Rapidement, Ranya se jette hors de son dortoir, tenue sportive sur elle et un sac noir pour l’accompagner, suivie de très près par Yggdrasil, son Emolga. Cet après-midi, la jeune fille a pas mal de boulot. Non pas scolairement parlant mais pour l’association de danse d’Adala. Un peu après la rentrée des vacances de Noel, l’enfant a reçu un appel pour le moins inattendu. Sa prof du conservatoire de danse de Johto en personne. Cela faisait un moment qu’elle n’avait pas entendu sa voix, et la blondinette ne s’attendait pas du tout à ce sermon. La directrice lui reprochait de ne toujours pas s’être inscrite dans l’association de l’île. Sa mentor a bien voulu lui pardonner pour son manque d’investissement sur Lansat mais pour Adala, hors de question que sa petite prodigue reste en retrait. D’après sa professeure, il y a des tonnes de bons coachs là-bas qui sauront lui faire atteindre un autre niveau, déjà plus élevé que le sien.

Mais sans vouloir se vanter, l’enfant ne comprenait pas comment elle pouvait atteindre un niveau encore plus élevé que celui qu’elle a déjà en danse classique. La pratique ne lui échappe pas et même si les plus grands professionnels lui diront qu’elle peut encore peaufiner certains pas ou mouvements, la blonde a l’impression d’avoir atteint des limites en la matière, du moins pour l’instant. C’est pour ça que la directrice lui a lancé un autre défi. Se mettre à la danse moderne. Bien sûr, Ranya a déjà participé à des séances d’initiation quant elle était à Rosalia, mais de là à réellement s’y mettre il y a un fossé. Pourtant, la scientifique a bien senti qu’on ne lui laissait pas vraiment le choix dans cette histoire. Alors la demoiselle a fini par se rendre là-bas, curieuse de découvrir l’environnement qui y règne.

Dans cette association, elle a fait la connaissance d’un certain Creighton (l’enfant n’a pas su son nom, il a refusé de lui dire tellement il le trouvait laid). C’est un jeune homme, la trentaine, métisse et baraqué avec des dreads. Après quelques recherches, elle a appris qu’il était très réputé dans les îles pour ses incroyables chorégraphies de danse contemporaine. Il a gagné plusieurs prix et son nom est très connu dans la région. Ok donc pas un touriste. Sur consigne de la directrice du conservatoire de Johto, il l’a pris en entrainement deux fois par semaine par séance de deux heures pour lui apprendre la danse moderne. Loin de la danse classique, la blonde doit apprendre à se forger un nouveau niveau dans cette discipline. Bien qu’elle puisse user de ses compétences classiques, c’est un tout nouvel effort qu’elle doit fournir, et l’impression de ne plus rien maitriser lui saute à la gorge.

Ranya a pour consigne de créer une chorégraphie de danse moderne sur une musique imposée. Elle a un mois pour le faire, sachant qu’elle ne doit utiliser que des mouvements qu’elle peut maitriser facilement. La scientifique a donc décidé de profiter de son après-midi pour continuer sa choré. Sans trop de souci, elle finit par atteindre le gymnase complètement vide. Son terrain d’entrainement parfait. Elle sort rapidement de son sac une enceinte noire JBL, assez puissante pour lancer le son à fond dans les lieux, d’ordinaire si calme sans la présence des diverses classes de l’école. Sa Emolga plane au-dessus du terrain, curieuse de voir sa dresseuse à l’œuvre. Vêtue d’un legging noir et d’un t-shirt gris très ample, l’enfant retirer ses chaussures et les jette sur le côté avant d’indiquer à Yggdrasil le top départ. La souris électrique lance alors la musique.

Woodkid – Iron.

