- Le dragon s’approcha alors du chevalier blessé. Celui-ci se leva sur ses grosses pattes arrières et dans un souffle rutilant, cracha ses flammes dans le ciel étoilé. Le chevalier s’a…
Pichu se resserra contre moi. Ses yeux étaient fixés au livre où les images venaient illustrer mes propos. Je le sentis trembloter légèrement en voyant que le chevalier était en très mauvaise posture. Néanmoins, connaissant la suite de l’histoire, je prenais un malin plaisir à le faire languir afin de monter le suspense. Le dragon réussira-t-il à occire le chevalier ? Je tournais la page d’un geste vif, dévoilant le dénouement de cet affrontement infernal. Pichu sursauta, croyant que c’en serait fini de l’humain. Or, l’épée magique qu’il détenait venait de se mettre à briller d’un nouvel éclat.
- … Empoignant son épée de son unique main intacte, il la souleva et s’exclama : « Il est nul dragon qui puisse mettre un terme à l’âge des Hommes ! » Puis, dans un mouvement d’une extrême précision,… Je passais à la page suivante. … le chevalier transperça de sa lame le dragon qui rugit de fureur. La lumière de l’épée s’étendit dans tout le corps corrompu de la créature monstrueuse et celui-ci s’en retrouva désintégré, ne laissant derrière lui qu’un unique anneau. Je rabattais en même temps les deux parties du livre pour le refermer. Fin de l’histoire ! Le regard de Pichu s’emplit de tristesse et il grimpa sur mon ventre pour se mettre face à moi et me supplier de continuer la lecture. Non, non, non, je ne céderai pas. Il est presque minuit, tu dois aller dormir. Regarde, tes yeux sont tous fatigués.
Le petit Pokémon protesta en essayant de décharger ses éclairs, mais ce fut un échec. N’ayant d’autre choix que de se rendre à l’évidence, il se glissa sur le côté et alla se coller à Aligatueur qui roupillait déjà depuis que le chevalier avait rencontré le Magirêve Gris de la légende. Je remontais la couverture sur ses petites épaules, lui souhaitant bonne nuit d’un bisou sur le front et reposais le livre à côté de mon réveil Roucool sur ma table de chevet.
- Bonne nuit les amis. Bonne nuit Sirius !
Mon colocataire ne répondit pas, absorbé par son travail. Sirius était un véritable Noctali. Peut-être pas dans la forme, mais il ne passait pas une semaine pendant laquelle il ne veillait pas au moins une fois très tard. Ses nombreux projets m’étaient inconnus, tout ce que je savais, c’était que son bureau était un véritable fourre-tout. Il y avait entre autre son matériel de couture et une partie de celui de mécano, mais ce n’était évidemment pas tout. Cette exigence, qu’il recherchait de lui-même, en faisait l’un des meilleurs élèves, si ce n’est le meilleur, de sa catégorie. Je souris en imaginant la tête qu’il ferait demain matin, le prix à payer pour avoir passer une nuit quasiment blanche. J’étais d’ailleurs peut-être le seul à l’avoir déjà vu dans cet état, avant qu’il ne se prépare pour sortir.
Mes pensées divaguèrent de Sirius vers d’autres élèves de l’académie dont j’étais proche, tandis que je recherchais le sommeil. Lentement. D’une extrême légèreté. Je sentais les brumes s’emparer de mon esprit. Doucement, le fil de ma pensée devint flou et je m’assoupis. Mon sommeil fut de courte durée. Ma radio, calée sur la fréquence de la police, s’alluma brusquement. Le son caractéristique de l’appareil, émettant divers grésillement, me tira de mon sommeil et je rouvrais instantanément les yeux, comme animé par une vigueur nouvelle.
« PSHHHT… Ici, Central… PSHHHT… recevez ? PSHHHT… signale sur les docks… PSHHHT… »
Je tendais un bras vers la machine pour ajuster la fréquence. Le message devint plus net.
« … appelons des renforts. Les individus sont armés et dangereux. Je répète. Les individus sont armés et dangereux. » La voix féminine laissa la place à la voix rauque d’un homme beaucoup plus âgé. « La section d’opération est déjà sur le coup. Ne… » L’échange se poursuivit quelques secondes encore, mais je ne les écoutais plus, perdu dans mes pensées.
