votre exploration. Ipok en main, tu prenais des photos de tout ce qui t'intriguait. L'eau claire dans les rocailles, un curieux serpent aux beaux reflets violacés – celle-là tu l'enverrais à Little Jack, qui adorait les reptiles...

T'étais accroupi devant de jolies fleurs blanches, en train de faire ta mise au point, quand soudainement un jet de pigments irisés s'immisça dans le cadre pour venir recouvrir les végétaux. Tu manquas d'en faire tomber le device, tandis qu'à côté de toi tes deux toutous se mettaient à abboyer.

En relevant les yeux, tu aperçus alors une drôle de créature, bipède et pleine de fourrure, brandissant fièrement ce qui semblait être sa queue. Tu mis quelques instants à faire le lien entre la matière scintillante qui en enduisait l'extrémité, et la nouvelle parure qu'aboraient désormais les fleurs à tes pieds. Visiblement très fier de lui, le pokémon releva le menton, en te toisant.

« Tiens donc, en voilà un drôle de bonhomme. »

Te redressant, tu fis un pas dans la direction de l'animal, qui projeta aussitôt quelques taches de peinture sur tes baskets, comme pour t'intimer de rester à ta place.

« Pardon ? » pouffas-tu, amusé par la scène.

Il n'en fallut pas plus pour que Best Boi s'interpose entre toi et l'intrus, les crocs sortis et l'échine hérissée. Suivi comme une ombre par Lover Boi, qui se fendit aussitôt d'une Grimace à l'adresse de ce nouveau rival.

Dubitatif, leur interlocuteur émit alors
un
tout
petit
jappement.

Ton sang ne fit qu'un tour et tu t'empressas aux côtés de l'animal, qui se mit à agiter sa queue dans tous les sens pour te faire rebrousser chemin, en vain. Parce que tandis qu'il te peinturlurait la figure en abboyant, tu n'avais d'yeux que pour sa petite truffe humide, et ses adorables oreilles tombantes. C'était, à n'en pas douter, un charmant doggo que celui-ci !

Voyant que tu étais visiblement trop bête pour comprendre le message, le Queulorior fit mine de prendre la fuite – mais ton Medhyèna le devança, le contournant rapidement pour lui couper la route. Il lui lança un Hurlement d'avertissement, dont le message était clair :

Tu. n'iras. nulle. part.

Tu te relevas en t'étirant nonchalamment, faisant craquer tes doigts. Puis tu te redressas de toute ta hauteur, une main sur la hanche et un pouce braqué sur toi, dans une pose qui se voulait cool et pleine d'assurance. C'était parti.

« Salut toi. Ça te dirait pas de venir avec nous ? »

Killer-combo clin d'oeil et sourire colgate, la totale.

Le Queulorior t'adressa un regard hautain. En cet instant, n'importe qui aurait compris qu'il se demandait sur quelle bande de timbrés il venait de tomber. Mais rien ne t'arrêtait quand tu avais jeté ton dévolu sur un beau canidé.

« Non ? Dommage, je vais devoir te convaincre. »

Et il allait bientôt le comprendre.

Un claquement de langue, et Best Boi chargea le pauvre pokémon.

« AH ! Doucemeeeent ! » imploras-tu aussitôt, désolé de voir ton starter user de violence à l'encontre de ce fantastique spécimen, qui tenta de rétorquer d'un coup de queue, chargeant à son tour.

Sans t'écouter, le Snubbull s'élança à son tour dans la mêlée, percutant le Queulorior, qui recula de quelques pas en titubant.

« Chill, les mecs, on est censé lui montrer qu'on est des gens sympaaaaa. Pas lui taper dessus ! »

Tes deux pokémon te répondirent en grognant, suivis dans cette initiative par leur adversaire.

« Ah ben voilà, vous avez un truc en commun ! » t'écrias-tu, triomphant.

L'expression du Queulorior se décomposa face à tant de stupidité. Dire qu'il voulait juste exposer son talent à la vue de cet humain naïf... Parce que quand même, prendre une photo de bêtes fleurs blanches, quand on pourrait être en train d'immortaliser son oeuvre...

Exaspéré, l'artiste décida de changer de cible, et bondit sur toi. Et toi, bénêt, tu ouvris grand tes bras pour l'accueillir.

Et hop.

Un Queulorior de capturé dans ton étreinte.

Le pauvre animal, désemparé, se débattait tant bien que mal, te couvrant de peinture en grognant, mais tu ne le lâcherais pas si facilement.

« Regardez-moi comme il est mignoooon. C'est bon, on l'adopte ! Les gars, faut qu'on lui présente Sirius. Il va l'a-do-rer. Je suis sûr qu'il saura mettre ses talents d'artistes à contribution ! »

Le pokémon s'immobilisa à ces mots, les yeux braqués sur l'humain. Vraiment ? Cet imbécile connaissait une âme raffinée capable d'apprécier son talent à sa juste valeur ?

Sentant le bon filon, tu enchaînas.

« T'en dis quoi ? Ça te plairait pas d'apprêter des pokémon pour des concours ? Franchement ça serait trop bête de passer à côté d'une occasion pareille. Je suis sûr qu'on peut faire de toi une star ! »