Voilà le groupe et le morceau imposé. Au début, la danseuse a été un peu surprise par un tel choix. C’est beaucoup plus énergique que ce qu’elle a l’habitude de travailler. Mais après plusieurs heures d’écoute, Ranya en a compris le rythme et la façon dont elle pouvait enchainer les différents mouvements. Au rythme des paroles et des tambours, la scientifique enchaine les mouvements. Ses jambes s’agitent, se déploient et reviennent vers elle sans problème. Elle enchaine les sauts parfaitement maitrisés, déployant son talent pour la danse classique. Pour les bras, c’est plus difficile car ils ne sont pas utilisés de la même façon en classique. Ici, c’est plus vif, plus direct, plus énergique, moins souple, moins aérien, moins graphique. Mais la jeune fille ne faiblit pas. Elle continue de se concentrer et de se battre pour exécuter les mouvements qu’elle a répété.

Mais Ranya est orgueilleuse. Elle ne veut pas suivre cette consigne de son nouveau professeur l’obligeant à ne rester que sur du basique. Elle veut tenter, elle veut montre qu’elle aussi peut le faire. La blonde a vu les mouvements au sol que Creighton fait. Il y en a des basiques qu’elle pense pouvoir réaliser. Un saut vers le sol, un peu de force dans les bras, et elle pourra se relever sans soucis pour enchainer. En théorie rien de difficile. Alors, quand la demoiselle perçoit cette note qu’elle attend, elle se jette au sol. Surement trop vite. Surement sans expérience. Car impossible pour elle de placer ses mains correctement sur le sol dur du gymnase. Résultat, la danseuse s’est brulée les ailes. Elle retombe sur le sol avec force, faisant claquer tout son corps contre le parquet du terrain. Un échec qui a surpris la souris électrique, arrêtant immédiatement la musique pour aller voir sa dresseuse.

Se sentant humiliée, Ranya repousse son pokemon plus loin tandis qu’elle aperçoit quelqu’un, l’observant un peu plus loin depuis l’entrée de la salle de musculation juste à côté. Haineuse, l’enfant se contente de cracher.

Qu’est-ce que tu regardes ?

Ranya grogne. En plus de la fixer comme ça dans son entrainement solitaire, il se permet de se moquer d’elle. S’il se croit malin c’est raté. Plus en rogne contre elle-même que contre ce spectateur inconnu, la jeune fille se redresse sur ses bras pour finir assise en tailleur, les mains sur le sol derrière son dos, détaillant celui qui venait de la déranger. Il ne doit pas être plus vieux qu’elle. Ses cheveux à la limite du blanc contrastant avec sa peau légèrement métissée et coiffé plutôt bizarrement le démarque des autres garçons de son âge. Enfin bon quel garçon est normal à la PC ? Rien que Nico et sa teinture toujours bâclée suffit à le reconnaitre dans la foule. Toujours est-il que la danseuse ne le connait pas. Surement un nouveau de la rentrée de février qui a eu lieu il n’y a même pas deux semaines.

La scientifique hausse les sourcils quand le garçon poursuit. A quel moment a-t-il cru qu’elle avait besoin d’être consolée ? Ranya n’est pas une enfant. Ce n’est pas la première fois qu’elle chute, très loin de là. Elle n’a pas besoin de sa pitié, et encore moins de son air supérieur quand il croit avoir le moindre pouvoir sur elle. « Tu crois vraiment que je m’intéresse à ce que tu pourrais dire de moi ? Tout le monde connait ma réputation à l’école, personne ne prêtera attention à une petite chute de rien du tout au cours d’un mouvement que je ne maitrise pas encore. Tu devrais faire attention a qui tu parles avant de prendre tes petits airs supérieurs ».

Comme elle sait si bien le faire, Ranya crache son venin sur ce garçon inconnu. Quelques mots de travers ont suffi à la danseuse pour l’agacer, d’autant plus que le blond ne semble pas prêt de s’arrêter. Maintenant il affirme que sa musique le dérange. Il ne manque pas de cran. La jeune fille se relève d’un bond, observant dans le même temps le petit Osselait qui vient d’apparaitre et qui semble bien plus amical que son dresseur. Yggdrasil a l’air du même avis et adresse un petit cri au pokemon qui vient de rejoindre le petit groupe formé dans le gymnase. Un sourire narquois plaqué sur les lèvres, la blondinette retourne vers son enceinte, remet le morceau au début, et l’active de nouveau, un cran sonore plus fort.