Ces individus… La femme n’avait pas l’air de plaisanter lorsqu’elle disait qu’ils étaient dangereux, vraiment dangereux. L’homme avait l’air plus confiant, mais je… Je ne suis pas assuré que leur mission soit un succès. Si ces criminels sont sur l’île et parviennent à s’échapper, alors nous encourons tous un grave danger. Je ne peux pas leur laisser cette chance de s’en sortir, aussi infime soit-elle.
- Excusez-moi, pouvez-vous vous lever ? Disais-je en secouant doucement les épaules d’Ali et Pichu. Je dois récupérer quelque chose. Ali me regarda, étonné, en comprenant de quoi il s’agissait. Ne t’inquiète pas, je serais prudent cette fois. Sirius a fait des ajustements, tout ira bien, je te le promets.
Il n’avait pas l’air vraiment convaincu ou était-ce lié à la fatigue ? Dans tous les cas, je comprenais ses craintes. La dernière fois que j’avais porté ce costume, je m’étais retrouvé dans de beaux draps au sein d’une attaque de créatures toutes plus horribles les unes que les autres. Mais c’était aussi là, que j’avais perdu une partie de mon humanité. Là-bas, que j’avais perdu ma main.
Je regardais la prothèse mécanique qui remplaçait à présent ma main droite. Je fis bouger chacun de mes doigts, comme si je souhaitais m’assurer que j’en avais bien le contrôle. Puis cela étant fait, je chassais cette main de mes pensées et revenait au costume plié à quatre épingle dans ma mallette. De ma main robotique, je l’attrapais.
Me retrouver de nouveau équipé de cette armure me donnait un sentiment de puissance, mais aussi de peur. Bien que réparée et améliorée, je sentais le poids de notre vécu l’habiter et m’imprégner. Tel que le médecin me l’avait conseillé à l’hôpital, lorsque je faisais des cauchemars, je devais chasser les pensées négatives qui m’assaillaient. Oui, c’est cela. Cette armure n’est pas la cause de mes soucis. Ce n’était qu’un accident. Nous ne sommes pas effrayés, parce qu’ensemble nous sommes forts. Nous sommes Noctaman !
Je descendais de la mezzanine, ouvrais la fenêtre en grand et me tournais vers Sirius.
- Je dois sortir, j’ai une affaire à régler.
Le garçon ne m’accorda qu’un bref regard avant de se replonger dans son travail.
- Ok.
Je hochais de la tête et m’élançais par la fenêtre. Durant ma chute, j’écartais mes bras et recroquevillais mes jambes. Dans la nuit, personne ne me verrait chuter de la grande tour sombre des Noctali. A mesure que je tombais, je sentais la vitesse s’accélérer. Cette descente n’allait durer que quelques secondes, pourtant j’avais la sensation que c’était beaucoup plus long et intense. Je revivais.
Quelques mètres avant l’impact, je me préparais en optant pour une posture plus ouverte. Mes jambes devaient rester fléchies pour ne pas se briser avec le choc, tout comme le reste de mon corps. Mes semelles compensées à air comprimé firent le reste du travail d’elles-mêmes. Cependant, cela ne resta pas sans provoquer un grand bruit dans les environs de la résidence. Je déguerpissais aussitôt, avant que quelqu’un ne vienne farfouiller dans ce coin.
Sans un mot, je convoquais Arcanin et grimpais sur son dos en pleine course. Elle me laissa la guider en tirant délicatement sur ses poils pour lui indiquer la direction à prendre. Je lui expliquais notre destination une fois sortis de l’académie. Ma voix n’était plus la même que celle que j’avais employé devant Sirius. Un filtre était activé, qui me procurait la voix puissante d’un homme d’une quarantaine d’années.
- Nous allons aux docks de Nuevo. Des criminels sont entrain d’opérer, nous devons les arrêter sans que la police ne nous repère. C’est compris ?
- Roaaaaarcanin.
- Super. Dépose-moi à l’entrée du port, je me chargerai de les localiser après.
Devant la situation, Arcanin pressa le pas. Comme convenu, elle me débarqua à l’entrée des docks, où je la rappelais dans sa pokéball. Il était hors de question que j’emploie un seul de mes Pokémon cette fois-ci. Ma vie pouvait être mise en danger, la leur ne le serait pas, c’est pourquoi Ali ne m’avait pas accompagné et qu’Arcanin était mon unique coéquipière du jour.