Ça t’ira comme ça ?

Lui faisant face, Ranya ne perd pas une seconde pour reprendre sa chorégraphie. Encore plus concentré que tout à l’heure, elle fixe cet inconnu avec une certaine détermination. Jamais elle ne se laisserait écraser par un petit nouveau qui se croit supérieur à elle. Sur son terrain, il est hors de question de se laisser battre. Si le but est de savoir lequel est le plus piquant des deux, Ranya l’emportera haut la main.

Ranya a repris sa chorégraphie comme si ce ne rien n’était. Hors de question que la danseuse se laisse marcher sur les pieds. C’est ce gars qui devra s’incliner devant elle, et pas l’inverse. Ses pas n’ont pas changé depuis l’essai de tout à l’heure. Ce n’est qu’en pratiquant de plus en plus que la scientifique réalise les différences entre la danse classique et moderne. La danse classique, c’est la beauté, la grâce, l’émotion, la sensibilité. La danse moderne, c’est l’impact, la force, l’assurance, le rythme. Chacun de ces mots à un sens pour la jeune fille qui cherche sans cesse à les développer dans son art. Alors que le classique se concentre sur les formes rondes, souples et élégantes, le contemporain met plus l’accent sur un rythme à couper le souffle et une certaine vivacité quitte à être moins graphique au visuel. Un nouveau défi que l’enfant trouve plus qu’excitant.

Enfin ça aurait été le cas si cet inconnu n’était pas venu la déranger.

Elle a essayé ce mouvement et elle s’est ratée. Ça l’a énervé. Mais bien vite, cet agacement a été balayé par ce garçon qui se croit tellement meilleur qu’elle que ça en devient ridicule. Que peut-il bien faire dans cette salle qui l’occupe au point d’être dérangé par une musique de qualité ? Rien d’important surement. Il voulait juste l’embêter. La danseuse a eu l’espoir qu’en lui répondant ça, il ferait demi-tour et arrêterait de l’embêter pour rien. Grave erreur puisque l’inconnu s’avance désormais vers elle de son air non chaland. Ranya le suit du regard tout en continuant à danser, comprenant enfin que ce n’est pas elle qu’il veut atteindre mais son enceinte posée quelques mètres plus loin. Yggdrasil l’a bien compris et attend une certaine réaction de sa dresseuse. La jeune fille lui adresse un très léger signe de la tête. Elle n’a pas besoin de son Emolga, elle va gérer la situation elle-même.

Tout en continuant sa chorégraphie, elle se débrouille pour se rapproche doucement de son enceinte, guettant le bon moment où elle pourrait s’élancer. Fini le moderne qu’elle ne maitrise pas encore bien. Place au classique. Place à Iluzion. Sans hésiter, l’enfant reprend sa position initiale et sans aucun effort, elle se jette vers lui en grand jeté avant. Un pas classique que toute bonne danseuse sait faire à la perfection. Sa jambe gauche vers l’avant, sa jambe droite vers l’arrière, presque en grand écart, la danseuse parcourt en un bon la distance qui la séparait de son spectateur non désiré avant de se retrouver face à lui, l’empêchant d’accéder à son enceinte, déjà loin entre les pattes de son Emolga plant au-dessus du terrain. Voyant le garçon surpris, Ranya affiche un sourire de satisfaction. Il est peut-être plus grand qu’elle, mais là tout de suite, c’est elle qui domine.

Tu as fini ? Maintenant c’est soit tu acceptes que je mette ma musique et tu retournes t’entrainer tranquillement soit tu pars d’ici. Ou alors tu peux rester regarder si tu ne me gênes pas. Tu vas vite comprendre que je n’ai pas besoin de ta pitié pour avancer.

La blonde recule d’un pas, toujours ce petit sourire narquois sur les lèvres, son Emolga revenu sur son épaule, enceinte musicale entre les griffes bien qu’éteinte par la petite souris.

Au fait, moi c’est Ranya. Ou Iluzion si tu préfères. Si ça te dit rien, ce qui est très probable, t’as qu’à regarder sur ton Ipok tu devrais mieux comprendre.

Ranya ne se laisse pas démonter. En même temps ça ne risque pas, surtout face à un petit malin dans son genre. Il n’est pas question qu’il impose sa loi ici. Ce n’est pas la première fois qu’elle s’entraine dans ce gymnase, très loin de là, et personne ne l’a jamais embêté pour des histoires de musique. Même quand elle était nouvelle, Calua qui pourtant était à l’école depuis plus longtemps qu’elle n’a pas demandé une seule seconde à ce qu’elle arrête. Alors le petit nouveau n’a aucune excuse valide pour le faire. Mais la blonde n’est pas non plus trop bornée, elle fait un geste vers lui, pour qu’il essaie de comprendre pourquoi elle se permet d’imposer la danse dans ce gymnase, que son talent ne sort pas de nulle part. Mais visiblement il n’en a rien à faire et se contente de tourner les talons, lui disant enfin son prénom.

Angel Thomas. Alors comme ça lui aussi est connu ? La blonde, qui elle ne peut pas ignorer cet appel de la célébrité, va chercher son Ipok dans son sac pour taper son nom dans le moteur de recherche. Angel Thomas voyons voyons. Il n’y a pas grand-chose, mais effectivement quelques échos d’Adala mentionne son nom. Ranya ricane. Il ose comparer ces quelques articles locaux à ce que la presse internationale a pu titrer à son égard ? Il n’a pas froid aux yeux. Mais qu’importe, la danseuse n’est pas là pour juger la valeur d’une carrière sportive sur une autre. La jeune fille est là pour constater que peut-être il n’est pas autant un touriste que prévu.

« Angel Thomas mène son équipe à la victoire dans le championnat régional de football de l’archipel Mythis ». C’est bien, ton nom apparaît sur des journaux locaux. Je n’en attendais pas autant. Alors comme ça tu fais du football ? Pratique très noble, mais si je peux me permettre le gymnase n’est peut-être pas le meilleur endroit pour faire du foot.

En jetant à nouveau un œil sur le fameux article, Angel est décrit comme un jeune garçon plein d’espoir pour l’avenir du sport de haut niveau bien qu’il n’ait pas encore brillé en compétition international. En résumé, il lui reste le plus difficile à franchir. L’enfant coupe son téléphone et le lance dans son sac, sans pour autant relancer sa musique. Yggdrasil reste dans les airs en planant, l’enceinte toujours accrochée à ses pattes, attendant le signal de sa dresseuse pour appuyer de nouveau sur le bouton marché. Mais Ranya est joueuse. Avant que le fameux Angel ne disparaisse dans cette petite pièce, elle l’interpelle.

Tu sais quoi. Je vais t’accorder une chance. J’arrête mon entrainement pour l’instant. Je vais venir voir ton entrainement et si je juge qu’il a suffisamment d’intérêt je baisserais ma musique. Sinon je remettrais comme avant.

L’enfant ne cherche pas du tout son accord ou non et s’approche de lui et de sa fameuse salle d’entrainement. Des sacs de frappe et quelques machines de musculations la composent. Equipement simple mais efficace. Voyant le blond toujours planté dans le gymnase, Ranya recommence.

Bah alors qu’est-ce que tu attends ? Je vais pas passer la journée plantée là.