Utilisant des containers empilés près d’un hangar, je gravissais ce dernier. Profitant de ma position surélevée, je passais d’un bâtiment à un autre après l’avoir sondé. Je devais à tout prix utiliser l’obscurité à mon avantage pour me mouvoir. Je ne me cachais pas dans les ombres, j’étais l’ombre. Celle qui viendrait s’abattre sur ces dangereux criminels. Celle qui mettrait fin à leurs méfaits.
Finalement, je ne les repérais pas dans les différents hangars, mais bel et bien à un quai d’amarrage, où s’entassaient les containers. Je prenais de l’élan et bondissais du toit à l’un d’entre eux. Avançant à pas de vouloir, à demi-baissé, je m’approchais des individus. Ils n’étaient que quatre et aucun policier n’était en vue pour le moment, ce qui signifiait que j’étais dans les temps. Toutefois…
- Qu’est-ce que…
Je me redressais de tout mon long, apercevant un cargo en approche mais surtout les tenus des criminels. Ils sont grimés en champions de la ligue Pokémon. Il ne me faut pas plus d’un coup d’œil pour tous les reconnaître. Il y a Peter, Maître de la ligue de Kanto. Blanche, Championne de l’arène de Doublonville. Narcisse, membre du Conseil 4 de Kalos. Et Cynthia… Maîter de la ligue de Sinnoh. Grrr… Comment osent-ils ? Ils n’ont aucun droit de revêtir les costumes de ces héros. Encore moins le droit de copier celle qui m’a pris sous son aile et m’a poussé vers le haut. Ils n’en ont pas le droit !
Mon poing se raffermit. Je serre les dents. Ils sont armés, mais ils ne pourront pas m’atteindre s’ils ne savent pas d’où je frappe. D’un bond, je descends de mon piédestal, de sorte à être encore couvert de leur vue. Je me fraye un chemin au travers des containers, sautant de l’un à l’autre, descendant, grimpant jusqu’à avoir réduit au maximum la distance qui me sépare d’eux. Par un mouvement rapide de la tête, je prends note de leur position par rapport à ma porte d’entrée sur la scène. Cinq mètres tout au plus nous séparent. En théorie, c’est plus que suffisant pour abattre un homme. Néanmoins, je peux bondir sur deux mètres avant qu’ils ne m’aient aperçus. Le temps qu’ils réagissent, je raccourcis la distance d’un mètre encore. Je déclenche alors l’une de mes capsules pour les éblouir. Je gagne une nouvelle seconde et bingo, je suis à portée.
J’inspire un grand coup et m’élance tel que je l’avais imaginé. Mes bottes me permettent de réduire considérablement la distance nous séparant. Ils me remarquent alors sortir des ombres et commencent à braquer leurs armes vers moi. Un nouveau pas. Je vois leurs doigts presser la détente, je libère alors la capsule que j’avais préalablement pris en main. Des étoiles se mettent alors à scintiller de partout, les obligeant à se couvrir le visage sur le coup. La seconde suivante, toujours aveuglés mais conscients du danger, ils braquent leurs armes et tirs une volée sur mon ancienne position.
Mon coude s’abat dans le ventre de celui qui était sur le côté gauche. Il se tord en criant pour avertir ses camarades, mais je lui assène un coup de genou dans le visage qui met fin à ses râles sur le moment. Narcisse, à terre. Les autres se tournent vers moi, j’ai juste le temps d’effectuer une rotation en donnant un coup de pied dans le bras de celui du milieu pour éviter qu’il me vise. En lieu et place, la balle tirée part dans le bras de Blanche qui se met à hurler. Profitant que j’ai le dos tourné, le quatrième se jette sur moi armé d’un couteau. Mon sonar me prévient juste à temps pour me permettre de me tourner de trois-quart et d’éviter le coup. Malgré la douleur de son bras transpercé, Blanche arrive à me mettre une mandale que je ne vois pas venir de son autre bras. Je titube un instant en arrière sous le choc et voit Cynthia pointer de nouveau son arme sur moi.
Mince, je suis à découvert ! L’arme n’attend pas que je me trouve une cachette et rugit dès qu’elle en a l’occasion, autant de fois que son porteur le peu en suivant mes mouvements. Je cours dans un premier temps, puis roule au sol et trouve finalement refuge derrière deux caisses en bois, qui ne tiendront sûrement pas le coup très longtemps.
- Mais putain, c’est qui ce type ! S’écrit l’un des types.
- Il a eu Luigi, on va le trouer.
- Ouais, fumez cet enculé.
Oups, ça ne sent pas bon pour moi.