Lorsque le blond s’est enfin décidé à s’avancer vers sa salle d’entrainement, Ranya prend place appuyée contre le revers de la porte, regardant depuis là ce qu’Angel s’apprêtait à lui montrer. De la boxe donc. L’enfant ne s’y connait pas spécialement et ne s’y est jamais vraiment intéressé. A voir si le sportif arrivera à rendre ça intéressant pour une novice complète en la matière. Toutefois, la danseuse ne s’attendait pas à ce qu’il jette au sol son t-shirt, le laissant torse nu. Le pire, c’est qu’il en est fier, comme s’il avait fait ça juste pour faire plaisir à la jeune fille. En vérité elle s’en fiche pas mal, même si elle n’a pas pu s’empêcher de rougir légèrement face à lui. Ranya est obligée de reconnaitre qu’il est plutôt mignon, rendant le tout encore plus agréable à regarder.

Angel finit par commencer, enchainant des coups sur un rythme précis, bien déterminé à l’avance. Comme une sorte d’échauffement. La blonde regarde attentivement, sans pour autant y trouver le moindre intérêt justifiant tout ce cinéma pour sa musique. Seulement, l’idée de s’entrainer avec son pokemon n’est pas idiote. Un peu à la façon des coordinateurs, le garçon entraine son pokemon en même temps que lui à des performances certes adaptées à son gabarit mais relativement équivalente. Une bonne idée que la danseuse ne peut pas reprendre de la même façon mais qu’elle souligne comme intelligente.

Toutefois, le sportif a l’air de calmer le rythme, comme s’il se préparait à faire autre chose. Sans réel élan, il jette son pied en arrière avant de sauter. Un coup de pied retourné. Figure très connue car elle s’adapte à des tonnes de sports et pratiques. Même en danse. Seulement voilà, de la même façon qu’elle tout à l’heure, Angel ne maitrise pas le mouvement et finir étalé par terre avant même que la coordinatrice ne puisse réagir. La jeune fille voit que comme elle tout à l’heure, son dos a tout pris. Ce n’est pas très agréable. De meilleure humeur qu’il y a quelques minutes, Ranya tend sa main vers le garçon.

Bien essayé. Cette figure me parle plus que tes premiers coups.

En s’aidant du poids de son corps, la blonde parvient à relever le garçon sans trop de mal. Il se retrouve de nouveau en face d’elle, laissant le temps à la danseuse de réfléchir un instant. Elle a vu de quelle manière il s’y était pris pour faire son coup, bien que manqué. La coordinatrice décale ses pieds tout en réfléchissant avant d’enfin relever la tête vers le garçon.

Je n’y connais rien en boxe. Mais ton coup de pieds retourné rappelle pas mal de compétence qu’on utilise tout le temps en danse.

Sans attendre une quelconque réponse de la part d’Angel, la jeune fille lève sa jambe sans aucune difficulté jusqu’à atteindre le puntching ball, sans sauter du tout. La souplesse est l’un des poids forts de Ranya. La blonde laisse son pied se déplacer très lentement sur la balle, comme cherchant quelque chose. Au bout d’un moment, elle repose son pied au sol pour se remettre à parler.

Pour comparer de manière un peu grossière, ton coup est comme un saut en danse. Si tu penses que tu n’attendras pas l’objectif, tu ne l’attendras pas. Comme dans tout sport, il y a beaucoup de technique, en danse classique particulièrement. Mais il y a aussi le feeling, l’instinct du danseur, ou de la boxe pour toi. Cette petite sensation qui te fait prendre confiance. Plus tu te poses de question et moins ça va marcher. Comme le saut que j’ai fait tout à l’heure, le grand jeté. Je n’ai pas douté une seconde de moi pour le faire, et je savais que je réussirais, que j’atterrirais pile devant toi. Tu me diras tout à l’heure aussi je n’ai pas réussi quand je me suis mangée le sol. Mais écoute mon conseil. Fais-toi confiance et ça va le faire.

Un sourire au coin des lèvres, l’enfant reprend sa place contre la porte, le pied contre l’entrebâillement de la porte, levé le plus haut possible pour qu’elle puisse en profiter pour s’étirer. Maintenant, il ne reste plus qu’à voir s’il va réussir son fameux coup de pieds.

Ranya n’a aucune idée de si son message est bien arrivé jusqu’à Angel. C’est plus fort qu’elle, la blonde ne sait pas toujours s’exprimer correctement. Dans ce cas-là, elle ramène tout à la danse. Parce la danse c’est toute sa vie, tout ce qui la construit, et vouloir se battre contre ça à son arrivée ici a été une erreur. Même si elle a fait mine d’être agacée par cette inscription à l’association de danse d’Adala, au fond d’elle cela se présente comme un nouveau défi. L’âme d’artiste, l’âme de danseuse qu’il y a tout au fond d’elle s’est agitée à nouveau, comme prête à resurgir à n’importe quel moment, à déployer ses ailes pour embrasser cette carrière qu’on lui a toujours souhaité.

Mais ça, c’est la barrière que l’enfant ne franchira jamais. La danse est comme l’essence même de sa propre vie, mais elle n’en deviendra pas la finalité. Les projets de la jeune fille sont désormais très clairs, et même si la danse en font partit, elle ne deviendra jamais le but à atteindre. Parce que son propre but, elle l’a déjà atteint. S’épanouir en dansant. La scientifique n’en a jamais demandé plus.

Absorbée par ses propres réflexions, Ranya a tout juste le temps de se concentrer pour réaliser que le sportif avait réussi son coup. Avec plus ou moins d’assurance, il est parvenu à décoller pour toucher ce punching ball. La jeune fille sourit. Finalement, il ne lui manquait vraiment pas grand-chose pour réussir. Pas la peine d’en faire tout un drame pour baisser la musique. En comparaison à son pas manqué de tout à l’heure, il allait lui falloir bien plus de temps que ça pour le réussir correctement. Qu’importe, en entendant les mots d’Angel, Ranya ne peut qu’éclater de rire.

On dirait que ça t’arrache la gorge de me dire merci. Il va falloir ranger ce trop plein de fierté et accepter qu’une fille t’aide, parce que tu vas avoir besoin de souplesse pour améliorer tes retournés. Et je crois qu’à l’académie tu ne trouveras pas plus souple que moi. Un autre merci avec autant de bonne volonté et peut être que j’accepterais de t’entrainer là-dessus.

La blondinette rigole à nouveau. Pour elle, la souplesse c’est comme une seconde nature. C’est bien la première chose que l’on apprend aux danseuses pour pouvoir révéler tout leur niveau. Seulement pour Ranya, c’est un peu différent. Comme elle a commencé très jeune, elle n’a jamais eu besoin d’acquérir une souplesse extraordinaire car elle possédait déjà la souplesse naturelle des jeunes enfants. Elle n’a eu qu’à la conserver et la développer encore plus pour révéler tout son talent.

Finalement, on en revient à cette histoire de musique. La danseuse affiche un sourire narquois avant de répondre.

Tu as gagné, je vais baisser la musique, mais juste un peu.

Alors que la scientifique tourne déjà les talons, la suite des paroles d’Angel la surprend. Elle croyait qu’il n’avait vraiment aucun intérêt pour la danse. Le voir demander si poliment relève presque du miracle. Pour toute réponse, Ranya se contente de rire à nouveau avant de reprendre.

Bien sûr que tu peux. Tu ne seras mon premier public je te rassure. Et je suis d’accord pour aller piquer des gâteaux chez les Mentalis. En plus j’ai une connaissance dans ce dortoir elle pourra nous couvrir si jamais on se fait choper.

La blonde retourne dans le gymnase, auprès de son gros sac de sport noirs et en sort ses chaussons de danse classique. Pour aujourd’hui, le moderne c’est terminé. Ranya a besoin de revenir vers le classique. Etonné, Yggdrasil s’approche d’elle, l’enceinte toujours accrochée à ses pattes à la recherche d’une explication de sa dresseuse.

Je vais m’échauffer, et ensuite je vais vous montrer la chorégraphie qui a fait toute ma renommée.

En quelques clics sur l’enceinte, l’enfant bascule de chanson et la met en pause, le temps de d’échauffer bien correctement, notamment au niveau de la souplesse. Angel a parlé d’un quart d’heure, très bien elle s’échaufferait pendant ce temps-là. Cette chorégraphie n’est en soit pas très difficile ni impressionnante mais elle a une valeur symbolique très forte pour la jeune fille. C’est en montrant cette danse au conservatoire que son nom est sorti de l’ombre, que Ranya ne serait plus jamais la simple élève du conservatoire.

Elle avait 5 ans.

Elle allait s’élever à un autre niveau, à quelque chose de plus grand encore.

La musique démarre, et ses yeux se ferment pour revivre l’instant, comme si c’était hier.

Les premières notes au piano ont démarré, et Ranya s’est envolée.

Cette chorégraphie a une valeur dans son cœur que jamais aucun spectacle ne pourra dépasser. Pourtant, il n’y a rien de très impressionnant. Aucun saut vertigineux, aucune figure risquée, aucun enchainement très techniques. Non, il n’y a rien de tout ça. Il n’y a que la simplicité d’un art, celui de la danse. A travers ses quelques pas que l’enfant enchaine sans se poser la moindre question, comme si tout était déjà encré en elle, la danseuse exprime ses émotions. Son amour fou pour la danse.

Elle s’en souvient parfaitement. Le jour où elle l’a fait la première fois devant les hauts membres du conservatoire. Sa professeure lui a tout appris. Le moindre geste avait été revu, de sorte à les émerveiller, à montrer tout le talent dont pouvait faire preuve une petite fille. A 5 ans, Ranya montrait déjà des dons extraordinaires pour la danse classique. Certains disaient même qu’elle était née pour ça. Née pour danser. Née pour briller. Née pour émerveiller.

Chaque geste, qu’il soit lent ou rapide, s’accompagne d’une multitude de souvenir. Ceux du jour où elle s’est envolée. Ceux du jour où son monde a véritablement basculé. Ceux du jour où son talent a été révélé. Aujourd’hui, quand elle refait ces pas à nouveau, elle prend confiance. Chaque note sur le piano lui rappelle d’où elle vient, ses atouts, sa force. Elle se rappelle de ces durs entrainements pour en arriver là. Elle se rappelle de ses camarades qui ont chuté sur le long chemin de l’apprentissage. Elle se rappelle de son groupe diminuer chaque année.

Elle se rappelle du jour où elle a fini seule.

La musique s’arrête, permettant à l’enfant de remettre les pieds sur terre. Quasiment allongée contre le sol, ses yeux s’ouvrent à nouveau, très légèrement brillant. Tous ces moments vécus par le passé lui ont sauté à la gorge avec une certaine violence. Comme toujours la danse l’emporte trop loin, trop profondément en elle-même et dans ses peurs.

Sa torpeur prend fin lorsqu’elle entend enfin les applaudissements joyeux de l’Osselait du sportif, en tout cas bien plus important que ceux de son dresseur qui se contentent d’exprimer une simple forme de politesse. Ses mots la piquent, lui permettant toutefois de chasser cette légère vague d’émotion.

Tu exagères. Je ne sais pas ce qu’il te faut franchement. Heureusement que ton pokemon est plus intéressé que toi sinon je l’aurais mal pris. Je plaisante. Il me faut plus que ton avis sans valeur pour me remettre en question.

Rapidement, la danseuse se relève et jette ses diverses affaires dans son sac ainsi que ses chaussons qu’elle troque pour une paire de basket plus conventionnelle. Une fois son sac sur l’épaule, elle regarde le blond en rigolant.

Moi aussi je commence à avoir faim. Heureusement que tu es avec moi sinon tu ne serais jamais rentré dans le dortoir. Je crois même que ça mérite un autre merci. Et rhabille toi s’il te plait ou tu vas faire un carnage dans le dortoir.

Quelle idée de sympathiser avec le nouveau bad boy de l’école aussi.